lundi 30 mars 2009

Cartes postales retroactives 4. Bruxelles, ma belle


Mon amie Virginia, Belge vivant depuis toujours en France, s’était amourachée et réciproquement d’un violoncelliste belge qui vivait lui à Bruxelles, mais venait se joindre à quelques groupes français parfois. Viens quand tu veux m’avait-elle dit. A l’époque, je vivais à Athènes. Alors que je me faisais un petit retour momentané à Paris, besoin de ressourcer mes ressources, j’ai fait un détour par Bruxelles, les avions étaient moins chers entre la Belgique et la Grèce et j’avais ainsi l’occasion de voir ma jolie copine, son fiancé et Bruxelles que je ne connaissais ni l’un ni l’autre. Les deux amoureux vivaient dans une grande maison qu’ils partageaient avec d’autres drôles de même espèce. J’ai découvert les jardins secrets, qu’on ne devine pas de la rue et la Blanche, cette bière qui semble plus légère a priori, moins au fur et à mesure, les bars que la petite bande animait de ses airs de rock totalement inédits à mes oreilles et ce n’était pas de la bibine. Je suis restée trois jours, j’étais prête à changer mes plans pour m’installer à Bruxelles que je n’avais pour ainsi dire pas vu de jour, tant les nuits se prolongeaient jusqu’au matin, la nuit revenait vite, c’était l’hiver. Était-ce la Blanche, l’herbe excellente qui l’accompagnait, l’humour belge de mes compagnons, particulièrement prodigues, j’ai le souvenir d’avoir eu les coins des lèvres accrochés aux oreilles sans discontinuer.
Sans surprise, quand je suis revenue à Bruxelles plusieurs années plus tard, je n’ai rien reconnu. C’était l’affaire Dutroux, des affiches blanches et noires s’exposaient à toutes les vitrines annonçant les manifestations silencieuses contre l’horreur, j’étais en voyage « sérieux »
, il faisait froid. J’ai marché et marché dans Bruxelles et peut-être grâce à notre rencontre inaugurale, j’ai encore aimé Bruxelles et une autre fois encore et je serai prête à échanger pour une heure, une heure seulement mes prairies calmes et silencieuses contre un tour aux pieds du petit qui se soulage sans vergogne au nez du passant.

Ce texte a été publié dans la série proposée par Rodolphe çmr, (ça m'rappelle)

Après suggestion des lecteurs et intervention circonstanciée (merci Luc), la petite soeur du galopin ci-dessus se devait d'apparaître ici. C'est la Jeannke Pis, elle a été créée en 1985 et inaugurée en 1987 à l'initiative d'un commerçant de l'Ilot Sacré pour soutenir une oeuvre de bienfaisance. Alors...

Photo wikipedia


dimanche 29 mars 2009

Le vent des blogs 6

Cette semaine, dans le vent des blogs, plutôt que le poids des mots, le choc des photos.
A tout seigneur tout honneur, Henri Zerdoun devient "enfin célèbre"


Tania au nombre des textes et prétextes qu'elle nous offre a attiré mon attention sur Natalia Ginzburg, Les mots de la tribu
. Sur la liste des courses pour ma prochaine razzia en librairie.
Je nous souhaite, comme la mère de l'auteure, d'avancer dans le temps de cette belle manière :
Son esprit ne savait pas vieillir et elle ne connut jamais la vieillesse, cet état de repliement sur soi, d’amer regret du passé désormais en miettes. »
J'aime ce portrait de fillette. Il me ressemble à cet âge, j'avais le teint moins foncé mais le même air sage et farouche à la fois

Glansdorff.jpg


Le bleu muscaris, c'est une capture de Mamzelleluna, site très fourmillonnant de saisissantes perspectives imagées, mais dont on ne peut importer les images, donc celle-ci pour inciter à aller voir celle de de Mamzelle



Muscari


Ai-je déjà parlé de Nadège, j'aime beaucoup son hommage à Vincent un Petit dessin aux feutres poska inspiré de Vincent van Gogh les deux Cyprès.

Vincent Van Gogh Two Cypresses oil painting on canvas

J'étais d'humeur africaine cette semaine, Paul dans son Bric à blog me fait cotoyer Anne Claire Thevenot , dont les peintures et dessins s'accompagnent de très beaux textes, des carnets de voyage. L'un d'eux est intitulé Mauritanie. Allez voir sur le site et en attendant, merci Internet
.


Pour échapper à la seule beauté picturale, j'ai glané chez le Chasse-clou régulier et prolifique, la preuve que tout fout le camp et que nous ferions mieux de vérifier au trouillomètre le niveau de notre paranoïa et faire une provision de tranxène. Voyez où nous en sommes, esthétique des catastrophes.



Antoine, c'est le fils dans un billet de Loïs de Murphy qui m'a donné le frisson, mais bon, L° de M° est une agraffeuse de première, voir son feuilleton d'ascenseur.

Sinon, si la critique littéraire dans sa version perfide et vipérine vous tente, vous avez le choix mais je ne vous offrirai aucune passerelle, moi, ça me décourage. Juste pour la chute sachez que "c'était mieux avant". On avance, on avance!


Momar Afrodream

Momar: voix, guitare, Johnny Amemoutou : basse, Nicolas Mausmond Batterie, Bernard Gasnault: sax ténor, sax soprano, claviers
"La musique de Momar, poésie incantatoire, semble perpétuer un rite. Elle évoque la transmission des choses essentielles de la vie . Tel un conteur qui ne tiendrait pas en place, Momar nous raconte ses histoires sur les rythmes endiablés d'une Afrique à la fois violente et envoutante. Avec ses compagnons de Momar Afrodream, il crée des climats qui rappellent bien souvent l'univers du grand Fela, à l'opposé de toute esthétique world-music et finalement nous entraine dans la danse"
Je confirme.
On peut le retrouver ici et ici

