mardi 30 juin 2009

Fouineuse en vol plané.


Aujourd'hui, je feuillette , un truc intitulé l'Altermondialiste, fait à la main par un folliculaire local exposé dans un de ces lieux un peu particuliers que je fréquente et je tombe sur une histoire dont je cherche à vérifier la véracité et le Net me donne en pâture ça.
Je n'ai pas les moyens de mener l'enquête mais je peux vous dire que si cette amarante (il faut lire le lien pour comprendre eh ouais) est une source intéressante de protéines, je n'ai pas à m'en faire, le jardin en est bourré et j'ai dû arracher depuis que je m'escrime à sauver les "bonnes plantes" de la voracité des "mauvaises" de quoi nourrir maintes cohortes d'affamés sans savoir quelle tragique erreur je commettais. Déjà que je maintenais quelques buissons d'orties (pugnacité de la plante + connaissance de ses vertus + fainéantise), que je cherchais fébrilement des infos sur les qualités nutritives du chiendent (j'en ai un stock phénoménal), j'apprends donc que cette plante envahissante, pas très avenante est de la dynamite moléculaire et qu'elle vient de faire un bras d'honneur à Monsanto dont (selon l'info en direct de Géorgie US), les ventes de graines de Roundup Ready auraient reflué de façon significative. Et pendant que je pianote ces mots, j'apprend que la CE vient d'autoriser la mise en culture d'un maïs Monsanto, à ce jour interdit dans 7 pays dont la France. Les oiseaux de mauvais augure peuvent s'égosiller, qu'importe, si au final on se fait du blé !


Pina Bausch vient de mourir. On va en entendre parler et je n'ai rien à dire de très malin sauf que j'aimais son exigence et sa férocité. Non, ce qui me vient à l'annonce de cette mort c'est l'angoisse provoquée par ce terme qu'on entend de plus en plus : cancer foudroyant. D'une longue maladie, le cancer est devenu cette horreur dont on vous révèle qu'il s'était installé en vous sournoisement, vous ne vous sentiez pas très bien, mais enfin, vous étiez debout et donniez le change et d'un seul coup, l'annonce de la maladie précède de quelques mois, voire une poignée de jours (cinq jours en l'occurence) l'issue fatale.

Je ne peux m'empêcher de penser à Christophe Bohren. Si tu nous lis, fais nous juste savoir que tu te reposes , que tu écris, que tu respires quoi !
Notre cher Henri Zerdoun a réchappé à une nouvelle attaque. On espère qu'il lui a claqué le museau pour un bon moment à la sale fouineuse. Nos enveloppes charnelles sont si fragiles !
Prenez soin de vous !

Photo 1 Mottes ZL
Photo 2 Sweet Mambo

PS Lavande me signale qu'il avait échappé à ma vigilance, mais pas à la sienne un développement sur l'amarante beaucoup plus fouillé, feuillu. Si vous ne voulez pas mourir idiot, suivez le guide

dimanche 28 juin 2009

Le vent des blogs 18. Lettre sur le bonheur


Souvenons-nous d'ailleurs que l'avenir ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument, afin de ne pas tout à fait l'attendre comme devant exister et de n'en point désespérer comme devant certainement ne pas exister.
Epicure. Lettre sur le bonheur
Oui, j'aurai sauté d'un vent des blogs à l'autre sans autre forme de regret. Zoccupée j'étais. Oui beaucoup. D'abord, le clavier monopolisé pour concocter une mouture dont je vous fais grâce. Puis mise en silence du clavier et ouverture des esgourdes et de la boite à parlote.
Auparavant, cette semaine, la burqa a fait flamber la fréquentation de la RDL, pour ou contre l'interdiction. A ne pas confondre avec pour ou contre la burqa elle-même. Pour moi la burqa est une relique immonde comme sa résurgence. Les Afghanes du temps des Soviétiques avaient commencé à s'en débarrasser en même temps qu'elles accédaient à l'école. Invasion contre invasion, l'Occident a choisi d'outiller la guerre civile en soutenant les Talibans. Effet boomerang : nous voilà avec des Afghans qui fuient leur pays et durcissent leurs positions de repli religieux dans des pays qui les accueillent au lance-pierre. Par contagion, la burqa devient un symbole de résistance, subi certes, mais éventuellement revendiqué comme une liberté. On marche sur la tête! On va en remettre une couche en l'interdisant, ainsi que le commentait un collègue belge qui constatait qu'en Belgique, on foutait la paix aux "signes d'appartenance religieuse", moyennant quoi, il n'y avait pas de prosélytisme galopant. Bref on s'est sauvagement engueulé sur les blogs. Et ça continue à faire des étincelles ça et là, mais je ne fournirai pas les voies vers ces escarmouches, pas envie, sauf celle-là tiens. Tel est mon bon vouloir.
Un peu de douceur dans ce monde de brutes, comme le vante sans relâche la douce Lavande
Des choses plus légères donc, que j'ai pillé en fréquentant la déesse de la spiritualité (l'une des) et ses commentatrices (oui je sais, sexisme de la langue) et leurs liens. Ca donne une petite virée en poésie érotique, et d'un et de deux.
Celle-ci est passablement coquine aussi, elle est d'enfer
La poésie, ça peut-être du rap. Il existe même du rap rural. Vous ne me croyez pas ? Une de mes amies est réalisatrice d'émissions pour une télé locale, télédraille. Découvrez le verbe d'une qui s'est déployée au sein de ces paysages de garrigue et de cigales.
Vous aurez compris que ce jour, je reviens d'une expédition dont je vous épargnerai le détail, je vais simplement vous situer le lieu, en précédant vos questions. Non, je n'assistais pas à un congrès d'œnologie. J'étais juste à quelques mètres des tours de la cité de Carcassonne où s'organisait un moment de promotion et défense du Rosé. Trafiqué ou pas, le Rosé, ce n'est pas ma tasse de thé. Mais voir se promener partout des gus coiffés d'un chapeau rose, des filles enturbannées comme des bonbonnières, ça me collait des hauts le coeur.


