mercredi 30 septembre 2009

Marcheurs cueilleurs

Découverte du panorama au matin (arrivée la veille dans la nuit). Le village le plus proche Aleu, la ville Saint Girons (Ariège).


J'ai un faible pour les vaches
Ci-dessous l'alchémille et sa dentelle de rosée
Pédoncule, sépale, pétale ovaire, pistil, stigmate, style, étamine, anthère, carène, étendard, ailes, bractée, bractéole, inflorescence, ligule, involucre, panicule, pédicelle, corymbe, apiacées, vocabulaire indispensable pour comprendre les fleurs.
Limbe, pétiole, stipule, sessile, amplexicole, ovale, obovale, spatulée, reiniforme, cordée, lancéolée, lyre, accuminée, terminologie conseillée pour décrypter la feuille.
La taxonomie est précise, elle permet de différencier une espèce d'une autre, l'une pouvant être comestible, l'autre toxique.
Nous avons fait connaissance avec la consoude, l'achillée, l'alchémille, l'angélique, la benoite, le bouillon blanc, le lierre terrestre, l'aillère, la carotte,la berce, la mauve, le plantain (fort utile pour calmer les démangeaisons dues aux orties cueillies à mains nues, selon une recette infaillible pour ne pas se piquer, uh uh), des laiterons divers, des pissenlits promptement mis en besace avec moultes autres différentes graines et feuilles qui ont ensuite composé le menu du soir puis le lendemain de midi. En tout six à sept heures de marche, une halte pic nic avec des provisions rassemblant tartes et cakes, excellent saucisson au roquefort et fromages de brebis. Le soir le vin était bon après un morito, apéritif préparé par la jeune et jolie Camille. Excellente humeur des explorateurs de la survie comme chasseur cueilleur (les temps s'annoncent difficiles, il faut se préparer). Le lendemain nous avons cuit des "tourons" (sorte de chaussons ) fourrés d'ortie, de cerfeuil, de lierre terrestre et d'achillée, accompagné d'une salade de mache et de pissenlits et autres fantaisies dont des fleurs de mauve. C'était délicieux.
Hélas, le lendemain j'ai été prise de vertiges, de nausées. J'ai cru ma dernière heure arrivée, un peu de cigüe avait pu s'égarer dans la mixture. Le médecin a diagnostiqué une gastrite aigüe, m'a prescrit une palanquée de médicaments. j'en ai pris pendant deux jours et je me porte comme un charme. Peut-être ce régime hypervitaminé, bourré de fer et de liquides astringents a-t-il déclenché un processus de purge qui s'est violemment mis en marche, alors qu'il me semblait que tout allait bien.
Expérience riche en saveurs, en savoir et ... en émotions

Non, cet homme n'est pas mort foudroyé par l'amanite phalloïde que nous aurions confondu avec la coulemelle,(il y en avait et nous avons pu en déguster), il s'octroie une petite sieste avant de reprendre sa besace et son couteau.

Si vous voulez approcher ces sauvages sans quitter votre fauteuil c'est possible mais je vous conseille le contact direct

Photos ZL (pas excellentes hélas, défaut de dioptries vraisemblablement)

dimanche 27 septembre 2009

Le vent des blogs 27. Appelez la Polis


Je reviens d'un week-end consacré à l'exploration des plantes sauvages comestibles. Groupe de gens sympathiques dont quelques amis, animateurs drôles et compétents, repas pantagruéliques et délicieux avec une variété incroyable de plantes que nous arrachons d'ordinaire comme mauvaises herbes dans nos jardins. Je connaissais les vertus de l'ortie, j'ai découvert la pimprenelle, le lierre terreste, l'achilée, la consoude, et beaucoup d'autres dont je reparlerai.
Un vent des globes réduit pour cause d'occupations champêtres donc.

Vous ne connaissez peut-être pas La rénovitude . J'ai découvert sur ce site ce qui suit:

Quelques chiffres bruts sur les candidats socialistes aux régionales de 2010 (têtes de listes). (calcul sur 21 régions métropolitaines - hors Corse).
  • Nombre d’hommes candidats: 19 (90,48%)
  • Nombre de femmes candidates: 2 (9,52%)
  • Moyenne d’âge des candidats: 63 ans en 2010 (soit 69 ans en 2016, en fin de mandat)
  • Nombre de sortants: 19 (tous les sortants sont reconduits, sauf Frêche, enfin on l’espère).
  • Nombre de candidats ayant déjà fait deux mandats: 6
Il faudrait en effet redonner un coup de neuf, ça n'avance pas très vite dans ce parti devenu arthritique.

L'Hérétique
(il semble qu'on ait affaire à un Modem) vote Irina Guerguieva Bokova. On ne peut qu'être de son avis et de toute façon c'est fait, elle est élue. Exit donc l'Egyptien Farouk Housni qui ne semblait pas très franc du collier. L'UNESCO c'est sans doute un "machin" mais un de ceux qu'il me semble utile de conserver, une mondialisation utile.

