vendredi 24 février 2012

Cette France-là

Dominique Hasselmann (qu'il en soit remercié) donnait à voir ce jour dans son TàG quelques photographies de Reza, peintre iranien.
J'ai suivi un lien menant au très beau webistan du photographe. J'en ai extrait cette photo commentée par ce qui suit et qui m'émeut, tant je crains que même cela soit menacé.



La France est le pays d’accueil de mon exil. Elle est mon port d’attache sur ma route de nomade. La France est le pays d’accueil de nombreux exilés politiques ou économiques, qui ont trouvé ici une terre où vivre plus librement, plus démocratiquement, plus justement. Il existe une association, France Terre d’Asile (FTDA), qui, depuis de nombreuses années, aide les réfugiés dépourvus de repères qui arrivent sur le sol français. Durant les premières semaines de leur vie dans cet ailleurs si différent de ce qu’ils ont connu, ils peuvent vivre dans deux centres de FTDA, l’un à Puteaux, l’autre à Créteil.
Pendant que les parents suivent des formations et mènent les démarches administratives nécessaires à leur intégration, des éducatrices aimantes et dévouées s’occupent des enfants. Si la communication ne peut se faire par la parole, elle se fait par la chaleur et la sincérité de leur amour. Cette France-là, loin des barreaux, du racisme et de l’intolérance, est le pays d’accueil de mon exil.

(...)

L'histoire de Reza n'a rien d'anodin.
La connaître, c’est obtenir la clef pour mieux comprendre son travail. Né il y a 50 ans en Iran, il découvre très vite une arme formidable pour défendre la liberté : le journalisme. A l’ère des dictatures – celle du Shah d’abord, du régime islamiste ensuite – il ne fait pas bon être rebelle. Reza connaît la prison, la torture, l’exil.
Depuis 1981, date de son départ du pays natal, il habite de ce côté-ci du monde, celui de l’Occident. Mais régulièrement, il refait sa valise, visse son objectif et repart de l’autre côté, vers ceux qui vivent la lutte et la douleur.
Du Maghreb à l’Asie, de l’Afrique aux Balkans, Reza arpente le monde, ou plutôt son monde.

mardi 21 février 2012

Tous Grecs!

Je transmet une tribune parue lundi dans Libération. Je n'ai rien de plus nécessaire à exprimer. Merci Raoul et Yannis.



LA GRÈCE, BERCEAU D'UN AUTRE MONDE

Pour un soutien au combat du peuple grec et pour une libération immédiate des manifestants emprisonnés.

Non, bien que dramatique, ce qui se déroule en Grèce n'est pas une catastrophe. C'est même une chance. Car le pouvoir de l'argent a, pour la première fois, dépassé allègrement le rythme jusque-là progressif, méticuleux et savamment organisé de la destruction du bien public et de la dignité humaine. Et ce, sur une terre aussi réputée pour sa philosophie de vie aux antipodes du modèle anglo-saxon que pour sa résistance inlassable aux multiples oppressions qui ont tenté de la mettre au pas. Le Grec ne danse pas et ne dansera jamais au pas de l'oie ni en courbant l'échine, quels que soient les régimes qu'on lui impose. Il danse en levant les bras comme pour s'envoler vers les étoiles. Il écrit sur les murs ce qu'il aimerait lire ailleurs. Il brûle une banque quand elle ne lui laisse plus les moyens de faire ses traditionnelles grillades. Le Grec est aussi vivant que l'idéologie qui le menace est mortifère. Et le Grec, même roué de coups, finit toujours par se relever.

Oui, l'Europe de la finance a voulu faire un exemple. Mais dans sa hargne à frapper le pays qui lui semblait le plus faible dans la zone Euro, dans sa violence démesurée, son masque est tombé. C'est maintenant, plus que jamais, le moment de montrer du doigt à tous son vrai visage : celui du totalitarisme. Car il s'agit bien de cela. Et il n'y a qu'une seule réponse au totalitarisme : la lutte, tenace et sans concession, jusqu'au combat s'il le faut, puisque l'existence même est en jeu. Nous avons un monde, une vie, des valeurs à défendre. Partout dans les rues, ce sont nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos parents, qui sont frappés sous nos yeux, même éloignés. Nous avons faim, froid, mal avec eux. Tous les coups qui sont portés nous blessent également. Chaque enfant grec qui s'évanouit dans sa cour d'école nous appelle à l'indignation et à la révolte. Pour les Grecs, l'heure est venue de dire non, et pour nous tous de les soutenir.