Décidément flemmarde, pour la musique, ce sera strictement confidentiel. Pourquoi se fatiguer, quand d'autres se décarcassent et pourraient partager plus largement. C'est le sens du vent des blogs, non ?

dimanche 21 juin 2009

Le vent des blogs 17. Mouche du coche



La mouche du coche ce titre fait référence à la fable de La Fontaine peignant par métaphore ces infatués qui prétendent par leur seule agitation faire avancer le monde. Quelle mouche m'a piquée d'utiliser ce titre alors que je vais sur le mode succinct et allusif rendre compte du colloque qui m'occupait ces quelques jours à Roanne. En fait c'est le titre Cohabiter sans servir, le dernier post de Lignes de fuite qui m'a inspirée. La mouche est si bien organisée qu'elle a pu assidûment fréquenter l'homme depuis des milliers d'années, sans être mise à la porte, ni mise à travailler. (...) Voilà l'être que tout homme, dans une époque qui rend esclave, se doit de bien étudier au lieu des aigles, des lions et des chevaux, ou des princes qui ne lui apprendront jamais ce qu'il lui importerait tellement de savoir : « Comment cohabiter sans servir ? » Texte de Michaux illustration du même (ses fameuses encres, allez voir chez CGAT).

Dans les commentaires des liens sur d'autres mouches, la mouche étant au goût du jour, voyez de quel suivisme je fais preuve. Petite pâte de mouche : Les idées heureuses où une photo est aussi insoutenable que le coup du rasoir dans l'œil (Le chien andalou / Bunuel), Obama plus rapide qu'une mouche et la riposte de notre Très haut.
J'aurais pu faire une carte postale retroactive sur mes combats homériques contre la tse tse Mouche tsé-tsé (Glossina sp.) non seulement porteuse d'une sale maladie mais qui fait un mal de chien quand elle pique, de préférence par derrière, dans le cou, . Nous en avons rencontré des nuages notamment au Nord de la Tanzanie et passions notre temps à nous flanquer de solides claques, obsédés par leur bourdonnement incessant.

Revenons à Roanne

Le RIUESS, c'est le Réseau Inter universitaire de l'Economie Sociale et Solidaire. On y concocte les recettes de l'avenir et d'aucuns pourraient dire que son rôle est celui de la fameuse mouche, venir zinzinnabuler (néologisme forgé ce jour = agiter une clochette qui produit l'effet du moustique ou de la mouche ) aux oreilles des "vrais responsables" en l'espèce la brochette d'élus, de droite à gauche Modem, PS (Jean Auroux, oui celui des lois sur la démocratie au travail, maire pendant de longues années de Roanne, la Maire actuelle est une pétulante Laure Deroche jeune et pleine d'énergie, , une femme maire, tous nos encouragements), PC (Sylvie Mayer, députée européenne). On "déplorait" l'absence des UMP et autres Verts. Nous leur demandions ce qu'ils pensaient de la question : quid de l'ESS dans leurs programmes ? Deux papes, dignes représentants de l'ESS (à gauche de la photo) Jean Louis Laville et Claude Alphandery étaient censés apporter du grain à moudre. Ils ont tous dit que l'économie solidaire avait un rôle dans leurs dispositifs de développement local,(pouvaient pas moins dire) en place plus ou moins prépondérante, plutôt moins à droite (sans surprise) qu'à gauche. L'avenir nous dira si à force de pousser avec ses petites pattes la mouche ESS aura détourné le vaisseau terre de l'abîme vers lequel il fonce à grande allure ou si elle n'aura rien fait tout en se prétendant l'acteur du mouvement de résistance. Pour ma part, je ne replie pas les ailes et je vais continuer mes irritantes exhortations et mes travaux ordinaires.
Ce sera tout pour ici, j'en cause ailleurs et sur un autre ton, mais je ne vais pas vous ennuyer davantage, ça risque de vous faire bailler.
Allez un peu d' oxygène, c'est la fête de la musique, que diable! C'est l'été.(on se caille quand même)

