dimanche 31 mai 2009

Le vent des blogs 14. Soyez bref !



Je ne vais pas être trop longue, j'ai remarqué qu'il y a un certain ratio à respecter pour ne pas décourager le passant. On n'a pas que ça à faire, on a bien d'autres ergoteurs à visiter. Donc faites court et efficace. Allez, on va essayer.

Une fois n'est pas coutume, je fais un peu de "réclame" pour des manifestations de mon terroir. L'affiche ci-dessus annonce le dixième anniversaire d'une forme originale d'exposition. Des artistes exposent accueillis par des habitants de ce village du Tarn. C'est une programmation organisée en lien avec les Abattoirs, notre musée d'Art contemporain à nous, les Midi Pyrénéens.
pour ceux que ça intéresserait on trouve tous les détails ici. Juste un commentaire, les lieux sont en général aussi intéressants que ce qui s'y expose.

Je ferai peut-être un petit reportage si j'en trouve le temps (je serai à Carcassonne pour un colloque très sérieux Science, spiritualité, penser l'avenir dans sa dimension d'incertitude).
Autre happening, Orlando se produit à Toulouse au Théâtre du Pavé. C'est un trio déjanté et délicieux. Si vous ne me croyez pas allez sur leur site écouter quelques unes de leurs inventions sonores.
Fort différent et accessible à tous, le site d'un ami qui a fourni un très gros travail de recension des bidouillages qui, à l'insu de notre plein gré, nous mitonnent l'avenir au prétexte de fournir du grain à moudre à nos représentants. Ca s'appelle (OGRI) Observatoire géopolitique des réseaux d'influence et je vous livre des extraits du texte d'accompagnement fourni par son auteur en même temps que son feu vert pour la diffusion :

Pour animer et éclairer le débat bien morne sur les élections parlementaires européennes et comprendre comment les "sociétés discrètes" que sont les lobbies , les think tanks ou encore les fondations, agissent sur et au sein de nos institutions nationales ou multilatérales et notamment de l'Union Européenne. (...) Un site citoyen d’un nouveau genre, à vocation scientifique et philosophique, hors théorie du complot mais hors relativisme. (...)Une adresse de choix pour restaurer la conscience.


Lorsque je désire consulter quelques bons experts, je me tourne vers les éditions Agone. Ah, justement ils parlent eux aussi des think tank. C'est ça le malheur, c'est qu'on a tendance à s'en prendre à nos marionnettes mais les vrais démiurges sont planqués et autrement plus dangereux. Nos marionnettes quittent la scène, nous les congédions éventuellement. Eux sont immarcescibles, non qu'ils ne soient corrompus comme peut le laisser penser le terme mais ce sont eux qui sont à la tête du royaume et pour les dégommer, il faudrait décréter l'argent inutile, la fortune une vanité outrancière et l'excès de possession un attribut du diable. On n'y est pas, il y a du chemin. Passons.
Je vais aller vers plus de légèreté et me tourner vers les copines qui me font rire. La féekabossée (dont le site s'intitule la brune qui roule, ben oui, faut lui demander, moi je sais pas, d'autant qu'elle pose cette question essentielle "mais où se posaient les hirondelles avant l'invention du téléphone?"), elle est de retour après de longues semaines d'absence au prétexte de déménager. On s'y retrouve, les Loïs, Madame de K et autres fadas et on se marre. Idem chez Sophie K. qui nous a provoqués à la surenchère du ridicule qui ne tue pas sauf de rire. Il n'y a pas de mal à se faire du bien.
Bon, j'avais dit court, alors concluons avec deux sites où on trouve des merveilles. Carnets temporels dont on aurait envie de capturer les oeuvres pour s'en entourer dans sa petite pièce à songe. Jean Claude Belegou (que Clopine avait signalé à partir d'une mignonne endormie dans un pré) et que je recommande aux messieurs qui viennent sous l'arbre. Eux, j'en suis sûre, c'est un des modèles qu'ils accueilleraient avec bonne humeur dans leur boudoir.

Concluons en musique en empruntant au Blog Trotter une référence, par lui mise à disposition de nous autres, vagabonds de la toile qui faisons notre miel de tous ces butins. Vous devriez à cet instant quitter l'écran et vous mettre à danser.


vendredi 29 mai 2009

Vos gueules, les mouettes !


Pour certains le langage est le lieu du naufrage, pour d'autres il est une bouée.
Le bavardage, le murmure, le cri, l'homélie, la harangue, l'oraison.
La métaphore, l'antinomie, l'ambiguïté, l'oxymore, l'antiphrase.
La philosophie, les sciences, les concepts, le raisonnement, le paradoxe, le sacré.
Le politique, le social, le survivre, le faire mieux.
La musique, l'arabesque, la calligraphie, le jeu de facettes, l'imbrication des sens.
Être privé de terre n'est rien, être exclu du langage est la pire des infortunes.
Je n' ai jamais cessé d'être taraudée par tous les attentats commis en permanence qui privent les êtres humains de l'accès au langage et j'ai vécu obsédée par ces champs de bataille dont l'issue est de la faire boucler au camp adverse, de fermer les vannes de logorrhées jugées ineptes, profanes, voire hérétiques.
Au fond , le rêve de toute puissance c'est d'abasourdir au point de rendre muet.

Photo Traces d'humeurs humaines 28 mai 2009 . ZL

mercredi 27 mai 2009

Une nouvelle rhétorique : le storytelling




J'apprends à l'instant que Julien Coupat, entendu ce jour par le juge, devrait être relâché. Faut-il attribuer le dessillement d'une justice jusque là plutôt aveugle (pour ne pas dire bouchée) à l'influence de la publication dans le monde du 25 mai d'un entretien où il met particulièrement bien en lumière l'invention de l'ennemi, utilisée par tous les stratèges de la répression fomentant leurs mauvais coups en inventant à l'usage de l'opinion publique la justification des "mesures exceptionnelles " appelées à le devenir de moins en moins et à être d'autant mieux acceptées que la figure de l'ennemi rencontre les peurs enfouies.
Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée, d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur" où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.
En même temps que la libération de Coupat, nous apprenons que les anarco-autonomes n'existent pas. Ouf, on respire !
Or le lien que je vous propose sur le site du monde conduit à un texte amputé. Comme je ne peux en restituer l'entièreté, je vous livre ce qui suit que j'ai pu recueillir à partir de la totalité de l'interview, parue dans la version papier semble-t-il et transmise ce matin par un ami.

La servitude est l'intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c'est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu'elle se demande "pour qui vais-je voter ?", mais "mon existence est-elle compatible avec cela ?"), c'est pour le pouvoir une question d'anesthésie à quoi il répond par l'administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l'anesthésie n'opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.

Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de "bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d'autres termes : la situation est excellente. Ce n'est pas le moment de perdre courage.

Ceci est la conclusion, avouez que ce serait dommage de s'en priver, ce n'est pas le moment de perdre courage, dit-il et j'en suis bien d'accord.

Tout cela participe d'un nouveau sport rhétorique le storytelling ou l'art de raconter des craques pour faire avaler les pires nuisances à la plèbe et la manipuler dans le sens du poil, faire passer des mesures impopulaires (l'exemple le plus célèbre étant l'existence d'armes de destruction massive en Irak pour justifier ce que l'on sait). J'écoutais donc aujourd'hui Christian Salmon (Storytelling, La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits - éd. La Découverte - 236p., 18€) illustrer son propos en citant la formule moultes fois réitérée de Notre très haut justifiant les troupes envoyées en Afganistan comme suit "c'est un pays où on coupe la main d'une femme parce qu'elle met du vernis à ongles", ce qui est de pure invention (même si le sort des femmes afghanes n'est certes guère enviable).