Kamizole continue son oeuvre de salubrité publique. Elle ne passe rien à notre Nano Président et n'a pas apprécié qu'il s'offre une tribune en direct des Etats Unis pour venir faire causette avec son peuple chéri et lui rappeler que la justice fait son devoir en faisant comparaître les "coupables" d'outrage à sa personne par l'intermédiaire de faux en écriture. L'affaire du lapsus a été largement relayée, mais Kamizole est vénère et le dit avec humour. En voilà une que les chiffres ci-dessus ne doivent guère réjouir.

Le vent de cette semaine sera bref et exclusivement orienté politique. Pour le conclure je suggère un petit tour chez P. Corcuff qui propose une lecture de Rosa Luxembourg "volontairement anachronique, dans le sens où elle part d’aujourd’hui, d’une certaine interprétation actuelle des enjeux politiques de la période, pour puiser des questions et des pistes qui nous aident dans la formulation des problèmes contemporains. . Corcuff met en lumière sa position délicate entre anarchisme et bolchévisme, une autre voie qui n'a pas eu l'occasion d'exister.
Ajoutons cette info pour les Parisiens, que Corcuff mentionne au début de son article Dans la reprise recomposée de son beau spectacle Rosa, la vie (créé initialement en 2006), Anouk Grinberg lit des lettres de Rosa Luxemburg, au Théâtre de la Commune à Aubervilliers, du 24 septembre au 4 octobre 2009. Le jeudi 1er octobre, un débat entre la comédienne et Edwy Plenel suivra la représentation, en partenariat avec Mediapart. L'occasion de revenir sur l'actualité de Rosa Luxembourg...
Oui, j'aime bien Rosa.

Photo Wikipedia

vendredi 25 septembre 2009

Epitaphe pour les morts de la rue


Alors que je débutais ce blog j'avais posté ceci, que j'ai retiré par la suite et je dirai pourquoi

Te rappelles tu, cet homme au regard de rapace, si fier, si beau ?
Ce copain de bohème des années du Marais ?
Ce fou de vie qui se retrouva enfermé pour 3 ans ?
Tape sur Google : R.J.
Tristesse.

N.

J'ai tapé. Je suis arrivée directement sur la liste 2007 des morts de la rue. Il y apparaissait, mort le 22/01/2007, Paris 13. J'ai tapé d'autres noms dont je n'ai plus de nouvelles, puisque les hommes fiers et beaux à vingt ans peuvent mourir seuls, dans la rue, comme lui en ce mois de janvier où j'ai failli moi-même mourir. Ils seront accompagnés pour leur dernier voyage par ces hommes et femmes (Collectif des morts de la rue) déterminés - qu'ils en soient remerciés- à leur manifester une dernière fois leur appartenance à cette espèce qui se distingue de ses compagnons mammifères par le langage et le rituel funéraire. Ce mort là m'obsède. Ainsi nous avons été proches d'hommes et de femmes qui mourront seuls et abandonnés et nous, ne le saurons que parce que cet outil invraisemblable, Google, est capable de repérer dans une liste leur nom que des humains compassionnels auront noté à cette fin, nous alerter. Mais il y a dans cette liste des dates de mort avec comme seule trace de celui là qui est parti, X homme, environ 50 ans, 28 / 01/ 2007 Paris 15. Comment en arrive-t-on à ne même plus avoir de nom ? Pas de papiers, perdus ou volés et non renouvelés, jamais obtenus ? Plus de famille, plus d'amis ? Errance subie ou choisie et dégénérant peu à peu ? Rebelle, peu enclin à la courbure de l'échine, on refuse la bride sur le cou. Mais la ville est la pire des jungles où survivre. Ou bien de chômage en RMI, on ne peut plus s'assurer un couvert. Pour R., il n'y avait aucune fatalité. C'était un homme intelligent, possédant les moyens de se créer une niche de survie. Quelle fatale déréliction l'a conduit à cette mort solitaire ? Nous ne saurons probablement jamais.


Quelques semaines plus tard j'ai remarqué un commentaire qui était resté en souffrance (c'est le cas de le dire). On me demandait de prendre contact d'urgence, un numéro de téléphone et un mail étant joint.
J'appris ainsi que le frère de cet ami avait eu connaissance de la mort de R. par le biais de Gougueule, qu'il avait trouvé mon épitaphe par la même voie et il me demandait de retirer mon texte. R. s'était brouillé avec sa famille, sa mère ne savait rien de la mort de ce fils ainé, elle était cardiaque et risquait de tomber sur l'information par hasard. R. est mort dans son camion, dans un garage qu'il louait, c'est la propriétaire qui l'a découvert. Mort de quoi ? On ne sait. Il n'y a pas d'enquête pour ceux que personne ne réclame. J'ai donc retiré mon texte, assez bouleversée par ma conversation avec cet homme que j'avais croisé une ou deux fois quand je fréquentais R.

Pourquoi je remets en circulation ce billet (en l'anonymisant cette fois) ? Parce que j'ai lu aujourd'hui que depuis le début 2009, au moins 205 SDF sont morts. le 25 novembre, le collectif Les Morts de la rue rendra hommage à ces soldats tombés au front de la misère. La cérémonie aura lieu Place du Palais Royal à Paris.
Je n'ai pu publier "épitaphe à RJ" ce sera donc une épitaphe collective répertoriée comme anonyme Nous avons trop aimé les étoiles, pour avoir peur de la nuit.