Il a beaucoup plu à Roanne, des cordes, à certains moments. Les Roannais avaient préparé un voyage en milieu rural à Ambierle, village du livre de Rhône Alpes. Nous avons visité le Prieuré reconstruit au XVème siecle par le prieur Antoine de Balzac d'Entragues (qui s'aimait manifestement assez pour truffer l'endroit de son blason et prêter son visage à Saint Antoine sur une statue en bonne place dans la nef. Un retable de la passion réalisé par les ateliers bruxellois du peintre Van der Weyden a été offert par le seigneur et chambellan des Ducs de Bourgogne en 1476. L'aimable conservateur du Musée local nous l'a présenté ainsi que l'histoire du Prieuré.
Quelques photos qui ne sont pas excellentes mais qui présentent l'avantage d'être libres de droit puisque je les ai capturées ce jour là
Ensuite, clôture autour d'assiettes de charcuterie, fromages, salades, vins, servis par les membres de la famille qui gèrent la ferme auberge capable d'accueillir 40 estomacs.
Avant de nous quitter, un retour aux blogs c'est le sujet, n'oublions pas.
Dexter, c'est bon signe, accélère son rythme de publication, et nous propose Alfonsina y el mar c'est la fête de la musique, que diable! C'est l'été. Allez voir / écouter vous-mêmes.
En écho une vidéo sublissime Paco de Lucia, Al Di Meola John Mac Laughin. c'est la fête ...
Pour un rire bête et méchant, ne manquez pas l'arrivée de Philippe au Val d'Inter, chez l'indispensable DH.
Lavande, Clopine, ne prenez pas la mouche, selon Frank Garot, le 807 n° 388 a fait battre des records de consultation au site dédié au culte exclusif de l'aphorisme chevillardien. Le 18 juin, une avalanche de ces courts hommages y ont fleuri dont un très beau sonnet de Clopine, pour fêter l'anniversaire de l'idole. 45 ans, on devrait se cotiser pour lui offrir une Rolex, il est temps.
Donc, comme le 388, j'en suis l'auteure (il y a au moins un mois), je le rapatrie et à moi les records enregistrés par Wikio ! Je n'ai plus que quelques jours, après il sera hors sujet.

Je l'ai lu 807 fois, je n'ai toujours pas compris le sujet du bac de philo. À mon âge !

mardi 16 juin 2009

Billevesées avant clôture provisoire de la boite à bla bla




Demain matin dès l'aube, je me jetterai, à peine remise de mes aventures nocturnes dans ma voiture que j'abandonnerai pour emprunter le transport le plus écologique (sur grande distance, vous n'espérez pas que je vais rejoindre Roanne à bicyclette ou à pied). Que vais-je faire à Roanne , une ville très moyenne que la plupart des Français hors de la région Rhône Alpes sont incapables de situer sur une carte ? Je vais rejoindre mes acolytes et nous allons bavasser savamment sur des sujets que nous pensons nécessaires et passionnants. En conséquence je serai sans doute peu encline à rejoindre mon blog chéri vu qu'à l'heure où je m'y consacre d'ordinaire il est prévu diverses agapes. On peut carburer du neurone et avoir un bon coup de fourchette, j'en témoigne. Troisgros ? Il en a été question mais cela ressemble à une galéjade, nous ne portons pas de Rolex aux poignets.


Hier, nous avons eu une toute petite averse minuscule. Elle a généré une génération spontanée d'escargots, voici ce que la jeune fille des lieux s'est amusé à organiser, une manif d'escargots !

Aujourd'hui, nous avons déjeuné (ceux qui travaillent avec moi, tous ensemble, tous ensemble ouais! ça ne fait guère que cinq personnes en tout) dans ce lieu délicieux qui s'appelle le Pot éthique, alternatif, tenu par quatre charmantes jeunes femmes qui s'approvisionnent exclusivement auprès de producteurs locaux et pratiquent des prix très abordables.

L'ensemble a été conçu entre joyeux participants plutôt bénévoles mais très créatifs, le lieu était dans un état très sommaire, brut de vieillerie et d'abandon. Le mobilier de récupération, s'accommode d'un espace mi-ancien (les très belles fenêtres, les poutres) mi moderne (les enduits, les structures en bambou et toile)
Tout au fond, exposition-vente de produits de très bonne qualité (jus de fruits, vins, bières produits à moins de 50km à la ronde), poteries et autres bijoux, un lieu pour ceux qui vivent modestement de ce qu'ils produisent amoureusement.

Un comptoir où on peut déguster thés et cafés de toutes sortes, produits du commerce équitable, parce que non seulement c'est bon mais c'est juste. Des glaces au lait de brebis avec des parfums qu'on trouve rarement ailleurs : rhubarbe, châtaigne, plus de 20 parfums différents. On peut rêver de la multiplication de ces lieux vivants, simples à vivre c'est à dire accessibles et pas prétentieux du tout.
Vous pouvez vous y installer pour tchatcher un peu en attendant mon retour. Ce n'est qu'une proposition.

Photos Gare de Roanne Wikipedia
Escargots en colère OC
Pot éthique ZL

dimanche 14 juin 2009

Le vent des blogs 16. Dévoiler ce qu'on occulte.

Le vent des blogs a soufflé cette semaine de façon erratique et ce qui va suivre est le résultat du voyage de ma pauvre caboche au gré de ses foucades.
Je ne sais plus comment j'ai rencontré Lapin carotte chasseur, il doit se trouver dans la liste d'un de ceux que je visite. Toujours est-il qu'il orientait vers Les histoires de géants du Royal de luxe.
Le Royal, je le suis depuis longtemps, les géants ont été fabriqués par La Machine au sein de l'Usine où je compte un certain nombre de copains, alors je vous propose si vous ne connaissez pas de découvrir comment on actionne une marionnette de plusieurs mètres de hauteur, laquelle est profondément humanisée dans son aspect et ses mouvements. Des milliers de gens sont tombés amoureux du géant et de sa progéniture.


