mardi 30 juillet 2024

Comme un air de vacances


La tension entre le besoin de tranquillité et le désir de contact, entre l’amour du quant-à-soi et la curiosité pour les autres, n’est jamais résolue définitivement. La taupinière assiégée Les introvertis et la promo. Blog de Mona Chollet  

Petite expédition à Royan à l'occasion d'un minuscule salon du livre, prétexte à retrouvailles avec mes terres d'enfance. Le salon un peu décevant. A ma droite, une écrivaine vendait des romans policiers à tour de bras. A ma gauche, une dame charmante et mal voyante proposait  l'histoire de son chien guide. L'une comme l'autre asséchaient les finances de ceux qui auraient pu s'intéresser à ma prose  Il faut dire que je suis une piètre attachée de presse de moi-même. C'est un exercice où je suis très mal à l'aise. Voir ce qu'en dit Mona Chollet en cliquant sur le lien ci-dessus


J'ai eu le plaisir de retrouver une amie de lycée après une longue éclipse. Elle m'a donné des nouvelles de certaines de mes connaissances. C'était très agréable. Nous nous sommes promis de renouer un lien pour le moins distendu.

Promenade le long de la côte, odeurs anciennes, je constate avec plaisir que les algues qui avaient presque disparu sont de retour. Un signe de meilleure santé de l'océan? 

Parties de scrabble avec ma sœur, seules occasions pour moi de jouer. Je gagne avec seulement quelques points d'écart.

Repas de langoustines, de moules, de seiche et visite du marché avec ses langoustes et ses homards  attendant dans leurs aquariums la main fatidique qui va les peser, les emballer avant qu'on les ébouillante ou les grille.




Visite de Mornac, un des villages courus des touristes que j'ai souvent fréquenté hors saison parce que j'aime me promener le long des cabanes d'ostréiculteurs. Cette fois, il était un peu envahi mais j'ai regardé avec amusement un gamin plonger dans la Seudre suivi immédiatement de son chien, remontant de concert jusqu'à la rive pour plonger à nouveau.






En dépit du vent froid et des nuages lâchant par moments de courtes averses, j'ai réussi à me baigner. Bonheur de se laisser porter par les vagues. En revanche, un jour, la mer bastonnait et je ne suis plus suffisamment à l'aise avec la violence du flux et reflux dont nous nous amusions tant avec mes copines. Si j'aime encore la plage, je n'y reste plus très longtemps comme je le faisais avec un livre ou en compagnie d'un.e ami.e.



Retour, visite de mon fils pour me sauver d'une arnaque de hacker et reprise en main du jardin avant dépérissement, faute d'arrosage. Nous abordons des temps de canicule.  36° aujourd'hui et cela devrait durer.

Alors, un peu de temps pour écrire tous stores baissés, en compagnie d'Ibrahim Malouf que j'ai eu le plaisir d'écouter en concert à Lisle sur Tarn, le village où j'ai habité pendant une année de transition      

 



Ajouté en dernière minute, requiem pour Charles Juliet " Lambeaux," considéré à juste titre comme son chef d'œuvre

mardi 16 juillet 2024

Comment dire ?

Soulagement bien-sûr. Et maintenant ? On est à nouveau dans les chamailleries. Il faut reconnaître que l'exercice n'est pas simple. Chacun veut être représenté à la "hauteur" qu'il pense être celle de son parti (et de ses propres ambitions personnelles. Il y a d'anciennes guerres qui resurgissent. LFI subit une hémorragie de représentants et non des moindres. Il y a ceux qui ont été exclus avant le vote et ceux qui partent pour incompatibilité avec une gouvernance jugée non démocratique. Pendant ce temps de latence, la droite tente de se récupérer pour constituer un groupe "plus gros" à opposer à ceux qui par leur nombre ont gagné les élections.