Le collectif des morts de la rue

Illus L'homme de demain. Paul Klee 1933

mardi 22 septembre 2009

Sois belle et tais-toi

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-matisse/Images/LISEUSEL.JPG

Selon l’opinion communément admise, ce sont les femmes qui parleraient plus que les hommes. Le stéréotype de la femme bavarde est certainement, en ce qui concerne la différence des sexes et la conversation, l’un des plus forts et des plus répandus. Paradoxalement, c’est aussi celui qui n’a jamais pu être confirmé par une seule étude. Bien au contraire, de nombreuses recherches ont montré qu’en réalité, ce sont les hommes qui parlent le plus. Déjà en 1951, Strodtbeck a mis en évidence que dans des couples hétérosexuels mariés, les hommes parlaient plus que les femmes.

Mais comment expliquer un tel décalage entre le stéréotype et la réalité ? Comment se fait-il que, bien que tou-te-s nous nous soyons retrouvé-e-s dans des situations où il était clair que les hommes monopolisaient la parole, si peu d’entre nous en aient profité pour questionner le bien fondé de cette croyance ?

Dale Spender s’est penchée sur ce mythe de la femme bavarde afin d’en analyser le fonctionnement. Ce stéréotype est souvent interprété comme affirmant que les femmes sont jugées bavardes en comparaison des hommes qui le seraient moins. Mais il n’en va pas ainsi. Ce n’est pas en comparaison du temps de parole des hommes que les femmes sont jugées bavardes mais en comparaison des femmes silencieuses (Spender, 1980). La norme ici n’est pas le masculin mais le silence, puisque nous devrions toutes être des femmes silencieuses. Si la place des femmes dans une société patriarcale est d’abord dans le silence, il n’est pas étonnant qu’en conséquence, toute parole de femme soit toujours considérée de trop. On demande d’ailleurs avant tout aux femmes d’être vues plutôt qu’entendues, et elles sont en général plus observées que les hommes (Henley, 1975).

Ce n'est pas moi qui le dit mais une chercheure qui communique au sein d'un collectif intitulé "Les mots sont importants". Si ça vous intéresse d'en savoir plus, c'est ici

Mais ce qui ne fait aucun doute, c'est que les femmes lisent davantage que les hommes et que les auteurs vivent grâce à elles.

Photo Liseuse sur fond noir. Henri Matisse.


dimanche 20 septembre 2009

Le vent des blogs 26. Langueur d'automne

C'est l'automne. Après un été sans une goutte d'eau, à l'équinoxe, le ciel nous tombe sur la tête, il pleut, il pleut, il pleut!

Pour nous consoler prenons connaissance des bonnes nouvelles, il n'y a pas de petits plaisirs (merci à Phildo, pour son mail). Dans la foulée il m'a transmis un lien vers un diaporama des oeuvres d'un certain Carl Warner qui photographie des paysages créés à partir de légumes, pains et autres denrées. Etonnant. (cliquez pour agrandir et dévorer)

Tout autre chose, Martin Winckler chez François Bon, décrit le malaise que nous procure un étranger lorsque nous entrons dans l'intimité de son désarroi sans pouvoir réellement intervenir "Je n’avais qu’une station pour prendre une décision. Qu’est-ce que je faisais ? Qu’est-ce que j’avais le droit de faire ? Qu’est-ce qu’il était possible de faire ? S’il avait essayé de se jeter sous le train, il allait le faire de nouveau. Fallait-il que je parle avec lui, que j’essaie de savoir qui il était, pourquoi il avait voulu faire ça ?" Je l'aime bien ce Winckler, il vient de publier "Le choeur des femmes", un roman initiatique qui se passe, sans surprise, dans le milieu hospitalier. A découvrir pour ce qui me concerne.
Tiens, restons dans la médecine -si on peut dire-. Au nombre des ignominies dont la pub est capable, celle-ci signalée dans son blog Daily life par KL. Les types de la pub ont les mains propres mais l'âme crasseuse
baccide.jpg
Je ne voudrais pas finir ce vent des blogs automnal sur une note aussi poisseuse, je vais recourir aux carnets d'Hubert Nyssen (oui je le cite de temps à autre) et leur voler deux jolies phrases bien ajustées à mon humeur du jour (voire de la semaine).
Retrouvant une de ses amies : "Je regardais la petite robe impertinente qu’elle avait choisie pour venir me voir et je me suis promis qu’un personnage la porterait dans le prochain roman. Sachant que nous ne nous reverrons pas de sitôt, nous n’avons mis de frein ni à ce que nous avions à nous apprendre l’un de l’autre, ni à ce que nous craignions peut-être de nous dire. Redécouvrant ainsi que sous l’écorce de la mémoire les fruits du souvenir peuvent être tendres."
Ce vent des blogs n'a rien du "mistral qui s'agite tel King-Kong rompant ses chaînes sur la scène new-yorkaise où on l'exhibe", il s'achévera sur des liens pour partager quelques oldies but goodies, que j'ai réécoutés avec plaisir cette semaine, j'ai nommé Coltrane et Miles et le héros de la classe ouvrière ( merci qui ? merci Mon Chien).

Photo 1. ZL

vendredi 18 septembre 2009

Dérisons

Certains jours, je m'éveille dans cette indécision du monde. Je ne reconnais rien de ma vie ordinaire, j'avance à tâtons, dans une extrême lenteur, je crains à chaque instant de me heurter à un obstacle réservé à moi seule, les êtres s'adressent à moi comme si j'avais six bras et deux têtes, les sons se vrillent et s'empenaillent, l'air est saturé d'effluves acidulées, mon thé ne m'ôte pas ma toux, je fixe au loin un horizon erratique, j'interroge la pythie, son oracle est circonspect.
J'ai envie alors de m'étendre sur le sol en attendant qu'une coulée de lumière me ranime.

mercredi 16 septembre 2009

Les zinédits. Regarder vivre et surtout rire


Dans ce quartier, tous les faciès, les langues, les cuisines, que j’avais rencontrés ailleurs se retrouvaient là, dans un condensé de rescapés de l’antique Babel. C’était merveilleux de les regarder aller venir, acheter des légumes et des épices chez leurs congénères, échappés eux-mêmes de quelque pogrom. J’étais heureuse de payer mon addition chez le Chinois, le Vietnamien, le Marocain, le Tunisien. Tous les jours, j’allais explorer une nouvelle gargote. J’étais quelques fois la seule femme, mais je l’ai été si souvent et dans des lieux autrement tendancieux. Je m’alliais la protection du patron en le faisant parler de son pays que je connaissais un peu, je taisais de quelle manière. J’étais servie et respectée comme une reine. Mon délice, c’était de les regarder vivre et surtout rire. Ça m’a très vite démangé. Dans certains lieux dont je commençais à être une habituée, j’ai sorti mon appareil, j’ai pris des photos à l’impromptu, si possible discrètement, mais le flash me trahissait. Un jour un type a très mal pris l’affaire. Il s’est tourné vers moi et en associant la salle, il m’a demandé pour qui et pour quoi faire ces photos. Je travaillais pour les RG ou quoi ? J’ai dit que je prenais exclusivement des photos de gens joyeux et comme ils riaient, je ne savais pas pourquoi, mais comme ils riaient…

Il était estomaqué. Tout le monde s’est esclaffé et lui aussi, après un temps de retard. J’ai sorti mon appareil et après un petit sourire de connivence, j’ai déclenché. Le patron est venu me demander ce qu’il retournait de ces histoires de photos de rigolades. Je lui ai dit que ça me remontait le moral, que ça me faisait rire, moi, quand le révélateur faisait lentement affleurer des dents, l’écartèlement des lèvres, mais surtout cette lumière dans les yeux, le bonheur de partager les mêmes absurdités, un abandon. Quand il n’est pas de cette sorte, le rire ne rit pas, il grince. Il a hoché la tête, mais j’ai senti qu’il me trouvait un peu cinglée.

Extrait La voisine. ZL

Photo L'express Le bonheur est contagieux

dimanche 13 septembre 2009

Le vent des blogs 25. Luxe, calme et volupté


Cette semaine nous terminerons en images et en musique. Ce sera comme d'habitude grâce (ou à cause) de ma promenade sur les blogs amis. J'ai peu exploré cette semaine. Boulot boulet. Moins envie aussi sans doute. Ma quotidienne visite aux Ni Ni suspendue pour cause de bug (aussi ne remet-je point de lien puisque). Une photo empruntée à un des fidèles, Vinosse, même s'il lui arrive de bouder (il a très mauvais caractère, surtout ne le dites pas, il est susceptible), mais il fait de belles photo d'eau.

Une sorte de désir d'échanges s'est emparé de quelques uns de mes blogs amis avec des effets assez drôles. Le Chasse clou et Désormière se sont invités mais pas le vendredi prévu par le protocole initial des Vases communicants, on fait comme on veut. Si vous ne connaissiez pas Balthazar Noroît (je l'avoue, sans honte) vous aurez l'honneur de voir son visage (bien qu'un rien dissimulé comme il se doit pour un écrivain de son envergure, éviter les paparazzi, voire de dangereux ennemis) et découvrir sa vie exhaltante.
Christophe Borhen propose par ailleurs de transformer le concept en Vaseux communicants suite à nos croisements ici même autour du questionnaire nul pour les nuls d'Ardisson.

Dexter a relancé sa petite entreprise d'écriture collective. Après une pièce de théâtre (work in progress) où le temps fort était la mise à la cave d'un patron, puis Rhapsodie, tourment d'un écrivain à la recherche d'un sujet de roman que les amis soutiennent de leurs suggestions toutes saugrenues, la dernière en date Expertise est la biographie du Grand Ecrivain. Elle se veut un exemple pour l'ensemble des petits biographes en mal d'exactitude et de rigueur. Décidément la biographie a le vent en poupe.

Certains ne se payent pas de mots mais est-ce si déraisonnable.

Le blog de Dom A

D'autres jouent avec les mots jusqu'à leur infliger des distorsions qui les rendent parfois méconnaissables. L'ami Cactus nous est revenu, en pleine forme, semble-t-il et avec un nouveau blog, tout neuf, bourré de photos comme d'habitude. J'ai eu du mal à choisir. Au final une photo de Peter Lindbergh dont voici l'original

Et son traitement par l'ami Cactus ( Arles 2008, jeux avec lumières)


La mort de Willy Ronis (99 ans quand même, j'espère que notre cher Levy Strauss va tenir encore un peu) a donné lieu à de multiples hommages. Je choisis celui d'un photographe que j'aime beaucoup.

Je suis allée sur la République des livres où sévissait un débat déplorable (pas même un débat, un petit jeu d'aigreurs rances) mais j'y ai capturé les deux liens suivants que je vous livre en conclusion.
Musique et peinture Erik Satie . Gymnopédies, Lenta y dolorosa.
Musique et beauté Hélène Grimaud Bach-Busoni Chaconne in D mineur-1-.
Merci aux intervenautes qui s'échangent ces délices par-dessus les tombereaux d'avanies que d'autres semblent éprouver du plaisir à déverser. Beurk!

vendredi 11 septembre 2009

Reviens Marcel, ils sont devenus fous!


Christophe Borhen et moi sommes entrés en collusion grâce aux questions fameuses
Quelques mois plus tard, je me fais un plaisir de me rendre à son invitation : répondre après lui
" à l'
interview nulle de Thierry Ardisson, (im)populaire et (im)pertinent animateur de télévision au début de ce siècle...
"

Vous préférez Hitler ou Staline ?
Hitline ou Staler, pour moi c'est bonnet noir et noir bonnet

Vous préférez votre père ou votre mère ?
C'est une question qu'ils ne m'ont jamais posée, à juste raison.

Le mot le plus con en amour, est ce que c'est merci, encore ou oui-oui ?
"c'était bien ?"


Comment vous aimeriez mourir (overdose, assassinat, crash d'avion, dans votre vomi...) ?
Vous n'auriez rien de plus paisible, genre dans mon sommeil ou en jouant au poker et en touchant un carré d'as


Quel est l'animal qui embrasse le mieux ?
La vache, sans hésitation

Vous préférez mourir tout de suite et aller au paradis ou bien dans trente ans et aller en enfer ?
Dans trente ans puisque l'enfer c'est les autres et que je me suis habituée

Vous vous lavez les cheveux tous les combien ?
Quand j'en ai envie, ce n'est pas calendriable.
Est-ce que vous accorderiez plus de circonstances atténuantes à un vieux qui se tape des jeunes ou un jeune qui tape des vieilles ?
Les
vieux et les vieilles, je ne sais pas ce que c'est, mais taper c'est très vilain.

Si vous aviez un perroquet, qu'est-ce que vous lui apprendriez comme phrase : " T'as fermé le gaz ? ", " T'as pensé à la capote ? ", ou bien " Coco, arrête-là Coco ! " ?
C'est cui qui dit qui y est
Est-ce que vous accepteriez de mourir, tout de suite, subitement, là, maintenant, si ça devait éradiquer pour toujours la pauvreté dans le monde ?
Oui mais je ne crois pas à l'éradication de la pauvreté alors non, pas envie de me faire gruger.

Est-ce que vous auriez plus honte que votre meilleur ami trouve sur votre table de chevet un livre de Claire Chazal ou une poupée gonflable ?
Une poupée gonflable ? je peux remplacer par un godemichet autrement plus appréciable que la blonde de service

Est-ce que vous préférez un président d'extrême droite élu au suffrage universel ou pas d'élection du tout ?
Pas d'élection, organisons la base sans le sommet.

Vous préférez être mordu, pincé ou piqué ?
Mordue tendrement dans le cou.

Quel mot détestez vous prononcer ?
Gouvernance.

Vous préférez avoir un nez supplémentaire, un oeil supplémentaire, un doigt supplémentaire, un sexe supplémentaire ?
Un doigt supplémentaire pour me le fourrer dans mon nez supplémentaire tout en matant avec mon oeil supplémentaire les ébats des mouches .

Est ce que vous préférez une femme qui n'aime pas tellement faire l'amour mais qui est fidèle ou une femme qui aime faire l'amour mais qui est infidèle ?
En tant que femme la fidélité amoureuse des femmes me laisse de glace

Si vous étiez en vente dans un sex-shop, qu'est-ce que vous seriez ?
Le fonds de commerce. Et hop ! une nouvelle librairie dans le quartier. (je garde la réponse de Tophe)
Imaginez : nous sommes dans un chalet l'hiver, sous la neige, on est mort de froid, on meurt de faim et pour survivre vous êtes obligé de me manger ; par quelle partie du corps vous commencez ?
J'évite les abats et notamment la cervelle qui semble un peu plombée

Vous croisez un extra-terrestre le matin en allant acheter vos cigarettes, il vous demande qui vous êtes, vous lui répondez quoi ?
Une somnambule, j'ai arrêté de fumer sauf en rêve.
Est-ce que vous seriez plus gêné d'être surpris par votre (femme) mari au lit avec (deux filles) mecs ou avec un mec (une fille)?
Une fille, pas de problème, c'est une copine qui avait froid aux pieds et que je réchauffe en tout bien tout honneur. De plus je pourrais l'inviter à nous rejoindre et ainsi l'incident serait clos. (De l'avantage d'être une fille)

Imaginez, vous avez commis un crime, à qui demanderiez vous de vous aider à cacher le corps ?
Joker, la situation est trop improbable

Avec qui préféreriez vous passer la nuit, Anne Sinclair, Laure Sinclair ou Bob Sinclair ?
Qui c'est ?