Sommes-nous des marionnettes, voulez-vous connaître un peu plus le système qui tire les ficelles et qui nous transforme en esclaves englués par la dette, entendre les confessions d'un "assassin économique", comprendre comment l'empire s'est construit et pourquoi le personnel politique amuse la galerie pendant que les vrais potentats continuent leur course éperdue et parfaitement absurde vers le toujours plus de profit ? Voulez-vous envisager le futur autrement que sous l'angle de la guerre perpétuelle et de la défaite ? Bien entendu, je ne vous garantis pas que tout ce qui vous sera présenté est la vérité révélée, mais ça tombe bien, ceux qui parlent le disent, il n'y a qu'une succession d'émergences, notre seule responsabilité est de développer notre intelligence et notre vigilance. Pas de maître, de guru. Les religions sont les piliers du conservatisme le plus obsolète, le libéralisme étant la plus redoutable. Il faut compter deux heures pour aller au bout de la Video et de sa démonstration. Soyez patients, c'est beaucoup plus instructif que le best of Home.
Le marathon des mots s'est déroulé pour moi totalement différemment de ce que j'escomptais. Trop en retard pour Isabelle Alonso, je suis allée écouter les souvenirs de deux éditrices, Viviane Hamy et Térésa Crémisi qui déroulaient leur expérience de l’exil, la filiation, l’appréhension singulière d’une culture. Elles parlaient de ce lieu particulier, Alexandrie, carrefour des cultures où la langue française, cohabitait avec les autres langues présentes, l'arabe bien-sûr, l'italien, l'anglais et comment on jonglait couramment avec l'une ou l'autre selon le registre dans lequel on se situait. Elle disait surtout que pour se guérir de la nostalgie, il est plus efficace de ne pas la cultiver et d'être présent au monde dans le temps réel que nous habitons.
J'avais rendez-vous avec Manu Causse et Emmanuelle Urien, pour le vernissage de leur exposition à quatre mains. Ces deux là ne se contentent pas d'écrire, ils se mélent de pinceaux, voire de cordes (de guitare). C'était tout à fait sympathique, on y croquait des légumes en les trempant dans diverses mixtures délicieuses et en buvant un verre de Fronton, tout en laissant muser son regard sur leurs toiles. J'y ai rencontré Rodolphe dont je me promettais depuis longtemps de signaler le blog où vous êtes invités à faire oeuvre originale. Voilà qui est fait. Nous avons eu droit à une lecture d'Emmanuelle ("Tu devrais voir quelqu'un"), accompagnée par Manu à la guitare, puis à la version théâtre de La fête à Fred qui m'a bien dilaté la rate. Mais pour un supplément de saveurs mieux vaut l'original.
Pour finir joyeusement, vous savez comme je salue toute occasion d'épanouissement de mes zygomatiques, Lavande, visiteuse de talent a répandu abondamment un lien qui nous entraine dans ces lieux où on n'attend rien d'autre que des trains et où les suprises sont d'autant plus fortes que justement on ne soupçonne pas qu'elles pourraient survenir. Voilà des moeurs qu'il serait aimable de répandre davantage.

That'all folks ! J'ai une semaine très touffue, il est bien possible que mes apparitions se raréfient.
Je vais laisser la parole à un de nos sages, Edgar Morin. Le monde 13 juin 2009