  


  • UG Union de la gauche (le Nouveau Front populaire) : 178 sièges
  • ENS Ensemble! (camp présidentiel) : 150 sièges
  • RN Rassemblement national et ses alliés : 143 sièges
  • LR Les Républicains : 39 députés
  • DVD Divers droite : 27 sièges
  • DVG Divers gauche : 12 sièges
  • REG Régionaliste : 9 sièges
  • HOR Horizons : 6 sièges
  • DVC Divers centre : 6 sièges
  • UDI Union des Démocrates et indépendants : 3 sièges
  • SOC Parti socialiste : 2 sièges
  • DIV Divers : 1 siège
  • ECO Écologistes : 1 siège

La politique partisane est, de mon point de vue, obsolète. La gauche ne devrait pas oublier que c'est la société civile qui a animé un grand mouvement de mobilisation pour soutenir le front républicain. Les uns comme les autres ne devraient pas oublier non plus qu'ils doivent leur mandat aux électeurs de l'autre camp. Ni que le RN, attend tranquillement la prochaine échéance qu'il devrait gagner si un ressaisissement ne s'opère pour évacuer tout ce cirque et organiser de vrais débats dont l'issue ne serait pas faussée par la perspective de la Présidentielle mais réellement focalisée sur le sauvetage d'un pays dont la dette est de 110% du PIB, le déficit à 5,5% ,  les services publics en capilotade et la société plus fracturée que jamais. Pendant que la gauche s'écharpe, Attal, ministre démissionnaire, président nouvellement élu du groupe Renaissance, manoeuvre pour apparaître le sauveur de la situation.  

En attendant, je vais aller au Salon du livre de Royan. L'occasion pour moi de revenir sur mes terres d'enfance 

Peut être une image de texte

 J'espérais y revoir une amie d'enfance. Hélas, j'ai appris qu'elle vient de mourir le premier juillet. Triste.

Mais j'ai rendez-vous avec une amie commune, nous évoquerons sa mémoire en dégustant un verre dans ce café du bord de mer qui fait partie des incontournables quand je vais à Royan, ou plutôt Pontaillac.




vendredi 28 juin 2024

« S’opposer sans se massacrer »

Cette formule est la proposition de Mauss,  citée dans un intéressant article de Philippe Chanial dédié à la situation actuelle en France où nous sommes au bord du volcan.

Réinventer un narratif, voilà tout l'enjeu. Eviter de rabâcher les mêmes antiennes qui n'ont abouti qu'à la désillusion. Cesser de faire croire qu'on peut  sortir du chapeau des milliards compensatoires à toutes les frustrations, les indignités, les désolations qu'un système résolument dissolu a engendré. Mais plutôt rétablir les solidarités anciennes qui se sont dissoutes dans l'absurde impératif de compétition. Cesser de faire rimer décroissance et frustrations, sobriété énergétique et retour à la bougie. Pour contrecarrer les dégâts de l'hubris qui a débouché sur un gâchis des ressources et des humains, revoir quels sont les besoins élémentaires que tout Etat doit garantir - car c'est son seul rôle légitime-. Supprimer la cheffaillerie et encourager la créativité et l'autonomie tout en soutenant la coopération des êtres entre eux. Mais bien-sûr nos grands prédateurs ne sont pas prêts à lacher prise et sont  à la manoeuvre avec les médias qu'ils possèdent majoritairement. Les égos sont sur les starting blocks et "le gendre idéal" se pavanne sans vergogne, il s'y croit comme on dit. Allons-nous pouvoir conjurer cette calamité ? Examiner la carte du vote aux européennes n'est pas très encourageant. La propagande honteuse du camp de la droite ( l'antisémitisme supposé de LFI) et le tapis rouge déroulé sous les pieds du jeune coq non plus. 

Trouvé sur le net, une illustration humoristique d'une ineptie répétée comme un mantra

Je viens de lire le dernier livre de Jean Paul Dubois, "L'origine des larmes". Un homme tire deux balles dans la tête de son père alors qu'il est déjà mort. Ce meurtre qui n'en est pas un est sanctionné par une obligation de suivi psychiatrique. Le livre est construit sur les séances (autant de chapitres ) qui nous font entrer dans le passé de Paul  Sorensen et les légitimes raisons de sa détestation du père, un vrai pourri. Il y a la maestria de l'écriture de JPD et ses formules sarcastiques. Le personnage est un homme qui n'a jamais commencé à vivre, dont l'élan vital a été broyé par un père odieux. Paul est à la tête d'une entreprise de housses mortuaires héritage de sa mère d'adoption (sa mère biologique est morte à sa naissance en même temps que son frère jumeau) qu'elle a réussi à préserver de la prédation du père. Paul fait commerce de la mort, ça nous vaut quelques belles pages sur l'industrie en question. Il est lui-même un peu tenté de s'y rendre mais au final il se trouve une porte de sortie que je ne saurais dévoiler ici. L'ironie et la mélancolie de JPD à son plus haut degré.  