Dans le style de mensonges éhontés suscités et encouragés par les pouvoirs, la minoration ou la déformation des mobilisations populaires. Le silence qui parle publie un texte intitulé Des sorcières à Seattle: comment nous avons bloqué l'OMC /Anomyme du XXIème siècle. La "sorcière" qui s'y exprime décrit dans le détail les formes d'organisation qui ont permis de résister par la non violence à l'assaut des brigades armées, diligentées pour juguler l'extraordinaire mobilisation contre le processus inaugural de l'OMC. Evènement considérable qui scelle l'avènement de la société civile internationale. Le caractère non violent de cette première avait été très préparé (formations à la non violence). Lorsqu’ils avaient affaire au gaz lacrymogène, aux jets de poivre, aux balles de caoutchouc et aux chevaux, chaque groupe pouvait évaluer sa propre capacité à résister à la brutalité. En conséquence, les fronts du blocus ont tenu face à une incroyable violence policière.

Et pourtant les médias ont placé la violence dans le camp des manifestants.

Comment accorder le moindre crédit aux discours des beaux parleurs, lorsqu'on sait à quel point ils ne sont qu'une collection de chimères et de billevesées.


dimanche 24 mai 2009

Vent des blogs 13. Ni héros, ni martyr.



J'ai eu un week-end partagé entre le soutien à une association revendiquant la mise en œuvre de l'Utopie (tout un programme... flou), et l'éradication des malheureuses indésirables qui ont la mauvaise idée de coloniser quelques rosiers ou autres sujets ayant quartier libre eux. Donc orties, viornes et autres pestes dont une horreur de couvre sol à fleur jaune dont j'ignore le nom mais qui supplante si on n'y prend garde absolument tout ! Sans parler des luzernes. Bref, vous vous en foutez, je le comprend, mais ça explique mon extrème flemme ce soir pour me pencher sur les merveilles de la blogosphère.
Si vous tenez absolument aux découvertes y'en a un qui ne fait que ça, son site est une longue suite de sites, on peut y piocher si on a faim. Il commente de temps à autre, vous l'avez croisé ici ou là, en une étrange bouillie d'annonces qui renvoient à son répertoire. En cherchant à retrouver son site je suis tombé sur celui de Totem, qui reprenait dans un billet dissertant sur la blogosphère le titre du site "bloguer or not bloguer".(L'article date de 2007). Pas trop actif mais semble reprendre vie (18 mai ). Encouragements.

On déplore la disparition de Kamizole, du moins le Lait d'Beu affiche "n'est plus actif". C'était un incident technique, il semble se prolonger. Qu'elle se signale au moins.
Idem notre Cactus, parti visiter les vedettes à Cannes et soudain arrêt de l'image et du son. Le blog est là en revanche mais inanimé. Cactus, on s'inquiète. (Au passage, la palme à Haneke, mouais).

Découverte au travers des Lettres libres, Sophie K, qui partage un site avec une belle palette de talents. Strictement confidentiel ne l'est pas plus que d'autres et pas moins. On y présente l'ordre de chevalerie des Ni Ni (référence obligatoire). Voici la façon dont on s'adresse au manant :
Jouvencelles, Jouvenceaux,
Honorables Correspondants,
Admirables Canailles,
Gens de chair et de plumes,
Vieux potes de la meilleure soupe,
Le reste sur le site. C'est un ordre des plus stricts, faut pas croire.

Autre découverte "le silence qui parle" annonce la tenue du Festival social de la culture antifasciste Bologne /29-90-31 mai & 1er-2 juin 2009. En réponse à mon commentaire, j'ai eu droit à ce lien sur un extrait de Michel Foucault dont je garde la phrase qui suit :
* N’imaginez pas qu’il faille être triste pour être militant, même si la chose qu’on combat est abominable. C’est le lien du désir à la réalité (et non sa fuite dans les formes de la représentation) qui possède une force révolutionnaire."

Dans le genre abominable on a la junte militaire birmane. Pour ceux qui l'auraient zappé, j'en parlais mercredi, Loïs de Murphy aujourd'hui, Aung San Suu Kyi est en danger, plus qu'elle ne l'a jamais été. Jane Birkin a entrepris une campagne pour provoquer la mise sous séquestre, au profit de la population birmane, des sommes faramineuses versées par Total à la Junte. S'il veut faire l'intéressant Sarko, voilà un bon chantier, Total c'est une entreprise française non?

Pour finir, un appel d'Alex Türk dont Claude-Marie Vadrot se fait l'écho dans son blog (Politis)
« Plus aucun secteur d’activité, plus aucune parcelle de notre vie individuelle et collective, n’échappe désormais au développement et à la pression des technologies nouvelles de l’information. Dès lors, plus aucun aspect de la vie en société n’échappe à la réflexion et à l’action de notre commission. C’est dire combien je mesure le poids de nos responsabilités, mais aussi l’intensité des attentes de nos concitoyens et l’exigence de la demande des pouvoirs publics.
Ma foi, il semblerait que cet homme, président de la CNIL, très conscient des enjeux du développement de la surveillance et des intrusions dans la vie de chacun d'entre nous permises par la technologie, cet homme donc, dénonce l'incurie des moyens pour assurer la mission à lui confiée. Dans ces conditions on osera avancer qu'elle va finir par être confisquée.
Camarades italiens, je vous emprunte les termes de Pasolini que vous citez en exergue de la présentation du colloque antifasciste "“L’Italie pourrit dans un bien-être qui n’est qu’égoïsme, stupidité, inculture, ragots, moralisme, contrainte, conformisme : contribuer de quelque façon que ce soit à cette pourriture est, maintenant, le fascisme.” Pier Paolo Pasolini / Vie Nuove n°36 / 1962.
Quarante ans plus tard n'est-ce pas cela qui vient et non l'insurrection ?

Photo Cadaques. ZL

vendredi 22 mai 2009

Cartes postales rétroactives (7) Sydney.


Un de mes amis s'est installé au coeur du bush dans la région de New Castle en Australie. J'ai eu l'occasion de me rendre à Sydney et nous nous sommes retrouvés dans un restaurant italien. Voici un extrait de notre conversation (avril 1995). Elle me semble d'une grande actualité

- Je n’ai pas de gros besoins. Je mange ce que je cultive, je fabrique à peu près tout ce que j’utilise. C’est la satanée bagnole dont je suis dépendant. Je complète avec mon chanvre.

- ? ! ?

- Ben oui, ça te choque ? Tu ne crois pas que je vais me laisser impressionner par toutes ces conneries autour d’une plante aussi anodine. Je ne vois pas où est le crime, procurer du plaisir à des gens qui par ailleurs sont avocats, journalistes, médecins, toute la bonne bourgeoisie, tu peux me croire, et qui ont une vie tout à fait « honorable ». Une plante qui pousse naturellement autour de moi. Moi, je ne fume plus depuis longtemps, ni tabac, ni herbe, rien. Mais je n’oblige personne à faire mes choix et je serais idiot de me priver d’une source de revenu que je trouve aussi légitime que mon travail du bois. Elle est bonne mon herbe et je la vends un prix correct à des adultes qui l’utilisent pour eux-mêmes. A chacun ses choix. Je vis seul et c’est ce qui me plaît dans ce pays. On peut y être seul des jours et des jours sans risquer une rencontre.

- Tu es devenu bien misanthrope pour le voyageur impénitent que je connaissais, avide de rencontrer les humains de cette planète.

- Justement. Je me suis aperçu que je préférais la compagnie des arbres et desanimaux à celle des hommes.

- Pas ce cliché, s’il te plait !

- Je te fais grâce de mes années de pérégrinations du Pakistan à l’Inde, à l’Indonésie. J’ai fini par débarquer sur ce continent. Et à part pour quelques vrais potes, mes rapports avec les autres sont de commerce et ça me convient. Le reste du temps, je suis dans mes bois, je regarde la profusion qui m’entoure et j’en jouis intensément. Il y a des serpents, des varans, des lézards à collerette, des échidnés, des ornithorynques, des milliards d’insectes, d’oiseaux…

- C’est dans ton zoo que j’aurais dû approcher la faune et la flore australienne.