Quel est le sport le plus con ?
Tous pour la compete, aucun pour la jouissance. (La boxe peut-être quand même, très très con)

Si vous deviez partir sur une île déserte, vous préféreriez partir avec une fille très laide ou un mec très beau ?
Un mec très beau ah ah, je ne traduis pas cette fois.

Si vous deviez mourir dans un accident d'avion, vous préféreriez que ce soit Air France, Varig ou Egypte Air ? Air France first class en dégustant a glass of champain

Est-ce que vous pouvez me dire qui est Bataille, qui est Fontaine ?
Je ne réponds pas à une question aussi nulle même dans un questionnaire aussi nul

Question Clotilde Coureau : est-ce que vous embrasseriez cent fois les chaussettes sales de votre mec ou de votre femme par amour ?
J'aime beaucoup renifler les tee-shirts, embrasser les chaussettes c'est d'une connerie abyssale.

Ouf, je ne suis pas fâchée d'avoir achevé l'exercice. Si ça vous amuse faites comme moi, copiez collez. On n'est pas obligé d'être toujours à la pointe de l'actualité philosophique. Je vais rajouter une question pour le plaisir du pastiche

Qu'est-ce que vous détestez le plus à la télé ?

La plupart des présentateurs qui s'astiquent le nombril au lieu de faire leur boulot d'information sur le sujet qu'ils prétendent aborder et particulièrement les cathos qui jouent les émancipés en plaçant toutes les trois minutes une question du genre" fellation ou sodomie
?".

Photo Prise de tête. ZL

mercredi 9 septembre 2009

Du neuf avec du vieux*


Depuis que j'ai mis les doigts dans la blogosphère je m'interroge et je suppute sur le sens à donner à cette manie récente de me manifester sous la forme écrite au sein d'une grande toile où je ne suis qu'un tout petit point de chaine.
Il se trouve que je fréquente quelques supputeurs qui me bousculent à la fois le zygomatique et le système synaptique. Il y a de la perte sur cette toile, beaucoup de pensées fort sensées échappent à la réverbération qui leur donnerait tout leur lustre. Je vais donc me livrer à un exercice de rafraîchissement qui aura le double avantage de donner plus large audience à de l'exclusive confidence et de m'offrir l'occasion de poster sans trop me fatiguer. (Que celui qui n'a jamais été tenté par ce type de solution se lance le premier dans l'opprobre).

Donc voici un raccourci d'un débat éclaté et étalé en différents endroits dont j'ai récupéré quelques bribes strictement confidentiel(les)

"A voir tous ces textes éparpillés sur le ouèbe, j' suis de plus en plus intrigué par la démarche de ces "écriveurs"? me demande pourquoi ils écrivent ? Dans quel but ? Sont-ils satisfaits par cette publication immédiate, ne perpétuent-ils pas davantage l'écriture salonnarde que le vrai travail de l'écriture ?... Y a des textes vains et mal fichus, des textes dignes de gamins de 10 ans, des tartines de prétention, des montagnes de souffrances "littéraires" ou si mal écrites qu'elles donnent l'impression de souffrances inventées, des romans minables, des fragments de choses dont on se dit qu'elles mériteraient un support plus tangible, des éclairs propres, des phrases limpides aussi (parfois), des ébauches de nouvelles... Et puis, de temps en temps, un véritable écrivain, mais c'est très rare, un homme ou une femme qui se lance dans ses mots et dont on sent le coeur palpiter sur l'écran". Mon Chien Aussi (vous le connaissez, j'en suis sûre).

"La seule réponse que je trouve, finalement, c'est que les blogs pourraient être similaires aux lettres de jadis - Madame du Deffand ou la Princesse Palatine auraient fait de grandes blogueuses, au fond. C'est vrai qu'on peut considérer ça comme vain et futile, mais c'est aussi un moyen d'exorciser certaines frustrations (littéraires ou politiques ou autres), et j'ai tendance à me dire de plus en plus souvent que les blogs sont un refuge pour tous ceux qui n'ont pas actuellement voix au chapitre (même par écrivain "porte-voix" interposé) dans des publications officielles de plus en plus formatées "grand public" (avec toutes ces fameuses listes de choses à compter, à faire ou à voir). Le blog est une évasion collective, je crois. Sophie K, chevalière de l'ordre des Ni NI.

