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mercredi 21 août 2019

La Maison du Six ferme ses portes. Un été caniculaire.

Nous nous sommes bien démenés mais nous jetons l'éponge avant de risquer d'être couverts de dettes. Le lieu commençait à trouver son public mais nous n'avons pas obtenu les soutiens  espérés et nous sommes épuisés.
Beaucoup d'énergie (et d'argent) investis, une tentative d'implanter dans une ville peu animée un lieu de culture et d'échanges, mais trop peu de réel soutien et un constat : "les gens ne "sortent plus". les écrans ont définitivement remplacé l'agora.

Un été de canicule avec pour moi quelques translations.
Athènes en Juin avec l'opportunité de passer quelques jours à Exarchia, le quartier résistant menacé depuis le retour de la droite musclée. Je pense à mes amis et je suis navrée, profondément.


Une visite à l'incontournable que j'ai connu, tas de pierres en attente de restauration où on pouvait poser ses fesses pour contempler la ville. Désormais on acquitte un droit d'entrée plutôt élevé, il faut bien financer les travaux.


Plus tard , en juillet, Marseille. Un guide anarchiste bien allumé nous a promenés dans les rues où se sont effondrés les immeubles et où d'autres menacent, en hurlant des invectives destinées à faire savoir aux badauds alentour les forfaitures qui  sévissent dans l'immobilier sous la haute présidence du Maire

Un des mini ports de pêche lovés dans les criques qui bordent la ville avant  un bain rafraichissant, il faisait une chaleur invraisemblable.

Plus tard encore, Lyon. Nous sommes passés des salons de l'hôtel de ville aux rues surchauffées qui dégringolent de la Croix Rousse vers le centre. Un passage au Parc de la Tête d'or où se tenaient les Dialogues en Humanité. Il faisait si chaud que nous avons abandonné l'ombre des arbres vénérables mais impuissants à vaincre la touffeur pour des lieux où se diffusaient la bière et la clim.


Ici nous sommes dans un village de l'Hérault où cette façade a gardé trace d'un vieux slogan qui animait également les tunnels du métro parisien.


 Pézenas, la ville de Molière. Très jolie, mais totalement dédiée au tourisme, grévinisée


  Pfff! Quelle chaleur ! Vite un plongeon ! Merci le barrage des Olivettes.


En Août, faire un petit tour à Marciac. Concert d'Angélique Kidjo, voix extraordinairement puissante, capable de mettre debout toute une salle et de faire danser et chanter ses airs cubains et africains. Manu Dibango, élégant et formidable saxophoniste à 85 ans, ce géant débonnaire, pétri d'humanité lui a succédé. Soirée de bonheur pur.
Marciac, c'est aussi des concerts à tous les coins de rue, des talents qui n'attendent pas le nombre des années
 

Du Jazz manouche, Johnny Montreuil au Café Plum à Lautrec, bourré de bonne humeur et d'énergie dans un lieu particulièrement agréable. 


Le festival des arts et du livre de Montolieu, petit village de l'Aude qui compte un nombre important de librairies (j'en ai compté 19) et Le Musée des Arts & Métiers du Livre où sont exposés d'anciennes presses et rotatives, divers outils d'imprimerie et des documents présentant la naissance de l'écriture. Un lieu idéal pour échapper à l'insistance du soleil.


Pour conclure ce rapide tour d'horizon d'un été -dois-je insister ?- particulièrement étouffant, un peu de fraîcheur en visite au Jardin des Martels.


 Et notre 5ème édition du Festival sous les Etoiles, organisé par mes deux enfants dans notre jardin, sous un ciel habité de scintillements, sans nuages (ouf!). Un petit joyau, parmi les 30 courts métrages de cette soirée, basé sur le poème de Prévert" Chanson des escargots qui vont à l’enterrement".

Le lendemain, la pluie bienfaisante.

Ne pas se laisser abattre par les aléas, rester vivant. 

mercredi 19 septembre 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?



Je reviens de Marseille où j'ai pu constater que dans les quartiers nord on ne circule pas au milieu des Kalashnikovs. S'y développent des initiatives pour mieux vivre dans un environnement honteusement conçu dans la laideur et le mépris pour les populations qui devaient s'y loger. Aux Aygalades, l'autoroute (construite sur la rivière Caravelle !!!) a éradiqué le château et de multiples bastides et déploie son boucan assourdissant à quelques cent mètres d'un petit jardin collectif gagné sur le désert végétal environnant.


Les habitants du quartier organisent des journées du patrimoine et même un système de chambre d'hôtes (Hôtel du Nord). Les jardins partagés sont des lieux de paix sociale (dixit l'un des responsables, 48 ans, qui habite le quartier depuis l'âge de 4 ans et se souvient de la forêt qui se trouvait en lisière du quartier où il allait jouer avec ses copains.