- Chiche ! Je t’emmène. Si nous partons maintenant, nous y sommes à minuit, je te balade toute la matinée demain matin et tu peux reprendre un train vers midi et être à temps à Sydney pour attraper ton avion.

- Ca me tente cette petite folie. Mais je ne crois pas que P.E apprécierait mon éclipse à la réunion demain matin. Dommage, j’aurais volontiers troqué «les essentielles mises au point» contre une promenade dans le bush. Tu vis dans l’illégalité, ça ne te gène pas ?

- L’illégalité ? Je les connais ceux qui fabriquent les lois. Qui pourrait me donner des leçons ? Les «chevaliers de l’industrie» ? Ceux qui prétendent que l’avenir de l’homme c’est de fabriquer toujours plus de cochonneries inutiles, du prêt à jeter en plastique, ensaché dans du plastique, glissé dans des boîtes de bouffe pour mieux la vendre à des gamins drogués de téloche. Des corn flakes bourrés de pesticides avec un petit mickey, du veau reconstitué avec un bon de réduction sur une moulinette à vent. Et plastique sur plastique nous refiler des aliments qui ne nourrissent que les comptes en banque et les décharges monstrueuses de détritus.

Qui d’autre ? Les héros de l’artillerie qui font leur beurre grâce à des saloperies de mines anti personnel ? Qui ? Les prédicateurs de la santé ? Ils feraient mieux de s’inquiéter de la prolifération du nucléaire, du mercure, du plomb, de l’amiante devant laquelle nous devons nous incliner. Ou encore les bénédictins du pastis qui ont envoyé dans le décor des générations et des générations. Je ne vends pas de la chimie reliée à des gangs. Je ne nourris aucun lucre. Je n’ai simplement pas l’esprit suffisamment tordu pour confondre une plante et toute la mythologie déraillante qui l’accompagne. Ce n’est pas de ma faute si les guerres de territoire et de religion ont banni certains produits et porté au pinacle d’autres, ni si le rêve est proscrit de nos sociétés soit disant bien pensantes. Je sais très bien que le trafic de drogue supporte le trafic d’armes, il faut bien qu’ils désignent leur miroir aux alouettes. En taxant le plaisir, comme d’habitude.

- Excuse-moi, je suis un peu perplexe.

- Moi, je n’ai pas envie de passer dans leur tourniquet. Ma vie est au bout de mes bras. Quand mes bras tomberont, je mourrai, c’est tout. En attendant, je me lève le matin, dans le concert des oiseaux et des insectes, je ne sais rien de ce que la journée va m’offrir. J’ai bien toujours mon petit programme, genre : aujourd’hui je défriche la parcelle du bas, ou je fends du bois toute la journée ou j’entame la table que Machin m’a demandée. Mais si plus fort et plus intéressant se présente, je prends : le passage d’un ami, les traces d’une bestiole que je n’ai encore jamais vue et que je piste pendant deux heures pour l’apercevoir. Certains jours je m’escrime au ciseau à bois pendant quinze heures, d’autres, je lis toute la journée. Et tu voudrais que j’échange ça pour m’inscrire sur la liste des «utiles », ceux qui rament dans le «bon sens » en courbant l’échine pour gratter de quoi remplir leur écuelle. Merci bien ! Je peux manger toute ma vie sans sortir de mes fourrés si j’y suis réduit. C’est pour ça que je suis venu m’installer ici, pour me créer un camp légitimement retranché. J’en ai marre de leur jeu de massacre. Ni envie de prendre des coups, ni d’en donner. Ca ne m’intéresse pas la bimbeloterie de leurs mâts de cocagne. Qu’on me foute la paix à tracer mes sillons, peinard, et à tarabuster mes souches ! Si ça les amuse les autres, les strass et les paillettes, les fontaines de champagne, les bolides qui se crachent à 200 à l’heure, la furie des cohues autour d’eux, les mendiants et les savants qui les servent, qu’ils continuent. Ca fait partie des pilules qui les consolent d’avoir à mourir un jour, chacun sa dope. Mais qu’ils laissent ceux, qui s’en foutent de ce cirque, vivre modestement et jouir autrement. Et qu’ils nous lâchent avec leur baratin. Les «lois économiques» ! Tout le monde le sait bien, c’est la plus redoutable des fausses religions, révélée par ceux qui tirent les marrons du feu, relayés par les compagnies du mensonge organisé qui lavent plus blanc la conscience du tiroir caisse. Qu’on arrête de nous présenter comme des demi-dieux des nababs prétentieux,. Ils devraient plutôt nous sembler grotesques, des obèses du fric puant la charogne de la misère et de la mort dont leur boursouflure se nourrit. Au mieux, on devrait en garder quelques-uns qu’on viendrait regarder se pavaner pour se rappeler que le ridicule a tué cette branche de la famille. L’homme libre doit mépriser ce fatras.

- Ouf ! Tu es radical !

- Radical ? Mais c’est ce que pensent les quatre cinquièmes de la planète. Et dans la culpabilité. On leur fait croire qu’ils sont exclus parce qu’ils se sont trompés de religion, alors que les grands prêtres du tout économique sont les vrais renégats.

- Je dois avouer que mon repli était motivé par une lassitude, un désir de mise à distance, toute petite, toute relative. J’avais le sentiment de me noyer, d’être sans cesse obligée d’agiter mon corps pour ne pas couler à pic. J’ai eu besoin de me satelliser pour regarder tout ça avec le bon recul. Illusion d’optique comme d’habitude. L’homme ne fait jamais que changer de focale. Toute vie n’a aucun sens, si ce n’est celui que nous voulons bien, jour après jour, lui accorder.

- Et alors ? As-tu l’impression d’avoir trouvé le lieu du sens pour toi ?

- Plutôt d’avoir tenu les rênes d’un chariot dont je continue d’ignorer la destination finale, si ceux qui tiennent les autres rênes ne les lâcheront pas, si je ne vais pas moi-même valdinguer dans le décor. La seule chose que j’essaie de faire, c’est de garder les yeux ouverts, le bras ferme et le réflexe frais, le plus longtemps possible. Mais je découvre la route au fur et à mesure.

- Et c’est bien ça qui est passionnant me dit Phil en me flattant tendrement l’omoplate.

Photos Retrouvailles à Sydney. ZL


mercredi 20 mai 2009

Les femmes sont au front.

Parce que le procès ubuesque qui est actuellement en cours à Rangoon remet en lumière le combat pour la liberté qu'une femme admirable mène depuis plus de vingt ans, j'ai eu envie de souligner que les héros de la résistance sont très souvent des héroïnes. J'en cite quelques unes ici mais elles sont emblématiques de beaucoup d'autres qui dans l'anonymat et à des niveaux plus modestes, avec opiniâtreté, refusent la soumission à la barbarie.



Aung San Suu Kyi, neuf prix nobel de la Paix réclament sa libération
On ne présente plus l'opposante à la junte militaire qui sévit en Birmanie. Fille du héros de l'indépendance birmane, assassiné peu avant la proclamation officielle en 1947, elle aurait dû devenir Premier Ministre en 1990 à la suite des élections qui avaient donné une majorité de 82% des suffrages à son parti "La ligue nationale pour la Démocratie. Assignée à résidence, elle subit actuellement un procès à huis clos qui s'est ouvert lundi 18 mai, dans une prison de Rangoun. Elle est jugée pour avoir laissé un ressortissant américain séjourner chez elle en violation des restrictions liées à son assignation à résidence. Elle encourt cinq ans de prison, ce qui l'exclurait du paysage politique pendant les élections controversées que la junte entend organiser en 2010. Sa période d'assignation à résidence expirait théoriquement le 27 mai. Les motifs et les conditions de la visite du ressortissant américain (il aurait nagé pendant deux heures alors qu'il est diabétique et en petite forme physique selon sa propre femme) sont extrêmement troubles et on ne peut que suspecter une machination pour entraver toute possibilité d'action de cette femme très populaire, qui n'a jamais abdiqué en dépit des conditions indignes qui lui sont faites par la junte.