 


J'ai eu envie de relire à la suite "Une vie française ". Le père est au contraire un être doux et la mélancolie est son tempo de fond après la mort du premier fils qui manque aussi terriblement au second. J'aime retrouver des références que je partage avec JPD, nous sommes de la même génération. Et avons visiblement les mêmes goûts et dégoûts, ces derniers notamment des grimaces de la scène sociale, de l'arrogance des petis princes et du mauvais sort fait à ceux qui ne cherchent pas à briller à tout prix . Je ne sais pas ce qui relève de l'autobiographie dans ce roman, il dit lui-même que toute écriture est nourrie de l'expérience de l'écrivain quelle qu'en soit la transfiguration, mais il se raconte des années 50 (date de sa naissance)  au 21ème siècle en découpant son livre au rythme de la succession des présidents de la 5ème République. Cette fois, Paul est amoureux puis marié, puis père, avec une femme hyperactive tandis que lui se coule sans  déplaisir dans les tâches du quotidien (qu'il valorise au passage). Il devient soudainement célèbre et riche sans l'avoir recherché accédant ainsi au luxe, non des possessions -sa femme se charge de le prier d'investir dans une maison luxueuse- mais de ce vrai luxe qu'est le temps disponible, libre. Jean Paul Dubois dans une interview revendique un droit à la paresse, l'oisiveté heureuse -ou pas - mais débarrassé des l'assignation à produire   On suit ses démélés avec l'inéluctable du couple qui se délite par divergence d'aspirations et de points de vue.  Une vie parmi d'autres incroyablement banale et cependant empreinte de toutes les fluctuations d'esprit et de corps d'un humain qui s'affronte à la difficile affaire de durer. 

J'aime l'homme et j'aime l'écrivain. Il était présent au Marathon des mots ce mercredi et je n'ai pu obtenir une place pour aller à sa rencontre. Grosse frustration.      

Quelques bribes sur mes récentes pérégrinations.

Metz où j'ai découvert les vitraux extraordinaires de la cathédrale  Saint Etienne  6500 metres carrés de surface vitrée, dont ceux conçus par Chagall.

 

Metz a son Beaubourg dont l'architecture est visible de l'intérieur


Sa gare est particulièrement riche du fait de son passé allemand, l'empereur aimait y séjourner et est intervenu dans la réalisation à divers moments de sa construction. Une architecture controversée mais dont la générosité est inattendue dans une gare 


 


En 2021 une statue grandeur nature de Charles De Gaulle a parachevé la reprise en main de la gare, marquée par son antéroiorité dans l'empire rhénan, avec gravée sur son socle « Metz a été martyrisée, torturée, déchirée. Mais pas une minute, Metz n'a renoncé à la France », visite du à Metz »

En mai la Moselle était en crue. Les étudiants de cette ville bénéficient d'un campus très agréable et rejoignent leur université grâce à une navette fluviale, qui ne circulait plus depuis quelques temps, la rivière n'étant plus navigable.

 

A Genève, en juin, on pouvait se baigner dans le Rhône. Je ne m'y suis pas risquée, mais nos collègues de l'Est se sont empressés de prendre un peu de temps pour le faire. Il faut dire que la clarté des eaux y invitait


Nous avons visité MACO une recyclerie qui comportait plusieurs ateliers, un entrepot dédié à la récupération de matériaux de toute sorte, notamment les décors de tournage de cinéma et la démolition de batiments,  un fab lab, un lieu de location d'objets de la vie quotidienne, de troc de vêtements, etc. Le principe : ne rien envoyer à la déchetterie, revaloriser tout ce qui peut l'être.




Il y avait le 14 juin une mobilisation commémorative de la plus grande grève générale  des femmes en juin 1991. A 15h 24, chacune est invitée à pousser le cri de l'égalité. Ce timing est calculé comme étant le moment où les femmes commencent à travailler gratuitement. En France on compte en mois, c'est à partir du 6 novembre. Illustration de l'inégalité salariale 

 

Nous avons fièrement accepté de brandir une des banderoles

 Nous étions accueillis dans un espace collaboratif,
une coopérative d'habitants où se sont déroulées nos séances de travail.


Et bien sûr nous ne manquons jamais les temps de bonne chère, favorisant  indiscutablement bonne humeur et liens d'amitié


 Et nous en avons bien besoin!