Celui-ci, le Jardin des Aures se trouve sur une autre partie des quartiers Nord, il accueille des écoles, des centres sociaux, des enfants handicapés, des personnes en insertion et les familles du quartier pour jardiner ensemble.

Je vous fais grâce d'un reportage sur Marseille qui se prépare pour 2013, année de la culture en un immense chantier notamment autour du vieux port.



Dans le train du retour, je faisais face à une jeune mère dont le bébé de quatorze mois gigotait tant et plus. Comme souvent, la mère était énervée, pas seulement par l'agitation de sa petite mais surtout du dérangement supposé auprès des passagers, de sorte qu'elle la cramponnait, contraignait, houspillait obtenant l'effet contraire à ses injonctions, à savoir cris et protestations et tentatives réitérées d'escapade. Son malaise me troublait bien plus que le manège de la petite fille. A un moment, elle a commandé un café au serveur ambulant et comme elle tentait de le boire tout en maintenant sa petiote contre elle, je lui ai proposé de prendre la petite fille avec moi pendant qu'elle boirait son café sans risquer de l'ébouillanter. Elle a accepté avec réserve. J'en ai profité pour intéresser la petite môme avec deux bricoles, le temps que la mère se détende et perde son angoisse de "déranger". De retour sur les genoux maternels, elle a fini par s'endormir et nous avons pu reprendre notre lecture.



"Pourquoi être heureux quand on peut être normal". C'est la fin de non recevoir de sa mère adoptive quand Jeanette Winterson essaie de défendre son amour lesbien pour une amie (elle a seize ans). Pour cette mère adoptive pentecôtiste confite en religion, la révélation de l'homosexualité de sa fille est insupportable, le démon s'est emparée de cette enfant de toute façon pas conforme du tout au modèle qu'elle a a tenté de façonner. Trop libre, trop rebelle. Le récit de cette enfance est proprement hallucinant : des nuits entières "enfermée dehors", les murs du foyer constellés d'exhortations tirées de la bible, un père taiseux et soumis à sa femme au corps énorme et souffrant, qui ne partage jamais son lit.
Jeanette est malgré tout habitée d'un formidable appétit de vie et se cherche dans les mots et les livres. La mère n'hésitera pas à lui infliger un exorcisme pour la débarrasser (en vain) du démon de l'homosexualité et brulera tous les livres que Jeanette empile sous son matelas.
Une mère névrosée d'une telle envergure aurait pu complétement détruire en elle toute pulsion vitale. C'est juste le contraire qui advient, même si l'écrivain devra traverser plusieurs épisodes dépressifs, car se protéger de l'émotion pour ne pas souffrir c'est aussi se priver du bonheur de recevoir, d'être aimée.
Le livre est une ode à la littérature, Jeanette puise dans la poésie et la prose la force qui lui permet de faire face à la folie maternelle, à l’opprobre qui afflige les homosexuels dans les années tatchériennes (qui sera quelques temps un modèle avant qu'elle ne comprenne le désastre social induit par l'ultralibéralisme), à la morgue de ses condisciples d'Oxford ("vous êtes notre expérience ouvrière").
Elle se découvre féministe avant même que les textes ne lui soient parvenus. Il lui suffit de regarder autour d'elle : les femmes étaient toutes dans la dépendance réelle ou feinte de leur mari.
"Le seul et unique cours d'éducation sexuelle auquel nous ayons eu droit à l'échelle à l'école ne concernait pas du tout le sexe, mais l'économie sexuelle. Nous devions payer notre part parce que la modernité l'exigeait, mais nous devions donner l'argent au garçon pour qu'il puisee être vu en train de payer. Il n'était question là que de tickets de bus ou de places de cinéma, mais plus tard, lorsque nous aurions un budget domestique à gérer, il nous faudrait nous assurer qu'il sache que tout etait à lui. L'enseignante a appelé ça la fierté masculine, je crois. Je me suis dit que c'était la chose la plus idiote que j'aie jamais entendue; la théorie de la terre plate appliquée aux relations sociales."
En dépit des souffrances d'une enfant qui ne sait quelle est sa véritable identité, de la fréquentation d'une mère abusive et totalement givrée, au final, cette vie lui a permis de devenir ce qu'elle est : un écrivain connu, autonome, qui a pu grâce à la fréquentation des livres s'inventer et se réinventer et mener sa quête du bonheur.
Je souhaite à la petite fille du train de parvenir à échapper aux mains maternelles pour se livrer sans vergogne à l'enivrante exploration du monde.LienLien