.Vandana Shiva 2007 à Cologne


Vandana Shiva, fondatrice de la « Fondation de recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles » Navdanya, se bagarre pour préserver les savoir faire indigènes que la mondialisation menace de finir d'éradiquer après que le colonialisme anglais les a étouffés, marginalisés, criminalisés. Elle mène un combat pour le droit à la souveraineté alimentaire, l'accès universel à l'eau, la biodiversité et le contrôle paysan des semences. Elle est considérée comme une "écoféministe", terme désignant à la fois la défense du droit des femmes (en Inde on assassine encore les bébés féminins pour échapper à l'obligation de la dot ou on brule les brus pour renouveler le pactole avec une nouvelle épouse) et la sauvegarde du patrimoine naturel. Vandana Shiva fait œuvre gandhienne de conquête pour la dignité.




Une ministre de la culture qui démissionne pour retrouver sa liberté de parole, une femme qui est engagée dans la résistance altermondialiste, déploie des projets alternatifs d'économie et ose opposer au discours de Dakar un verbe fort et sans détour pour fustiger les propos humiliants et les mensonges qui continuent à propager une image distordue. Elle dénonce le viol de l'imaginaire perpétré de façon à continuer à entretenir les Africains dans une soumission aux paroles "d'experts"qui leur dictent leur conduite pour mieux masquer la spoliation d'un continent qui n'est pas pauvre mais au contraire riche et donc convoité et pillé.

Fichier:Taslima Nasrin.jpg

Taslima Nasreen fait l'objet de menaces de mort pour avoir dénoncé le sort fait aux femmes et aux minorités non islamistes dans son pays, le Bangla Desh, où sévit un islam intégriste. Sa tête est mise à prix et elle ne peut vivre dans son pays alors que toute son entreprise d'émancipation s'adresse en premier lieu aux femmes qui y subissent la ségrégation et les formes les plus arriérées d'inféodation.
Rigoberta Menchu se bagarrant pour la sauvegarde des peuples indigènes, la Kenyane Wangari Maathai, écologiste, prix Nobel 2004, menacée de mort pour son opposition au président kényan Mwai Kibaki, la liste est loin d'être exhaustive....
Courage les femmes !


mardi 19 mai 2009

Apocalypse végétale

la fprêt [web520]

L'énigme du dimanche (qui n'a pas mobilisé les foules!) trouve sa réponse ce jour. Le texte était extrait de Ruines-de-Rome paru en janvier 2002. Son auteur Pierre Senges né en 1968, publie chez Verticales (éditeur réputé à juste raison pour publier une littérature de recherche, des auteurs singuliers).

Un employé du cadastre, qu'une retraite sans flambeaux menace, met sa misanthropie ordinaire au service des plus noires prophéties: du jardinage considéré comme un des beaux-arts de l'Apocalypse. Feignant de cultiver son petit lopin de terre, ce paysan amateur et saboteur authentique couvre la ville de fleurs et d'arbrisseaux décoratifs. Et nul ne devine, derrière l'inoffensif passe-temps, un travail de sape qui dévaste les murs, soulève le goudron et fait retourner l'urbaine civilisation à ses friches premières. Semant sa mauvaise graine, il s'arme de patience et d'herbes folles. Il use du moindre prétexte végétal pour satisfaire ses cruautés drolatiques et laisser libre cours au chiendent de la rêverie, non sans nouer quelque idylle clandestine avec sa voisine de potager. Introduction de l'édition de poche Point Seuil 2004

Senges, je l'avais écouté au cours de Feuilles d'Automne, édition consacrée cette année à Lydie Salvayre qui l'avait invité à présenter son dernier livre. Il était passé à la question par Thierry Guichard du Matricule des anges. Entretien plein d'humour avec ce drôle de typequi avoue une passion d'encyclopédiste et se consacre à un métier de ciseleur de métaphores époustouflantes. Je reproduis la présentation de Guichard dans le MDA,n°092, avril 2008


Ébouriffant et drôle, le nouveau livre de Pierre Senges est à lui seul un festival de trouvailles littéraires.

Le nouveau livre de Pierre Senges est un mangeur de post-it. Chaque fois que vous tombez sur une phrase épatante, une métaphore juste et étonnante, une pensée roulée comme un mannequin dans un défilé de mode, vous annotez le livre ? Impossible ici, c'est un ouvrage déjà annoté que nous sert l'éditeur. Les annotations sont des aphorismes signés du grand maître allemand Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) dont la plupart sont si savoureux que vous voudrez aussi les noter. Alors le post-it s'impose. À raison d'un par page, ça fait vite beaucoup, CQFD.
Pierre Senges a imaginé ici qu'un certain Herman Sax, un siècle après la mort de Lichtenberg découvre que ses huit mille pensées sont en fait les fragments rescapés de la dispersion d'un seul et même roman.
Sa théorie est immédiatement reprise par une académie de tristes ratiocineurs suédois. Les Lichtenbergiens, bientôt, couvriront les membres de cette académie de leurs travaux, hypothèses, recherches. Il s'agit de prendre les fragments un à un et d'essayer de les assembler pour retrouver le corps du roman disparu. La tâche n'est pas aisée. Il convient, également, d'envisager toutes les causes possibles à l'éparpillement d'une oeuvre magistrale et là, les propositions ont de quoi provoquer le fou rire. Bien qu'une table des matières guide le lecteur, il reste difficile de résumer un tel livre. Pierre Senges s'en donne à coeur joie pour ressusciter les débats de l'époque et des époques suivantes, la naissance de sciences charlatanesques comme la physiognomonie inaugurée par un Lavater auquel son Lichtenberg adresse de savoureuses et rageuses missives. Il développe mille théories dont la plupart sont très romanesques, aborde une étude prolongée de l'hypocondrie, explore les milieux culturels d'Occident, pointe les éléments d'un art poétique fort séduisant. Surtout, il nous offre des propositions inédites, nous surprend prodigieusement, en une phrase ou en mille dans une symphonie de la langue : " imaginons un livre trouvé par hasard au sommet d'un arbre et lu sur la branche, ouvert d'une main, l'autre s'accrochant à une pomme ". Renversant, non ?

Fragments de Lichtenberg Verticales 633 p., 23,90 euros


Illustration : La Forêt Max Ernst

dimanche 17 mai 2009

Le vent des blogs 12. Enigmes à gogo.


Je ne sais qui en a lancé la vogue, le week-end, sur certains blogs c'est l'énigme. Peut-être à l'origine "les Papous dans la tête" l'émission de France Culture (dimanche 12H45-14h), culte pour certains : un texte est proposé et les éminents Papous doivent en deviner l'auteur."Les Papous dans la tête" réunissent des écrivains, des journalistes, des peintres et même une cantatrice. Leur empire s'arrête là où commence l'esprit de sérieux, car culture sans gaieté n'est qu'une ruine de l'âme. Dixit la fiche de présentation du Dictionnaire (ss dir Françoise Treussard, bien sûr)avec Eva Almassy, Jacques A. Bertrand, Patrick Besnier, François Caradec, Patrice Caumon, Jérôme Clément, Henri Cueco, Hélène Delavault, Patrice Delbourg, Lucas Fournier, Serge Joncour, Jacques Jouet, Hervé Le Tellier, Patrice Minet, Gérard Mordillat, Ricardo Mosner, Dominique Muller, Jean-Bernard Pouy, Jacques Vallet. Pour retrouver tous les rigolos qui jouent suivez le lien des liens.
Pour ma part j'en extraie Hervé Le Tellier dont le titre d'un des ouvrages m'enchante oulipiennement "Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable" (le Castor astral 1998). Les autres sont tous fort honorables. Découvrez Delbourg, Mordillat etc , si ce n'est déjà fait.