Photo Arbres Clemt


vendredi 12 juin 2009

Appeler une chatte... Mots et plaisirs du sexe


On ne peut échapper à Courbet pour illustrer le propos qui va suivre. Le peintre a en effet bravé les interdits de son époque en ne déguisant d'aucune façon l'anatomie de son modèle et en donnant à son tableau un des plus beaux titres explicites de la peinture.
Florence Montreynaud* s'attache à la réhabilitation de termes péjoratifs, qui soit occultent, soit dénigrent voire insultent la sexualité et singulièrement le désir, le plaisir et les organes à cela destinés des femmes. L'exemple emblématique est le con, qui encore sous la plume de Rabelais désigne sans plus de souci ce qu'on ne nommera vagin que beaucoup plus tard. Sous l'effet d'une misogynie qui n'a fait que croître et empirer au fil des siècles pour trouver son apogée au XIXème, cet attribut désignera par la suite toute forme de stupidité et sera en lui-même affublé de qualificatifs les plus dégradants.
Florence Montreynaud nous fait voyager dans l'étymologie, rapproche les langues pour comparer leurs similitudes et leurs différences et passe ainsi en revue tout le vocabulaire du sexe, du plus savant au plus argotique. Ce qu'elle met en évidence c'est la gamme des émotions et du refoulé portée par le langage lorsqu'il désigne (ou euphémise ou exagère) cette "chose là" au bas du ventre, en dessous de la ceinture. Si la sexualité reste un grand tabou, la virilité s'exprime par et dans la performance sexuelle, alors que la féminité n'en a conquis l'expression que très récemment (dernière moitié du XXème et encore!).
Grand absent de la panoplie de la plupart des descriptions y compris savantes, le clitoris. Alors que le reste de l'appareil génital a une fonction "utilitaire": accueillir la verge pour le vagin, le foetus pour l'utérus, le bouton de rose (rosebud, oui, revoir Citizen Kane) n'ayant pas d'autre "utilité" que de procurer du plaisir aux femmes, est largement ignoré, voire méprisé, voire excisé.
"Chaque année, deux millions de victimes viennent s'ajouter aux cent trente millions de "mutilées du sexe", l'expressions est de benoite Groult dans "Ainsi soit-elle", premier livre très diffusé à aborder ce sujet, en 1975. Des millions de femmes souffrent pendant toute leur vie des graves infirmités qui résultent de l'excision.
Naturellement quand on y regarde de plus près, on ne tarde pas à comprendre que l'objectif de l'excision est la frigidité qui garantit l'absence de concupiscence donc la fidélité de l'épouse.
Si le combat contre cette pratique barbare commence à être relayé par des hommes ce n'est pas pour autant que l'ignorance et la sourde animosité est vaincue à l'égard de ce minuscule appendice.
Cet aspect est un des développements de ce livre qui est un bonheur encyclopédique, faisant le tour complet de la question n'oubliant évidemment pas les "Histoire(s) du membre" le tout avec une grande drolerie. On devrait faire lire cet ouvrage à nos adolescents pour leur éviter de fourvoyer leur jeune appétence faute de savoir comment nommer donc maitriser les territoires du plaisir. En effet les clitouristes manquent (terme utilisé par Titeuf pour désigner ceux qui découvrent pour la première fois ce "détail".
Une petite histoire féministe pour conclure : "Quelle est la différence entre un clitoris et une balle de golf ? Réponse : un homme peut passer deux heures à chercher une balle de golf".

*Florence Montreynaud, historienne et philologue est l'auteure entre autres de deux encyclopédies: le XXème siècle des femmes et Aimer. Un siècle de liens amoureux.
Appeler une chatte... Mots et plaisirs du sexe
est paru en 2004 chez Calman Lévy et en 2008 dans La petite bibliothèque Payot.

Cette dernière photo est empruntée à Cactus, à la suite de son commentaire. Les autres sont intéressantes aussi, allez voir. J'ai choisi celle-là parce qu'elle est attendrissante, non ?

mercredi 10 juin 2009

Portraits de femmes


Marine est très douée dans l’art de la conversation anodine et dénuée d’importance. Tous les sujets lui sont bons pour y accrocher une anecdote cocasse, un commentaire ironique, une imitation truculente. De sorte qu’on a le privilège de découvrir par ses yeux l’effarant kaléidoscope des petites vies ignorées. Son verbiage n’emprunte les allures du ragot que pour mieux s’en distancer, car ce qu’elle me raconte des uns et des autres est une sélection par l’humour. Elle excelle à décrire les démêlés de ses congénères avec la difficile affaire de garder la face. Ce qui la fait rire et qu’elle partage volontiers c’est le moment où le malheureux s’aperçoit qu’il n’y a pas de filet sous ses pas au-dessus du vide et là elle éprouve de la compassion. De sorte que son rire est frappé d’indulgence. Elle le ponctue souvent d’un Oh ! Un reproche qu’elle s’adresse pour la dérision qu'elle ose exercer à l'encontre du malheureux épinglé sous son microscope, matiné d' un zeste d’étonnement que la vie soit si incroyable.

  • Alors le type, il s’approche, il me dit vous êtes seule ? Moi aussi !

    Je lui réponds en rigolant: et c’est bien ainsi ! Et je m’en vais. Il me crie dans le dos, ce n’est pas bon d’être seul ! Croyez-moi ! Je te crois, je te crois, je lui dis en rigolant.

  • Ça t’a fait rire ?

  • Ben oui. Il est tout seul, il parle tout seul.

  • Moi ça m’a fait peur. Je l’ai rencontré, le même. Il a dit exactement la même chose.

  • Il doit être habitué. Elle rit. Oh ! Le pauvre ! Mais Suzanne, tous les mètres tu peux rencontrer un type qui pourrait, s’il l’osait, te dire la même chose. Mais on la ferme tous. C’est la règle.

  • Il faut être très seul pour mendier comme ça la présence d’un autre.

  • Mais on mendie tous ! On s’y prend plus ou moins bien pour que ça ne soit pas trop voyant notre faim des autres. Mais on mendie tous !

  • J’ai plutôt l’impression d’en être gavée.

  • Ben dis donc ! Toi, t’as un petit appétit !

  • Oui. Un rien me suffit.



(...)

Le Ministère de l’intérieur nous a conviés à un de ces raouts qu’il n’est pas de bon ton de bouder. J’en écumais quelques-uns, ces derniers temps, revenant toujours bredouille de ma chasse secrète. J’avais croisé son mari, mais il était seul, du moins elle ne l’accompagnait pas. Le type avait l’air jovial, un faciès avenant, légèrement condescendant, un rien dédaigneux. C’est en tout cas ce qu’il m’inspirait, je ne tentais rien pour lui parler, je n’aurais pas su quoi lui dire.

