vendredi 27 février 2009

D'un jardin l'autre



J'ai déjà évoqué l'écriture de Régine Detambel. (Le syndrome de Diogène, 4 février). Loïs de Murphy, dans un commentaire recommandait "Le jardin clos". J'ai dû le commander. Même à Ombres Blanches, la place manque et on ne trouve que les derniers ouvrages, sauf évidemment pour les grands classiques.
J'ai pu en attendant découvrir "Petit éloge de la peau" une merveille paru chez Folio (2 euros). "L'écriture aujourd'hui, moderne poétique de la peau, n'écorche plus le papier. Fi des parois scarifiées. Elle se tient loin du manuscrit, du parchemin, de cette peau de veau mort, encore sanguinolente, dont le vélin tira sa palpitante origine. Elle n'est plus une écriture mordeuse de chair, qui tatoue le texte sur la peau des livres - et c'est pourquoi d'ailleurs elle se mémorise si mal.

J'ai pris conscience depuis que je tiens ce blog et alors que je manie le clavier depuis longtemps désormais que j'ai tendance à faire plus de fautes d'orthographe au clavier qu'à la main. J'ai la mémoire orthographique dans le jeu du poignet tenant un crayon, pas au bout de mes doigts pressant les touches.

Le jardin clos Gallimard 1994. Le jardin, théâtre d'un traumatisme initial, devient le cocon d'un homme qui a renoncé à vivre au dehors. Les limites de ce jardin public sont celles de son nouveau monde qu'il partage avec quelques frères de dilection, des êtres repoussants pour tous les autres mais qui s'aiment les uns les autres et se roulent et s'enroulent ensemble sous leurs cartons ondulés, accompagnés de leurs chiens. Régine Detambel nous donne à connaître un autre visage de ces marginaux qu'on croise tous les jours, dont le dénuement nous semble un archarnement à se tenir en dehors des règles minimales d'obédience. Confusément, nous leur en voulons de la crudité de leur démonstration de mépris pour nos univers de confort chèrement gagné au prix de la laisse et de ses traces douloureuses à notre cou. (voir Portrait de l'écrivain en animal domestique, Lydie Salvayre)
Le personnage (le héros ?) aime profondément sa chienne qui permettra à son corps défendant (c'est absolument le terme) la catharsis, lui redonnant la force qui lui avait manqué et l'avait installé dans le remords du lâche. On ne résume pas un livre dont la puissance tient au sujet (on n'a jamais aussi bien parlé des SDF) mais plus encore au style, à la broderie élégante de Detambel. Et là on doit s'effacer :
J'ai renoncé, pour une raison, une seule, intense et passionnée, à poursuivre la vie réelle que je menais, un peu plus bas, dans la rue bruyante qu'on voit par la lucarne du mur. Je suis maintenant un personnage anecdotique et pittoresque qui a appris tout seul la marche du soleil. J'en imposerais aux chasseurs, pour les traces que je reconnais, aux horticulteurs pour les miracles que j'ai accomplis, aux astronomes pour les éphémérides que j'ai moi-même calculées, aux mathématiciens. J'en remontrerais aux zoologues pour mes observations, même aux apiculteurs. Je suis un vieux sage qui a la patience de suivre le soleil avec la pointe du pied.(46).
Je suis un bateau qui se construit dans une bouteille (60)
Sandrine est émouvante de force. Tout sur elle est déjà animal. Sa peau ondule à la base des poils quand elle frissonne, ses seins durcissent et se mettent en boule avec lenteur comme de petits hérissons (75).

Pour conclure, un bel oxymore rencontré en visitant les emplacements à louer, recueil de Nouvelles de Manu Causse, dont Chasse à l'homme, un bijou.
Au moment où on s'engouffre sous l'arche, le soleil est en train de sortir des nuages, derrière le merisier, j'ai l'impression de plonger dans un tunnel de lumière . (51). Visitez le purgatoire (emplacements à louer). D'un Noir si Bleu 2008.

Je retourne tailler les branches mortes, il fait si beau.

mercredi 25 février 2009

Mon jardin m'a tuer


Aujourd'hui soleil, enfin.
Boire le café sur la terrasse et lâcher l'écran pour le jardin.
Un tour, un seul et je reviens avec sécateur et escabeau. Le rosier grimpant est pourri de vieux rameaux noircis, le vent des tempêtes qui n'ont épargné ni le Nord ni le Sud, l'a décroché de son treillis. A la suite, tailler le plus urgent : les seringuas, la sauge, les penstémons. Au jardin on est toujours dans le plus urgent, la priorité à ceux qui ont mauvaise mine. Pas trop de dégâts cependant, en dépit du gel. Juste tout ce qui a été négligé, le jardin a été impraticable à ce jour
Un jardin c'est du bonheur parce que voir bourgeonner et refleurir chaque année les arbustes, les fruitiers, les rosiers, la sève remonte en nous comme en eux. Un jardin c'est un boulot d'esclave. Cadences infernales des tontes, des tailles, du désherbage, des soins. Venant de la Capitale, investissant une friche laissée aux moutons depuis cinquante ans, j'ai planté, à tours de bras, je n'ai pas soupçonné l'envergure de la servitude volontaire que je mettais en route avec mes petis bouts de bois. Mon jardin m'a sauvée, mon jardin m'a tuée. Il m'a sauvée quand le goût de vivre m'avait désertée (épisode intense mais de courte durée). Il m'a tuée et je sais qu'il va me retuer, une petite mort subtile quand après une journée d'acharnement pour servir tous mes sujets, je tomberai telle la momie dans un scaphandre de plomb.
Ne possédez rien, pas même de l'herbe et des cerisiers, ce sont eux qui vous exploiteront.
Ou alors il faut avoir les moyens d'Edward James cet Anglais excentrique qui a installé un paradis surréaliste dans la jungle Huasteca au Mexique y consacrant la vente de son exceptionnelle collection d'œuvres d'art.
Ou encore être une Niki de Saint Phalle et y consacrer le reste de sa vie en créant le jardin des Tarots en Italie, province du Grossetto, dans un lieu perdu, très difficile à trouver mais résolument magique.

mardi 24 février 2009

N'oublie pas que je t'aime


Il court, il court le furet !
De blog en blog.
Bien le bonjour !
Un p'tit éclat ?
De rire
De frime
De fureur et de bruit silencieux.
De silence musical
Un p'tit éclair
Une pépite
Pour la route.
Si tu ne m'aimes pas je t'aime
Et si je t'aime...
Parlons peu mais parlons bien
Aux innocents les mains pleines
L'as-tu vu mon p'tit lou ?
Tant va la barque à l'eau
Qu'à la fin elle se casse
A Ciao bonsoir,
Vous reprendrez bien un vers
Jamais deux sans trois
Sans trois ni loirs
Vous délirez mon cher Chouette there
Stanley rubrique & Cie
Si la messe était dite
Qui s'intéresserait au film
C'était un jour ordinaire, d'ordinaires aventures inutiles mais indispensables.