Sur ce concept j'ai pu répertorier au moins trois blogs qui pratiquent la religion de l'énigme. Il y en a sans doute beaucoup plus, mais il s'agit de ceux que j'ai croisés au fil de mes randonnées, relativement circonscrites (pas le temps de faire mieux).
Chantal Serrière, nous proposait cette semaine un texte d'Aminata Traore, haute et forte figure de l'altermondialisme, à partir d'un essai, l'Afrique humiliée. Ne jamais renoncer, tel est son viatique.
Paul Edel titillait ses habitués avec un texte de Gide. Evidemment si on visite à postériori, on n'a plus à concourir mais on peut toujours s'amuser des commentaires où les adeptes se chipotent sur les antériorités et les délicatesses du jeu qui consistent à ne pas dévoiler d'emblée (quand on est très fort et ils le sont) mais à glisser de fines allusions, indices pour les suivants et preuves pour l'antériorité dans la divination.
Chez les Libres, ils sont trois à se relayer pour animer le blog et singulièrement "l'énigme du samedi soir", laquelle comporte deux volets, accompagnés d'illustrations (généralement des peintures) dont il faut également découvrir les auteurs. Ce samedi Soded nous proposait une lettre d'Héloïse à Abélard, un tableau de Klimt (j'avais trouvé, même si venant trop tard, il était inutile de me manifester). En revanche le deuxième texte, aucune idée . L'amour de Petrarque pour Laure dans ses"Canzoniere". Eh oui, ça ne nous rajeunit pas.





Afin de renchérir sur cette excellente manie et exceptionnellement pour fêter un nouveau blog dans ma liste, en remplacement de celui dont on ne prononce pas le nom par crainte de ses particulièrement furieuses avanies, un extrait, dédié à Vinosse et à tous ceux qui fidèlement viennent s'enquérir des tribulations de ma caboche. Si vous trouvez, vous êtes très forts !

Tout bon pépiniériste doit savoir inséminer une fleur à l'aide de son propre pollen: un pollen à cueillir tôt le matin, quand la fleur est encore mâle, et à en saupoudrer son pistil, le soir, quand la fleur est devenue femelle (il s'agit donc d'espacer les visites, savoir jouer habilement de la répétition et de l'alternance); la réussite des opérations repose sur la précision des rendez- vous et sur la fidélité, bien qu'en·apparence passer d'un mâle à une femelle suppose la plus extrême des inconstances.



Spéciale dédicace donc à Vinosse, La Feuille charbinoise et Cactus pour leur amitié plantureuse.
Cactus était déjà au tableau d'honneur sur le dernier VDB mais cette semaine il cancanne de Cannes alors c'est la pointe extrème de l'actu.

A demain pour la solution. A moins que, chers intervenautes, vous n'ayez élucidé le mystère avant que je ne vous livre en pâture (excellente) l'écrivain qui a commis ces conseils étranges.

vendredi 15 mai 2009

Admirable tremblement du temps.

En hommage amical à Henri Zerdoun, en lui souhaitant de retrouver rapidement sa belle santé

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"Et bien sûr, il n'y a pas plus d'éternité qu'il n'y a de présent ponctuel. L'éternité est stabilisation de l'instant ou récurrence de l'instant dans le temps; et le présent est toujours saisi dans sa double marge, son double mouvement d'ailes du passé et de l'avenir : dire que je vois cette fleur, c'est dire que je me souviens d'elle et que je ne la vois plus. Mais si aucune parole ne saisit le présent, il y a une parole qui le poursuit, cherche la tangence. Et si les mots de l'éternité viennent du temps encore, ils s'efforcent d'échapper au temps du présent. Il y a un art qui vise le temps, un art qui cherche à l'exclure. "

Gaëtan Picon Admirable tremblement du temps, Les sentiers de la création, Skira, Genève, 1970


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"Car l'humanité ne veut pas se donner la peine de vivre, d'entrer dans ce coudoiement naturel des forces qui composent la réalité, afin d'en tirer un corps qu'aucune tempête ne pourra plus entamer. Elle a toujours mieux aimé se contenter tout simplement d'exister.
Quant à la vie, c'est dans le génie de l'artiste qu'elle a l'habitude d'aller la chercher."

Antonin Arthaud, Van Gogh, le suicidé de la société, K éditeur, Paris, 1947

Photos Henri Zerdoun, Des marches Intimes


mercredi 13 mai 2009

Qui connaît ce sujet

Cet arbre est une merveille, lorsque ses premières feuilles irradient une lumière d'or pur. Hélas cela ne dure pas. En partant ce matin, je m'étais promis de la capturer dans l'oeil électronique ce soir. Hélas je ne l'ai pas saisi au plus fort de son éclat, il tourne déjà au vert.

J'ai totalement oublié son nom et ne parvient pas à le retrouver. Sauriez vous m'aider o' vous qui habitez des espaces que vous avez colonisés grâce à l'implantation de sujets fidèles et constants, tels que lui qui chaque printemps déploie sa parure éblouissante. Merci d'avance.

mardi 12 mai 2009

Petit conte de la vie ordinaire. De l'impassible et de l'éructaction





Petit conte de la vie ordinaire.
J'étais en ma vingtième année et la muse d'un peintre plus agé de dix ans, qui m'apprenait la vie : rire et observer, tout en fréquentant des lieux de frayages abondamment peuplés à cette miraculeuse époque de semblables aussi jeunes et écervelés que je l'étais moi-même. Une charmante, un jour de mai nous invite à nous joindre à une fête, par elle organisée, quelque part dans la campagne riante et fleurie très au-delà des ceintures de la capitale. Une fête à la campagne en mai, ça ne se refuse pas, ne serait-ce que pour renouveler la qualité de l'inspiration. Rendus sur place grâce à je ne sais quelles tractations, nous honorons le buffet, dansons sur la pointe des pieds et finissons par nous ennuyer et décider d'allumer un feu (la nuit est fraîche) et de nous poster sous les étoiles pour deviser et échanger ce qui circule (paroles et autres drogues bénignes).
Un type passablement amochée de biture décide de s'en prendre aux "écroulés" et entreprend de les réveiller en bramant et en aspergeant les assis d'une eau dispersée de sa main en gouttelettes jetées au visage, en passant. Notre amie danoise (oui, la même pour les habitués, de passage en France), profondément choquée par le procédé, d'autant que l'impétrant a mis les pieds dans le plat au sens propre renversant nos réserves de victuailles, redresse les récipients en insultant le crétin en anglais. Mon ami la soutient d'un "Good, very good !". L'imbécile, humilié de la réaction très méprisante d'une femme qu'il ne peut décemment bastonner se retourne vers le mec qui s'est manifesté et lui dit "Tu me prends pour un idiot, tu crois que je ne comprend pas ? Je vais revenir et tu auras intérêt à la fermer". Il s'éloigne. La poignée de paisibles installés le cul dans l'herbe, commente en se marrant et croit l'incident clos.
Point du tout. L'absurde fait son retour, muni d'un seau d'eau puisé au puits, s'approche de mon compagnon et le lui renverse intégralement sur le corps. Mon héros retire sa veste, la tend vers le feu en lorgant l'imbécile au rictus haineux et lui rétorque "Ca va , tu es content ?". Hystérie absolue ! Il se met à hurler dans les aigus que non, qu'il ne devait rien dire, qu'il allait revenir avec un nouveau seau, qu'il le verserait pareillement et que cette fois il exigeait une acceptation absolue, signifiée par un silence de soumission.
La plaisanterie a assez duré. On le ceinture (ses propres comparses), on l'éloigne de force et pour ce qui nous concerne, nous continuons sous les étoiles.
Le bilan se solde de la façon suivante : une bagarre entre tarés imbibés à outrance, une jeune femme désespérée des dégâts commis par les brutes, un groupe de contemplateurs d'étoiles rejoint au fur et à mesure par l'ensemble des invités hormis les acharnés de la castagne, lesquels finissent par prendre la route et débarrasser les lieux mais ratent un mauvais virage et s'emplatent dans un mur, deux morts.
Cet évènement fut initiatique et il me revient en mémoire chaque fois que colère et demesure s'affichent sous mes yeux. J'ai gardé mon admiration à cet homme qui d'un air détaché et le sourire ironique aux lèvres suspendit au dessus du feu sa veste inondée et se refusa de sauter à la gorge de son agresseur au risque d'entacher une soirée d'amitié et de libations.

lundi 11 mai 2009

Vent des blogs 11. Une heure du matin ! Ouf !