Ce soir-là, donc, Monsieur le Ministre nous a délivré son petit auto-satisfecit, il a généreusement décerné à l’honorable assemblée une part du mérite et nous a priés de déguster ce que la prodigalité publique mettait à disposition de nos gosiers, sous ses bons auspices, s’entend. Il s’est dégagé de l’aire des micros et a heurté un de ses affidés qui a retenu son supérieur par le bras, le prévenant ainsi de s’écraser au milieu des gerbes disposées dans d’énormes jarres en pieds. Tout le monde a réprimé avec componction l’hilarité naissante. Une femme, seule, a laissé fuser une sorte de roucoulade tendre. Seulement, dans le silence respectueux, cette amorce a été dévastatrice. Une franche rigolade s’est mise en route et le ministre s’est jeté sur le micro pour y aller de son bon mot, ne pas perdre la face. « Nous sommes tous soumis à la loi de la gravité, comme vous le savez bien ». Sur la dernière syllabe, on a compris qu’il était temps de changer de sujet. Moi j’étais sous hypnose. En même temps que son rire, Jeanne avait surgi sous mes yeux. Elle portait une robe de soie bleue, dont l’échancrure soulignait ce point fragile qui bat à la jointure des clavicules, à la naissance des seins, ses épaules étaient à peine dégagées, je ne voyais que cela, le reste m’était volé par tous ceux qui se dandinaient entre elle et moi. Elle a cessé de rire au moment même où la salle s’est mise à braire. J’ai vu son regard passer à l’effroi, sa main se saisir de sa bouche, non pour se bâillonner mais prise dans un mouvement d’ébahissement. Son gaillard de mari n’a pas traîné. D’abord doucereuses, ses manières se sont durcies. Elle écartait les mains comme un magicien qui veut convaincre de l’absence d’artifice de son tour. Elle a fini par prendre un air buté, absolument fermé à la volubilité de son prêcheur. Elle l’a interrompu en posant, sa main bien à plat sur son pectoral gauche. J’aurais donné ma vie pour entendre les quelques mots qu’il a reçus comme une gifle. Elle a tourné les talons. Je ne pouvais pas lui courir après. J’ai manœuvré pour sortir discrètement à sa suite. Mais la prudence se paie. Elle avait disparu.


Extrait La voisine ZL. (Inédit) 2001

Illustrations Portraits de femmes Guidi ANTONIETTI di CINARCA

dimanche 7 juin 2009

Le vent des blogs 15. Non à la fête des amers.

Un vent des blogs version minimale (peu de liens sur d'autres sites) mais une poignée d'hommages.
J'avais capturé, du temps où je fréquentais la RDL, ce très beau texte de Paul Edel. Je lui donne l'occasion d'un nouveau tour de piste, tant il me semble dire, avec une poétique acuité, ce qui nous tient devant l'écran, à la rencontre des autres.
Le Net propose, comme sur ce blog, (pas celui de Zoë, celui de Passouline ndr) l’intelligence éphémère de l’humain (ou la colère trollesque). En tout cas ce brouhaha à mille accords joue de l’oubli, de l’anonymat. On savoure même son propre effacement en tapant sur le clavier, comme les paroles d’une chanson sifflée sur un chantier.
Mais tout le monde comprend que jamais la solitude de l’écriture, la vraie, n’a été aussi grande qu’aujourd’hui dans la bruyante cacophonie des voix mêlées du grand periph médiatique. J’imagine que pour un nouveau Musil ou nouveau Pascal, être reconnu de son vivant devient une utopie. Avec les déplorables habitudes de lecture uniformisées et best sellerisées, avec la cacophonie hurleuse du temps les chances de ces artistes d’être reconnus de leur vivant s’amoindrit. Le prêt- à -penser média s’étend avec ses raccourcisseurs de la raison et ces fabricants de pret- à- penser, vendeurs de pensées- gelules , psycho bobologues employés des service d’entretien et d’approvisionnement en réconfort social qui vantent au chômeur passé, présent ou futur, le produit "vie”! Ils vendent du sympa (en philo, en littérature, en journalisme, en cinéma) à plein caddie mais ils savent aussi qu’ils sont eux aussi pris , comme le dit Botho Strauss, dans un marché de dupes, car ils sont eux aussi moulinés, poussés, concassés, empilés, pilonnés, oubliés. Dans tout ceci les voix blogueuses au moins, elles, n’ont aucun souci de bénéfice, mais la liberté de l’anonymat et la volupté de suivre son humeur du moment. Nous sommes logés dans la petite cabane du blabla instantané, quelques secondes, en toute liberté. Nous bavardons comme des amis ou disciples d’Empedocle marchant entre des pins sous un éternel beau temps de l’écran. Brille parfois, une splendide querelle (Le pape ou Heidegger) au milieu du groupe de péripatéticiens. On remarque au fil des heures une soudaine pépite, une réflexion, une insolence une drôlerie, un cri bref, une grosse colère, une insulte, une ambition délicieusement puérile et avouée , un truc solitaire intrépide, une parole féminine jamais entendue, un raisonnement diabolique,une confidence de minuit, une pudeur , un récit de long rêve, une bouffonnerie qui délivre. Une bulle de savon et son chatoiement arc en ciel est passée entre les arbres, entre des pseudonymes, mystérieuse , elle s’esquive puis éclate. Il arrive même qu’on ressaisisse ce qu’a de si précieux le nu d’une maxime d’Heraclite ou l’émotion d’un vers d’Empedocle après tant de méditations sur des ouvrages énormes . On a adressé la parole à l’étranger qui approche sur le chemin, on a ôté ses sandales pour aller se tremper les pieds dans les vaguelettes en écoutant les autres bavarder. Tiens, en cette matinée le Temps a donc eu les ailes bien légères."