 

samedi 18 mai 2024

Comment sortir du Labyrinthe des égarés

 

« Ce qui importe pour un citoyen, c’est son comportement dans la cité, pas ses préférences métaphysiques. » Confucius 

J'ai retenu cette pensée pour introduire mon propos au cours d'une intervention dans l'ESCA (European Space for alternatives un regroupement de plusieurs organismes activistes pour la paix.

 Hébergé au sein de la Friche de mai, cependant éclaté dans plusieurs lieux, j'ai eu du mal à évaluer sa fréquentation.

En revanche, une occasion de revoir Marseille et d'entendre la suite des évènements de  la rue d'Aubagne, par un de celleux qui se bagarrent pour que les habitant.e.s soient relogé.e.s dignement et que les immeubles dangereux soient réhabilités sans être vendus à l'encan comme cela s'est beaucoup produit  Le dossier est loin d'être refermé, plus de cinq ans après l'effondrement des immeubles,  alors qu'un nouvel accident s'est produit le 9 avril dernier à  0h46, au 17 rue de Tivoli. Il semblerait que ce ne soit pas la vétusté qui soit en cause mais une explosion au gaz.

 A Marseille la pluie était dissuasive pour la promenade mais j'ai pu faire une petite visite au MUCEM sans avoir le temps de faire mieux que contempler la mer au travers des claustras 

 

 

Le texte en exergue est cité par Amin Malouf dans son livre formidable, Le labyrinthe des égarés : l'Occident et ses adversaires*essentiel récapitulatif des événements politiques qui ont conduit le monde à l'état dangereusement explosif où il se trouve actuellement. Il retraçe "l'itinéraire de quatre grandes nations : d'abord le Japon de l'ère Meiji, qui fut le premier pays d'Asie à défier la suprématie des nations « blanches », et dont la modernisation accélérée fascina l'humanité entière, notamment les autres pays d'Orient, qui tous rêvèrent de l'imiter ; puis la Russie soviétique, qui constitua, pendant trois-quarts de siècle, une formidable menace pour l'Occident, son système et ses valeurs, avant de s'effondrer ; ensuite la Chine, qui représente en ce vingt-et-unième siècle, par son développement économique, par son poids démographique et par l'idéologie de ses dirigeants, le principal défi à la suprématie de l'Occident ; et enfin les Etats-Unis, qui ont tenu tête à chacun des trois « challengers », et qui sont devenus, au fil des guerres, le chef suprême de l'Occident et la première superpuissance planétaire.  

 Le labyrinthe des égarés : l'Occident et ses adversaires

Puissante réflexion adossée à une connaissance impressionnante de l'histoire politique du dernier siècle. 

A la suite j'ai lu "Nos frères inattendus "un roman sous forme de dystopie à la fois effrayant et amusant, du moins le sujet est-il inquiétant et le traitement ironique et plutôt joyeux même si le fond du propos est la menace nucléaire.  La couverture est d'ailleurs dans l'esprit du livre. 

Nos frères inattendus

Je n'avais pas encore évoqué le livre de Chloé Delaume ou plutôt le livre collectif "Sororité", terme réintroduit après un long purgatoire pour désigner la faternité conjuguée au féminin, un rapport de femme à femme, indéfectible et solidaire. Rabelais l'avait exhumé de son emploi religieux au XVIè siècle  mais il est resté relégué par le patriarcat jusqu'à sa réhabilitation dans les années 70 puis sa disparition à nouveau. Il semble qu'il prenne enfin toute sa dimension. Il aura fallu toutes ces années pour que les femmes découvrent qu'on occultait le terme au prétexte qu'il était impensable de prêter aux femmes une quelconque capacité à entretenir avec d'autres femmes une relation dénuée de rivalité. Peu à peu le système de domination est mis à nu avec des termes qui nous viennent d'outre atlantique  "manterrupting"le fait qu'un homme coupe la parole sans raison à une femme, "mansplaining" le fait qu'un homme explique à une femme ce qu'elle sait mieux que lui, "manspreading" le fait qu'un homme écarte les jambes dans les transports en prenant toute la place, biopropriating, le fait qu'un homme s'empare des idées et des inventions d'une femme en laissant croire qu'il en est l'auteur.

La mise en concurrence des femmes est orchestrée. Pour en déjouer les incidences il faut traquer les chausse-trappes qui nous conduisent à adopter à l'égard de nos alliées naturelles des stratégies de rivalité.C'est une démarche consciente, une éthique de vie qui nécessite empathie, ouverture et confiance, à rebours de ce qui nous a jusqu'ici formatées.