Photo Concert Momar Afrodream, samedi 28 mars 2009. ZL

vendredi 27 mars 2009

Viva Andalucia



Quelle relation entre Le Greco et le film Andalucia du jeune réalisateur franco sénégalais
Alain Gomis. ?
Pour le savoir, il faut voir ce film réalisé en 2007, qui n'a eu qu'une sortie confidentielle, mais a bénéficié d'une bonne presse. Il propose de suivre le vagabondage d'un jeune de "seconde génération", interprété par Samir Guesmi , excellentissime, il a d'ailleurs obtenu le Bayard d'or du meilleur comédien au Festival international du film francophone de Namur - 2007 . Son vagabondage est initiatique comme le sont pour chacun de nous ces années de l'entrée dans l'âge adulte où nous sommes assignés à adopter une posture, de préférence celle qui correspond à celle qu'on nous a designée comme la plus ajustée aux attentes générales de nos proches et où nous explorons des pistes, plus ou moins nombreuses et risquées selon nos tempéraments. Yacine, le personnage de cette aventure ordinaire a juste une difficulté supplémentaire à échapper à son déterminisme social , c'est qu'il n'est pas des plus confortables. Difficile de faire des choix quand les dés sont relativement pipés au départ. Yacine fuit toute forme d'engagement trop long et vivote ainsi de petits boulots, rêvant abondamment le reste du temps, dans sa caravane, toléré au sein d'un campement en lisière de la banlieue. Il refuse aussi bien le boulot pépère d'éducateur que la tentation de la marginalité, tiraillé entre des pôles dont l'attraction est aussi puissante que la répulsion. Il flirte avec la vie sans domicile de la rue. Alors qu'il a accepté un emploi très précaire et à temps très partiel de distributeur de soupe populaire, il retrouve Djibril, un de ses amis d'enfance. A sa suite, il commence une carrière de figurant où ses amis noirs et lui héritent des rôles classiques de larbins. Une occasion pour Alain Gomis de scènes savoureuses d'auto dérision, tout en soulignant la grosse fatigue éprouvée par ceux qui sont incarcérés dans ces images méprisantes.
Le plaisir du film et le talent du cinéaste, c'est le point de vue que que nous avons ainsi la possibilité d'occuper tant le film est économe de mots mais gorgé d'images subjectives, celles que Yacine forme et déforme au cours de sa pérégrination. Gomis nous offre des gros plans sur les matières: tissus, écorce, bric à brac d'objets, et même sur le bitume étalé par les ouvriers africains à la spatule, le nez sur le matériau qui coule brulant de la machine. Il y a une telle intensité du regard, celui de Yacine et celui de Gomis qu'on a presque l'impression de percevoir les odeurs.
Il fantasme sur une femme qui fait métier de s'exposer nue, dans un atelier d'art. Cette relation tourne court, relation impossible parce que cette femme est mariée et a un enfant.
Ce qui touche dans ce film c'est la pudeur. Il n'y a rien de victimaire dans le propos, juste une façon de proposer un kaléidoscope de situations qui nous donnent à vivre de l'intérieur, sans paraphrase, les déchirements d'un individu né entre deux cultures, rappelé en permanence aux clichés qui lui collent aux basques. Dans une très belle scène toute en retenue, Yacine découvre son père, qu'il méprise de s'être converti au catholicisme, par opportunisme, pour échapper au sort des musulmans en terre chrétienne, son père carossier caressant amoureusement l'aile de voiture qu'il vient d'enduire et de polir. "Est-ce que tu aimes ton métier" demande-t-il. "Bien-sûr, c'est ce que je sais bien faire". L'acteur, sans un mot, par le jeu d'ombres puis de lumières qui traversent sa physionomie nous donne à vivre la douceur d'une réconciliation.
Andalucia, le film, se conclut ou s'ouvre par une déambulation de Yacine au coeur d'une foule en proie à la folie mystique de la Semana Santa, à Tolède, un des joyaux de la culture du syncrétisme harmonieux entre les trois religions du livre. Au musée, Yacine découvre Le Gréco et c'est un des moments les plus inouïs de ce film dont le propos subtil est soutenu par une articulation entre l'image et la musique où celle-ci a une fonction également initiatrice. Les dernières images, le champ de blé sur les collines qui dominent la ville foulé par Yacine, soudain pris dans une lévitation laissent la fin sans fin. Le champ de blé m'a évoqué "Rêves" de Kurosawa, le personnage qui court dans le tableau de Van Gogh.
Le film était présenté dans le cadre de l'Adulciné, le ciné club local. Alain Gomis était présent et nous avons pu échanger à la suite de la projection. C'est un jeune homme beau, qui parle sur un ton d'une grande douceur, de son souhait de montrer la condition de jeune de banlieue en recherche de sa propre personnalité en dehors de cette identité imposée par une histoire, une situation socio économique, les stratégies familiales pour échapper au pire. J'ai pu lui parler un peu ensuite. De cette conversation, je ne retiendrai ici que le harcèlement silencieux que représente le fait d'être, hors les limites de la cité, celui qu'on regarde forcément, qu'on soupçonne d'emblée, dont on a peur à priori.
Peur d'Alain Gomis ? Retenez plutôt son nom, courez voir ses films si par bonheur on les propose près de chez vous et attendez-vous à ce qu'il devienne un grand du septième art. Alors l'ostracisme ordinaire aura cessé de le présenter comme un cinéaste africain pour se l'approprier comme gloire nationale. Les Noirs, c'est connu, deviennent blancs dès qu'ils sont riches et célèbres. Ce jeune homme ne semble pas très inquiet de sa future gloire et s'en soucie peu. Il souhaite simplement pouvoir continuer à faire des films. Le cinéma français, voire international aurait bien besoin d'être revitalisé. La qualité et la force des émotions, seule l'authenticité du regard en est la seule garantie. Humain, très humain.

Affiche © a69.g.akamai.net Illustration Le Greco Wikipédia


Photo Alain Gomis http://www.afrik.com/article3565.html%20alain%20gaumis

mercredi 25 mars 2009

Carte postale rétroactive (3). Mirleft


Je n'oublie pas la ligne poudrée des horizons que nous n'atteindrons jamais.
La mollesse du pas des vieux dromadaires endort la douleur de ma moelle.
L'or transpire et mange les couleurs du monde.
La bouche sucrée des antiques confiseries et la brulure du thé dans la gorge.
Les chats jouent des pétales de rose dans la brise au jardin.

mardi 24 mars 2009

Lepape : Le premier homme de lettres est une femme

Fichier:Christine de Pisan and her son.jpg


Lepape, ce n'est BXVI, c'est Pierre Lepape, un journaliste et critique littéraire qui consacre sous ce titre un chapitre à Christine de Pisan dans son essai Le pays de la littérature. Des Serments de Strasbourg à l'enterrement de Sartre, paru au Seuil en 2003.
Jean-Yves Dupuis rendant compte du livre pour la Bibliothèque électronique du Québec livre un extrait d'un entretien accordé par Lepape (Conversations à Strasbourg)
"La lecture ne peut pas rentrer dans l'immédiateté, qui est primordiale aujourd'hui. Nos sociétés sont aussi dans l'apparition et la disparition constante, de produits qui changent tout le temps. Le livre est, en comparaison, un vieil objet, qui ne change guère. Le cas français est plus spécifique. Il y a une crise, du fait de l'engagement des écrivains après-guerre. Ils se sont trompés, comme tout le monde. Mais trop exposés, on ne les écoute plus."
Je ne commenterai pas cette dernière assertion, notamment "le vieil objet"dont je pense nous ne saurons pas nous passer quand les mines de coltan seront taries.
Je préfère revenir à la première femme de lettre, Christine de Pisan. Son cas est en effet emblématique. Elle se retrouve veuve à 25 ans et ne souhaitant surtout pas se remarier seulette suis et seulette veux être. Elle se bat, quand les moeurs de son époque incitait les jeunes veuves à prendre du bon temps, pour rester fidèle à son aimé disparu et élever les deux enfants qu'elle a eu de lui. Elle va être la première à fabriquer des textes où elle parle avec un je, pas Christine la personne, mais l'écrivain qui met à distance sa propre aventure humaine pour la rendre universelle. Comme elle n'écrit pas pour un Prince, elle doit trouver ses lecteurs et leur vendre les livres qu'elle manufacture elle-même.
Elle sent rapidement les limites de la poésie courtoise et va commettre la critique de "l'art de l'amour" "un amas compliqué et savant d'images et de considérations dont la seule fin, bien peu glorieuse, est de décevoir une pucelle par fraude et par cautelle". Selon Christine, le Roman de la Rose est celui de la misogynie traditionnelle de la cléricature, empreint de la haine et du mépris des femmes. On imagine quelles réactions elle a dû affronter. Première féministe donc. Lepape s'il le suggère n'utilise pas le terme. La figure de Christine a fait débat chez les féministes, et sans prendre la peine de développer, je prendrai son parti, surtout pour sa position sur l'inégalité d'accès à l'éducation comme cause de la différence entre les sexes..
Elle entreprend le chemin de longue étude à une époque où les femmes étaient tenues à l'écart du savoir. En 1410, ses lamentations sur les maux de la France est une défense du sentiment d'appartenance à un territoire et une ode à la paix. Elle mourra en 1430, peu après avoir rendu hommage à la Pucelle (Ditié de Jehanne d'Arc) qui venait de restaurer le royaume de France.
Lepape résume ainsi le rôle qu'aura joué cette auteure talentueuse et courageuse : cette femme invente l'homme de lettres, cette dame de cour dispute pied à pied avec les clercs, cette solitaire admoneste le gouvernement et les princes, cette étrangère (elle est née à Pizzano, un village près de Bologne) introduit dans notre littérature le sentiment national.