Car la Grèce est aujourd'hui à la pointe du combat contre le totalitarisme financier qui partout dans le monde détruit le bien public, menace la survie quotidienne, propage le désespoir, la peur et la crétinisation d'une guerre de tous contre tous. Au-delà d'une colère émotionnelle qui se défoule en détruisant des symboles d'oppression se développe une colère lucide, celle de résistants qui refusent de se laisser déposséder de leur propre vie au profit des mafias bancaires et de leur logique de l'argent fou. Avec les assemblées de démocratie directe, la désobéissance civile, le mouvement « Ne payons plus » et les premières expériences d'autogestion, une nouvelle Grèce est en train de naître, qui rejette la tyrannie marchande au nom de l'humain. Nous ignorons combien de temps il faudra pour que les peuples se libèrent de leur servitude volontaire mais il est sûr que, face au ridicule du clientélisme politique, aux démocraties corrompues et au cynisme grotesque de l'Etat bankster, nous n'aurons que le choix – à l'encontre de tout affairisme – de faire nos affaires nous-mêmes.Lien

La Grèce est notre passé. Elle est aussi notre avenir. Réinventons-le avec elle !

En 2012, soyons tous Grecs !

Raoul Vaneigem et Yannis Youlountas

J'ajoute une info que je reçois ce jour qui me réjouis :

Grèce : A l'occasion de la cérémonie de commémoration de la libération de la ville, les élèves du secondaire de Ioannina (Nord de la Grèce, Épire)
défilent devant la tribune des officiels en détournant la tête et en envoyant des "moutzes" (insultes gestuelles).

Les défilés scolaires et militaires traditionnels de la fête nationale du 25 Mars à venir s'annoncent brûlants...


mardi 14 février 2012

Lisboa

Voyage au Portugal. Seulement deux petits jours à Lisbonne, le reste du temps dans un petit village plus au Nord, Chàos. Quelques points de vue où on peut constater qu'il faisait un soleil radieux. une moyenne de 14°, le choc thermique au retour a été brutal.



A Bélem, sur les bords du Tage, le monument salazariste à la gloire des grands conquérants du nouveau monde . On reconnait le style phallique caractéristique du délire de toute puissance des dictateurs


Les Portugais l'ont surnommé le "Poussez pas derrière". Il est vrai que les héros sont entassés et munis de leurs diverses machines à tuer ce qui rend dangereux une telle promiscuité.

Lisbonne est une ville toute en collines. S'y baguenauder exige une bonne qualité des genoux, (les pentes sont redoutables) et un pied sûr (les pavés volontiers glissants).

A gauche le Château Sào Jorge, il domine la ville bien-sûr et a été chèrement arraché aux Maures avant d'entrer dans la chrétienté. Au lointain le pont du 25 avril (inauguré en 1966 sous le nom de Salazar et rebaptisé après la révolution des œillets).


Il domine les Docks, zone reconvertie en haut lieu de la nuit lisboète (restaurants, boites de nuit, boutiques). Le bruit de la circulation sur le pont est obsédant et produit une sorte de musique sérielle.
Dans le port on peut contempler avec un rien d'effarement une de ces villes flottantes. Celle-ci navigue sous pavillon caribéen, ben voyons.



Dans le vieux quartier Alfama, se trouve le Musée du Fado. Musée modeste qui réunit les photos et les films montrant les gloires du fado dont de beaux portraits d'Amalia Rodriguez (Photos interdites), une collection de guitares à douze cordes, et un petit auditorium.

La nuit tombe sur la ville, on peut utiliser les tramways que les Lisboètes ont sagement conservés et qui dans ce quartier, grimpent bravement en grinçant et couinant, rasant les murs à certains endroits. Il faut être un piéton vigilant



Diner en écoutant chanter à tour de rôle deux hommes et une femme, en buvant un vin fort un peu âpre, en accompagnement d'une daurade et rentrer en métro (grande beauté des stations, d'une incroyable propreté) chez le couple qui m'a hébergée : un pasteur de l'église presbytérienne écossaise et sa femme une Brésilienne de Sào Paulo. Deux jeunes gens charmants qui adorent accueillir des gens de passage et ont choisi le Portugal comme un lieu leur permettant d'être à équidistance de leurs origines. Muito obrigada.
Lisbonne mérite mieux que ces deux journées et les quelques images (pas excellentes loin s'en faut) que je livre ici. Pour conclure un peu de saudade et la grande prêtresse.

samedi 11 février 2012

So long, Laurent.



 Laurent Perrin était un ami, un de ces êtres qui ont eu une place très spéciale dans ma vie. Nous nous étions perdus de vue depuis longtemps. Récemment son bel hommage au poète de la beat generation, Ferlinghetti, le dernier des beatniks, nonagénaire plein d'énergie, m'avait donné l'occasion de me remémorer la belle époque où nous buvions des verres, rue de Buci avec la tribu, une communauté éphémère d'êtres affamés d'exaltation et décidés à décupler la féérie des sens et du sens. Je garde en moi, vivant, ce beau sourire.

jeudi 2 février 2012

Pause


Peu m'importe le commencement du monde


Maintenant ses feuilles bougent
maintenant c'est un arbre immense
dont je touche le bois navré

Et la lumière à travers lui
brille de larmes

Philippe Jaccotet, Poésie, 1946 - 1967. nrf Poésie / Gallimard
Photo ZL