vendredi 31 décembre 2010
mercredi 29 décembre 2010
La dispute
Il y avait longtemps que je n'avais visité "l'autofictif" d' Eric Chevillard.
J’ai coupé en morceaux le corps de ma femme puis j’ai mis ces morceaux dans une valise, elle a fait de même avec le mien, en sorte que nous voilà bien lourdement chargés pour les vacances.
À ne pas confondre, la brute conjugale prompte à cogner, ce crétin violent, inexcusable, ce gorille aux poings haineux, et le paisible bonhomme que sa femme habitée par le démon de l’autodestruction utilise comme gourdin, comme massue, comme couteau, répugnant sans doute à se mettre elle-même en pièces avec les ongles et les dents et préférant, toujours en quête d’un coupable, aller se déchirer sur les moindres aspérités de son compagnon, inévitablement anguleux et contondant par endroits du seul fait qu’il existe et remue, et dont le geste le plus innocent devient malgré lui un coup.
(Elle ne l’écoute plus que quand il ronfle.)
Le dernier est encore le plus terrible à mes yeux.
Illustration La dispute et un petit dernier pour la route avant d'entrer dans une nouvelle année pleine de bonheur et de joie de vivre, c'est le Prez qui vous le dit
dimanche 26 décembre 2010
Exercices de lucidité
À l'université, mes professeurs me traitaient de dilettante, estimant dommageable pour mon intelligence de cultiver la paresse. Je plaidais coupable. Je n'ai jamais eu d'amour, mais simplement du goût pour la philosophie. Je me suis prêté à elle sans jamais m'y donner. Je potassais les auteurs officiels rarement avec plaisir, mais je me délectais de ces penseurs hors cadre, casseurs d'idéaux et de valeurs, rangés dans la rubrique «littérature », que l'on appelle les «moralistes». Ayant appris très tôt à penser dans leurs livres, je tiens depuis que philosopher ne consiste pas à enseigner à vivre ou à mourir, encore moins à nous consoler de notre finitude, mais à examiner la pertinence de notions tenues pour évidentes, à démystifier des foutaises ronflantes, à mettre un nez rouge aux idoles. En m'adonnant à ces exercices de lucidité, je ne vis pas mieux : je me divertis un peu.
Frédéric Schiffter. Philosophie sentimentale. Flammarion
Illustration : Otto Dix, Newborn Baby on Hands, 1927
lundi 20 décembre 2010
Quand les silences mentent...
Quand les silences mentent
comme des arracheurs d'étoiles
en négatif
les nuits deviennent blanches
puis les aurores saignantes
au bord tranchant des réalités
des nuages épousent les fuites en avant
qui épongent le front de l'horizon
imprégnés de calmants des oiseaux
tombent lentement, calmement
quelques mots tournent en rond
et puis s'en vont sans retour
heureusement aucun arbre
n'accepte de racines carrées
il fait hier, il fait demain
le temps s'est arrêté en chemin
J'ai emprunté à Mosaïques ce poème de JEA. Je pense souvent à lui, espérant que l'icône de son blog va monter tout en haut de la liste, signifiant son retour. Que ce poème soit le prélude à un tel évènement.
samedi 18 décembre 2010
Intimités brinquebalantes
"Les tensions tramant nos fragilités ne renvoient pas qu'à des discordances temporelles, mais également à des déséquilibres dynamiques au cœur de nos désirs : entre stabilités protectrices et instabilités navigatrices, familiarités et découvertes, repères et attrait de l'inaccessible.
(...)
« Rester fidèle à ce qu'on fut, tout reprendre par le début, chacune des deux tâches est immense » Merleau Ponty en 1960 dans Signes. Deux ambitions contradictoires et toutes deux indispensables. En se percutant, nécessairement.
Vivre, penser, assumer des antinomies, une « équilibration des contraires » (...) plutôt que viser «la synthèse » définitivement bouclée.
(...)
Se coltiner des tensions, déplaçables mais non dépassables dans un tout englobant et cotonneux, c'est également tutoyer l'imprévisible.
(...)
« la ferme certitude de l'incertitude », selon les mots de l'incontournable Daniel Bensaïd dans son Pari mélancolique. (...)
Au terme d'un vagabondage lié à l'usurpation faite de son nom dans un mail que j'ai reçu aujourd'hui, je suis allée revoir certains de ses billets sur son blog "Quand l'hippopotame s'emmêle" et j'en ai extrait ces quelques phrases d'un article datant de février 2010. Si vous avez envie de remplacer les (...), cliquez sur le nom de l'auteur ci dessous
Philippe Corcuff
samedi 11 décembre 2010
La Sorcière écrit au Père Noyel.