"Ma question n'était pas une critique des blogs, c'était une manière de mettre le doigt sur une petite question qui n'affleure pas beaucoup sur le Net ; et puis, l'aspect vain de certains écrits est parfois émouvant... Le seul truc qui m'ennuie un peu, c'est la flatterie presque obligatoire, ou le commentaire est supprimé, pas partout bien sûr. Ça, c'est le hic qui me fait penser que s'il y a une nouvelle zone de liberté, elle est quand même sous la surveillance du bon goût commun. (C'est moi, Zoë, qui souligne) Mais bon... Je sais qu'un type m'a interdit tout accès à ses pages parce que j'étais pas assez louangeur. Un mec connu. Chez lui, seuls les commentaires du genre : "Comme vous êtes intelligent ! Comme vous écrivez bien ! Quelle pensée majestueuse !" étaient acceptés. A sa place, je s'rais emmerdé de collectionner les lèche-culs..." Mon Chien Aussi (le même)

"Alors, Mon Chien, tu rigoles ou quoi ? Tu t'interroges sur cette pléthore de textes de niveaux plus ou moins et plutôt moins et keski motive et tout ça ? Et toi ? Pourquoi tu pianotes d'un blog à l'autre pour déposer ton grain de sel sur la queue du dragon de la caverne, hein ? C'est juste que le ouèbe c'est une immense cour de récréation et une salle des pas perdus pour tout le monde. On va y faire son marché selon son humeur du jour. On y a des fidélités comme quand on se retrouvait à la récré. Entre temps chacun vaque à ses petites et grandes occupations avec dans le fond de sa poche son blog / doudou, qui lui fait chaud au coeur.
Quant à l'écriture, pour moi c'est une façon de garder le neurone mobile. Ça s'encrasse si vite ce matériau, si on ne le lubrifie pas d'une façon ou d'une autre.
Celle-là, en ce moment je la kiffe
, oualatou! Zoë (je me cite puisque je lui répondais)

Voici donc, remises en piste, les pensées profondes que j'ai souhaité sauver de l'enfouissement définitif dans le grand magma de l'oubli, avant qu'elle n'y retournent, après avoir pris, sous l'arbre, l'air de rien, une petite bouffée de spiritualité chatoyante.

*Comme je ne recule devant aucune forfaiture, j'emprunte l'idée du" neuf avec du vieux" à la copine Clopine qui ce jour (09 09 09) a commis un titre de même acabit et un joli pastiche de Brassens tiré de ses tiroirs.

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dimanche 6 septembre 2009

Le vent des blogs 24. Usons et abusons des vases




Bon, je l'avoue, cette semaine, j'ai peu visité la blogosphère mais j'ai une excuse (si toutefois je devais justifier devant je ne sais quel tribunal improbable mon incurie). J'ai peu surfé, j'ai laissé les ondes en paix. J'étais dans la capitale, occupée à installer ma fillote dans sa nouvelle vie d'étudiante.
A peine avais-je mis les pieds sur le pavé parisien, j'assistais à un contrôle "ordinaire", un jeune Noir, sommé (assommé ? ) de présenter ses papiers. Je constatais par là-même que pour cette tâche à "haut risque", on recrute des gaillards d'une certaine envergure et qui ne semblent pas douter des raisons qui leur donnent le droit à l'existence. Ceux là au moins sont peu atteints de troubles de la personnalité, ils ont été rectifiés à l'équerre.
Ayant pourtant vécu plus de la moitié de ma vie dans la capitale mais l'ayant fui depuis plus de dix ans, j'ai constaté avec effarement à quelle vitesse la familiarité se décompose et se recompose. Le réseau des transports en commun s'étant beaucoup développé, j'ai découvert que la station Bercy (ministère des finances) est particulièrement chic et qu'elle se trouve sur une ligne fort huppée conduisant des Olympiades à la Gare Saint Lazare en passant par quelques stations prestigieuses comme Madeleine. Autre surprise le développement des RER qui a considérablement rapproché les banlieues du centre ville. Je suis revenue depuis mon exil régulièrement mais j'avais très peu utilisé les transports souterrains. cette fois j'ai largement compensé ma défection : métro, RER, bus, je ne me suis rien épargné. j'ai aussi beaucoup marché.
Pour l'ambiance métro une seule adresse
Et nous n'en sommes pas encore
Autre expérience parisienne qui m'a remis les compteurs en place, la sortie du vendredi soir. J'avais donné rendez-vous à des amis dans un restaurant du Marais que j'avais fréquenté autrefois comme un lieu paisible. Dix minutes de retard, notre table avait été recyclée et n'était plus libre. On nous a proposé d'aller boire un verre dans un bistrot en face (chez "La belle Hortense" ) café librairie en cheville avec notre restaurant, bondé bien-sûr. La demi-heure prévue s'est étirée et nous avons pu nous installer au bout d'une heure, commander sous le regard impatient du serveur. Nous avons diné correctement certes, pour un prix pas trop modeste, et dans un brouhaha épuisant.
Je suis repartie vers mes collines, avec un pincement au coeur (ma fillote) mais plutôt satisfaite d'abandonner ce charivari incessant.

Voilà pourquoi en guise de vent des blogs, je vais profiter des vases communicants et vous soumettre la liste des blogs qui se sont livrés à l'échangisme bloguesque.
Je l'ai empruntée à Frédérique Martin une des participantes et non des moindres.