Christine, vois où nous en sommes; six siècles ont coulé sous les ponts et je viens de recevoir par le biais d'un ami (merci Phil) ce qui suit et qui rend compte de l'état de notre langue et de nos lamentables habitudes de pensée

*Un gars : c'est un jeune homme
* Une garce : c'est une pute

* Un courtisan : c'est un proche du roi
* Une courtisane : c'est une pute

* Un masseur : c'est un kiné
* Une masseuse : c'est une pute

* Un coureur : c'est un joggeur
* Une coureuse : c'est une pute

* Un rouleur : c'est un cycliste
* Une roulure : c'est une pute

* Un professionnel : c'est un sportif de haut niveau
* Une professionnelle : c'est une pute

* Un homme sans moralité : c'est un politicien
* Une femme sans moralité : c'est une pute

* Un entraîneur : c'est un homme qui entraîne une équipe sportive
* Une entraîneuse : c'est une pute

* Un homme à femmes : c'est un séducteur
* Une femme à hommes : c'est une pute

* Un homme public : c'est un homme connu
* Une femme publique : c'est une pute

* Un homme facile : c'est un homme agréable à vivre
* Une femme facile : c'est une pute

* Un homme qui fait le trottoir : c'est un paveur
* Une femme qui fait le trottoir : c'est une pute

Vraiment, le français, ce n'est pas compliqué ...

Voir La poésie que j'aime et Poèsies net

Illustration Christine de Pisan et son fils, enluminure du début du XVe siècle. Wikipédia

dimanche 22 mars 2009

Le vent des blogs 5




Le vent des blogs ce jour, c'est avis de tempête antipapiste. Ça a commencé (pour mes visites) chez Clopine où sa reproduction d'une harangue du dénommé Montaigne à Cheval, MàC pour les habitués de la RDL a déclenché une hénaurme echauffourée, heureusement virtuelle sinon on pouvait craindre des blessés.
Les ravages du pontife décrié ne sont pas que virtuels mais il prétend les réparer immédiatement. Ainsi aujourd'hui "Benoît XVI a commencé par une prière à la mémoire de deux jeunes filles mortes samedi aux abords d'un stade alors qu'elles étaient venues se joindre à un rassemblement pour écouter le pape. " Il a fustigé la violence qui règne en Afrique, sans allusion aucune à la violence économique qu'elle subit depuis plusieurs siècles, n'y comptez pas.
"Alors qu’avait lieu ce week-end la 15e édition du Sidaction, les propos tenus mardi 17 mars par Benoît XVI sur l’usage du préservatif et ceux prononcés vendredi 20 mars sur l’avortement ont provoqué en France une vague de protestations – parfois très virulentes – exprimées notamment par la classe politique." C'est La Croix qui nous le dit de même que selon le journal catholique "l’archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France a souligné que les polémiques de ces dernières semaines servaient de prétexte pour « se payer le pape ».
Et on s'en paye
Eh bien, tant pis si cela fait grincer des dents, j'estime pour ma part que Benoît XVI est dans son rôle de pape et qu’il a eu absolument raison de rappeler sitôt arrivé en Afrique que le port de la mitre ne protège pas contre le virus du SIDA mais qu’il favorise au contraire sa propagation. L'autofictif

Sa Sainteté Benoît la calotte vient une nouvelle fois de mettre la capote à l'index. Penser à lui dire qu'il s'est trompé d'endroit. Lettres libres

Mémé Kamizole , elle, c'est Christine Boutin sa tête de Turc coiffée d'un capuchon, ah ah !

Que pense benoîtement le Pape des Somaliennes infibulées, qu'au soir des Noces leurs époux doivent d'abord déchirer au couteau, question posée par Bertrand

Les voies du Seigneur sont pénétrables ose Nadège.

C’est qui ce pape qui remet en doute le couvert…cette facétieuse interrogation fait suite à un beau texte de Baudelaire, l'invitation au voyage, plaisamment illustré d'une vignette animée le tout intitulé et on comprendra qu'il serve de chute à ma collecte hebdomadaire La cueillette du caoutchouc à l'ombre du beau baobab.

Photo Leucate ZL






samedi 21 mars 2009

T'as fait l'amour, tu fais le mort


Le théâtre d'Epidaure possède l'une des meilleures acoustiques de tous les théâtres antiques. L'expérience est saisissante : situé au centre de l'orchestra on peut murmurer des mots tendres à sa belle située tout en haut sur la dernière marche et elle les entend comme s'ils étaient susurrés dans son cou.

Depuis quelques jours, cette mise en scène me hante : murmurer au centre de cet espace magique ce poème de Boris pour l' oraison funèbre d'Alain.

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...

Boris Vian

Photo ZL

mardi 17 mars 2009

Attention, obsolescence programmée.

http://www.gizmodo.fr/wp-content/uploads/2009/02/lishnesslamp.jpg


Un blog est un puits d’oubli(s), dixit un certain Phil sur la RDL.
Face à ce carré dessiné sur mon écran, je me pose toujours la question : que sauver du silence et de l'enfouissement de tout le bruit et la fureur parvenus sur mon rivage. Pourquoi extraire de ma méditation silencieuse et solitaire quelque bribe à fixer à l'encre électronique.
C'est dans ce paradoxe que la blog sphère se déploie : donner corps pour jeter au puits.
D'abord savoir que vous n'avez que 24H pour que votre fantaisie du jour accroche la lumière et y attire quelque phalène. Au-delà vous êtes la belle au bois dormant ou le crapaud en attente du baiser qui sauve de quelque passager de hasard. Dès qu'il lira votre date de péremption, n'espérez rien de ce vagabond .
Ceux qui vous rendent visite sont également ceux que vous visitez, mais pas forcément. Est-ce parce que votre photo n'a pas accroché leur oeil, votre texte leur a semblé trop banal, sans style, naïf, ils n'avaient rien à en dire ? Vous n'en saurez rien. On ne revient pas en arrière.
Un blog est un puits d'oubli(s). Après avoir posté, on pense à ce qu'on aurait pu mieux cerner, ajouter, soustraire. On peut toujours modifier mais on le fait rarement si ce n'est pour réparer une coquille ou une maladresse d'expression.
Un blog est un puits (...). Pour satisfaire à votre manie, vous devrez consacrer un temps non négligeable à y réfléchir, recueillir, classer, rédiger, vérifier les commentaires, y répondre. Vous pourriez en arriver à négliger vos amis, vos amours. A moins que vous n'en ayez pas ou plus, ceci expliquant cela.
On peut naturellement renverser la perspective.
Un blog est une amphore dans laquelle est stocké le meilleur de la décantation neuronale du jour.
C'est une quintessence gouvernée par la concision quand d' autres formes moins limitées par l'espace temps diluent éventuellement le propos.
C'est un petit salon où viennent quelques minutes vos complices spirituels livrer leur aphorisme dédié. Vous ne les rencontrerez sans doute jamais et pourtant ils se révèlent plus proches et denses que beaucoup de ceux que vous fréquentez.
Ils deviennent votre nouveau cercle. Il n'est que de passer de lien en lien pour le constater, les blogueurs ont un passé auquel ils se réfèrent, des manies repérées comme telles, des antipathies qui se disent en termes plus explicites qu'ils ne pourraient l'être en présence incarnée. Toutes les facettes de l'humain mais placées dans une distance propre à leur chatoiement sans risque d'aveuglement, tous les beuglements sans souffrance de l'oreille interne.
Enfin, le blog est un carnet de notations commodes et partagées, dont il sera toujours possible de recycler les pièces pour fabriquer une nouvelle forme.
Virtuosité du virtuel.

Photo Esthétique obsolescente incandescente
lampes réalisées par Alan Lishness du Maine Research Institute. Celle avec les ampoules rondes est notamment constituée d’un double processeur à refroidissement liquide récupéré d’un Apple G5, d’un compas d’avion et d’ampoules 40W à LED. L’autre a été assemblée sur la base d’un relais de signaux ferroviaires fabriqués par la General Railway Signal Company en 1924.

dimanche 15 mars 2009

Le vent des blogs 4


Mon copain Jacme virulent défenseur de l'occitanie m'a transmis ce jour une information sur un mouvement d'opposition sis à Marseille : La réintégration de la France dans le haut commandement militaire de l’Alliance Atlantique (Otan), qu’elle avait quitté en 1966, et qui sera officialisée début avril lors du sommet de Strasbourg et Kehl (Allemagne) pour les 60 ans de l’Alliance, ne peut rester l’affaire des seuls gouvernements. « C’est parce que cette réintégration se fait sans débat démocratique que nous organisons les six heures pour la paix samedi à Marseille de 14 heures à 20 heures à la faculté Saint-Charles », explique Régine Minetti, responsable du Mouvement de la Paix des Bouches-du-Rhône.
Il semblerait que cela ne nous regarde pas. Bon. Il serait sûrement plus urgent de se mobiliser pour un désarmement universel avant la défense du pouvoir d'achat d'autant qu'en réduisant la facture militaire on récupèrerait de la marge. En Chine il est en augmentation de 14, 9 %

Voilà une info qui va énerver Kamizole, notre très Haut l'énerve prodigieusement et maintenant 92 députés proposent l'université payante, alors ça l'enrage, faut la comprendre.

La feuille aussi est de mauvaise humeur et met les piéspiés dans les potis plaplas. Je sais pas ce que nous avons tous. Le printemps sans doute, la sève.

La feekabossée a failli se suicider en moto pour complaire au tag qui poursuit son chemin dévastateur mais au dernier moment elle s'a ensauvée, la coquine. A 60 euros la minute, la mort ne vaut pas cher.

Saloperie de mort, elle a fauché pour de vrai un de nos chéris le subtil chanteur de blues Bashung et les blogs ont affiché complet pour un requiem au trapéziste céleste.

En écrivant un petit texte sur le "çam'rappelle de Rodolpe qui se termine par "Messiaen n’était pas notre cousin", j'ai pensé à la façon dont il se définissait : "ornithologue et rythmicien".

J'ai réussi à trouver la porte de Joe derrière laquelle se tient un univers profusionnel de couleurs, de formes, de musiques et un coeur gros comme ça.

Une gente dame m'a rendu visite, j'ai fait de même. Elle aurait eu le privilège d'approcher nos grands cousins d'Afrique centrale comme je l'ai évoqué plus bas.

Après le gorille rencontre avec un rhinocéros qui regarde la lune, je vous demande un peu ! J'espère qu'il regarde où il met les pieds parce que dans mon jardin y'a des violettes.

Sinon nous ne pourrions ignorer le salon du livre, les listes des plus grands écrivains de tous les temps. Ce matin encore sur la 5, dans la grande librairie, Beigbeder, Nothomb, Jauffret, Mabanckou, le nain Jardin, la touchante Chloé Delaume qui a pris son pseudo chez Vian, brèfle...

Les 807
ont publié, samedi 14 mars un de mes aphorismes spécial Salon du Livre.

J'allume et j'éteins 807 fois par an prétendit l'allumeur de réverbère et moi je tâte ma rose 807 fois par mois se vanta le petit Prince et moi j'ai eu 807 Rolex grâce à mes 807 prix Gongourt fanfaronna l'auteur.
Je l'aime bien, pas vous ?

Photo Cadaques ZL

samedi 14 mars 2009

Délivrez nous de Marcel


Télérama cette semaine nous livre les résultats d'une enquête: l'exercice consistait à demander à un écrivain homme ou femme, ( mais ça marche moins bien, la preuve Télérama n'affiche aucune femme dans sa sélection de happy few à l'image et leur nombre m'a semblé peu paritaire parmi les consulté(e)s) quelles sont vos dix livres préférés. Une telle question provoque chez celui qui se trouve sur la sellette une petite tempête intime: 1 choisir, 2 montrer.
Dans son article, Nathalie Crom relève la grande diversité des auteurs cités que l'exercice statistique aplatit au profit des grands. Les consultés mentionnent la difficulté de s'en tenir à une sélection aussi mince et que leur liste aurait pu être tout autre le jour suivant.

Sans surprise, dans notre bel hexagone qui entame sa conquête du troisième millénaire, Marcel et Gustave tiennent le haut du pavé respectivement cités 33 et 23 fois talonnés par l'américain William Faulkner 24 ( Shakespeare 9) et Fiodor Dostoïeski 16. Une femme, " la femme écrivain" Virginia W 15. On notera pour conjoncturelle la présence de Madame de La Fayette qui n'avait aucune change de figurer au palmarès sans la publicité récente que lui a faite de façon involontaire notre très Haut. La Princesse de Clèves avant Don Quichotte !!! La Bible n'apparaît qu'à la dixième place. Est-ce sa valeur littéraire ou spirituelle qui est ainsi récompensée ?

Il se trouve qu'aujourd'hui j'écoutais une enseignante exposer les menaces qui pèsent sur la filière littéraire et je l'entendais déplorer la disparition des humanités et l'absence de courants littéraires (sic). Ces deux actualités, font pour moi un précipité.

En France la littérature est tombée en catalepsie après la mort du grand Marcel. Tous ses successeurs se sont vu ajuster l'étalon et rien n'y a fait, après lui, la littérature s'est étiolée. On ne saura jamais le nombre d'écrivains potentiels que le lourd héritage aura découragés. De même comment écrire hors du gueuloir de Flaubert.
Alors que la profusion de l'écrit est proprement suffocante,- entrer dans une librairie c'est s'exposer au découragement, comment espérer rattraper le retard inéluctable ? - quelle merveilleuse échappatoire, il suffit de lire et relire la Recherche ou L'éducation sentimentale (heureusement le meilleur de Flaubert, parce que lire et relire Bovary, ouf!)
J'ai consulté les listes, il y a de grands absents ou à peine cités. Un Moravagine pour sauver Cendrars (quid de Bourlinguer ), peu de Miller, Albert Cohen Belle du Seigneur( ?), Kundera Le livre du rire et de l'oubli (?), Vian cité par Chloé Delaume, Le Clézio, (trop proche ?), pas de Sud Américain sauf les incontournables Borgès et Garcia Marquez.
A quoi servent ces listes ? A déclencher le goût de lire chez ceux qui seraient passés à côté des chefs d'oeuvre ?
Seul Pierre Assouline cite une BD et encore ultra classique, Tintin.
Nous voilà donc servis d'une petite couche supplémentaire de doxa.
Une question : peut-on être écrivain si on n'a jamais pu aller au bout de La Recherche, si on trouve la lecture de Flaubert un rien surrannée, si la Princesse appartient au passé enfoui d'élève et qu'on n'a nulle intention de l'exhumer et si plutôt que ces vénérables momies on aime les écrivains vivants qui parlent d'aujourd'hui en se souciant comme d'une guigne de leurs illustres prédécesseurs. Peut-on échapper au regard profond et doux de Marcel dans les siècles et les siècles.
Je m'interroge.

vendredi 13 mars 2009

Le printemps des poètes


Hier soir, une petite troupe lisait des poèmes sous le signe du rire et de quelques airs à l'accordéon. Quelques bons morceaux mélangés à des insignifiances. Parmi les premiers une résurgence dans ma mémoire : "La Cimaise et la Fraction" un exercice oulipien de Queneau (j'avais aimé ses exercices de style) à partir de la fable La cigale et la fourmi (que je ne mets pas en regard, pas vous faire l'affront, vous la connaissez par coeur).
(Choisir un court poème. Prendre un dictionnaire quelconque. Remplacer chaque mot M de ce poème par le mot de la même nature grammaticale qui est séparé de lui par n mots dans le dictionnaire choisi). Ici N=5

Rentrée trop tard hier soir, je le mets en piste ce matin avec spéciale dédicace à Joe

La Cimaise et la Fraction


La cimaise ayant chaperonné
Tout l'éternueur,
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique morio
De moufette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique,
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu'à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
Avant l'apanage, folâtrerie d'Annamite,
Interlocutoire et priodonte."
La fraction n'est pas prévisible ;
C'est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? j'en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."

Oulipo, la littérature potentielle
Gallimard (1973).


.



Autre version inspirée de la fable tripotée par Queneau qui donne l'occasion de visiter la Fatrasie

LA CIMAISE ET LA FRACTION

Une cimaise, seule, du haut de sa corniche,
s'ennuyait à crever comme un chien dans sa niche.
Pour occuper son temps, elle fait des divisions
Et se trouve soudain devant une fraction.
" Quel curieux animal... " s'étonne la cimaise,
contemplant le quotient : trois divisé par treize.
La cimaise n'est pas matheuse,
C'est là son moindre défaut.
" Moi j'ai pas mon bachot "
fait-elle d'une voix boudeuse.
" Un chiffre sur un autre, que sépare une barre,
C'est plus que compliqué, c'est carrément bizarre...
- Compliqué ? pas du tout, s'indigne la fraction,
Je ne suis, à vrai dire, qu'une représentation.
C'est tout simple, voyez : Trois est numérateur,
Et le treize, au dessous, est dénominateur.
D'ailleurs, sans me vanter, je suis irréductible.
- Si vous me l'affirmez... Je ne dirai pas non.
- Treize et trois sont premiers, insiste la fraction.
- Euh, oui, fait la cimaise, premiers ? C'est bien possible. "
La fraction, à ces mots, se sent encouragée.
Elle parle théorie, évoque l'addition,
Et le pépécéhème, et le pégécédé :
" De façon générale, on dira p sur q...
- Comment ? Soyez polie.
- C'est un malentendu, voyons, dit la fraction.
C'était une expression... Pour rester dans l'abstrait.
- p sur q me paraît, à moi, assez concret,
J'ai beau n'être, c'est vrai, qu'une décoration,
J'ai du vocabulaire. Mieux, j'ai de l'instruction.
J'entends, de ma corniche, bien des conversations,
Personne, au grand jamais, n'y parle de fraction.
Allez, déguerpissez, misérable invention. "
La fraction, à ces mots, comprend qu'on la renvoie.
Elle ouvre un large bec, et laisse tomber son trois.
La cimaise s'en saisit, et dit : " Cher diviseur,
sachez que tout professeur
est ennuyeux pour celui qui l'écoute
Cette leçon vaut bien un numérateur, sans doute. "
Dépitée, la fraction, valant zéro sur q,
comprit, très en pétard, qu'elle ne diviserait plus.

Double parodie d'Hervé Le Tellier, inspiré par " la Cimaise et la Fraction "




C'est tout pour aujourd'hui, je reprends ma cognée.

Photos Printemps zéro neuf ZL

mercredi 11 mars 2009

Cartes postales rétroactives.(2) Gorille en pétard


Des chercheurs suédois viennent de montrer que Santino, un chimpanzé mâle dominant, prépare plusieurs heures à l'avance les pierres qu'il lance ensuite en direction des visiteurs du zoo où il vit. Le Figaro Les chercheurs sont surpris des capacités d'anticipation chez cet animal qui les manifeste d'ordinaire uniquement à l'égard de la nourriture.


Je suis à peine étonnée de découvrir qu'un chimpanzé "anticipe". Un commentaire radio ce matin prétendait d'ailleurs qu'il était de la sorte plus performant que beaucoup de nos édiles qui continue à ignorer que notre vaisseau terrestre dérive dangereusement.


Ce qui me plait dans cette histoire ce sont les détails. Très tranquillement, il amasse ses munitions et les dispose par terre de façon stratégique, à savoir uniquement du côté d'où vient le public. Sur les autres parties de la petite île, aucun tas de cailloux n'a jamais été découvert. (...)Santino façonne ces pierres en forme de disques qu'il utilise ensuite, selon l'expression de Osvath, comme des «missiles».

Je songe à l'acrimonie accumulée à l'égard de ces milliers de visiteurs (millions ? 10 ans qu'il est en exposition) et au rendez-vous qu'il leur prépare soigneusement tous les jours, sauf quand le zoo n'ouvre pas car Santino prévoit ça aussi en ne préparant pas ces jours là son tas de "missiles". Et cela m'évoque une émotion encore vivace que je vais tenter de retranscrire.


Au Rwanda, les gorilles sont l'objet d'une protection organisée sous la forme d'un territoire réservé, arpenté par des gardes et accessible seulement sous forme de visite accompagnée et payante. Lorsque j'y étais en 1982, les tribus se réduisait à 13 familles (comprenant chacune un mâle dominant et trois ou quatre femelles avec leurs petits) entre le parc national des Virungas au Congo et le parc national des volcans au Rwanda. Cette région est actuellement relativement désertée par le tourisme en raison des troubles dans la région du Kivu et du génocide de 1994 au Rwanda. Cependant la politique de protection des gorilles semble avoir porté ses fruits puisque la population a doublé depuis cette époque. En allant sur le site des parcs pour me remettre les noms en mémoire, je constate que le prix de la visite est exorbitant 250 US dollards. Ce n'était pas le cas à l'époque.

Nous avions passé une journée à grimper pour atteindre le haut du Bisoke (3711m), passé une nuit au refuge en compagnie d'un Français VSNA* employé à répertorier les différentes catégories de souris et un autre qui, lui, s'intéressait à la biodiversité (le terme était plus confidentiel à l'époque) de la forêt primaire. Nous étions quatre le lendemain à entamer notre ascension vers les gorilles, accompagnés d'un guide armé. Il nous avait d'emblée transmis les précautions nécessaires pour aborder le milieu où nous allions évoluer. Eviter les manifestations bruyantes et surtout, si nous nous trouvions en face à face avec un gorille, faire acte de soumission en nous jetant à terre. Ce sont des animaux paisibles mais qu'il ne faut pas provoquer. Le guide ne souhaitait surtout pas se servir de son arme et il était arrivé qu'un touriste ou deux fassent les malins et qu'ils aient eu maille à partir avec le bestiau qui fait tout de même deux mêtres de haut et environ 200kg . Aucune chance une fois qu'il vous saisissait par une guibolle et vous trainait en courant sur plusieurs mètres. Eux, les guides ils les aimaient leurs familles et n'avaient pas envie d'en abattre le membre le plus éminent parce qu'un rigolo mégalomane s'avisait de le défier.


Nous n'étions pas certains de rencontrer une famille, les gorilles peuvent se déplacer sur une quinzaine de kilomêtres et pour des bipèdes aussi mal outillés que nous l'étions il nous fallait compter sur notre chance, parce que cette distance était infranchissable dans la journée tant la progression se révélait rapidement difficile dès que nous avions abandonné les flancs couverts de bambous pour entrer dans l'inextricable profusion des lianes. Le guide pistait les animaux grâce aux traces des chemins frayés mais surtout des étrons. Au bout de deux heures, le guide utilisant sa machette à l'économie pour nous faciliter un brin l'accès, nous en étions à progresser en rampant au dessus d'un entrelacs de branches sous lequel se trouvait l'abri provisoire d'un grand chef et de quelques femelles et leurs petits. Notre approche s'était annoncée par les grognements modulés du guide qu'il proférait à intervalle régulier. Quelqu'un lui répondait sur le même ton et il était étrange de penser qu'il s'agissait d'un animal tant les deux émissions se ressemblaient. Enfin nous nous sommes trouvés proches d'une sorte de hublot donnant sur l'espace occupé par la famille sous nos pieds. Un jeune gorille s'est présenté à la fenêtre et a entrepris de nous séduire avec forces mimiques. Il alternait un visage suppliant et une danse sautillante qu'il scandait par des frappes sur sa poitrine. J'étais très proche et lorsqu'il a tendu vers moi sa menotte j'ai tendu la mienne, il me faisait une lippe si amoureuse. Le guide m'a formellement interdit de répondre à son invite. "Il ose tout parce qu'il se sait protégé mais le mâle veille et si on touche au petit il sera là en un éclair". Peu après nous avons entendu un grognement bref. C'est un avertissement nous a dit le guide. Les gorilles n'attaquent jamais sans sommations. Il faut partir. Nous étions empêtrés dans les branchages, nous avons eu droit à une seconde semonce et comme nous commencions à ramper à reculons , nous avons vu émerger du puits végétal cette bête mythique couverte de fourrure argentée (on les appelle les gorilles au dos d'argent) et un visage tout en dents d'où a explosé un grognement de fureur qui nous a instantanément tétanisés.