Père Noyel,
Vieux grigou, une fois encore tu vas nous encombrer d'objets inutiles. Aussi je tiens à t'indiquer quels sont mes envies réelles pour qu'une fois de plus tu ne déposes pas dans mes savates des moulinettes pour faire la vinaigrette. J'en ai UN MILLION!
En revanche, je ne cracherai pas sur une semaine à Budapest.
Tu n'as pas les moyens ? C'est la crise ? Une seule issue : entrer dans une librairie, (pitié pas le Goncourt), un essai tiens, le Dictionnaire amoureux du Rock, de ce cher Antoine. Bien-sûr que les sorcières sont rock and roll ! (Antoine je l'aimais bien aussi dans sa version vichyste).
Surtout, pas d'électronique steplait, parce qu'après Cancun ça la fout mal tous ces trucs au bilan carbone astronomique. D'ailleurs, nous dans la région on s'est pas dégonflés : un contre-sommet, hop là ! Y'a pas d'mal à s'faire du bien même si ça ne change rien à la couleur du dollar (j'me comprend) et c'est moins nul que les coup de tête du footballeur qui dévisse un peu de la lessiveuse.
Tu peux aussi m'offrir de nouvelles bottes, les miennes ont pris un peu d'âge.
Je te recommande de respecter Huguette Dubois-Famofoiller, ma vénérable cheminée, sinon il t'en cuirait. N'oublie pas que j'ai eu mon diplôme de sorcière rue Mouffetard.
On compte sur toi en 2012 pour nous remplacer le Nain, il commence à faire désordre dans notre beau jardin de France. Evite-nous le SKA, sa tronche ne me revient pas. C'est comme ça, j'ai mes têtes, la sienne est un peu trop de gondole en ce moment, ça me semble plus que louche. Comment ? Tu n'as pas un grand choix ? Débrouille-toi d'ici là pour nous en trouver une (oui j'aimerais bien pour changer) qui fasse l'affaire. Si tu fais ça, j'te promets de croire à ta miraculeuse bienfaisance.
Salut vieille branche et bonne année.
Illustration Le dico des sorcières. Elizabeth Brami, Francis Délivré, Hachette Jeunesse
mercredi 8 décembre 2010
Résister c'est créer
Mon ami Phildo m'annonce la sortie d'un film qu'il vient de réaliser, Le vieil enfant (légende Genet)
un film funéraire, un film sur l'enfance, un film littéraire, un film historique, un film musical, théâtral, poétique, burlesque..... un film de Phildo quoi.
Un autre Phil m'annonce que Les Plasticiens Volants dont il assure l'administration vont déployer leurs créatures insensées ce samedi dans les cieux à quelques lieues de chez moi. Mais d'autres amis sont annoncés en visite, saurais-je mêler toutes ces bonnes figures.
Dimanche dernier, je me suis rendue à une dégustation de vins bio à Gaillac, j'ai goûté et adopté quelques bonnes bouteilles.
Domaine des cailloutis, Causse Marines, Domaine de Cantalauze, Domaine de la Tronque,
des vins bien élevés, qui ne vous envoient pas une giclée de poison en même temps que le plaisir de leurs arômes.
Il y avait en parallèle une exposition d'Emmanuelle Pernet. Matériaux bruts, bois repris à la chaux, patinés, métal serti, agencés tels des totems. Des formes pures et puissantes propulsées par une jeune femme modeste.
René Char
Illustration : Genet par Giacometti
vendredi 3 décembre 2010
Abstracteurs de quintessence
Attention cependant, soyons vigilants, prenons garde, le poète nous aura prévenus :
"quel dommage qu'en passant par l'alambic la pensée humaine prenne le chemin contraire à celui de l'eau de roses, et qu'à la troisième ou quatrième épuration elle se dessèche, au lieu de s'exprimer en quintessence. Musset .
Pubié le mercredi 24 décembre 2008 (veille de Noêl) , appelé en renfort pour cause de panne sèche dans un cerveau saturé.
Illustration : alambic à Armagnac
lundi 29 novembre 2010
Haïti, "la fête électorale"
Il faut arrêter cette mascarade. Saccages, jets de pierres..., les élections dégénèrent. Douze candidats à la présidentielle appellent à l'annulation du scrutin pour «fraude».(...) Douze des 18 candidats ont réclamé dimanche l’annulation du scrutin en cours, ont dénoncé dans une déclaration commune «un complot du gouvernement et du Conseil électoral provisoire (CEP) pour trafiquer les élections au profit du candidat du parti au pouvoir».Libération
Des affrontements entre partisans de candidats rivaux à l'élection présidentielle en Haïti ont fait au moins deux morts et plusieurs blessés aujourd'hui dans l'ensemble du pays. Le Figaro
Des incidents violents se sont également produits à l'Acul-du-Nord et Trou-du-Nord, près de Cap-Haïtien.