"Cet ouvrage collectif est un geste sororal.  Ici quatorze femmes se penchent sur le sujet (...) racontent, interrogent, explorent ce qui constitue pour elles ce lien si particulier." (Chloé Delaume dans son introduction).

Sororité 

Un outil pour reconstruire l'humanité en reparant l'amputation d'une moitié d'elle-même  qu'elle a subi au cours de ces siècles d'obscurantisme religieux et patriarcal .

Un petit tour au pays basque espagnol avant de se quitter

La plage de Zarautz

 

L'ancêtre du home cinéma ( Musée de la photographie à Zarautz)

La Kontcha de San Sebastian vue du Mont Igueldo (par le funiculaire)

Les coiffes qui désignaient l'appartenance à un métier, une confrérie

Au musée, on trouvait aussi le solex

Santilliana del Mar,  

 

La Collégiale romane Sainte Julienne

Ce n'était qu'une petite escapade , il faisait froid et il pleuvait de temps à autre. San Sebastian est une ville animée. Nous avons mangé des pintxos dans la vieille ville bien-sûr, exploré le Musée San Telmos et approché ainsi, un peu, la culture basque. J'ai pu tremper mes pieds dans l'océan, mais ne serait pas allée au-delà, le maillot est resté dans la valise. Nous sommes passés à Guernica ( Gernika-Lumo en basque), visite éprouvante, en particulier la séquence où, enfermés dans une pièce sombre, nous vivons la simulation d'un bombardement. Le musée de Guernica est consacré à la paix et une série de photos présente des épisodes célèbres de réconciliation.   Le récit des réfugiés du camp de Gurz  et la honte qu'on éprouve en tant que Français.e pour les traitements inhumains infligés. Plus loin, la plage de Bakio était noyée de brume et nous avons renoncé au Sanctuaire de Gaztelugatxe. Nous étions préparé.e.s aux 241 marches qui y mènent, mais la queue pour le droit d'entrée et la contemplation de  la déambulation de la cohorte tout le long de l'ascension nous en a dissuadé.e.s, (évitant peut-être l'arrêt cardiaque en cours de route). 

Nous avons visité la Grotte d'Altamira à Santilliana del Mar dont les peintures rupestres sont reconstituées comme celles de la grotte Chauvet. Le village est conservé en grande partie dans son architecture médiévale. Nous avons déambulé dans les petites rues  Mais d'où vient que j'ai de plus en plus de mal à visiter les lieux "préparés" pour le tourisme? 

 * (Grasset Et Fasquelle

samedi 6 avril 2024

Voler au dessus des choses

 
 « La légèreté n’est pas la superficialité, elle permet de voler au-dessus des choses sans avoir de poids sur le cœur ». Italo Calvino

 Depuis toujours nous aimons les dimanches - 1

Vous qui me suivez savez que je ne rate jamais la sortie d'un livre de Lydie Salvayre. Que dire, sinon qu'avec son humour et sa férocité elle dézingue le système organisé par ceux qui vantent les vertus du travail, qu'elle appelle "les apologistes du travail des autres". Elle y oppose avec tendresse et drolerie tout le plaisir que nous procure le "faire niente". Nous aimons vaquer dans la maison, en chaussons éventrés et pyjama informe. et ce total insouci du paraître nous est à lui seul, une délectation.  
Elle nous livre un éloge de la paresse non sans citer les précurseurs dont une certain Horace "Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain".  Car la paresse n'est pas mollasserie poisseuse (et toute une litanie de synonymes dont elle a le secret) mais un art subtil, discret et bienfaisant, ni plus ni moins qu'une philosophie. "En ce monde furieux et plein de turbulences le recours à sa grâce nous est une bonté".
Elle fustige ces "apologistes du travail des autres" qui commencent à s'inquiéter, constatant que la fameuse "valeur travail " a du plomb dans l'aile et que perdre sa vie à la gagner (c'est moi qui cite Vaneigem) enchante de moins en moins. Tout le livre est une défense de ce droit à la paresse qui offre à chacun le loisir de penser et de se livrer aux activités qui lui tiennent à coeur. Citant abondamment écrivains et poètes elle apostrophe les apologistes avec cette verve dont elle est coutumière en y ajoutant une défense du rire. Une illustration parmi les nombreuses dont elle orne son propos. "Savez-vous messieurs que le paresseux, alias Bradypus tridactylus linnaeus est le seul animal au monde qui sourit tant sa vie est un enchantement".
Ce livre est lui-même un enchantement et devrait être mis en priorité entre les mains des plus jeunes pour qu'ils se sentent libres de ne pas se soumettre aux impératifs de consommation qui sont le début de l'esclavage et qu'ils cherchent à trouver une activité qui les exonère du tripalium.   
 