J'ai souvent repensé par la suite à cette protestation, à la violence de ce ras le bol. Il résonne en moi en de multiples occasions et l'histoire de Santino et ses caillasses patiemment amassées en vue de les balancer sur les visiteurs ont fait resurgir le rugissement exaspéré du grand singe.



La Fondation Diane Fossey et quelques autres essaient de préserver les q, uelques 3 ou 4 cents individus contre la tuberculose, la grippe et autre cochonneries empruntant les humains pour se véhiculer auprès d'eux, ou pire les braconniers qui (à l'époque où je suis passée) les abattaient et vendaient leurs mains pour en faire des cendriers très prisés de certains collectionneurs (tristement authentique).


*VSNA volontaire su service national armé, au temps ou le service militaire obligatoire existait formule permettant de l'effectuer à l'étranger par le biais de missions de tous ordres (enseignement, recherche, culture etc); Ce sont les diplomés qui y avaient le plus recours et beaucoup ont vécu ainsi des expériences qui ont changé leur vision du monde.

Photo Gorilla moter and her baby at Volcan National Park

mardi 10 mars 2009

Tenir la vague

Ambigus,
Nous flottons
Sattelisés
Le dos appuyé au nuage épais de nos rèves
Ondes entrechoquées de messages avortés
Ne laissant qu'une fumée laiteuse
Dans notre transparence.
Nous dérivons
Côte à côte
Absence et présence conjuguées.
Brusques remontées
Lire à la surface des visages
L'épaisseur engloutie.
Çà et là
Quelque signe
Trace
Ebauche de la rencontre
Attendre un flux nouveau
S'y rouler
Tenir la vague.
Amarrés l'un à l'autre
Bercés, deux bateaux au mouillage
Et nos mains brulent
Comme un siroco.
Oublier nos rèves giflés
Oublier la haine
Ses doigts aigus plantés dans nos veines.
Animal, mon frère
Frottons nos crinières électriques
Allons hennir dans le vent rose de nos bulles
Que leur rencontre éclate en une larme
Alchimie première
Quand je te prierai à voix basse
Entendras-tu le murmure de mon sexe ?
Ou m'oublieras-tu sur une grève de craie.
Ce cri arraché
Quand tu me cernes au plus près
Mer intérieure que tu captures
En ce point infini de ma reculade.
Alors
Lave arrachée à son centre
Je pénètre chaque écorchure de ta plaine
Scories et diamants mêlés
Organique et minérale
Je me coule à tes formes
Comme un plomb fondu
Et viens m'éteindre
Poussière et bois
Volute et pesanteur
En ce lieu où
Nos alluvions resculptées
Feuilletés l'un par l'autre
Nous émergeons
Dans l'aube clignotante de nos cils

Illustration Alain Ghertman.

lundi 9 mars 2009

Un monde sans pitié

Stop!!! Ne restons pas muets face aux violences faites aux femmes. Une vidéo réalisée pour Amnesty international par Olivier Dahan avec Didier Bourdon et Clothilde Courau. C'est filmé comme un muet début du siècle dernier mais c'est d'une totale actualité. Vu samedi sur grand écran c'est difficilement soutenable.

Joan Tronto une universitaire américaine vient de publier aux éditions de la Découverte un ouvrage qui fait grand bruit parmi ceux et plutôt celles qui réfléchissent sur le genre comme déterminant sociologique. Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Ce terme difficile à traduire en français renvoie aux activités de prise en charge des plus fragiles : enfants, personnes âgées ou handicapées. Joan Tronto lui donne une définition beaucoup plus vaste : « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde » de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». Or cette activité assurée à 97 % par les femmes - et quand on y trouve des hommes ils sont chefs de service- est naturalisée comme de la compétence exclusive des femmes. Je n'approfondirai pas ici le propos de Joan Tronto, m'arrèterai sur un point fondamental de sa démonstration. Pour faire évoluer ce monde et le tracter hors de sa gangue de barbarie il faudrait "dégenrer" le souci des autres, considérer que c'est une haute fonction citoyenne dont chacun pourrait s'enorgueillir. Pour cela il faudrait démolir nos fantasmes de toute puissante, de soi-disant autonomie, cesser de nier que nous sommes à un degré ou un autre vulnérables, redevables à d'autres. D'autant que plus nous prétendons tenir le haut du pavé, plus nous employons pour pallier nos petites misères d'os et de muscles fatiguables, des individus, à notre service certes, mais sous payés voire sans droits reconnus y compris le droit à la citoyenneté. Ces "basses oeuvres" si on s'en tient au mépris dans lesquelles elles sont tenues, sont en réalité les fondements mêmes du vivre et sont souvent accomplies par ceux que nous tenons en lisière du monde en leur refusant une identité par le jeu des papiers. Mais comme elles sont étroitement associées au rôle que les femmes jouent de façon gratuite dans le cadre familial, il est entendu qu'elles ne valent rien. Or, la masse mondiale du seul travail domestique féminin, gratuit et indispensable au fonctionnement d'une société, représentait, en 1995 onze milliards de dollars et les deux tiers du seul travail féminin.
Joan Tronto considère qu'il s'agit d'éradiquer la commisération attachée aux tâches du "care", cesser de parler de mansuétude et de pitié, revoir les échelles de l'utilité sociale et enfin et surtout considérer que le souci de maintenir, perpétuer et réparer notre « monde » est hautement élevé dans la hiérarchie de l'éthique humaine et à ce titre à partager par tous avec, lorsque c'est l'objet de l'activité professionnelle une rétribution au moins aussi intéressante que celle d'un fabricant de bombes à fragmentation (c'est moi qui choisit cet exemple, à tout hasard).
Elle prétend que tout cela est hautement politique : point de pitié, la justice.

Pour finir une petite liste intitulée "chasser l'intruse"
Commandant /Commandante
Précurseur / précurseure
Chirurgien /Chirurgienne
Ecrivain /Ecrivaine
Chef cuisinier /Cheffe cuisinière
Medecin /Medecin
Pêcheur /Pêcheuse
Pompier /Pompière
liste non exhaustive à compléter selon inspiration

La femme au chapeau (1905)

Que dites-vous ? C'était hier qu'il fallait parler de ça ? Je suis en décalage ? Je vais lasser ? Un jour ça va, le lendemain c'est trop ?
Que le ciel vous préserve d'avoir jamais affaire à une de ces zélées Antillaises qui vous dorlotera tout en vidant votre bassin et en vous mouchant le nez.