Patrick Julien le maire de l'Acul-du-Nord, a fait savoir que la population était prête à voter mais des partisans des candidats ont tiré en l'air, il y a eu des blessés et lui même n’a pas été en mesure de voter « des hommes armés de machettes ont mis à sac six centres de vote, les élections ont été annulées » a-t-il précisé.
À Trou-du-Nord, le maire Jacques Gustave a indiqué qu'une foule avait pénétré dans les bureaux et saccagé les bureaux de vote: « les bulletins ont été jetés partout, le président du bureau de la localité a fait le constat et a annulé l'élection » Haïti Libre
La tâche qui attend le nouveau chef de l'Etat est immense. A la crise sanitaire née de l'épidémie de choléra qui a fait 1.648 morts, s'ajoute la question du sort du million d'Haïtiens jetés à la rue par le séisme dévastateur du 12 janvier au cours duquel plus de 250.000 personnes sont mortes.
Les résultats du premier tour doivent être diffusés à partir du 5 décembre tandis que la passation de pouvoir entre René Préval et le nouveau président est prévue le 7 février, après un éventuel deuxième tour le 16 janvier. Le Parisien
Mais il ne faudrait pas désespérer car
Le leader cubain Fidel Castro a annoncé dimanche que Cuba ferait passer de 37 à 49 le nombre de centres de santé cubains en Haïti touché par une épidémie de choléra. Romandie News
Puisqu'on vous dit que c'est la fête.
dimanche 21 novembre 2010
Deux ans et toutes ses dents
Il y a deux ans que L'Arbre à Palabres a tout doucement déplié sa ramure dans la blogosphère.
Sa plumitive, naïve et peu familière du milieu, hésitait sur le ton, les thèmes, s'appuyait volontiers sur des tiers, poètes et écrivains.
Pour ses deux ans ce blog installé sous l'égide de René Char lui rend hommage.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima ?
Il cherche son pareil dans le vœu des regards. l'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas ?
René Char. Allégeance.
Et pour la parité, Anna de Noailles Poème de l'amour, V
J'ai travesti, pour te complaire,
Ma véhémence et mon émoi
En un cœur lent et sans colère.
Mais ce qui m'importe le plus
Depuis l'instant où tu m'as plu,
C'est d'être un jour lasse de toi!
- Je perds mon appui et mon aide,
Tant tu me hantes et m'obsèdes
Et me deviens essentiel!
Je ne vois la vie et le ciel
Qu'à travers le vitrail léger
Qu'est ton nuage passager.
- Je souffre, et mon esprit me blâme,
Je hais ce harassant désir!
Car il est naturel à l'âme
De vivre seule et d'en jouir...
Photo. ZL, octobre 2010
mercredi 17 novembre 2010
L'onde de charme ou la circulation du bonheur
Exiger l'égalité des droits en permanence.
Ce n'est pas moi qui le dit mais un homme, plein de charme et d'intelligence. Je suis extasiée d'entendre dans la bouche de ce charmant philosophe des propos que j'ai tenus, mais en tant que femme, j'étais immédiatement renvoyée dans les cordes comme féministe chiante et frustrée.
Prenez la peine (le plaisir) d'écouter Vincent Cespedes qui vient de publier un livre, l'homme expliqué aux femmes.
J'ai rassemblé ci-dessous quelques points forts de son discours au cours de cet entretien. Je l'avais entendu également sur France culture.
l'onde de charme ou la circulation du bonheur,
la question que se posent les femmes :
pourquoi une perte de libido, pourquoi une absence de désir, pourquoi un oubli de la séduction , pourquoi tout tout de suite, pourquoi c'est des mufles
l'homme n'en peut plus de devoir porter une virilité inaccessible
en pleine crise , renouer avec le partage,
puissance qui rayonne,
la flemme d'aimer, consommation de pornographie, on perd la soif
se défaire de l'idée que c'est dans la concurrence, la domination qu'il peut asseoir sa masculinité
la masculinité c'est un sport d'équipe
la puissance c'est avec l'autre
la" philosophie des couilles"
éduquer nos petits garçons comme on éduque les petites filles
pourquoi les hommes sont lâches
écoute ta peur et affronte ta peur
un courage qui fait semblant de ne pas avoir peur
la virilité de l'onde de charme l'homme qui accepte ses failles qui cesse d'être violent, d'être brutal
il n'y a pas plus viril qu'un homme heureux
les femmes intellectuellement sont beaucoup moins dans le bluff que les hommes, elles ont de vraies questions philosophiques
donner le même matériel éducatif aux garçons et aux filles
éduquer les hommes à ne pas être dépendant d'une femme, de reporter ses responsabilités
éduquer un homme pour sortir des schémas débiles de la pornographie
exiger l'égalité des droits en permanence
le féminisme c'est l'égalité des droits il est à "déringardiser"
On est un pays barbare, on envoie à la morgue les femmes
l'avenir de la femme, c'est peut-être des hommes féministes
Il faut qu'on se mélange, moments de rire, de partage émotionnel
et des moments de dissociation
un point d'interrogation sur l'institution couple
vouloir faire couple, "l'encouplement", possession mutuelle, idée moyenâgeuse, machines à tuer l'amour
le couple doit découler d'une histoire d'amour mais ne doit pas être un préalable
l'amour est un évènement, dès qu'on aime il faut accepter l'insécurité (W Reich) et aujourd'hui, on a perdu cette leçon de sagesse.
Inutile de dire que je conseille la fréquentation de Vincent. Je l'ai conseillé à mon fils et ma fille que j'ai tenté d'élever dans cet état d'esprit. Ils sont, l'un et l'autre des humains plutôt sensibles et sensés.
Vous pouvez le retrouver sur son blog. je lui ai emprunté l'illustration de ce jour.
Spéciale dédicace à mon ami Francis pour la complicité qui nous lie sur ce sujet.
dimanche 14 novembre 2010
jeudi 11 novembre 2010
Une ville, la nuit.
dimanche 7 novembre 2010
Vivons livres
Hier, je suis allée au Salon Vivons Livres organisé à Toulouse pour sa troisième année. Je ne mets pas de lien, aujourd'hui était le dernier jour. C'est bizarre, mais j'aurais dû aimer fureter dans les rangs, feuilleter les ouvrages, je n'ai pas pu. Chaque fois que je me penchais vers une couverture, le type ou la femme qui se tenait derrière l'étal me couvait du regard, voire me demandait si je souhaitais un conseil ou me recommandait instamment telle ou telle merveille. J'ai résisté aux sirènes mais pas suffisamment pour éviter de faire chauffer un brin ma carte bleue. Je suis donc repartie avec dans une poche en plastique aux couleurs vives à souhait et à l'enseigne des éditions du Rouergue (oui, il s'agit d'un salon des éditeurs de Midi-Pyrénées) quelques opus glanés dans ma déambulation.
Chez Anacharsis. Dictionnaire à l'usage des oisifs de Joan Fuster (1922-1992) un poète et essayiste espagnol, valencien plus exactement dont "toute l'œuvre littéraire et philosophique sans équivalent" (s'est ) réalisée dans l'ombre de la nuit franquiste. "Dans une langue ciselée avec la précision d'un travail d'orfèvre, chaque article ramasse et développe à soi seul des considérations incisives qui confondent avec bonheur tous les obscurantismes. Je promets d'en extraire quelques pépites.
Le roman: tout dire? Assises du roman. Christian Bourgois, quelques 50 articles de 50 écrivains ont participé. J'aime beaucoup ce type de recension. Le corps tel qu'il s'impose, La folie à l'oeuvre, la puissance de l'intrigue, ils en ont parlé et ça me cause.
Les jardins statuaires, Jacques Abeille aux Editions Attila. C'est une réédition (première parution en 1982, grâce à Bernard Noël, chez flamarion) d'une oeuvre polymorphe qui échappe aux catégories en étant tout à la fois fable, roman d'aventure, récit de voyage, conte philosophique. Ce roman semble avoir été entravé par de multiples circonstances fâcheuses et son auteur tenu dans un relatif anonymat. J'étais venue pour l'écouter. Interrogé par un jeune homme Jérôme Goude, critique au Matricule des Anges, il était prolixe. Je regardais ses belles mains voltiger pendant qu'il évoquait Julien Gracq ou sa relation étrange à l'identité (il est né d'un homme et d'une femme tous deux mariés mais pas ensemble et il n'a appris qu'à quinze ans l'affaire de ses origines), sa mise en abîme du terme "langue maternelle" citant les contre-exemples que sont Beckett ou Conrad. Tandis qu'il évoquait la genèse des jardins statuaires, je me demandais en regardant et en écoutant qu'est-ce qui distingue un écrivain du commun des mortels. Rien, si ce n'est ce délire verbal qui opère (ou non) comme un charme, un envoutement. Nous avons un peu bavardé, plus tard avant qu'il ne me dédicace d'une écriture fine et penchée son livre, dont je reparlerai quand je l'aurai vraiment lu (je n'ai fait, comme d'habitude quand je viens d'acheter un livre que papillonner entre les pages). J'y reviendrai, ce livre méritant bien mieux que ces quelques lignes.
A noter qu'en même temps les éditions Attila mettent en circulation un roman graphique intitulé, Les Mers Perdues, né de la rencontre et de la complicité de Jacques Abeille et de François Schuiten.
Et pour finir et commencer, du léger. Hameçonnée par l'officiante des éditions du Rouergue et mon intérêt pour la collection de Sylvie Gracia, La brune, je me suis laissé tenter par un titre Vivement l'avenir. Marie-Sabine Roger a surtout écrit pour les enfants et les ados. Je n'ai jamais rien lu d'elle. J'avais vu le film tiré d'un de ses romans La tête en friche, une histoire de rédemption par les livres qui tenait surtout grâce à la ravissante vieille dame qu'est Gisèle Casadesus. Ce matin j'ai entamé et terminé cet après-midi le roman tout nouveau de la drôlesse. Éminemment sympathique, touchant, truculent. Bon, ça finit (trop) bien, mais mon petit cœur de midinette ne boude pas les fins heureuses. N'empêche qu'elle a une sacrée patte pour dessiner ses personnages, qu'on rigole bien à ses trouvailles stylistiques, que son portrait du gogol, personnage central est particulièrement chaleureux, bref un bonbon fondant qui vous laisse un goût sucré et acide à la fois, parfait exutoire pour une journée pluvieuse et tristoune.
J'aurais dû retourner au Salon, il parait qu'un certain Fransesco Pittau dédicaçait ses derniers ouvrages . Mais voilà, je ne l'ai appris qu'après avoir terminé ma lecture. Il était bien trop tard. Je crois savoir qu'il avait rendez-vous avec de délicieuses succubes. J'espère qu'elles l'auront entrainé dans quelque tournée toulousaine, parce que le Palais des Congrès, froid et aseptisé , ce n'est pas un lieu de franche rigolade.
lundi 1 novembre 2010
La sorcière du placard aux balais range son grenier
- Bonsoir bienveillante sybille, je vous trouve bien occupée.
- Je ne vous ai pas entendu arriver, vous auriez dû prévenir.
- J'ai manifesté ma venue mais vous semblez n'avoir rien entendu.
- J'étais occupée à débarrasser toutes ces cochonneries accumulées au gré de cadeaux idiots que se croient obligés de me faire certains visiteurs.
- Vous semblez vénère chère magicienne.
- J'ai retrouvé un livre que j'avais rangé: Le sexocide des sorcières de Françoise d'Eaubonne. Il m'avait fait bouillir le sang à l'époque où il est sorti (en 1999). En remettant le nez dedans j'ai eu à nouveau une montée d'ire.
- Une ire ancienne, vous n'avez pas motifs plus récents ?
- D'agacement, c'est plus léger. C'est que je viens de parcourir les carnets de JLK, (une petite drogue), il y épingle "Ceux qui ne manquent pas d'air" et suggère que « la rébellion c’est l’école des sentiers battus qui se prend pour le chemin des écoliers »
- Oui et alors,
- J'ai peur qu'il n'ait un peu raison.
- Mais vous, vous êtes une rebelle par nature.
- N'utilisez pas de termes que vous connaissez mal, voulez-vous? Pour m'énerver plus encore, ce JLK a dressé 15 listes de 15 livres pour lui inoubliables et je m'aperçois du nombre insensé de ceux que je n'ai pas lus. Et il faut voir la liste s'allonger avec ceux des commentateurs.
- Vous lisez donc suave thaumaturge ?
- Pensez-vous que quelque savoir qu'on possède tombe du ciel, jeune blanc-bec ? Pour comprendre l'âme humaine il n'y a pas mieux que la littérature. Mais vous me faites dire des truismes.
- Sont-ce là toutes les raisons de votre courroux ?
- Ah! J'en vois passer des inepties dès que je me branche sur les ondes. Tenez une très récente et qui vous concerne, jeune écervelé, car vous pourriez bien en faire les frais. Sachez qu'on peut désormais détecter le gène du gauchiste. Si on cherche à le détecter, je vous laisse deviner pourquoi. Qu'on me dise d'ailleurs ce qu'est cet animal !
- C'est bien suranné en effet.
- Pour m'achever, en rangeant tout ce fourbi j'ai retrouvé des traces de sorcières que j'aimais bien. Tenez celle-ci ne s'en laissait pas conter, par exemple, il faut voir la gueule des mecs quand elle révèle leurs turpitudes en pleine messe. Ah, ah ah! J'adorais!
Celle-ci était une des premières à oser un satané numéro, avec son Etienne.
Quant à elle, elle n'y allait pas par quatre chemins. C'est comme ça ! Quelle énergie ! On s'est fait quelques bons sabbats avec cette loustique. Depuis, son Roméo a passé l'arme à gauche. La mort est une redoutable concurrente
Quand à elle, avec la ouate elle s'est propulsée aux cieux et après, elle a un peu dégringolé. Je l'ai retrouvée dernièrement c'est encore une sacrée sorcière.
Ca m'a foutu un peu le bourdon ces vieux souvenirs. De plus, contrairement à ce qu'on prétend, je déteste Halloween, cette fête stupide où tout le monde se déguise avec de longs chapeaux noirs et le changement d'heure qui fait tomber la nuit plus tôt.
Jeune homme, il est temps de vous retirer et de me laisser à mes ruminations. Rassurez-vous, j'ai un bon antidote sous la main contre la morosité. Un vieux copain, Epicure. Tenez, ça vous fera du bien aussi.
«Souvenons nous d’ailleurs que l’avenir, ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument, afin de ne pas tout à fait l’attendre comme devant exister, et de n’en point désespérer comme devant certainement ne pas exister. »
Epicure. Lettre sur le bonheur
jeudi 28 octobre 2010
Mauvais esprit es-tu là ?
J'écoute Frédéric Lordon dont Harmonia propose la compilation d'une émission (Mermet, ce terroriste!) où il explique pourquoi on peut et on devrait fermer la Bourse. Si vous ne saviez pas comment la Phynance parasite l'économie, c'est très clairement détaillé. En impression sur le discours de Lordon des illustrations saignantes de Lacombe ou de Charb.
Un petit panneau promené aujourd'hui dans les rues m'a fait rire: "Ecoles, Collèges, Lycées. Voulez-vous des vieux croutons pour vos petits lardons?
Lu la ritournelle (conjuratoire) des médias Ca s'essouffle. Les riches eux, en tout cas ne manquent pas d'air. Vous avez vu le bras d'honneur qu'ont fait les actionnaires de Molex aux licenciés qui attendaient leur plan social. Estrosi s'est livré à une danse de la Pluie. Renault et PSA lui ont fait un doigt d'honneur. Il règne un mauvais esprit ces jours-ci dans les relations sociales
Pour une analyse du rôle des syndicats comme pompiers des grèves, voir La feuille charbinoise, roboratif, mais très très mauvais esprit.
Y parait que des plombiers sont entrés (sans effraction, notez) pour subtiliser les ordis au Monde, au Point à Médiapart (quelle surprise !). L'irréductible nous livre ses supputations sur ce nouveau Canardgate. Méthodes de truands? Oui mais pas d'inquiétude, la police mettra tout en oeuvre pour retrouver ces documents précieux. On espère que par précaution ils avaient été enregistrés sur micro film et placés dans le talon de chaussure de James Bond.
Y'a pas à dire, on vit une époque formidable, riche en rebondissements.
Tiens, en voilà une autre qui ne fait rien qu'à critiquer : il semblerait que les femmes sont malmenées par les médias . Nooooon! Si prétend l'Olympe. Si vous ne lisez pas, allez au moins visiter les 55 exemples de photos manipulées. Tout, tout est manipulation.
Un exemple ? Un petit cadeau pour conclure, ce cliché. J'ai attendu que le déroulant publicitaire tombe à point, pour ce collage fortuit. Mauvais esprit vous dis-je!
vendredi 22 octobre 2010
Vous êtes tous beaux, mais certains plus beaux que d'autres.
"Chaque bataille de rue est comme un stage de perfectionnement pour la police".
Merci à Frasby qui m'a mise sur la piste de cet entretien très intéressant.
A noter par ailleurs son entretien avec Pascale Clark au sujet du webdocumentaire interactif Prison Valley sur l'industrie de la prison aux Etats Unis, une nouvelle façon de faire du reportage selon l'auteur, à savoir se dégager des contraintes de l'espace et du temps
En contraste total, Marc Vella nous affirme que nous sommes tous magnifiques.
Choisis ton camp camarade, le vieux monde n'en finit pas de te passer sur le corps dans sa course folle.
Photos ZL.
mardi 19 octobre 2010
Littérature des sociétés expirantes
J'ai entamé mon séjour parisien par une visite à une amie pleine de rire et nous avons mis à profit la petite heure qui nous a réunies pour nous confirmer un mutuel attachement.
Puis, j'ai honoré monsieur Balzac par une petite visite à sa chaumière située à l'époque où il l'habita (1840 à 1847) à la lisière de Paris, à la campagne donc, alors qu'elle est toute petite, perdue au milieu d'immeubles et à deux pas de l'imposante maison de la radio.
Le grand homme siégeait à ce petit bureau environné il est vrai par un petit jardin. (On sait qu'il eut d'autres demeures plus somptueuses mais pas une ne subsiste).
Voici ce qu'il écrivit qu'il aurait pu écrire de nos jours, ce qui paradoxalement est réjouissant pour le génie d'Honoré, beaucoup moins pour l'état de notre époque
Samedi, c'était manif. Juste quelques images pour le plaisir de la récurrence et cependant l'innovation.
La folie se charge du décompte impossible
Et pendant les travaux, les affaires continuent
Le soir, nous étions à La Cartoucherie, ma fillote et moi.
Une copine avait deux places à revendre pour "Tempête sous un crâne" d'après les Misérables de Victor Hugo, par la Compagnie Air de Lune. Six comédiens dont deux musiciens. Il est fondamental pour nous tout autant de garder le fil narratif de l’histoire que de garder la profusion lyrique et pathologique de certains moments de descriptions, de logorrhées. C’est dans cet esprit que la musicalité du texte et sa rythmique ont jailli. Certains passages sont mis en musique réellement à la manière de chansons, d’autres fleurtent avec le « slam » ou le « rap ». Grâce à la belle énergie des interprètes, le texte d'Hugo semblait annoncer les barricades à venir. N' y a-t-il pas quelque Gavroche qui s'est pris un tir de flash ball ces derniers temps ?
Pour le reste, nous avons goûté le plaisir de partager quelques autres bonnes choses ma fillote et moi
Je suis repartie avec le premier métro vers l'aéroport. Après tout le tohu-bohu de ces quelques jours (empilement dans les métros bondés, rues gavées de marcheurs - hurleurs, klaxons et vrombissements incessants, sans compter une chute odieuse de température), je n'étais pas fâchée de retrouver mes collines.
C'est un tel choc les couloirs du métro vides que j'ai posé mes valises, le temps d'un dernier cliché. Ne dirait-on pas un canal ?
J'ai été accompagnée dans mon périple par Monsieur le Comte au pied de la lettre que j'avais invité à me suivre en passant à La Hune. Très réconfortant ce Comte. Voilà un personnage qui bannit toute complaisance. Un paumé authentique mais qui s'en fout. Ce n'est pas un Quichotte à la longue figure. Bien qu'il puisse craindre de perdre la face (et non au figuré), il ne recule devant aucun gouffre, il ouvre des portes qui donnent sur l'envers du décor, pourchasse une quête mycologique, est capable de se reproduire par malaxage, bref ses aventures sont surtout l'occasion de jeux de lettres et de mots impayables (au sens propre, il n'ont pas de prix). Je dédie à Monsieur le Comte la piste cyclable ci-dessus qui devrait être agréable à sa bicyclette souffreteuse.
mercredi 13 octobre 2010
Paris,Tango ou rock'n'roll ?
Quand tu t'habill's avec du bleu
Ça fais sortir les amoureux
Paname
Quand tu t'habill's avec du gris
Les couturiers n'ont qu'un souci
C'est d'fout' en gris tout's les souris
Paname
Quand tu t'ennuies tu fais les quais
Tu fais la Seine et les noyés
Ça fait prend' l'air et ça distrait
Paname
C'est fou c'que tu peux fair' causer
Mais les gens sav'nt pas qui tu es
Ils viv'nt chez toi mais t'voient jamais
Léo Ferré. Paname (extrait)
mardi 12 octobre 2010
Quand c'est fini, ça recommence
d'autant qu'il a une petite mine ce Prez
Prenez garde, à la jeune garde qui descend sur le pavé !
Roooh non! Plutôt mourir!
Ne pas leur donner d'idées malsaines siou' plait
Hem!
Photos , encore merci à FL de m'avoir prêté ses pieds et son oeil.
mercredi 6 octobre 2010
Vive la Retraite aux flambeaux *
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais beaucoup de blogs ont cessé d'émettre. Pour ne citer que ceux que je fréquentais régulièrement Clopine, Dexter, Montaigne à Cheval, Manu Causse, se sont tus (momentanément ou pas ?) Cactus clignote de temps à autre.
Bertrand Redonnet, part s'occuper de la mise en scène d'un de ses textes, Georges Flipo n'écrit plus parce qu'il écrit (sic),
Stéphane Beau est encore fidèle au poste et pose une question qui me taraude aussi : pourquoi Nicolas Sarkozy inspire-t-il à ce point les auteurs de fictions ? En effet, que ne le laisse-t-on
dans l'ombre d'où il n'aurait jamais dû sortir.
Le manchot tire le rideau. Comme il laisse à consultation ses archives j'en ai récupéré une que je vous donne à savourer avec en préambule un extrait de l'ouvrage : J'ai remarqué très tôt, trop tôt peut-être, que le travail c'est surtout de la fatigue (...)
DANS LA GUEULE DE LA SERVITUDE
« Et c’est ici, je crois, que je devins dangereux pour les affameurs… »
Chapardeur, roulottier, casseur, flambeur, braqueur, titulaire de quelques séjours en prison et d’une balle dans le ventre, Alexandre Dumal, dans son récit autobiographique, narre avec beaucoup de limpidité la trajectoire d’un jeune homme qui ne veut pas travailler.
Les possédants et les curés seront fâchés que ce jeune homme subisse la prison avec équanimité et qu’elle lui serve de stage de formation pour de nouveaux méfaits.
Les téléspectateurs s’étonneront que la même paisible vaillance donne un ton de simple évidence au récit des exploits et mésaventures de l’auteur.
Et les romanciers seront secrètement outragés de voir que le bandit écrit mieux qu’eux.
Sans doute certains milieux veulent-ils bien accepter les invectives des délinquants d’autrefois, et même de tel criminel plus récent projeté à une raisonnable distance critique par les flics et leurs Manhurin. Mais quand l’auteur est contemporain, vivant, et dit de claires évidences, rien ne va plus. (Ainsi, au temps où Mesrine n’avait pas encore été exécuté sur la voie publique, avait-on généralement pu lire dans la presse que son autobiographie était mensongère et mal écrite.)
Alexandre Dumal, étant contemporain, pas encore trop criblé de balles à l’heure où j’écris ceci, et nullement porté à l’invective lyrique, sera peut-être taxé d’insignifiance par les feuillistes et le reste de la domesticité.
Et tout au contraire, en adoptant naturellement le ton de l’évidence limpide, il est tout à fait scandaleux. Notamment parce qu’il est ainsi de son temps, du nôtre.
Certes il y a une manière d’inscrire les individus dans la « sociologie » d’une période qui n’est que le honteux moyen de dissimuler leur vertu personnelle. Tout de même on rappellera que notre période est une période de pillage généralisé et notoire. Aux exactions sans frein des riches répondent la fauche des pauvres, la reprise collective encore timide pendant les manifestations de rue, les attaques de ce que les policiers appelaient voici quelques années les « nouveaux bandits » (mères de famille braquant les caisses des supermarchés, etc…) Le respect de la propriété privée s’est perdu. Elle n’est plus gardée que par la peur de la police.
Alexandre Dumal est de ce temps. Il a passé par les barricades de Mai 68, mais il avait fait son choix avant, il l’a maintenu après. Et il s’élève au-dessus de ce temps en ayant perdu le respect, mais aussi la peur. Je crois qu’on peut dire que la vertu principale d’Alexandre Dumal est le courage.
Parce qu’il avait le courage, son refus de la misère ordinaire –décidé dès l’enfance- l’a mené haut. Et la clarté de son livre vient de là : elle vient de haut. Pour savoir écrire, il faut savoir vivre.
Certains, qui ne savent ni lire, ni vivre, auront hâte d’oublier ce livre. Qu’ils se dépêchent ! car le refus qui habite ce texte n’a pas fini de revenir, lui aussi, dans la gueule de la servitude.
JEAN-PATRICK MANCHETTE.
Je sais, on pourrait considérer que moi aussi je ne fiche plus rien. Pas faux. (Merci au Manchot et à Manchette du coup de main, si je puis dire).
* Le titre, en hommage à Bernard Clavel qui vient de mourir et dont la disparition n'a semble-t-il guère ému les chroniqueurs.
Photo Retraite aux flambeaux au jardin d'état
J'ajoute ce jour 11/10 10 un lien vers un article d'Alain Sagault, Ah, les braves gens !
lundi 4 octobre 2010
Partage
Depuis tout ce temps que nous voyageons dans nos capsules gémellaires,
Que nous goûtons avec de délicieux frissons complices,
Aux petits bonheurs simples,
Que le monde, le vaste monde nous concède,
Te dire comme elle m'est précieuse ta vie,
Et comme ces heures de partage
Redonnent un solide tour de manivelle
Au moteur secret de ma nacelle.
Photos ZL La Franqui, Octobre 2010.