Le printemps est enfin là. Je découvre avec bonheur le jardin qui était totalement grillé quand il est devenu le mien. En particulier deux somptueuses pivoines arbustives. Mais ça bourgeonne à tout va et s'est ajouté un pommier, un pêcher, deux kiwis, des framboisiers et beaucoup d'autres plans qui prendront quelque temps avant de s'épanouir pleinement et de remplacer certains arbustes souffreteux. 
 
Vu ce film qui a sucité 5 millions d'entrées en Italie et on comprend pourquoi. Le sujet : le sort des femmes au sortir de la guerre, le machisme et la violence des hommes et l'accession des femmes à la citoyenneté. Noir et blanc semblable à celui du cinéma néoréaliste
 
 Il reste encore demain - photo

 Avec son premier long métrage C'é ancora domani, de son titre original, l’actrice et réalisatrice Paola Cortellesi a fait mouche en octobre dernier (...). Une gifle. Autant au sens figuré qu’au sens propre. Car c’est par une énorme baffe que s’ouvre le film : celle que se prend Délia, chaque jour au réveil, par son mari autoritaire et violent, avant de vaquer à ses occupations de mère de famille (elle n'est plus que ça aux yeux du monde) dans l’Italie d’après-guerre. Un geste qui donne d’emblée le ton du récit : dénoncer les violences conjugales par l’absurde, ridiculiser la brutalité pour n’en garder que l’emprise, jusqu’à transformer une scène d’agression en tango à deux.(Première)

Il reste encore demain est un film à recommander aux jeunes femmes pour une lecture avertie de ce qui les guette éventuellement quand le prince charmant devient le vilain mari. On a envie de leur chanter la chanson écrite par Boris Vian et chantée par Michelle Arnaud "Vous mariez pas les filles"

 


Lui, c'est Benjamin Tholozan, un comédien extraordinaire qui conte dans une épopée familiale et historique les affres de l'obligation de perdre son accent occitan et parler pointu (le titre du spectacle) pour pouvoir entrer dans le cercle des comédiens de theâtre. Il nous fait vivre la croisade des Albigeois, l'invention de la grammaire française, l'imposition de la langue française au détriment de toutes les autres parlées dans l'hexagone -et dans les terres colonisées-. Tout cela sur un mode truculent et en empruntant plusieurs accents y compris le quebecois. Un régal d'humour pour un propos pédagogique tout compte fait . 
Et encore la promesse de l'aube  adaptation du livre de Romain Gary. J'y suis allée un peu inquiète, j'ai tellement aimé ce livre que je craignais d'être déçue. En fait l'acteur, Frank Desmedt  incarne tous les protagonistes de cette autobiographie  et en restitue l'humour et le tragique avec justesse. Romain Gary est totalement respecté et pour qui a lu le livre, il y a un vrai boheur à retrouver la mère adulatrice de son ffils et le fils désespérément fidèle à ses attentes.

C'est une chance de pouvoir aller au théâtre sans pour autant aller à la ville. Je m'en réjouis chaque fois.
 
Il y a eu aussi le nouveau spectacle de ma fillote, mais j'en parlerai une autre fois plus en profondeur. Dire seulement qu'il est malin et drôle, tout en proposant une réflexion sur les stéréotypes, les préjugés. Mais tout est dit ici
 

vendredi 8 mars 2024

Un 8 mars casanier

Ce 8 mars, pour la première fois depuis des années, je n'ai pas participé à la rituelle manifestation. Fatigue, pluies intermittentes mais décourageantes, flemme de me rendre à Toulouse (40 km) malgré la réservation blablacar acquittée et donc perdue. A la place j'ai passé l'après-midi en compagnie de Madeleine Riffaud grâce à la BD à laquelle elle a finalement accepté de contribuer en racontant son histoire incroyable de traversée du siècle comme résistante, journaliste et mille autres activités. 