Illustration La femme au chapeau Matisse 1905
Matisse le pur plaisir d'inventer


dimanche 8 mars 2009

Le vent des blogs 3


Bon, je savais que mon petit tour des blogs, ce n'était pas si original mais plus j'avance dans ma découverte de la galaxie internautique plus l'implacable réalité s'impose, la collation est une activité répandue. Ainsi la feuille charbinoise pratique l'orientation de ses lecteurs vers des rivages repérés, ça s'appelle "le bric à blog". Pas mal, soyons fair play et les textes de Paul sont chargés d'odorantes plantes et de terre retournée.
Cette semaine, je fus taguée par un drôle d'animal le Manu qui a de même mauvaise manière épinglé quelques autres. Nous avons ainsi commis d'aimables billevesées sur l'art et la manière de mourir dignement en quelques 8 mn et des poussières. A part Manu dont on recueille le dernier borborygme, la plupart ont refusé de mourir et certains ont préféré rompre la chaine des calamités, on ne les lapidera pas pour autant. J'ai transmis le bébé dans son bain et ne le regrette pas. Au final, mes invités ou mes cooptés, cela donne un florilège tout à fait hétéroclite : Dom.A joue avec les flots, le Chasse clou, toujours très urbain, fonce dans les tunnels, Mamzelleluna se penche au balcon, Rodolphe, un habitué des séries réussit le tour de force de faire tout ce qu'il aurait voulu faire sans jamais l'entreprendre (fulgurant !) et ainsi de suite. J'allais oublier la mauvaise tête qui l'a fait sans vraiment le faire, l'énigmatique CH.B qui en a profité pour nous présenter toutes les femmes en ce jour de "la" femme, m'évitant de la sorte d'avoir à le faire.

What else ? François Bon commente et nous donne à lire un article d'Antoine Compagnon Du butinage numérique à l'écriture hypertextuelle(le Monde 5 mars) "Oui, je crois que le roman-monde de l’avenir intègrera des images et du son, mais aussi de la littérature, qu’il s’offrira à une lecture hypertextuelle, sera truffé de liens, aura son site sur Internet (...) Rabelais, Dostoïevski, Proust, Joyce, Grossman (...) aujourd’hui ils seraient sur Internet". Pardi ! Il ya bien Chevillard, Delaume etc... et François Bon soi-même. Nous sommes en bonne compagnie.

Je viens de découvrir le post de Lavande qui me signale qu' Henri Zerdoun, est un ami de Vaneigem. Je l'ignorai. En revanche je suis souvent allé visiter son blog : le nez au vent a toute sa place ici. Merci Lavande.

Pour finir Arcane 17, une mine pour ceux que le surréalisme intéresse: on y trouve une belle collection d'entretiens ou de documentaires réalisés sur des écrivains ou des musiciens. J'ai eu ainsi le plaisir de passer une heure en compagnie de René Char, ses textes lus par Dominique Blanc et lui, cet homme d'un métal unique et d'une fraternité sans mélancolie. "Un poète doit laisser des traces, non des preuves. Seules les traces font rêver".

Photo Le canal de Corinthe. ZL

samedi 7 mars 2009

Vaneigem récidive

"Il ne s'agit pas de modérer ses désirs, mais de choisir ceux qui nous aident à mieux vivre"
Raoul Vaneigem in S!lence n° 366 mars 2009. portrait par Zazü

"Nous sommes riches d'objets pauvres"
Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations 1967.

Il cite Voltaire au début de l'entretien avec Zazü : "on dit que je me répête, je cesserai de me répéter quand on se corrigera". Dernier livre paru Entre le deuil du monde et la joie de vivre Verticales 2008

mercredi 4 mars 2009

Vivre 500 secondes ultimes


Manu m'a taguée. Vous ne savez pas ce que c'est , je ne savais pas non plus. Alors un brin de pédagogie sur ce sujet de première importance : tagger consiste à refiler la patate chaude après l'avoir fait passer sur votre petit tamis à bla bla pour en extraire une marmelade suffisamment goûteuse (pas facile vu le sujet vous allez voir). Vous avez compris, la chaîne (si tu la brises, maudit seras-tu jusqu'à la fin des siècles et des siècles)
Illustrer le propos en refourguant votre illustration du 6ème post en arrière (dommage le 5 aurait collé à mort si je puis dire, mais bon le hasard est aveugle). Lisez jusqu'au bout, vous faites peut-être partie des heureux gagnants du jour.
La patate que m'a lançée Manu et à 5 autres collés : "vous n'avez plus que 500 euros et 500 secondes à vivre, racontez".
Alors moi je dis, facile! Vu que les fois où j'ai pensé qu'il ne me restait que quelques minutes à habiter la planète, j'en ai au moins 500 exemples (mais pour ne pas lasser, je sélectionne et pas les plus extrèmes) et qui me servent d'une fois l'autre de conjuration : "meuh non, tu vas pas mourir, rappelles-toi la fois où tu avais cru ta dernière heure venue, le jour où

Point Reyes Californie, tu suis le chien qui a emprunté un raccourci vers la plage en contre-bas pendant que tes compagnons longent sagement la colline par ses virages en épingles. Le chemin s'éboule, pour reprendre ton équilibre tu dois te lancer en avant et retomber beaucoup plus bas au hasard, tu ne peux plus rien freiner, le chien lui, musarde tranquillement pendant que, le cul dans les cailloux, tu descends tout schluss, veillant à éviter les épineux (ajoncs très jolis avec leurs fleurs jaunes mais insaisissables), cette fois ça y est, tu vas te retrouver tout en bas, esclaffée comme une tomate trop mure. Et puis ton corps se met à jouer, tu ne tombes plus tu bondis, tu voles chaussée des bottes de sept lieues, à la rencontre de la plage lisse et douce en contrebas. Constatant que tu as atterri sans t'être rompu le cou, tes copains se lancent sur d'autres pistes improbables et tu les contemples dansant sur l'abrupt. Un grand jeu de toboggan mais qui peut fracasser le petit pantin engagé dans la rainure caillouteuse...

Porto, Portugal. Tu marches dans cette rue déserte, dans cette ville que tu ne connais pas , égarée et ce type qui colle son pas au tien et se met à te héler avec insistance à devenir menaçant et tu ne sais dans quel porche t'engouffrer pour lui échapper, tu ne veux pas courir pour ne pas stimuler son désir de te bloquer aux hanches, il te semble que ton odeur se frelate qu'elle annonce déjà le cadavre. Femme, sempiternelle proie. Il est à quelques mètres, le doute n'est plus possible, Jack va te faire la peau dans cette longue rue escarpée dominant le Douro, la zone historique du vieux Oporto, l'ancien quartier des arrimeurs, ton corps finira dans l'estuaire. Et soudain, un petit rectangle rose se dessine dans les façades noires, derrière la vitrine, des nappes à carreaux, la tenancière a vécu à paris, elle accueille cette cliente comme une miraculée, ce qu'elle est, en lui servant un verre de Porto ...

Theâtre Saint Martin, Paris. Enceinte jusqu'aux yeux, tu assistes au concert d'Higelin, le ventre martelé de l'intérieur (sens du rythme ou protestation) et une chaleur d'enfer, les tempes transpirantes, le noir qui voile les lumières, le retour au monde avec vingt visages goyesques et un chewing gum sonore où tu ne discernes rien d'autre que çava, çava, çava ...
Paris Charles de Gaulle, tu t'envoles pour l'Amérique. L'avion est agité de tressautements qui donnent le Parkinson à tous les passagers. L'avion ne bouge pas si ce n'est sur place en basculant de droite et de gauche. Tu vois par le hublot, au delà des ailes qui s'agitent comme celles de jeunes pingouins, des caissons de 3 ou 4 mètres cubes ballottés comme des fétus. Le commandant de sa voix lisse et policée indique que la raison du délai est la direction défavorable du vent. Puis au bout d'un temps de plus de 500 secondes, au moins le triple, il prétend que le vent ayant tourné il va finalement nous engager sur la piste, ce qu'il fait. Nous décollons, tel un pélican qui sautille pour se donner de l'élan, dans un silence à couper au couteau, chacun effectuant ses dernières recommandations auprès de son ange tutélaire...