Cette photo est une spéciale dédicace au Chasse-clou, dont les reportages sur les véhicules de toute espèce sont des modèles. Elle a été prise sur l'autoroute du retour d'un week-end délicieux, ce magnifique double arc-en-ciel en ligne de mire pendant que la pluie se transformait en grêlons battant joyeusement la mesure sur le toit de notre habitacle. Nous avons échappé à un carambolage, les intempéries ne manquant jamais d'ajouter de l'aléatoire au hasardeux.
Trois jours de chaleureuse amitié, de promenades bienheureuses mais épuisantes (les contreforts des Pyrénées), de repas plantureux et de haute qualité (des produits, des savoir-faire, du partage des tâches et des conversations), et de chant choral à deux, trois et quatre voix sous la vigilante et drolatique gouverne de notre cheffe de choeur (également comédienne et clown, ce qui ne retire rien à son oreille musicale, on s'en doute).
Avant de plier bagage pour les hauteurs (de vue et de son), j'avais préenregistré quelques liens en vue de ce vent des blogs dont je trahis la périodicité (hebdomadaire) au prétexte de me goberger dans la vie réelle.
Or donc CGAT, instigatrice de Lignes de fuite a eu maille à partir à propos d'une photo qu'elle avait empruntée sur le net pour accompagner sa présentation d'un ouvrage. L'auteur du cliché s'est insurgé, la contraignant à supprimer le portrait de l'écrivaine et cela donne un débat sur le web "repaire de filous, d'escrocs, internet poubelle" que notre ineffable Finkielkraut voue aux gémonies sous les caméras d'Arrêt sur images, ça vaut son pesant de jetons de présence au conseil d'administration de TF1.
Il se trouve que la coquine Clopine, annonçant qu'elle m'empruntait le procédé a placé quelques spotlights sur une poignée de ses bloggers préférés. Par une sorte de contagion (but de ce genre d'opération) je me suis intéressée à un certain JLK dont le dernier billet "Malentendu" est illustré d'une silhouette vêtue (on devrait dire ensevelie) de la tête au pied d'une burqua, le commentaire est finaud, les antécédents ne manquent pas d'humour, ni de profondeur.
Blog-Trotter qui commente ici, de temps en temps, avait déploré la mort accidentelle (voiture en folie une fois de plus) de sa voisine et poursuivi par l'enterrement d'icelle, les amis présents, la famille et surtout le mari digne et debout dans cet horrible attentat du destin. La famille a souhaité que ces textes soient retirés et que le silence succède à cette tempête. Pour annoncer cette décision et y accéder, BT a mis en ligne la vidéo de William Sheller Je veux être un homme heureux. (Sans commentaire)
L'ami Cactus construit en accéléré son nouvel asile. Si vous êtes friands de jeux de mots laids et de têtes à queues sans queue ni tête, additionnés de hurlements de rires, ne vous gênez pas, il adore la visite.
Il y eut au sein de notre éminente communauté de zigottos agités du bocal, un petit scandale fomenté de main de maître par Chr. Bohren, intitulé le dossier Stalker . Je n'ajouterai aucune surcharge, veuillez vérifier par vous-mêmes les arguments de l'accusation, de la défense et ceux de l'accusé, qui ne manquent pas, ces derniers de, comment dire "virulité".
Enfin, je rappelle, mais j'en ai parlé il y a trop longtemps, vous avez peut-être oublié, que si vous souhaitez absorber chaque jour, à dose homéopathique et néanmoins efficace votre nécessaire de vitamine et de bonne humeur, une seule adresse ou plutôt deux (ils se répondent, s'empruntent, se font des personal jokes) j'ai nommé Luc Lamy et Loïs de Murphy, deux trapézistes de haute voltige sur zygomatiques bien accrochés.
Ce vent des blogs est orienté éhontément copinage et cousinage, deux mamelles de la compromission ? Parfaitement !


Vous prendrez bien un rafraichissement
Photos ZL

jeudi 7 mai 2009

Recyclage avant extinction des feux





Je visite les blogs, je leur trouve une sorte de ligne de conduite, éditoriale comme on dit dans le métier, du moins ceux que je fréquente par amitié.
Il me semble pour ma part que je sacrifie à l'éclectisme, au risque de ne pas même me reconnaître à la relecture.
Je pars demain pour quelques jours consacrés au chant. J'ai concocté une sélection de morceaux qui n'ont sans doute jamais eu l'honneur d'un seul regard et en tout cas de commentaires quelconques et qui démontrent la tendance coqualanesque qui m'afflige et ne peut que sauter aux yeux de mon lecteur. Je vous fais juges.

Moloch, le retour (04/12/08)
Le dernier des jeux jouissifs est de se munir d'une bestiasse énorme, dressée à retourner à coups de mufle baveux tout attribut un peu intime (sac, duffle coat) appartenant à une espèce délicieusement tendre, j'ai nommé le collégien ordinaire afin de le tétaniser de terreur, déguster ses piètres protestations d'innocence, se rincer l'oeil en le contraignant à grelotter en slip sous le regard effaré de ses supposés complices, puis à remballer son attirail en ricanant des pleurnicheries offusquées sur les dégâts occasionnés par la partie de rigolade, et faute de pouvoir embarquer la vermine pour la passer à la tenaille et à la roue, (on n'a pas encore le droit sans quelques grammes de preuve), conclure par l'injure ultime : "salut les filles" (= à bientôt les pédales).

Pluie de plumes (12/12/08)
Sans cesse désolée de l'écart cruel entre délires poétiques et trivialité de l'ordinaire déroulement du quotidien. Dans le même temps reconnaissante à la bonne grosse évidence des nourritures terrestres de consoler la déchéance de l'ange tombé du nid, incapable de déployer ses ailes brisées dans la chute.

Putain de ta race (14/12/08)
Voilà qu'elle revient la vieille tentation de l'utiliser ce terme que les ethnologues (Lévi Strauss un des premiers), les biologistes et autres observateurs de l'humaine aventure, ont depuis déjà quelques lunes dénoncé comme arrogante billevesée des semi Albinos du Nord pour justifier leurs coutumes barbares d'assassinat, de viol et de captation, dont ils ont tiré leur soi-disant suprématie civilisationnelle et dont ils persistent à démontrer l'excellence grâce à leur génie balistique.