Voir tome 1 et tome 2

 Auparavant j'avais lu Les  linges de la nuit. Ci dessous un extrait de la présentation de l'éditeur

Résistante durant la Seconde Guerre mondiale, amie de Vercors et d'Eluard, Madeleine Riffaud couvre comme correspondante de guerre, de 1945 à 1973, tous les grands conflits, de l'Algérie au Vietnam. Elle réalise également des documentaires et publie, en 1974, Les linges de la nuit, devenu best-seller. Madeleine Riffaud se consacre depuis à l'écriture et multiplie les interventions dans les collèges, lycées, colloques, à la radio et à la télévision (succès médiatique du téléfilm de J. Amat, Avoir 20 ans dans Paris insurgé, diffusé sur France 2 en août 2004).  

Je vous laisse découvrir cette femme exceptionnelle. Elle a un été un peu victime du phénomène qui a consisté après guerre à présenter la résistance par ses héros masculins. Elle a été torturée et n'a rien révélé, condamnée à mort mais en a réchappé par chance, emmenée en déportation mais évadée. bref un exemple de courage inouï. Pour les linges de la nuit elle s'est engagée dans un hôpital comme personnel d'entretien. Ce qu'elle révèle de l'incurie qui y règne est d'une grande actualité. Madeleine y fait preuve d'une immense empathie pour ces corps blessés et ces âmes en peine. Elle avait connu les champs de bataille au Vietnam et en Algérie quand elle couvrait les funestes événements des guerres de décolonisation. Cette femme de 99 ans, devenue aveugle n'a rien perdu de sa pugnacité.

Je lis en même temps Zami, une nouvelle façon d'écrire mon nom d'Audre Lorde, sa « mythobiographie ».

Je ne ferai que citer une de ses phrases qui illustre son combat essentiel  

 "En chacun de nous, il y a une part d'humanité qui sait que nous ne sommes pas pris en charge par la machine qui orchestre crise après crise et qui réduit tous nos avenirs en poussière. Si nous voulons éviter que l'énormité des forces alignées contre nous n'établisse une fausse hiérarchie de l'oppression, nous devons apprendre à reconnaître que toute attaque contre les Noirs, toute attaque contre les femmes, est une attaque contre nous tous qui reconnaissons que nos intérêts ne sont pas servis par les systèmes que nous soutenons." Sister Outsider. Essays and Speeches. 

C'est aussi un jour important avec l'inclusion du droit à l'avortement dans la constitution. le gouvernement se rengorge en oubliant de rendre hommage aux députées qui ont été à l'initiative de ce progrès.

Catherine Ringer revisite la Marseillaise et se détourne de Macron quand il cherhe à l'étreindre   

C'était donc un 8 mars sans mes habituelles photos. De plus, je ne sais pourquoi, je ne parviens plus à télécharger des photos. Le système a changé et j'ai beau essayer, fiasco. Je vais tenter  de résoudre ce problème, mais pour le moment je vais me rendre à une conférence de Francis Hallé  in vivo. Vive les arbres!

A plus...


 

vendredi 16 février 2024

Le problème avec Judith

 

 

 Les récentes déclarations de Judith Grodèche ont fait grand bruit et entrainé à leur suite une kyrielle de commentaires et de prises de position pour ou contre les accusations qui pleuvent sur les hommes du milieu du cinéma. Je me suis décidée à mieux comprendre ce nouveau "me too" comme l'intitulent certains media. Je suis allée sur Arte.tv où on peut visionner la série qu'elle a réalisée Icon of french cinema  illustration à peine déguisée de son histoire : à quatorze ans elle est devenue "la petite femme "de Benoit Jacquot âgé lui de 39 ans, Elle a vécu avec lui pendant 6 ans puis s'est enfuie  après avoir vécu sous l'emprise d'un homme qui considérait qu'il lui apprenait à vivre tandis qu'il emprisonnait ses jeunes années et étouffait en elle ses désirs réels.  La série est assez auto centrée sur l'actrice et tandis qu'une sorte de reconstitution de son histoire se déroule  en parallèle, on assiste à ses  démélés avec sa fille, interprètée par Tess Barthélémy, sa propre fille, séduite elle-même par son chorégraphe plus âgée qu'elle. On suit ses difficultés à retrouver un rôle au cinéma, illustration du problème du "tunnel"des femmes de 50 ans aggravé de sa rupture de l'omerta qui règne dans ce milieu. A la suite de Judith Godrèche, plusieurs actrices, Anna Mouglalis, Charlotte Arnould et Anouk Grinberg. au cours d'un entretien à Médiapart témoignent de cette menace qui empèche la plupart de celles qui ont subi les agressions de réalisateurs ou d'acteurs de ne plus retrouver de rôle. Elles soulignent que ce n'est pas le seul milieu qui est concerné mais que c'est encore plus difficile pour des femmes qui sont précaires et qu'elles peuvent au moins se servir de leur notoriété pour mener campagne contre ces abus de pouvoir. Car il s'agir bien du pouvoir dont il est question. D'autant qu'en France le statut du réalisateur est hypertrophié, il est sur un piedestal, ce qui n'est pas le cas au Québec par exemple où la notion d'oeuvre collective est plus considérée. 