Paris. Tu es assise à la terrasse d'un café. Ce type, une vague connaissance, des yeux bleus hallucinés, t'affirme qu'un essai atomique va avoir lieu près de la faille de San Andréas et que des scientifiques s'y sont opposés parce qu'une partie de la Californie risque de se détacher provoquant une onde de choc qui risque d'affecter la planète entière et c'est dans quelques minutes. Il t'abandonne avec cette prophétie à la Nostradamus, tu n'y crois pas. Mais soudain, ta bière dans son verre se met à faire de petites vagues, les pieds des tables sont prises de trémulations, les pneus des voitures chuintent et sifflent, un grondement monte du sol. Ton cœur s'arrête de battre, ainsi ça y est, les cons, ils l'ont fait, la fin du monde c'est tout de suite. Tu contemples une dernière fois les tours de Notre Dame avant qu'elles ne s'affaissent, que les gargouilles piquent du nez, que la Seine saute hors de son lit et envahisse les quais. Puis tout se calme, tu constates que tes voisins n'ont pas cessé de lire le journal. Tu es la seule que le métro entrant en gare de Saint Michel a projetée dans l'Apocalypse.

Et je passe les vrais de pires, on ne va pas gâcher l'ambiance, on est dans le supposément pas le vertigineusement proche avec salle des urgences et perfusions.

Alors 500 euros et 500 secondes ? Golfech vient de sauter ? Un évadé me tient en joue ? J'ai avalé de travers et je sens que ça ne passera pas ? Mon cœur ralentit tellement que mes oreilles sont envahies du bruit de la mer ?
Bon le foutu billet, on voit bien qu'il ne sert à rien, hein, quelle démonstration !
Une chose est sûre, jusqu'au dernier instant, l'ultime seconde, je me dirais, meuh non, rappelle- toi la fois où...
Tant qu'on est vivant, on est éternel.

Alors attention, la roulette tourne pour désigner ceux à qui je refile la patate chaude, les pauvres, j'en connais pas énormément des bloggers, j'espère que je ne vais pas avec ce tag à la noix perdre mes quelques relations, bon allez pas m'en vouloir hein, plouf, plouf:
Le Chasse clou, Lettreslibres , Dom A ,
Madame de K, Loïs de Murphy, Clopine. Respecter la parité
Vous faites comme vous voulez, un bras d'honneur peut suffire. A vous de voir.
En tout cas si j'avais tagué Aïda, elle aurait poste ça

Ouf ! Dernière fois que j'accepte un tag !

lundi 2 mars 2009

La lenteur est une autre vitesse


« Oh mon dieu, oh mon dieu ! dit le Lapin. Je vais être en retard ! » En quel lieu allait-il être en retard, c’est ce que je me demande ? Eh bien, voyez - vous, il devait aller faire visite à la Duchesse (...) Or la Duchesse était une vieille dame d’humeur fort maussade et le lapin savait qu’elle serait très fâchée s’il la faisait attendre. »
Lewis Caroll. Alice au pays des merveilles.

dimanche 1 mars 2009

Le vent des blogs 2


Je consacre plus de temps à vagabonder dans la blogosphère qu'à mon propre blog. Sans doute parce que je suis une petite nouvelle et comme on peut le faire à l'école quand on vient d'ailleurs, je me cherche quelques complices de récréation. Cette recension du dimanche ne durera peut-être pas, comme mon blog d'ailleurs -il semblerait que le taux de naissances et de mortalité soit élevé - Cette synthèse subjective, c'est une façon de fixer l'éphémère, mes petits cailloux de mémoire
A tout saigneur tout honneur Le chasse clou a capturé une paire de préposés à la sécurité publique frimant en patins à roulettes devant l'objectif de djeuns eux-mêmes montés sur roulettes. DH, lui, se tenait fermement sur ses deux pieds, les photos sont nettes, pièces à conviction incontestables. On déplore l'absence de MAM. Nul doute que les patins auraient rehaussé sa martiale prestance. N'était-ce pas F. de Panafieu qui se déplaçait de la sorte au temps où elle rèvait de devenir la Maire des Parisiens, m'étonnerait que DH n'ait pas une prise de guerre en soute.
Lettres libres est en roue libre, son libertin est parti mystérieusement se mettre au blanc non sans nous avoir livré "la synthèse programmatique de l'Union des Merdouilleurs Patentés et de son Cavalier électrique, ça arrache.
Dom. A annonce 36 heures de silence avant de s'éloigner sur sa vieille Vespa, en direction de la mer semble-t-il, les bras noués autour de son torse d'une charmante, qui lui susurre une mélopée très suggestive au creux du cou.
Je me promène quelques fois dans les Rebuts de presse de Didier Jacob. Le ton est souvent ironique voire acerbe. Il se fait éventuellement remonter les bretelles par des lecteurs offensés qu'on s'en prenne à leur écrivain chéri. J'y glane auprès d'internautes des liens pour des lectures hors jeu des salons parisiens. Ainsi du livre d' Arnold Sénou sorti en 2005, que je n'avais pas repéré, alors que "seul roman retenu chez Gallimard parmi 6000 envoyés par la Poste, Ainsi va l'Hatteria parle de l'Afrique avec une connaissance intime de ses réalités, sans complaisance et avec humour. Il lui aura fallu de la pugnacité pour parvenir à se faire publier. Quel conseil donnerait-il, A Sénou à un jeune auteur qui espère la publication ? Il faut être sincère avec soi et ne pas chercher à écrire quelque chose qui va plaire. Il faut être porté par des sujets qui animent son être. Il faut aussi beaucoup retravailler ce que l’on fait et surtout développer son propre univers. Ce n'est pas inutile de se le rappeler.
Madame de K propose une rubrique alimentée par ses lecteurs : les Fast Portraits sont assez drôles comme tout le blog d'ailleurs, Madame de K semble résolument du côté de l'humour. De même une feekabossee qui soigne sa déprime post tabagique en s'offrant aux mains d'un masseur sublissime : sa peau à la couleur du miel, et son sourire est renversant, ses muscles sont fins et délicats. Il sent les îles dans le regard, ses mains ont la chaleur et la douceur du soleil et s'achève avec Ben Harper. Que du bonheur !
Ajoutons une dernière pourvoyeuse de félicité Loïs de Murphy
Qui donc a pu lui servir de modèle pour sa dernière chronique assassine? Qui peut être cette écrivaine voyageuse chaussée de pataugas et blindée de pathos malthusien. En tout cas Loïs s'expose en lui mettant entre les mains un revolver, lui proposant de se tirer une balle dans la tête pour dépeupler un peu la terre et rester en accord avec elle-même. Rien ne prouve que cette buse (du moins est-ce ainsi qu'elle nous est présentée) ne retournerait pas le canon et obtiendrait ainsi la même soustraction mais à moindres frais.
Je passe et repasse par la RDL. Un sujet sur le suicide et personne n'a fait allusion à Virginia Woolf, pas même moi (il est vrai que je ne fais plus que passer) alors que je venais de découvrir dans Hours Nicole Kidman fourrant les pierres dans ses poches et s'avançant posément vers la noyade. Une chose est de savoir que c'est ainsi que VW est morte, une autre d'y assister, même par fiction interposée. Cantus in memory of Benjamin Britten
L'avant dernier billet de P. Assouline nous invitait aux cours de littérature française, moderne et contemporaine (il faut tout) d'Antoine Compagnon au Collège de France. En cherchant un peu suite à l'info d'un internaute j'arrive sur l'accès au podcast
voici ce que le lis :
Le podcast est un mode de diffusion des enseignements du Collège de France, auquel vous pouvez vous abonnez (sic) gratuitement sur notre site.

Alors si même eux font des fautes d'orthographe...

Il est vrai que Dexter (il vient de fermer son blog qui aura eu une existence trop courte, dommage il promettait, je ne mets pas de lien, il ne le souhaite sans doute pas mais il est dans ma liste) écrivait fort justement en commentaire ce jour là - je résume- à quoi sert tout le savoir que nous avons accumulé quand nous ne sommes pas foutus d'en faire émerger en actes du progrès pour l'espèce et concluait ainsi : en fait c’est très simple, c’est le principe des vases communicants : notre monde a gagné en savoir ce qu’il a perdu en intelligence.

Je me sens très proche de ce point de vue.