Abstracteurs de quintescence (24/12/08°
Je viens de faire un petit tour dans la blogosphère en glissant de lien en lien. De poèmes en vidéos, de dessins en notes de musique, d'humour en humeur, quelle galerie ! Pourquoi se fatiguer désormais? La planète entière s'invite dans notre chambre. Un petit clin de clic, et nous plongeons tel l'aigle royal sur une proie ainsi capturée, consentante et roucoulante. Comme le monde devient aimable ! Tous ces archivistes désintéressés trop heureux de nous inviter à visiter leur royaume, à nous y laisser folâtrer tout à notre aise et nous ne sommes pas même obligés de récompenser le guide ni même de le saluer en entrant ou en sortant. Dommage d'ailleurs ! Nous aimerions parfois le croiser en chair et en os. Cela, en revanche, ne fait surtout pas partie du programme, surtout pas. Le blogger n'est pas un vulgaire meetic addict. Il ne prétend qu'à la spiritualité de ses œuvres et ne songe, en toute modestie, qu'à fonder une petite clique d'adeptes prêts à faire circuler à leur tour, de clic en clic, une nouvelle quintessence.
Attention cependant, soyons vigilants, prenons garde, le poète nous aura prévenus :
"quel dommage qu'en passant par l'alambic la pensée humaine prenne le chemin contraire à celui de l'eau de roses, et qu'à la troisième ou quatrième épuration elle se dessèche, au lieu de s'exprimer en quintessence. Musset .

La déconfiture des arrogants (18/12/08)
C'est formidable, je rencontre partout des articles où sont vantées les vertus de la coopération, de la solidarité, de la sobriété. Les conversions à "l'autre économie", à la régulation de l'Etat, l'invocation des mânes de Keynes, fleurissent dans des cénacles où on vouait les unes et les autres aux gémonies il n'y a pas même trois mois. Ce serait à mourir de rire si on ne pressentait dans les discours opportunistes une tartufferie de première urgence, le temps de colmater, avant de repartir vers le cap du profit à tout crin. J'ai une pensée émue pour Ivan Illich et André Gorz qui ont quitté la planète avant de pouvoir assister à la déconfiture des arrogants dont ils avaient dénoncé l'immense et stupide cupidité. On ne pourrait que se réjouir de la cure d'amaigrissement infligée à la ploutocratie . Hélas, son impéritie va encore serrer d'un cran la ceinture de ceux qui crevaient déjà de faim et en augmenter les cohortes. Les autres reprendront très vite de belles couleurs.

Les mots, les notes ou les deux à la fois. (05/12/08)
Donc l'Audiovisuel public se lamente. On va l'asphyxier (c'est vraisemblable), le placer sous la férule du pouvoir d'Etat (ça en prend le chemin), le réduire comme peau de chagrin (c'est déjà en route). Que faire ? Gueuler, manifester, se mettre en grève ? Degré zéro d'efficacité. Seule issue: inventer une télévision débarrassée de tout le bling bling adopté ces dernières décennies pour singer la putasserie de sa rivale du privée et, dans une nouvelle ascèse imposée sinon choisie, retrouver l'énergie et l'inventivité de ses débuts, quand les créateurs ne couraient pas le cachet mirobolant mais cherchaient et trouvaient les formules d'une communication qui s'imaginait en marchant. Il n'y a pas à regretter que le service public n'ait plus les moyens de faire comme les autres. Il pourra enfin se dédouaner de cette didacture du plus grand nombre et fabriquer pour des publics plus confidentiels des bijoux artisanaux en puisant dans le vivier de jeunes créatifs trop heureux de faire leurs armes pour des salaires raisonnables. Qui sait si ce n'est pas le meilleur moyen de siphonner l'audience des vénales.

Adieu au vieux monde des mâles pâlichons (20/01/09)
Dans ce moment unique, nous assistons à une sorte de quintessence des outrepassements : un Noir, premier Président de couleur aux Etats Unis accueilli pour cette cérémonie au Congrès où officie une femme Nancy Pelosi (la première également) présidente de la chambre des représentants. Une telle conjonction est en effet inouïe et paraissait improbable il y a seulement quatre ans lorsque les Etats Unis avaient réélu GWB, qui restera avec Nixon un des plus calamiteux du genre. Il a d'ailleurs été sifflé lors de la passation de pouvoirs. Bon débarras (si toutefois on se débarrasse avec l'une de ses marionnettes de l'engeance qui sévit encore).
Longue vie à Obama, pas seulement for USA sake mais pour le monde entier. Il est temps de laisser le vieux monde des mâles imbus de leur supériorité de pâlichons et de détenteurs de testostérone pour entrer dans une combinatoire plus subtile des forces et des talents de l'espèce. Un peu d'optimisme ne nuit pas.

Des chercheurs qui trouvent ? (27/12/09)
La phrase fameuse de Charles De Gaulle reprend du service "des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche". C'est un peu réducteur. Il s'agirait plutôt de se demander ce qu'ils cherchent et pour qui. Les chercheurs trouvent dès que les moyens leur sont donnés et s'ils ne trouvent pas ils publient pour prendre place, occuper leur rang. Simplement le paludisme intéresse moins l'industrie pharmaceutique que les effets de l'âge sur les verges et les vergetures. On n'insistera pas. Tout cela est trop connu.

Ce sont des extraits, si vous êtes absolument subjugués n'hésitez pas à remonter dans le temps pour l'intégrale .
Cependant,
"Toute littérature est entachée de ridicule : sa gravité, sa solennité, son outrance, son tour péremptoire ou inspiré... inévitablement l’un ou l’autre de ses profils est déjà sa caricature. Le lecteur n’a plus qu’à disposer son siège dans le bon angle pour y trouver matière à rire et se moquer. La conscience aiguë de ce ridicule constitue sans doute le secret désespoir de tout écrivain lucide." Eric Chevillard, l'Autofictif, (soi-même et fort chahuté sur certains blogs, or moi, je lui reste fidèle, à ce jour et j'attends son prochain livre de coeur ferme )

Photo Scanner les racines Clemt


mercredi 6 mai 2009

Carte postale rétroactive. La Suède, ses nuits courtes, ses chevaux légers


Lorsque je suis allée à Stockholm, le mois de juin offrait ses nuits si courtes qu'on ne les voit pas. On s'endort il fait jour, on se réveille il fait jour. J'ai pris un bateau pour me promener entre les petites îles qui constituent un archipel que les Suédois envahissent dès que leurs loisirs leur permettent. J'ai beaucoup aimé marcher dans cette ville, aérée, joyeuse. De même à Göteborg, je me suis amusée à devoir m'aplatir pour passer sous les ponts des canaux et bras de mers qui irriguent la ville.
A Saträbruk , un bled perdu situé entre les deux villes, j'ai passé dix jours dans un orphelinat transformé en Centre de séminaires, en compagnie "d'homologues" des cinq continents.

Mon souvenir le plus ému se situe dans un lieu dont j'ai oublié le nom à quelques kilomètres de l'embarcadère du ferry qui relie le Danemark à la Suède et qui fut ma première rencontre avec la Suède.
Une ferme où j'ai passé une semaine irréelle de février (neige et glace à perte de vue), chez des amis de Mette, ma copine danoise qui m’hébergeait à l'époque. J'y avais éprouvé une émotion inoubliable. La Danoise gaillarde et belle comme une aurore qui gouvernait le lieu avec son compagnon, entraînait à la monte des chevaux. Elle m'avait demandé de tenir la bride d'un cheval qu'elle habituait à la selle. Si je me sentais de courir auprès de lui sur la piste où elle l’entraînait, ça lui serait utile, mais je n'étais pas obligée.
J'avais une certaine trouille de ces colosses dont les muscles frissonnaient à hauteur de mon front et qui agitaient leurs têtes dans des dénégations que je considérais comme m'étant personnellement adressées. Mais peut-on jouer les poules mouillées devant une amazone qui vous toise avec un rire léger, pétri d’indulgence ?
J'ai couru. Dans la chaleur irradiante de cette encolure que je frôlais de l'oreille, m'efforçant de trouver au fond de moi une musique qui s'associerait à la paisible cadence. Il trottait, je courais et comptais mes pas sur les siens. Accorder mon souffle a desserré l'étau de la peur dans ma cage thoracique. Elle, elle rebondissait sur sa selle, calme, le front haut, le regard tantôt posé sur les petites avalanches croulant des sapins bordant le lac où patinaient des canards, tantôt sur moi
- Ca va ?
- Ca va !