Les participants aux vases communicants de ce mois : (Que les oubliés se signalent !)
Lignes de vie et Frédérique Martin
Désordonnée et Emelka

Paumée et François Bon
Futile et grave et Fragments ecmnésiques
Fenêtres Open space et Michel Brosseau
Arf et Balmolok
Liminaire
et 36 poses d’Annie Rioux
et bien-sûr si vous avez suivi Zoé Lucider et Dominique Boudou

Dernière minute: j'écoute Bernard Lubat qui vient de recevoir une récompense aux Victoires du Jazz retransmises par FI dans l'emission Ascenseur Pour le jazz. Un petit lien avec Minvielle et un autre avec le grand Portal.

Photo Paris by night Eh oui, j'aime les quais le nuit, mais la photo n'est pas de moi, mon appareil a refusé de fonctionner !




vendredi 4 septembre 2009

Le désherbage des bibliothèques

«(...) pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d’échange généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu’on y découvrirait des nouveaux sites (...)».

François Bon et Scriptopolis ont lancé l’idée des Vases Communicants.
Aujourd'hui Dominique Boudou et Zoë Lucider s'invitent réciproquement

Les bibliothèques sont des corps vivants qui échappent à la contention des étagères. Elles débordent sur les tables et font des pieds aux murs, poussent l’huis grinçant des buffets, s’invitent sous les lits. Impitoyable marée de papier. Un « désherbage » s’impose. De quels livres se séparer ? Il y a ceux qui nous ont déçus, ceux que nous avons oubliés. Il y a aussi tous ces livres qu’on nous offre, parfois tellement mauvais mais accompagnés d’un mot tendre.

Aucune douleur cependant dans le « désherbage » car il permet de belles rencontres, de belles retrouvailles. On découvre un roman qu’on n’a pas lu, (L’obscurité du dehors, Cormac Mc Carthy), on forme de nouveaux couples, (Agota Kristof et Bohumil Hrabal), on reprend la conversation avec Baudelaire ou Pirotte.

Les humains sont aussi des corps vivants. Pas question de laisser le dernier mot à une bibliothèque. Nous avons trop besoin de ses personnages et du chemin que nous continuons à faire avec eux. Nous voulons rester maîtres du grand mystère de l’écriture. Mais tiendrons-nous le coup jusqu’au prochain « désherbage » ? La marée de papier monte encore et pourrait nous prendre. Attention à l’ivresse des profondeurs.



Dominique Boudou

mercredi 2 septembre 2009

Les zinédits. Bremen, gross fatigue!


C'est d'un tout petit avion trémoussant que je me suis extraite dans la nuit de l'aéroport de Brême. A l’hôtel, Jennifer m'attendait au bar. Elle revenait de Leipzig, impressionnée par le chantier, les contrastes hurlants entre les morceaux de ville sabordés et les nouvelles vitrines de la richesse occidentale. La réunification, elle n'avait entendu parler que de ça. Le frère de l'Est revenait au bercail, pouilleux, le nez baissé; l'aîné, le légitime, lui faisait une place au bout du banc. A une condition ! Qu'il respecte la loi du marché ! Car si Dieu agonisait dans les convulsions, la loi du Marché, elle, régnait souveraine. C'était ça la grande révélation de l'humanité à elle-même. La planète n’est qu’un énorme entrepôt de produits à acheminer à flux tendus. C'était dommage que la loi rende caduque à peu près tout du bazar antérieur. Tant pis pour le frérot, il ne fallait pas se tromper d‘ « ismes », essayer de bidouiller des trucs tordus pour des mises en commun utopiques. Erreur sur l'espèce ! L'humain est un être de meute avec un grand chef plus fort ou plus malin qui détient droit de vie et de mort sur sa troupe ! C'est le chefaillisme qui règne partout, générant ceux qui rampent, ceux qui se terrent, ceux qui ferraillent et ceux qui prennent une balle dans le dos.

Elle me trouvait sombre, Jennifer.

- Fatiguée, je suis fatiguée. Je voudrais m’enfermer dans une petite cellule blanche, qu'on me passe une écuelle, des livres et des disques.

- Ah ! Ce n'est pas tout à fait de l'ascétisme pur, ça.

- Ce n'est pas l'ascétisme que je cherche, c'est le silence. Le brouhaha me ronge. Je ne sais plus rien distinguer. J'ai envie d'une cure d'oubli, les politiciens, les théoriciens, les académiciens, les militaires, les tortionnaires, les affameurs, les décideurs, les suiveurs, les contractants, les contractés, engloutis !

- Ca conduit aux drogues dures ces désirs d'abolition, me dit Jennifer, en demi-teinte, car à la liste, elle aurait pu ajouter son lot. »

- Eh bien ! Tout cela nous place dans d'excellentes dispositions pour aller ausculter le cœur de cette charmante cité, demain matin.

- Hanséatique, m'a précisé Jennifer. »

Extrait "Le voyage des enfants". Bremen. Zolucider,1997, Inédit, p 140


Une suite vendredi dans le cadre des "Vases communicants" chez Dominique Boudou

Pour un excellent article sur les affres de l'inédition lire Pierre Jourde Confessions d'un lecteur de manuscrits
Photo Statue de Roland à Brême