Il y a l'affaire Depardieu, je n'insisterai pas, sauf à dire que je trouve qu'il est devenu d'une laideur insupportable. En mai 2023 une Tribune des actreur.ices a été émise et signée  par 3700 personnes à ce jour dont un grand nombre de comédien.ne.s. J'ai repéré un petit nombre de noms masculins, les hommes peuvent être également victimes de chantage, dans un milieu où l'homosexualité est banale ou simplement choqués du comportement de leurs collègues. Anouk Grimberg a eu à coeur de ne pas incriminer toute la profession et a insisté sur le fait que la plupart des tournages se déroulent sans problème. Lio sur un autre plateau indiquait que les prédateurs sont connus et que des listes circulent pour mettre en garde les actrices quant aux manières désastreuses de certains mâles insupportables.

Citons un extrait de la tribune : Évidemment, la place que l’on offre aux personnes qui abusent, harcèlent, violentent, sur le tapis rouge de ce festival, ne vient pas de nulle part. C’est symptomatique d’un système global mis en place depuis des générations. C’est un système basé sur les principes de domination et de silenciation. La silenciation  de toutes celles et ceux qui travaillent dans le milieu du cinéma et qui n’osent prendre la parole par peur des impacts sur leurs carrières, leurs productions, leurs postes. Cette peur est un verrou puissant.

C'est tout un système à déconstruire, certaines femmes étant elles mêmes misogynes. Le patriarcat est imprimé en chacun des actes de la vie et agit à notre insu pour nous "aveugler", Télérama titre cette semaine sur "un aveuglement collectif" et j'ai revu dernièrement le film de Tavernier "Les valseuses" gros succès à l'époque, dans lequel Miou-Miou était traitée de façon absolument indigne. Les débuts de Depardieu...  Par ailleurs le nombre d'hommes qui vivent avec des femmes qu'ils ont prises au berceau renforce la légitimité de ceux qui sont attirés par les jeunes Lolita, qui ne sont pas comme Kubrick l'a illustré des aguicheuses mais bien, comme l'a montré Nabokov les victimes d'un prédateur pervers. 

Un homme ça s'empêche comme le disait Albert Camus.     

Au nombre des aberrations du patriarcat, l'écart des salaires et là encore les actrices étaient montées au créneau. Elles avaient manifesté sur les marches du  Festival de Cannes 2018 pour réclamer l'égalité salariale. Le différentiel dans certains cas est hallucinant.

Citons encore la conclusion de la tribune 

Nous savons qu’une autre façon de fonctionner est possible, que les avancées qu’apporte un mouvement comme celui de #MeToo offrent la perspective d’un monde dans lequel nous pourrons enfin tous et toutes travailler sans peur et offrir des films qui porteront l’enthousiasme d’une génération qui refuse les rapports de domination .

Notre voix ne fait que naître.

Osons dire que la mise en visibilité par celles qui sont habituées à s'exprimer publiquement doit parler au nom de toutes les femmes. J'ai personnellement subi de nombreuses agressions sexuelles dont j'ai pu me dépêtrer, mais aussi des formes d'abus de pouvoir qui m'ont coûté mon job faute d'avoir plié l'échine et je ne connais pas de femme qui puisse se vanter d'avoir échappé à ces abus, même quand les hommes qui utilisent leur pouvoir n'ont pas conscience qu'ils en usent impunément. Il est temps de démolir pierre à pierre un système qui par ailleurs soutient la déliquescence actuelle du monde où une poignée de puissants violent  tous les droits humains en toute impunité.