Je suis devenue légère. Il me semblait qu'accrochée à la bride de mon poulain, j'étais montée sur quelque invisible coussin d'air, sur lequel je glissais, aérienne.

En réalité, j'ahanais, alors qu'elle continuait seule son tour de piste en le faisant galoper, pour lui faire plaisir. Pendant que je la contemplais en essayant de calmer la brûlure de mes poumons, j'éprouvais de façon violente le désir de ce plaisir-là. Etre portée par ce bel animal, partout où j'irais. Ce fut culminant et fugace.

Je suis revenue par la suite à ma vieille terreur des bêtes puissantes dont la brusque émotivité peut m'anéantir par le déchainement des forces incontrôlables (par moi) qui les animent. C'est une superstition, une limite ou une vraie sagesse. Je n'ai encore jamais pu en décider.

Photo Stockholm 2001. ZL

lundi 4 mai 2009

La maman des poissons, elle est bien tranquille


Quelle sangsue, ce blog ! Je pars quelques jours et je retrouve tout en chantier. J'ai négligé mon Vent des blogs, forcément. Les stationnaires eux ont poursuivi leurs travaux. Sur chaque site j'ai plusieurs actualités périmées à remettre dans mon goût du jour. Je suis prise en tenaille entre mon désir de fidélité et ma grosse flemme. Sans compter les com sur mon site que je n'aurai pas honorés d'un amical accusé de recevoir. Il me faut choisir les sacrifiés et me ruer sur les incontournables. Et vous savez quoi ? Dieu reconnaîtra les siens.
Paris ! Quelle invraisemblable familiarité me lie à ce lieu. Je remets mes pas sans surprise dans les couloirs gavés d'affiches de deux mêtres de haut avec des images plus grandes que moi qui toutes m'exhortent à acheter quelque partie du microcosme (cinéma, théâtre, vêtements, meubles, cours d'Anglais...) comment fais-je pour vivre sans ces merveilles, d'ordinaire ? Je slalomme entre des êtres obstinés à rejoindre leur propre destination, des quémandeurs de toute espèce. La grande innovation depuis ma fuite (15 ans déjà) et qui n'est pas récente mais a rattrapé nos congénères d'autres capitales : je sais combien de minutes je vais attendre le prochain métro et même le second !
Je suis arrivée jeudi soir, sans encombres, accueillie par mon amie américaine (adaptée francophone depuis trente ans).

Mon amie habite au dessus de la gare Montparnasse. Les sons ordinaires des déplacements ferroviaires nous parviennent assourdis, comme transposés symphoniques. Au dixième étage, la vie ordinaire s'éthérise. Les immeubles sont de clignotantes répliques des forêts de Max Ernst.
Le chien Saxo,un Golden Retriever d'une grande douceur, inscrit de l'organique dans cet univers, en venant humblement mendier son lot de caresse.

Je ne ferai aucun commentaire sur le premier mai. Voir le numéro spécial du Chasse clou, il résume à sa manière ce que je pourrai en dire.

Mon amie souhaitait voir Gran Torino. Clint Eastwood, ça ne se refuse pas. Je l'ai volontiers accompagnée en ignorant que le titre était en fait le nom d'une voiture, objet symbole d'une transaction délictueuse puis aimante, je vous laisse découvrir. Il n'empêche, le fond de l'histoire, c'est le retournement d'un vieux réactionnaire qui a décimé du "Niakoué" (guerre de Corée) et voit son quartier envahi par les Jaunes, singulièrement des Hmongs, contraints à l'exil pour avoir été partisans des Américains pendant la guerre du Vietnam. Sacs de noeuds gordiens dont l'histoire mondiale regorge. On assiste à la conversion du vieil acariâtre sous l'effet conjugué de deux adolescents, l'une, jeune fille pleine de pugnacité et d'humour, l'autre, le frère, un garçon efféminé au regard des codes de sa culture et de la culture américaine (un mec ça cogne, voire ça bute). On a droit au ballet des flingues. C'est terriblement inscrit dans la dramaturgie yankee.
Clint est un vieillard (79ans ) qui a toujours fière allure. Ses films sont profonds et efficaces.

Ma fille voulait voir Welcome. Son chéri le lui avait conseillé. Bien-sur, un Philippe Lioret / Vincent Lindon, c'est un bon ticket, allons-y. Eprouvant. On a beau savoir à l'avance de quoi il s'agit, voir les types s'enfiler des sacs plastiques sur la tronche pour éviter de se faire repérer par le taux de CO2 lié à leurs échanges pulmonaires, ça étouffe. Tout le film nous travaille au remords d'appartenir à cette "civilisation" qui croit se protéger en éliminant de la façon la plus épouvantable quelques surnuméraires, au prétexte qu"il faut éviter d'encourager l'immigration clandestine, quand les conditions de vie à l'origine de ces transhumances sont telles que rien ne peut empêcher ces damnés de tenter d'accéder à un Eldorado, quelles que soient les épreuves qui les attendent. Tout plutôt que la mort lente. L'histoire en l'occurrence est sublimée par la quête amoureuse du jeune héros, prêt à franchir le Channel à la nage.

Calder, oui mais à quel prix (12 euros, by the way), mais le coût le plus lourd à mes yeux reste le temps passé dans les queues. Pour entrer dans l'usine culturelle (examen des sacs 20mn), puis acquérir le billet (15mn), puis accéder au sixième étage, le nez sur l'arrière-train de qui nous précède, puis présenter son ticket avant de franchir la porte de l'expo. Une fois à l'intérieur se démancher le cou (tellement le monde se presse) pour admirer ce qu'il y a à. Et il y a c'est un fait. Le petit cirque accompagné de la célèbre vidéo où on voit Calder animer ses animaux miniatures en produisant des sons curieux ouvre l'exposition. Les portraits en fil de fer, si bien éclairés que la lecture de leur projection d'ombre se transformant pendant que la sculpture tourne sur elle-même, nous offre pour chaque visage une panoplie étonnante d'expressions. L'exposition est surtout intéressante pour ces oeuvres, dont toute la série de Joséphine Baker, la technique du métal, idéale pour transposer la souplesse du corps de la danseuse. Quelques peintures du temps de sa fascination pour Mondrian (très en-deça d'icelui), quelques stabiles dont La baleine et le requin. Au total , un moment de jubilation plein d'humour, si on fait abstraction de l'irritation éventuelle procurée par le congénère qui commente à haute voix ou les mômes qui se font tartir et l'expriment bruyamment.

Je vous fais grâce de la série Kandinsky (deux expos pour le même prix, au pas de course pour cause de train à prendre de ma chérie). J'ai particulièrement aimé les séries d'aquarelles, formats plus réduits et les dessins. Kandinsky ou la couleur orgiaque.

Le soir, j'allais à la fête d'anniversaire de mes deux amis. Elle, j'ai travaillé de conserve pendant dix ans. Nous avons été comme les deux bras d'un même corps (sic) et nous avons ensemble soulevé pas mal de vieilles montagnes miteuses qu'il s'agissait de transformer en plaines fertiles . D'origine slovène, elle a bénéficié fort heureusement, au même titre que son mari, d'origine turque, de la vague de naturalisation initiée par Mitterrand . Deux magnifiques personnes dont la France n'a eu qu'à se féliciter, qui ont eu un fils brillant, appartenant désormais à l'élite intellectuelle. Lui, excellent bassiste, avec ses acolytes dont une chanteuse qui n'a rien a envier à Kate Bush, nous ont régalés de oldies but goodies. J'ai un peu mal aux mollets.

Raconter ces quelques péripéties, c'était une façon de me remettre sous le vent.

Illustration Calder Goldfishbowl