Rédigé par : Paul Edel | le 30 mars 2009 à 10:17 |


Nous sommes conviés à voter ou s'abstenir de. Je n'insisterai pas sur le niveau de la campagne et le degré de nullité de la confrontation (des)organisée par le service public. Opposer Besancenot et Mélenchon par exemple, c'est d'une finesse ! Un des intéressés, Melenchon témoigne.


La compagnie des spectres Théâtre Le Lucernaire

Hier, j'ai eu le plaisir d'écouter Laure Adler converser avec Florence Hautier (Théâtre du Maquis) qui joue du 6 au 20 juin, au Lucernaire "La Compagnie des spectres", adaptation du roman de Lydie Salvayre. J'ai découvert l'exploit de Florence à Avignon (elle joue tous les rôles, passant d'un registre à l'autre avec une virtuosité et une conviction impressionnantes), en compagnie de Lydie Salvayre, très émue de redécouvrir son texte dans toute sa virulence. Il faut dire que cette histoire d'huissier venant saisir les pauvres biens de deux femmes une mère et sa fille est d'une totale actualité. La mère, déraille depuis que son frère s'est fait assassiner par des jeunes salauds de la milice et elle confond l'huissier avec Darlan à la solde de "Putain". Performance de l'actrice au service d'un texte puissant et, comme d'habitude chez L. Salvayre, d'autant plus efficace qu'il est truffé d'humour, que Florence restitue en y ajoutant sa propre fibre burlesque. Parisiens, n'hésitez pas, courez au Lucernaire ! Et pour ceux qui iraient à Avignon, ne pas manquer Au Petit Chien "le cabaret des hérétiques" la nouvelle création de cette troupe talentueuse.

Toulouse et son Marathon des mots, le bien nommé tant les manifestations se superposent. J'irais sans doute. J'hésite, il y a beaucoup de propositions concurrentes mais je vais essayer d'aller voir et écouter Isabelle Alonso lire son dernier opus "Fille de rouge". Après tout nous sommes copines puisque elle comme moi sommes encore féministes

Peut-être irai-je au vernissage de l'ami Manu Causse.

Conclure ? Provisoirement par un amical salut à Christophe Bohren qui semble avoir des soucis de santé, à Dexter qui nous livre des consolations dans son blog tout neuf tout en maintenant un haut niveau de vitalité dans le commentaire chez Clopine (elle a la "flemme" (sic) et s'est mise en vacances de blog,tentation qui me tenaille avec régularité) et enfin à Kamizole qui a retrouvé l'usage de ses moyens techniques après une très longue panne. Heureusement, parce que ses billets politiques avec ceux du Chasse clou (mon p'tit chou, ne rougis pas DH), me font beaucoup de bien, l'impression d'être moins seule dans l'univers à ruminer et grommeler face à l'incurie de nos zélites.

Ah tiens, avant de sortir pour aller voter, signaler que JFK a mis en ligne une interview de Michel Serres qui défend le principe d'optimisme, car dit-il si nous versons dans la tête de nos étudiants rien que de la misère de pronostic calamiteux, nous leur scions la caisse (il le dit autrement, ceci est un raccourci). J'approuve et vote des deux mains pour la philosophie du pari optimiste.

Pas si minimale cette version tout compte fait. C'est la fête non ?

Photo Fête des mères. OC (digne fille de ZL)


jeudi 4 juin 2009

Carte postale rétroactive (8). Il giardino dei Tarocchi


Nous avions passé une quinzaine de jours en vacances dans les Pouilles chez nos amis italiens : baignades matinales, repas délicieux préparés à tour de rôle (nous étions sept adultes et quatre adolescentes , mais elles comptaient pour du beurre question main à la pâte), siestes, promenades, musique, longues conversations à l'apéritif, diners prolongés arrosés de ces vins cuivrés du Sud. Au retour, après une halte à Rome, nous devions absolument aller à la rencontre du Jardin des Tarots. "Ma prof d'art plastique adooore Niki de Saint Phalle, elle m'a dit, tu vas en Italie ? Quelle chance!Tu dois absolument aller voir ce magnifique jardin". Elle n'avait pas eu à nous passer la plante des pieds au chalumeau notre fille, surtout moi. La Niki, je la kiffe depuis longtemps. Regardez cette merveille.

Je ne ferai pas le panégyrique de la dame mais je vous conseille de mieux la connaître si ce n'est pas encore fait. Juste rappeler qu'elle est autodidacte, n'a fait aucune école d'art même si elle a fait des études, a eu deux enfants, puis a divorcé du père de ses enfants pour vivre avec Tinguely une des grandes aventures amoureuses et artistiques du siècle précédent. Et surtout que cette grande artiste s"est préoccupée de défendre des orientations politiques telles que la défense des femmes, la lutte contre le sida, l'éducation des défavorisés et bien d'autres encore.