Photo Où est-il l'écureuil ? Clemt

lundi 23 février 2009

Grand père, dis-moi, qui suis-je ?

-"Grand père, dis-moi, qui suis-je ?"

-"Toi mon petit, comme tous les êtres humains qui ont vécu sur terre depuis le commencement, tu es une question vivante, une audacieuse interrogation ambulante à la recherche de réponses sans fin".

Ainsi parla Don Gregorio, maître du savoir des vents et du rêve dans la tradition des Ah-Miatzob, les scribes Mayas qui sculptèrent leur sagesse sur les pierres et les stèles dans les pyramides.

CAUSERIE & PETITE COMPOSITION DE CONTES MAYAS ...
avec
Ricardo Rueda Miramon
, poète et conteur

http://www.youtube.com/watch?v=bnYRBxCDisU

Photo Palenque Wikipedia

dimanche 22 février 2009

Le vent des blogs 1


Pour lutter contre l'éphémère, je me propose de réaliser chaque semaine, le dimanche de préférence, sauf empêchement pour cause de mieux à faire, un résumé de mes coups de cœur ou de sang, au fil de ma lecture des postiers de la blogosphère. Leur ordre d'apparition n'obéira à aucune hiérarchie, voire souffrira de tête-à queue chronologique, de coq à l'âne et autres figures interdites. (S'ils ne sont pas mentionnés dans le texte c'est que les liens sont en liste ici à droite)
Chez le Chasse clou, la reproduction de l'appel des intellectuels créoles dans le Monde, (18/02 commenté la veille ici même sous l'arbre à palabres), a donné lieu à quelques propos assez nauséabonds et donc un échange d'amabilités. Je retiens la création d'un néologisme "hurluberlus charabiatants" ainsi définis par un hurluberlu très doué pour le charabia haineux.
Clopine (clopineries) a fermé son blog (20/02), un petit salon que j'aimais bien fréquenter tant l'hôtesse était fine, vive et entourée d'une cour de zigotos zygomatisants. Je mets cela au passé, mais elle est bien vivante, seulement elle a décidé de se lancer dans la création comme lutte contre l'entropie qui atteint les femmes d'un "certain âge" et leur tord les tripes en les shootant à l'urgence. Bon vent Clo et à très bientôt chez les libraires.
Jourde défend les enseignants contre la fameuse réforme qui a réussi à liguer dans le même bloc les syndicats de droite comme de gauche. Dans son dernier billet, il affirme que l'autorité du prof nécessaire et bienfaisante doit être fondée sur le niveau de connaissances que le dit professeur possède de la matière qu'il enseigne.
Il faudrait aussi en finir avec l'idéologie ravageuse qui consiste à apprendre aux professeurs que l'enfant est en mesure de construire seul ses connaissances. Au lieu de cela la dérive serait
un faux égalitarisme teinté d'angélisme à la Rousseau qui laisse accroire que c'est le professeur qui a à apprendre de l'élève. Il faut rétablir la formation des maîtres concentrée sur les contenus. Jourde qui est lui-même issu du sérail l'affirme : de tous les professeurs que j'ai croisés dans ma carrière, les plus efficaces, les plus respectés et les plus aimés de leurs élèves étaient aussi, à peu près invariablement, ceux dont les compétences dans leur discipline étaient les plus poussées. Chez eux, l'autorité intellectuelle ne différait pas de l'autorité exercée en classe. J'ai souvent observé que des élèves, même difficiles, respectent le savoir. Ils ne prennent pas pour du mépris le fait de vouloir le leur transmettre. Ils savent que l'autorité n'est pas incompatible avec le respect et l'affection qu'on leur porte, bien au contraire. Qu'elle peut s'exercer dans l'humour et la bonne humeur. Hélas, est-ce la formation qui déforme ? Pour ma part, j'ai rencontré dans ma carrière d'élève puis d'adulte très investie dans la sphère éducative très peu de ces miraculeux humoristes, plus souvent des grincheux, des hypocondriaques, des fatigués chroniques. Est-ce que j'ai eu une expérience atypique ?
Chez Manu Causse, il est né le divin enfant, celui d'Emmanuelle Urien, il nait et renait tous les jours. Je l'ai lu mais je n'en dirai ...rien, on ne joue pas les apprentis critiques inconsidérément. Si vous voulez savoir de quoi il retourne, faites comme moi, versez votre obole.
J'aime bien le blog Biffures Chroniques mais je ne parviens pas à poster un commentaire, apparemment il faut s'inscrire à je ne sais quel machin propulseur, j'en ai marre de m'inscrire partout et nulle part.
Chez Dom A j'ai dévalé des marches vers la grise Marne sur l' air de "dansez sur moi". Ça m'a évoqué "le cuirassé Potemkine" il manquait juste la poussette.
Chez Chr. B, (Lettres libres) j'ai glané ceci , (L' Auto-friction, 19/02, mais tout est bon chez le Christophe), un florilège de la jactance de têtes brûlées :
on s'éclate
au lieu d'on s'amuse ;

on a cassé
au lieu d'on a rompu ;

je m'arrache
au lieu de je m'en vais ;
j'hallucine au lieu de c'est incroyable ;
j'y crois pas au lieu de c'est extraordinaire ;
c'est d'enfer au lieu de c'est inouï... ?
Et ne disent-ils pas que c'est clair quand plus rien ne l'est ?

Sans oublier mon aphorisme à moi publié chez les 807
"807 sangsues sans sang, 807 assoiffées au désert." (18/02)
Connaissez pas les 807 ? Des fondus d'Eric Chevillard qui ont entrepris de publier un aphorisme proposé par d'autres fondus en résonance avec un inaugural du grand leader maximo, et ce deux fois par jour à 8H07.
Enfin la sélection de la semaine dans
L'autofictif , responsable de mon incarcération virtuelle
Agathe dort enfin
derrière ses paupières je peux
m’endormir aussi (21/02/)

Photo La plage du Conseil dans le Bois des Fées (Dénomination authentique) ZL

samedi 21 février 2009

Bon appétit bis

Samedi, jour de marché. Je vais glaner de stands en étals les produits qui tout le reste de la semaine passeront dans notre assiette. Tous les samedis mon parcours est relativement identique : les fromages de chèvre de Claire, les purées d'olive de Damien, les thés et cafés de Rina, le poisson de Pascal, les légumes de Laurent, les magrets du ravissant vieux monsieur descendu des Monts de Lacaune, le pain au muesli et aux abricots pour le petit déjeuner, les huitres et les moules d'Oléron, qu'une femme née dans mon propre village (à plus de 400km de ma base actuelle), vient vendre au cœur du Pays de Cocagne. Dans les villes que je visite, je cherche toujours le marché, j'y perçois l'âme du peuple qui s'y nourrit, tant nous sommes aussi ce que nous aimons déguster. De toutes les corvées qui incombent à la ménagère, "faire le marché" est la seule dont je ne me plaindrai jamais. C'est la plus essentielle, la plus joyeuse, d'autant qu'elle se clôt la plupart du temps par une halte à la terrasse d'un des cafés postés à proximité immédiate, en compagnie d'une ou plusieurs ami(e)s, car ce qui est agréable au marché c'est d'y croiser presque autant d'hommes que de femmes. Ils ne portent pas sur le visage l'ennui ordinaire du pousseur de caddie, mais au contraire l'étincelle égrillarde dans l'œil qui se régale à l'avance, par les couleurs et les formes de ce qui passera par le palais. Les commerçants, tous producteurs (ceux que je fréquente) sont, sans exception d'une délicieuse courtoisie et si leurs prix sont "soi-disant" plus élevés que chez Monsieur L, leurs produits sont sans reproche, puisque chacun d'entre nous peut revenir les prendre au col en cas de forfaiture. Abattons les grandes surfaces, restaurons les marchés de plein air qui ont failli disparaitre il y a quelques années. Heureusement ce désastre n'a pas eu lieu, n'en déplaise à la médiocre "grande distribution". Une petite tartine de caviar de tomate accompagnée d'un verre de Symphonie, un Gaillac gouleyant et modeste, c'est tout le mal que je vous souhaite.

Photo Marché du jour ZL

vendredi 20 février 2009

Bon appétit

L'image “http://www.vox-populi.net/IMG/jpg/cannibale.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.
Une fois n'est pas coutume, un peu d'humour raciste donc stupide, il faut oser avouer ses faiblesses et cette blague est une de mes favorites. Un ami me l'a raconté il y a longtemps, je ne l'ai pas oubliée ce qui est exceptionnel, je vous la livre en l'actualisant un peu.
Trois explorateurs se font alpaguer par un groupe d'anthropophages (en ces contrées guyanneuse ou autre, vous voyez ce que je veux dire). Ils appartiennent à un groupe de recherche internationale. Les cannibales font venir leur interprète qui tient aux trois otages à peu près ce langage:
"Très chers mets de choix, nous allons vous passer dignement à la casserole, après vous avoir dépecés avec précaution car nous ne gâchons rien de nos prises, nous mangeons votre chair dont vos tripes (selon une délicieuse recette), nous utilisons vos cheveux pour recoudre nos vêtements, vos os pour jouer pendant nos longues veillées et votre peau pour nos canoës. Une seule façon de la sauver votre peau, nous demander comme dernière volonté quelque chose que nous ne pourrions vous fournir."
L'Américain demande un triple hamburger arrosé de Southern Comfort, son sort est rapidement réglé.
Le Français influencé par les derniers propos qu'il a entendus avant de prendre l'avion demande une Rollllex qu'il obtient dans la minute qui suit et qu'il n'emporte pas dans son court bouillon, ça lui apprendra à écouter les publicitaires gâteux.
Le Belge réclame une fourchette. Surprise des bons sauvages qui trouvent que c'est trop facile et le pousse à plus d'exigence. Cédant à son insistance, ils finissent par lui fournir cet objet dont eux-mêmes ne se servent que pour vérifier la cuisson. Le Belge s'en empare et se porte de violents coups à la poitrine et aux bras en hurlant : "Voilà ce que j'en fais de votre canoë"
Ah! Vous aussi la connaissiez ? Je l'échange contre une nouvelle.

Illustration José Acedo

http://www.vox-populi.net/article.php3?id_article=119

jeudi 19 février 2009

La poésie s'occupera de vous.


Si vous ne vous occupez pas de la poésie
La poésie s'occupera de vous
Petits moutons broutant les pelouses mentales
Filles du samedi soir repeintes au néon
Solitudes laquées
L'aube est une blessure fraiche sous vos doigts
Et vous marchez dans les paysages cloutés
Le malheur vous pousse par les épaules
Marchez marchez la terre autour de vous
Sue à sang à l'heure ses souvenirs
Les villes lentement
Entrouvrent leurs hautes ailes de sable
Et je m'enfonce à travers vous dans l'océan
Les yeux caillés au lait des primevères
Je m'enfance avec vous dans les jardins d'enfants
Parmi les papiers gras et les épluchures de soleils
Marchez
Les terrains vagues de l'espace sont ouverts
Marchez
Jusqu'à en déchirer le temps
Jusqu'à l'hémorragie sauvage du poème
Dans le grand laminoir des mots chauffés à blanc
Patience
Ce siècle accouche tout de même ce siècle accouche
D'une virilité éruptive du chant
Dans les convulsions du malheur
Espérance, chair magnétique
Gonflant la matrice du monde
Quand elle aura muri dans sa nuit explosive
La poésie s'occupera de vous.

Christian Hubin Le chant décapite la nuit

Photo Le sein doux ZL

mercredi 18 février 2009

L'homme du futur


L'homme du futur doit être un "gagnant", un "battant", un "fonceur", on doit le préparer à affronter des défis extraordinaires, à aller coloniser la galaxie après avoir dompté la nature.

L'homme du futur est un communicant, qui doit s'exprimer, faire valoir son point de vue, personnel et unique, dans le grand débat planétaire sur toutes les ondes, via les robots électroniques.

L'homme du futur est un mystique. Il a (re)découvert les lois naturelles et aligné sa vie sur leurs évidences. Il a abandonné l’obsession matérialiste pour vivre, au-delà de la possession des choses, l'aventure de l'esprit libre et aimant.

L'homme du futur est un mammifère. L’espèce a raffiné depuis la nuit des temps sa capacité d'adaptation en utilisant le phénomène de la mémoire afin de tirer de ses expériences des informations qu'il transmet aux nouvelles générations et qu'il manufacture pour sa survie, la satisfaction de ses besoins et de ses désirs ou délires.

L'homme du futur est un être social. Il a parachevé sa longue quête de paix en élaborant des systèmes de répartition du bien terrestre rendant ainsi obsolètes les guerres de territoire. Après l’adoption à l'unanimité par les Nations Unies de la prohibition des armes et sa radicale généralisation, le crime n'a pas été éradiqué mais a perdu le caractère organisé des grands massacres du passé. La violence et l'agressivité ont leurs lieux d'expression ritualisée sous forme de grandes joutes et parades théâtrales, musicales, sportives, picturales, toutes les expressions du cirque et du cycle de la vie se déployant régulièrement dans les nombreux parcs et berges de rivière réaménagés à cet effet.

L'homme du futur est un mutant. Son exosomatisation intensive alliée à la complexification des savoirs et des enjeux l'ont désincarné au profit d'une spécialisation exclusive du cerveau. Le monde dans lequel il évolue, entièrement placé sous son contrôle, ne supporte aucun relâchement de sa vigilance. Il est en veille technologique permanente. L'intrusion du hasard, devenue trop dangereuse, est impitoyablement traquée par les systèmes de surveillance qu'il s'est auto-imposé.

On pourrait décliner à l'infini la myriade de fantomatiques esquisses que chacun porte en soi, y compris celles d'une poignée d'inconsolables de la tribu des vieux mâles dominants : l'homme du futur rétablissant "la" tradition à grands renforts de brodequineries et autres tenaillantes arguties, l'homme du futur avec quelques grands chefs et des milliards d'esclaves, passés au four ou jetés aux lions quand ils déplaisent.

Extrait "Le voyage des enfants" ZL Inédit 1997

Photo. Boum errant ZL

mardi 17 février 2009

Nous sommes tous créoles


Il se passe des évènements extraordinaires aux Antilles. Les médias insistent sur la grève anti vie chère, mais la vie chère est le détonateur. C'est tout autre chose qui est en jeu, enjeu.
J'ai sélectionné ci-dessous quelques très belles assertions que je soutiens des deux mains
(...) la force de ce mouvement est d'avoir su organiser sur une même base ce qui jusqu'alors s'était vu disjoint, voire isolé dans la cécité catégorielle – à savoir les luttes jusqu'alors inaudibles dans les administrations, les hôpitaux, les établissements scolaires, les entreprises, les collectivités territoriales, tout le monde associatif, toutes les professions artisanales ou libérales. (...)
Derrière le prosaïque du "pouvoir d'achat" ou du "panier de la ménagère", se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir : le poétique. (...)

Le libéralisme procède à une "épuration éthique" à savoir désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même) de tout le fait humain. (...)
Ce mouvement se doit donc de fleurir en vision politique, laquelle devrait ouvrir à une force politique de renouvellement et de projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes. (...)
tous ces mécanismes que créent un nuage de voracités, (donc de profitations nourries par " l'esprit colonial " et régulées par la distance) que les primes, gels, aménagements vertueux, réductions opportunistes, pianotements dérisoires de l'octroi de mer, ne sauraient endiguer.(...)

On peut mettre la grande distribution à genoux en mangeant sain et autrement.(...) Ceci fait partie et depuis fort longtemps de mes convictions profondes. Et encore ce qui suit
On ne peut vaincre ni dépasser le prosaïque en demeurant dans la caverne du prosaïque, il faut ouvrir en poétique, en décroissance et en sobriété.
Je ne peux que recommander d'aller lire en détail la totalité de la déclaration de ces intellectuels. Oui les intellectuels ont un rôle majeur à jouer dans le rétablissement d'un monde respirable, actuellement placé sous le couvercle des maniganceurs du profit à tout crin.
Il est vraiment temps que ceux qui se prennent pour les puissants s'assoient en toute modestie avec ceux qu'ils prennent pour quantités négligeables sous l'arbre à palabres.

Neuf intellectuels antillais, Ernest Breleur, Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Gérard Delver, Edouard Glissant, Guillaume Pigeard de Gurbert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean-Claude William ont rédigé ce "Manifeste pour les 'produits' de haute nécessité".

http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/02/16/neuf-intellectuels-antillais-contre-les-archaismes-coloniaux_1156114_823448.html


Photo. Permanent Invisible. Clemt


lundi 16 février 2009

Dialogue taiseux















Il joue sur un Stradivarius, moi je joue sur un Stradivaurien
L'anathème ça vaut rien
Qu'est-ce qui vaut la peine de quoi?
Le bonheur comme mètre étalon ça vaut rien
Ca se tortille et ça mesure la tête en bas
C'est hypothétique et même hypothéqué
Tout est hypothétique, faut juste choisir l'hypothèse
Qui reste à l'épreuve des preuves
Les preuves fatiguent la vérité

Photo Sans toi(t). ZL


dimanche 15 février 2009

Amours anciennes


C'était la Saint Valentin hier ? Ah bon! Justement, étaient de passage mes amis chéris, amis, amours, on ne sait quelle nuance. Le temps s'était mis au plus beau, le froid nous pelait le nez et les oreilles mais j'étais contente de leur offrir un tour sous les rayons après tout ce gris qui les avait accablés. Nous avons marché sur la petite route, bordée de grosses mottes ocres, et finissant en impasse sur le lac, aménagé autrefois à grands frais pour abreuver les cultures, qui ne sert plus que de réserve aux canards, crapauds et autres carpes. Paysage paisible et changeant avec ce faux air d'immuabilité rassurante et trompeuse. La terre sculptée par le labour.
Je venais de lire un article de Paul Shepard où ce précurseur de l'écologie politique décortique les logiques qui ont fondé la civilisation agricole et urbaine au détriment de celle des chasseurs cueilleurs pourchassés, spoliés voire assassinés au cours des temps. Or, Sheppard montre que ces tribus ont perduré pendant des millénaires grâce à une économie dont une poignée de survivants nous donnent encore en exemple les modes et les mœurs aux antipodes des nôtres.
Cette terre sculptée c'est "la pathologie écologique". (En soutenant des populations humaines vastes et mal-nourries, et de par leurs effets destructeurs sur l’environnement lorsqu’elles sont cultivées en monocultures, les céréales sont réellement le symbole et l’agent de la guerre agricole contre la planète).
Le détail de son long argumentaire vaut le détour, qui associe tous les maux dont nous souffrons à ce changement de paradigme capital qui a transformé l'homme (avec une détérioration de sa propre image ) de chasseur en laborieux laboureur, s'inventant son propre esclavage, domestiqué par son cheptel. Pour justifier la haine dont ils sont l'objet, les chasseurs- cueilleurs sont caricaturés, y compris par des scientifiques de mauvaise foi (dixit Shepard) "Après avoir équipé le chasseur avec des impulsions bourgeoises et des outils paléolithiques, nous jugeons par avance que sa situation est sans espoir." Pourtant il pratiquait un contrôle des naissances, il n'avait pas besoin comme le paysan de bras, au contraire il se défiait de trop de bouches à nourrir, qui aurait pu endiguer le débordement démographique, la vraie bombe à retardement . Mieux, le temps consacré à la survivance et aux questions matérielles lui laissait le loisir des siestes, des jeux avec les enfants, des fêtes et autres sources de satisfaction dont les peuples agricoles puis ouvriers ont dû faire le deuil. Les chasseurs-cueilleurs résistent à la flatterie de leurs voisins fermiers et éleveurs, des missionnaires, des bonnes âmes, des publicitaires et des soldats. Ce n'est qu'en les capturant, qu'en les piégeant, qu'en les piétinant et qu'en les cassant qu'on pourra leur faire abandonner leur “sauvagerie très primitive” en échange du paquet cadeau bien parfumé et joliment emballé de la civilisation.
Si nous ne pouvons imaginer revenir en arrière, en revanche les principes de sobriété et de limitation de nos appétits matériels au bénéfice de ce qui n'altère ni ne pollue et cependant nous remplit et nous dilate (l'amour, l'amitié, la musique, l'art) serait un renversement de paradigme enfin postnéolithique. Les problèmes contemporains ne sont (...) nouveaux que dans leur amplitude. L'arrogance et l'apathie (hybris et akedia) qui les sous-tendent sont aussi vieilles que la civilisation.


Et puisque c'était la fête des amoureux un petit cadeau qui ne coûte rien et qui vaut de l'or

« O parfum rare des salants

Dans le poivre feu des gerçures

Quand j'allais géométrisant

Mon âme au creux de ta blessure

Dans le désordre de ton cul

Poissé dans les draps d'aube fine

Je voyais un vitrail de plus ·

Et toi fille verte mon spleen

Et je voyais ce qu'on pressent

Quand on pressent l'entrevoyure

Entre les persiennes du sang

Et que les globules figurent

Une mathématique bleue

Dans cette mer jamais étale

D'où nous remonte peu à peu

Cette mémoire des étoiles »

Léo Ferré La mémoire et la mer



mercredi 11 février 2009

Son siège dans le bon angle


Toute littérature est entachée de ridicule : sa gravité, sa solennité, son outrance, son tour péremptoire ou inspiré... inévitablement l’un ou l’autre de ses profils est déjà sa caricature. Le lecteur n’a plus qu’à disposer son siège dans le bon angle pour y trouver matière à rire et se moquer. La conscience aiguë de ce ridicule constitue sans doute le secret désespoir de tout écrivain lucide.

Eric Chevillard (soi-même) l'Autofictif

Photo OC

mardi 10 février 2009

Le taureau par les cornes


« Volonté imparfaite, intention fugitive ». La diablesse Velléité me harcèle. Elle rôde à l'affût de chacune de mes rêveries qui sont temps de concoctions de stratégies d'efficacité. Je contemple les jours à venir, je les bourre jusqu'à la gueule de résolutions, j'élabore de savants agencements pour tout articuler dans une économie bien ajustée de fins et de moyens, j'échafaude les argumentaires, je prévois mes itinéraires. Bien entendu, mon maillage accuse de multiples coups de ciseaux délivrés à l'impromptu par sa Majesté Velléité, Vel pour les intimes. Elle s'attaque sans vergogne à tous mes chantiers-je m'efforce d'en mettre en route de multiples dans le même temps, se livrant des concurrences impitoyables, lui facilitant ainsi la besogne. Je souhaite insister sur le caractère éminemment intime de nos relations. Mon entourage ne soupçonne pas notre permanente cohabitation. On aurait tendance à me trouver agitée et productive au moment même ou son poison m'engourdit. Il gauchit mon regard et me porte à considérer soudain ce que je me proposais de prendre en mains, voire que je manipulais déjà, comme parfaitement dérisoire, dénué de tout attrait, monstrueusement lourd, stupide, dévoreur de temps et d'énergie. A peu près toutes mes entreprises rencontrent Vel sur leur chemin. Même momentanément désarmée par mon obstination à poursuivre, repliée dans sa petite molécule, elle ne s'absente jamais totalement. Je la connais depuis toute petite. Nous nous crêpons le chignon depuis le berceau. J'ai sans cesse dû lui claquer sa petite gueule ironique et boudeuse.

Elle se le tient pour dit quelques minutes, quelques heures, quelques années, ça dépend du sujet et revient à la charge avec ses petits sifflotements moqueurs, ses sarcasmes foudroyants.

« Je » se doit d'être honnête, il lui arrive plus souvent qu'il ne faudrait d'écouter la harpie

- pourquoi t'agiter quand tout cela sera à refaire sous peu (« Je » nettoie les vitres ou arrache des herbes au jardin)
- prendre un stylo pour noter ta fulgurante idée ? Qu'a-t-elle de si extraordinaire, mille cerveaux l'ont déjà formulée (« Je »réfléchit à un article ou a un petit morceau de bravoure lyrique -té léphoner ? Pour parlerde quoi et à qui? (« Je » songe à la négligence de ses amitiés)

- aller au concert ? Combien de kilomètres à déguster avant d'entrer dans la foule (« Je » se désole de la pauvreté de ses sorties).

Tout pourrait aller au mieux si « Je » ne réclamait sa petite collection de bons points à se décerner et ne trouvait, la nuit venue, la collection un peu maigre. « Je »est plein de forfanterie, imaginant, le naïf, qu'il a un rôle même modeste à jouer, dans l'orchestration du monde. Vel prétend que tout se vaut et rien ne se ressemble. Ce n'est pas encourager rationalité et catégories. Sa ritournelle : « il y a trop de tout, c'est de vide que nous manquons» . Ce n'est pas très stimulant pour l'effort.

On doit à la vérité de reconnaître à ce point de vue de sérieuses victoires quand il évite à « Je »de saumâtres déconvenues. Renoncer à sortir pour s'en féliciter quelques heures plus tard, quand la tempête s'est levée méchamment et qu'un excellent concert passait à \a radio. Vel fanfaronne alors, elle pose à l'intuition lumineuse. Elle sort ses meilleurs arguments sous les atours veloutés de la prudence, ses formes les plus lascives. Elle est l'ennemie déclarée des arpenteurs de sentiers escarpés vers les sommets noyés de brouillard qu'il faudra abandonner pour le chemin de retour. Vel se sert de mille subterfuges pour déranger le cours des accomplissements, elle opère sous forme d'incursion (le téléphone, un enfant, un orage). Plus l'envahissement se prolonge plus sa pression s'affirme, elle va tordre le bras sans appel. Elle opte pour les incontournables lancinants (la faim, la soif, le sommeil), use de ruses (maux de tête, foulure du doigt, sciatique), casse la machine pour tempérer sa fougue. C'est elle qui rend l'hôpital attractif aux bien portants, On peut y être dorloté et exempté de tout service. Hélas, il faut faire la preuve qu'on souffre vraiment et on n'est jamais sûr de ne pas mourir, ça réduit les marges de manœuvre de notre discoureuse.

Vel a un frère jumeau (si on peut dire compte tenu de leur symétrique androgénie). Si plaisir (le jumeau) jaillissant, fait gonfler la voile de l'intention, Vel replie ses tréteaux et laisse la piste libre. « Je » s'en empare. Ah ! Ah! Jusqu'au bout, j'irai jusqu'au bout, le point final à une portée de syllabes, une conclusion qui ferme le ban.

Bon, je l'ai matée pour cette fois la diablesse. Je vais me faire un petit thé. Si je ne reviens pas, c'est elle qui m'aura eue.

Photo Colombe occitane O C

lundi 9 février 2009

Bonnes résolutions



Regarder le sexe au fond des tropismes,
Détrôner le Dieu CAC et la déesse pépette
Eviter de se prendre pour le centre d'un monde
Accepter la folie, rechercher la raison
Suspendre les convictions, regarder à deux fois
Minimum
Refuser la violence, rétablir la palabre
Visiter les paradis artificiels et en redescendre
Caresser et non battre, baiser et non hacher
Oindre les tout petits de mots doux pour la route
Se mêler de ce qui nous regarde
Regarder de quoi ils se mêlent
Humouriser comme on vaporise
Voyager sur la pointe des pieds
Partager tout ce qui encombrerait sinon
Cultiver silence et solitude
Bramer en coeur quand ça nous chante
Installer la ville à la campagne
Et vice versa
Présenter un passeport vierge aux frontières
Saluer d'un bras levé le soleil et le vent.

Photo Little Buda. ZL

samedi 7 février 2009

Cartes postales rétroactives (1) . Cornes de gazelle



Entre la frontière rwandaise et Biramulo en Tanzanie, seuls Muzungu (nous deux) dans un bus bourré d'Africains, frontaliers ou non. Les Ougandais sont à l'époque réfugiés politiques en diaspora dans toute l'Afrique centrale et de l'Est. A l'approche de la frontière une partie des passagers s'est évanouie dans la nature et n'a réintégré le bus que quelques kilomètres au delà. Le douanier s'est un peu énervé, nos passeports sont trop en règle. Pourquoi avions nous acheté notre visa à Kigali au lieu de nous en acquitter à proximité immédiate de ses poches !
Nous roulons sur une piste de latérite. La guerre entre l'Ouganda et la Tanzanie a ruiné le pays et le réseau routier relativement en bon état (aide de la Chine à Nyerere) a été bousillé par les chars remontant de Dar el Salam vers Kampala pour faire rendre gorge à Idi Amin Dada qui s'était lancé dans une ultime mégalomanie, envahir la Kagera. Il manque une vitre et nous avons un foulard en filtre sur la bouche et le nez, notre peau est d'un rouge franc au dessus. Nous roulons et la savane et ses herbes hautes et grillées s'étend à l'infini. Brusquement du maïs et du blé, des arbres à thé des caféiers, une profusion effarante. Le bus s'arrête. Des nuées d'enfants nous proposent des petites bananes , des graines grillées, des boulettes de céréales. Nous finissons par comprendre que nous sommes au sein d'une expérience agronomique canadienne; le flux de dollars et d'engrais a transformé la savane en coulée verte. Quelques 25 kilomètres d'épis dressés hauts et de route goudronnée et nous rejoignons les mornes étendues poussiéreuses et les nids de poule chaotiques. Plus tard, le bus s'arrête à nouveau, au milieu de cette savane à peine hérissée de quelques arbres décharnés et cependant majestueux, baobabs mythiques dont la découverte m'a au premier abord déçue. Peu de couronne, une peau d'éléphant, une allure balourde mais une telle variété de forme, et des circonférences du tronc inouïes. Une cahute se dresse là. Tout le monde descend. Mon compagnon s'est endormi et le remue-ménage de l'étape ne l'a nullement alerté. J'ai très envie d'une tasse de thé. Je vais m'installer à une des tables de la taverne de fortune. Je ne suis pas très à l'aise, seule face de lune parmi ces visages de pure anthracite. Je tente de boire au plus vite mon thé mais il est brulant. Une femme qui partage une table voisine avec deux autres se porte vers moi. Elle pose près de ma tasse deux cornes de gazelle dans une coupelle, accompagnant son offrande d'une mimique de complicité rieuse pour ma solitude d'égarée. Ce geste d'amicale sollicitude me revient souvent en mémoire. Il me serre le cœur lorsque, -l'actualité est prodigue-, j'entends que l'un ou l'autre de ces ressortissants venus de ce magnifique continent où j'ai voyagé en toute liberté est saisi au col, sans ménagement et "renvoyé".

quelques unes de mes négresses chéries : la grande Billy, Rokia Traore, Angélique Kidjo
et Aminata Traore

vendredi 6 février 2009

Sous les flocons dans leur globe


« Là comme ailleurs, les clients dînaient le portable à l’oreille, chacun dans son univers, assourdissants. C’est comme les transports en commun, me disais-je, il suffit de les prendre pour être assailli par les conversations gueulées à des interlocuteurs invisibles, les gens alentour ignorés, niés, réduits en cendres, toutes frontières abolies entre les espaces public et privé à la manière des régimes totalitaires, éventrés que nous sommes par les sons d’autrui, ouverts aux quatre vents, attaqués de tous côtés, fourragés sans pitié, perforés de part en part. Paradoxe de l’individualisme, on ne disposait plus de périmètre infrangible, d’un quant-à-soi étanche, la collectivité s’imposait sans sauvegarde possible (...). Elle finissait par m’excéder, moi, cette utilisation tous azimuts des téléphones portables, à pied, en voiture, à vélo, en rollers, au lit, aux W.-C., même au spectacle, quasi un nouvel organe. Tous ces gens à déblatérer en public, chacun enfermé dans son monde comme des petits sapins en plastique sous les flocons dans leur globe. »

Jean-Michel Delacomptée, La vie de bureau

On se calme ! Antidote ci-dessous.

http://www.youtube.com/watch?v=jiEHKz-ShVI


jeudi 5 février 2009

Jimi


Enchemisé dans les violences de sa nuit, le corps de notre vie est pointillé d'une infinité de parcelles lumineuses coûteuses. Ah! quel sérail. René Char Le nu perdu

http://www.deezer.com/track/1462

Photo Clément: Vif comme l'éclair

http://www.25p.fr/c/



mercredi 4 février 2009

Le syndrome de Diogène

Elle n'a pas cinquante ans Régine Detambel et elle a scruté au fond des yeux et des livres les plis de la vie qui s'inscrivent dans nos corps et nos coeurs et font de nous de vieux os, de vieilles choses dont on détourne le regard . Le syndrome de Diogène. Eloge des vieillesses. Actes Sud
Florilège
"Je crois que la vieillesse arrive par les yeux et qu'on vieillit plus vite à voir toujours des vieux" jette Hugo dans Ruy Blas (11).

On ne se voit pas vieillir. Un jour, c'est un autre qui vous le dit. Le lendemain, mille autres. Alors ce n'est plus la flèche du temps, c'est un carquois bourré de piques: « Comme quelqu'un, entendant dire que j' étais souffrant, demanda si je ne craignais pas de prendre la grippe qui régnait à ce moment-là, un autre bienveillant me rassura en me disant: -Non, cela atteint plutôt les personnes encore jeunes. Les gens de votre âge ne risquent plus grand-chose. (. .. ) Et je pus me voir, comme dans la première glace véridique que j'eusse rencontrée, dans les yeux de vieillards restés jeunes, à leur avis, comme je le croyais moi-même de moi, et qui, quand me citais à eux, pour entendre un démenti, comme exemple de vieux, n'avaient pas, dans leur regard qui me voyait tel qu'ils ne se voyaient pas eux- mêmes et tel que je les voyais, une seule protestation. Car nous ne voyions pas notre propre aspect, nos propres âges, mais chacun, comme un miroir opposé, voyait celui de l'autre. Et sans doute, à découvrir qu'ils ont vieilli, bien des gens eussent été moins tristes que moi. Mais d'abord il en est de la vieillesse comme de la mort. Quelques-uns les affrontent avec indifférence non pas parce qu'ils ont plus de courage que les autres, mais parce qu'ils ont moins d'imagination. » (57,58) citant Proust

Bien avant d'être un destin biologique, dira Gorz, le vieillissement est un destin social, mais comment entrer dans cette société sans renoncer aux possibilités et aux désirs qu'on p0rte en soi (59). Il n' a que 36 ans quand il écrit "Le vieillissement", Erasme, la quarantaine quand il attaque son De senectute

Paul Valéry a dit que ce qu'il y a de plus profond ans l'homme, c'est la peau. Mais un peu plus loin, pris de repentir, il rectifia: ce qu'il y a de vraiment insondable, c'est le foie. (137).

Autant dire que le régime grec ou un autre, c'est plus efficace pour le prolongement de soi si on y tient

Régine Detambel ne nous épargne aucun détail de la dégénérescence liée à l'âge, ni du sort mauvais qu'on réserve aux vieillards qui seront en nombre croissant (croassant ?) dans les décennies qui viennent. Mais elle nous fournit également quelques formules d'élixir de jouvence et elle nous fait visiter les textes que le sujet a inspiré aux grands écrivains de Cicéron à Guyotat.
Aller les glaner au fil de ses 321 pages.

Pour ma part j'use chaque fois que faire se peut de certains des conseils délivrés par ces augustes prédécesseurs pour faire reculer la gueuse : l'immersion régulière dans une forme ou une autre de réjouissance (rire, chanter, danser). Avec l'intention ferme de conserver jusqu'au bout le désir de créer, la vie intellectuelle protège de la sénescence.

Quelle sagesse pour se rire du temps ? Celle de Colette percluse de rhumatismes qui se penche à son balcon du Palais Royal pour encore et toujours s'emparer des bonheurs du jour.

Ou celle de Gide

"La vie humaine tout entière est un art du temps que célèbrent les clepsydres, les natures mortes et la poussière des vanités. Il y a quelques heures de bonheur dans une existence: la somme des rosées, des étoiles filantes, la phosphorescence des vers luisants, quelques éclairs dans des arcs-en-ciel, bref de petits éclats parfaits et invaincus, pleinement édéniques. Même les menues infirmités du grand âge qui font d'un vieillard une créature si misérable sont encore traversées de ces lucioles de joie." (99)

Vivez si m'en croyez, vivez dès aujourd'hui.




lundi 2 février 2009

L'arbre à palabres

Cloître de l'abbaye de Lagrasse.

Le banquet du livre 2007.
La nuit sexuelle. Pascal Quignard
Des inconnus versent dans la nuit qui suit la projection de
Sodome et Gomorrhe de Pasolini des litres de fuel sur les livres de la librairie Ombres Blanches.
Des intégristes ne supportant pas la "souillure" du lieu sacré?
Jean Claude Milner conclue le banquet : Résister

dimanche 1 février 2009

La république des lettres de mon moulin

Il existe dans la blogosphère deux sites antinomiques : l'autofictif d'Eric Chevillard et la République des livres (RdL) de Pierre Assouline, Passou pour quelques intimes. Le premier est minimaliste et n'accueille aucun commentaire. Le second est plutôt consistant voire bourratif et comporte un espace de jacasseries où se précipitent des habitués, (voir la dernière chronique du 31 / 01, où il s'inscrivent comme à la récréation "prems, deuz" etc ) en nombre relativement restreint mais dans une telle frénésie d'interactivité qu'ils doublent ou triplent le volume de la dissertation du jour. Outre leurs abondants compléments sur le sujet, ils se postent des messages personnels au passage ou au prétexte bien que se tenant étroitement en liens par ailleurs sur leurs propres blogs. Si vous avez quelques heures devant vous, il peut être amusant d'y glaner leurs éclats, d'autant que vous pourrez moissonner d'autres liens sur des vidéo musicales (Ricet Barier, Isabelle, ça ne nous rajeunit pas !). J'ai voulu placer mon petit grain de sel à propos des écrivains vieillissants et atrabilaires (30/01) en restituant à Chateaubriand la phrase rendue célèbre par Charles de Gaulle : "La vieillesse est un naufrage". Hélas une coquille a transformé l'auteur des Mémoires d'outre-tombe en filet de boeuf, peut-être avais-je faim. Revenant sur le blog au bout de quelques heures et n'y trouvant pas ma fine remarque, j'ai posté à l'intention du modérateur un billet comminatoire à l'égard de sa supposée censure. Est -ce sous cet effet ou tout simplement que l'afflux est tel, le boulot de tri énorme, tout cela paraît avec un certain délai; bref après vérification mon billet incendiaire rougeoie dans l'indifférence absolue de ceux que je maltraite au passage ("ils sont soulants vos chouchous"). Confirmation s'il en fallait une que tous ces beaux phraseurs parlent entre eux et pourquoi pas après tout si ça les amuse. Un commentaire (d'une dont je n'ai pas retenu le pseudo et flemme d'aller le rechercher au milieu des 250 et quelques autres) résume un peu le manège. Adressé à Passouline :"vous devriez leur lancer quelques noms en pâture et ils feraient le reste".
En attendant, je glane au hasard certains des liens que je place ici à droite pour les mieux explorer. Sur ce site les commentaires n'asphyxient pas le visiteur. Je n'ai pas encore beaucoup informé sur l'existence de ce blog et ceux qui me lisent ne sont pas des bloggers, seulement des amis et encore, deux ou trois. Je m'essaye donc timidement à la complicité textuelle et virtuelle, mais je pêche par ambiguïté. Ni dédié à l'adoration de la chose littéraire, ni engagé sur une voie militante je vois bien que ce site manque de fermeté dans son parti-pris. Chateaubriand justement intitule "stromates ou bigarrures de ma jeunesse" des pensées diverses qu'il se promet de publier un jour. Il les aurait de nos jours postées sur le web. J'ai essayé de me faire une petite Clopine, mais elle me boude, ne publie pas mes commentaires. Pourtant je l'aime bien et vous invite à aller contempler sa trogne de petite normande sur une de ses dernières bigarrures. Il faudrait que je retrouve une de ces photos où j'arbore des nattes savamment attachées de la sorte.(Clopineries, tout de suite à droite).
Il faut reconnaître qu'ici comme ailleurs il faut jouir d'une certaine réputation pour voir venir à soi les petits manants.
Alors pour conclure je vous invite à aller sur le blog de Philippe Corcuff (qui me connais ah ah mais sous mon vrai nom et à qui je n'ai rien dévoilé de cette publicité gratuite ) où il nous fait (re) découvrir un beau texte d'Anne Sylvestre.

"La chanson d'Anne Sylvestre, "Les gens qui doutent", datant de 1977, reprise récemment par le trio Jeanne Cherhal, Vincent Delerm et Albin de la Simone, garde quelque chose comme une jeunesse poético-philosophique."

Oui, je sais, Vincent Delerm, euh... Faites comme moi, dépassez votre allergie, écoutez le texte, et tiens, je le dédie à Clopinette qui se fait éreinter sur son blog par un gros troll.