Ainsi, après nos retrouvailles avec Rome nous avons filé vers Grosseto aux alentours duquel se situe à Capalbio le Jardin des tarots. C'est extrèmement difficile de s'y rendre et jusqu'à sa lisière, il n'est pas fait mention de l'existence de ce lieu. A Grossetto où nous cherchions une indication, les gens en avaient vaguement entendu parler, mais ne savaient guère ou le situer. Les ressources internet actuelles n'existaient pas à l'époque, bref nous avons mis un temps certain à le découvrir, après un dépassement de cinquante kilomètres du point de bifurcation.

Que dit Niki de Saint Phalle


(...) Marella Agnelli Carlo et Nicola Caracciolo (...) liberté totale (...). Aussitôt que j'ai commencé le jardin, j'ai réalisé que ça serait une aventure périlleuse et que je rencontrerais un grand nombre d'épreuves sur mon chemin (ce jardin a été fait avec beaucoup de difficultés, d'amour, d'enthousiasme fou, d'obsession et plus important de tout, rien n'aurait pu m'arrêter".

La relative discrétion qui entoure ce chef d'oeuvre (inspiré de Gaudi mais aussi du Facteur Cheval deux maîtres chéris de Niki) évite l'invasion et on peut arpenter le lieu selon une logique qui appartient à chacun qui fera stationner à proximité du Soleil ou de la Lune ou s'attarder dans le ventre de l'Impératrice qui fut le logis de l'artiste pendant une partie des travaux. Le corps de la grande déesse, reine du ciel abrite un espace de vie entièrement décoré de miroirs colorés enrobant les commodités ordinaires d'une vie quotidienne.
"J'ai vécu pendant des années dans cette mère protectrice. Elle m'a servie comme centre pour mes rencontres avec l'équipe. C'est ici que nous buvions notre thé et café. Elle exerce sur tous une attraction fatale"
Les deux gamines (notre fille et son amie) étaient enthousiastes, riaient abondamment, montaient et descendaient les escaliers qui menaient d'un niveau à un autre et filaient sur les sentiers distribués entre les vingt deux monumentales figures du Tarot. Nous nous étions donné un rendez vous de secours pour ne pas entraver notre libre déambulation.
J'ai pour ma part stationné longuement devant la Justice réalisé par Tinguely.
"Jean Tinguely a piégé l'injustice à l'intérieur de la justice et a fermé la porte à clef" Ces mots sont gravés dans le sol jouxtant l'installation qui émet d'incessants grincements. La justice est une machinerie rouillée aux entrailles compliquées.
Vingt ans consacrés à l'édification de cette oeuvre collective car si Niki était l'architecte, elle a embarqué à ses côtés des ouvriers et des complices. Le jardin a ouvert le 15 mai 1998. Elle continuera a travailler à une multitude de projets jusqu'à sa mort en 2002. "Rester conscient de la mort est une manière de ne pas être pris par les vanités de la vie "dit-elle dans son commentaire de la carte n°XIII, qu'elle figure comme la cavalière d'un beau dextrier azur constellé d'or et d'argent.
Nous avons habité pendant quelques heures ce joyau, perdu au milieu de nulle part, niché au creux des collines de la Toscane, qui est comme l'extrême pointe d'un mirage. Le mur qui l'enclôt est aussi sobre et dépouillé que l'intérieur est exubérant et hénaurme. On le quitte à regret comme on le fait d'un rêve qui nous a visité avec douceur et force dans notre sommeil.
Le soir, nous dormions à Pise.

Illustrations tirées du livre dont la couverture présente l'impératrice, la pièce la plus monumentale de l'ensemble

mercredi 3 juin 2009

A celle qui est trop gaie





Je suis rentrée tard. Dans la voiture, j'écoutais sur France Culture, Allen Weiss expliquer comment lui était venu le désir d'écrire ce roman qui n'est pas une biographie mais l'imaginaire d'un projet, celui de Baudelaire et le sien. Six ans de travail. Voici la quatrième de couverture

En décembre 1847, Baudelaire écrit à sa mère : «À partir du jour de l'an, je commence un nouveau métier - c'est-à-dire la création d'oeuvres d'imagination pure - le Roman.» Un projet qu'il a vite laissé tomber. En décembre 1861, au moment où il se présente à l'Académie française, Baudelaire revient à son idée de faire un roman, mais cette fois-ci un ouvrage de pure bouffonnerie, au sujet des humiliations subies pendant ses visites académiques. Il ne l'a jamais écrit. Mais ce roman existait dans les archives, comme une sculpture dans son bloc de marbre. Le voici, tissé avec les mots du poète, de ses amis, et des Immortels. Une nouvelle manière de lire l'oeuvre et une autre façon de comprendre deux institutions : l'Académie française, et Charles Baudelaire, auteur des Fleurs du mal, le livre le plus édité et le plus traduit au monde, hormis deux ou trois livres sacrés. Allen Weiss Le livre bouffon Seuil - avril 2009.

Quand j'ai découvert les Fleurs du mal à seize ans, ce poème me semblait le plus bel hommage qu'un homme eût pu me dédier. Seule la chute me chiffonnait un peu. J'étais si jeune!

A celle qui est trop gaie

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.

Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime !

Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;

Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.

Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,

Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur !