Affichage des articles dont le libellé est Marseille. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Marseille. Afficher tous les articles

samedi 18 mai 2024

Comment sortir du Labyrinthe des égarés

 

« Ce qui importe pour un citoyen, c’est son comportement dans la cité, pas ses préférences métaphysiques. » Confucius 

J'ai retenu cette pensée pour introduire mon propos au cours d'une intervention dans l'ESCA (European Space for alternatives un regroupement de plusieurs organismes activistes pour la paix.

 Hébergé au sein de la Friche de mai, cependant éclaté dans plusieurs lieux, j'ai eu du mal à évaluer sa fréquentation.

En revanche, une occasion de revoir Marseille et d'entendre la suite des évènements de  la rue d'Aubagne, par un de celleux qui se bagarrent pour que les habitant.e.s soient relogé.e.s dignement et que les immeubles dangereux soient réhabilités sans être vendus à l'encan comme cela s'est beaucoup produit  Le dossier est loin d'être refermé, plus de cinq ans après l'effondrement des immeubles,  alors qu'un nouvel accident s'est produit le 9 avril dernier à  0h46, au 17 rue de Tivoli. Il semblerait que ce ne soit pas la vétusté qui soit en cause mais une explosion au gaz.

 A Marseille la pluie était dissuasive pour la promenade mais j'ai pu faire une petite visite au MUCEM sans avoir le temps de faire mieux que contempler la mer au travers des claustras 

 

 

Le texte en exergue est cité par Amin Malouf dans son livre formidable, Le labyrinthe des égarés : l'Occident et ses adversaires*essentiel récapitulatif des événements politiques qui ont conduit le monde à l'état dangereusement explosif où il se trouve actuellement. Il retraçe "l'itinéraire de quatre grandes nations : d'abord le Japon de l'ère Meiji, qui fut le premier pays d'Asie à défier la suprématie des nations « blanches », et dont la modernisation accélérée fascina l'humanité entière, notamment les autres pays d'Orient, qui tous rêvèrent de l'imiter ; puis la Russie soviétique, qui constitua, pendant trois-quarts de siècle, une formidable menace pour l'Occident, son système et ses valeurs, avant de s'effondrer ; ensuite la Chine, qui représente en ce vingt-et-unième siècle, par son développement économique, par son poids démographique et par l'idéologie de ses dirigeants, le principal défi à la suprématie de l'Occident ; et enfin les Etats-Unis, qui ont tenu tête à chacun des trois « challengers », et qui sont devenus, au fil des guerres, le chef suprême de l'Occident et la première superpuissance planétaire.  

 Le labyrinthe des égarés : l'Occident et ses adversaires

Puissante réflexion adossée à une connaissance impressionnante de l'histoire politique du dernier siècle. 

A la suite j'ai lu "Nos frères inattendus "un roman sous forme de dystopie à la fois effrayant et amusant, du moins le sujet est-il inquiétant et le traitement ironique et plutôt joyeux même si le fond du propos est la menace nucléaire.  La couverture est d'ailleurs dans l'esprit du livre. 

Nos frères inattendus

Je n'avais pas encore évoqué le livre de Chloé Delaume ou plutôt le livre collectif "Sororité", terme réintroduit après un long purgatoire pour désigner la faternité conjuguée au féminin, un rapport de femme à femme, indéfectible et solidaire. Rabelais l'avait exhumé de son emploi religieux au XVIè siècle  mais il est resté relégué par le patriarcat jusqu'à sa réhabilitation dans les années 70 puis sa disparition à nouveau. Il semble qu'il prenne enfin toute sa dimension. Il aura fallu toutes ces années pour que les femmes découvrent qu'on occultait le terme au prétexte qu'il était impensable de prêter aux femmes une quelconque capacité à entretenir avec d'autres femmes une relation dénuée de rivalité. Peu à peu le système de domination est mis à nu avec des termes qui nous viennent d'outre atlantique  "manterrupting"le fait qu'un homme coupe la parole sans raison à une femme, "mansplaining" le fait qu'un homme explique à une femme ce qu'elle sait mieux que lui, "manspreading" le fait qu'un homme écarte les jambes dans les transports en prenant toute la place, biopropriating, le fait qu'un homme s'empare des idées et des inventions d'une femme en laissant croire qu'il en est l'auteur.

La mise en concurrence des femmes est orchestrée. Pour en déjouer les incidences il faut traquer les chausse-trappes qui nous conduisent à adopter à l'égard de nos alliées naturelles des stratégies de rivalité.C'est une démarche consciente, une éthique de vie qui nécessite empathie, ouverture et confiance, à rebours de ce qui nous a jusqu'ici formatées.

"Cet ouvrage collectif est un geste sororal.  Ici quatorze femmes se penchent sur le sujet (...) racontent, interrogent, explorent ce qui constitue pour elles ce lien si particulier." (Chloé Delaume dans son introduction).

Sororité 

Un outil pour reconstruire l'humanité en reparant l'amputation d'une moitié d'elle-même  qu'elle a subi au cours de ces siècles d'obscurantisme religieux et patriarcal .

Un petit tour au pays basque espagnol avant de se quitter

La plage de Zarautz

 

L'ancêtre du home cinéma ( Musée de la photographie à Zarautz)

La Kontcha de San Sebastian vue du Mont Igueldo (par le funiculaire)

Les coiffes qui désignaient l'appartenance à un métier, une confrérie

Au musée, on trouvait aussi le solex

Santilliana del Mar,  

 

La Collégiale romane Sainte Julienne

Ce n'était qu'une petite escapade , il faisait froid et il pleuvait de temps à autre. San Sebastian est une ville animée. Nous avons mangé des pintxos dans la vieille ville bien-sûr, exploré le Musée San Telmos et approché ainsi, un peu, la culture basque. J'ai pu tremper mes pieds dans l'océan, mais ne serait pas allée au-delà, le maillot est resté dans la valise. Nous sommes passés à Guernica ( Gernika-Lumo en basque), visite éprouvante, en particulier la séquence où, enfermés dans une pièce sombre, nous vivons la simulation d'un bombardement. Le musée de Guernica est consacré à la paix et une série de photos présente des épisodes célèbres de réconciliation.   Le récit des réfugiés du camp de Gurz  et la honte qu'on éprouve en tant que Français.e pour les traitements inhumains infligés. Plus loin, la plage de Bakio était noyée de brume et nous avons renoncé au Sanctuaire de Gaztelugatxe. Nous étions préparé.e.s aux 241 marches qui y mènent, mais la queue pour le droit d'entrée et la contemplation de  la déambulation de la cohorte tout le long de l'ascension nous en a dissuadé.e.s, (évitant peut-être l'arrêt cardiaque en cours de route). 

Nous avons visité la Grotte d'Altamira à Santilliana del Mar dont les peintures rupestres sont reconstituées comme celles de la grotte Chauvet. Le village est conservé en grande partie dans son architecture médiévale. Nous avons déambulé dans les petites rues  Mais d'où vient que j'ai de plus en plus de mal à visiter les lieux "préparés" pour le tourisme? 

 * (Grasset Et Fasquelle

mercredi 21 août 2019

La Maison du Six ferme ses portes. Un été caniculaire.

Nous nous sommes bien démenés mais nous jetons l'éponge avant de risquer d'être couverts de dettes. Le lieu commençait à trouver son public mais nous n'avons pas obtenu les soutiens  espérés et nous sommes épuisés.
Beaucoup d'énergie (et d'argent) investis, une tentative d'implanter dans une ville peu animée un lieu de culture et d'échanges, mais trop peu de réel soutien et un constat : "les gens ne "sortent plus". les écrans ont définitivement remplacé l'agora.

Un été de canicule avec pour moi quelques translations.
Athènes en Juin avec l'opportunité de passer quelques jours à Exarchia, le quartier résistant menacé depuis le retour de la droite musclée. Je pense à mes amis et je suis navrée, profondément.


Une visite à l'incontournable que j'ai connu, tas de pierres en attente de restauration où on pouvait poser ses fesses pour contempler la ville. Désormais on acquitte un droit d'entrée plutôt élevé, il faut bien financer les travaux.


Plus tard , en juillet, Marseille. Un guide anarchiste bien allumé nous a promenés dans les rues où se sont effondrés les immeubles et où d'autres menacent, en hurlant des invectives destinées à faire savoir aux badauds alentour les forfaitures qui  sévissent dans l'immobilier sous la haute présidence du Maire

Un des mini ports de pêche lovés dans les criques qui bordent la ville avant  un bain rafraichissant, il faisait une chaleur invraisemblable.

Plus tard encore, Lyon. Nous sommes passés des salons de l'hôtel de ville aux rues surchauffées qui dégringolent de la Croix Rousse vers le centre. Un passage au Parc de la Tête d'or où se tenaient les Dialogues en Humanité. Il faisait si chaud que nous avons abandonné l'ombre des arbres vénérables mais impuissants à vaincre la touffeur pour des lieux où se diffusaient la bière et la clim.


Ici nous sommes dans un village de l'Hérault où cette façade a gardé trace d'un vieux slogan qui animait également les tunnels du métro parisien.


 Pézenas, la ville de Molière. Très jolie, mais totalement dédiée au tourisme, grévinisée


  Pfff! Quelle chaleur ! Vite un plongeon ! Merci le barrage des Olivettes.


En Août, faire un petit tour à Marciac. Concert d'Angélique Kidjo, voix extraordinairement puissante, capable de mettre debout toute une salle et de faire danser et chanter ses airs cubains et africains. Manu Dibango, élégant et formidable saxophoniste à 85 ans, ce géant débonnaire, pétri d'humanité lui a succédé. Soirée de bonheur pur.
Marciac, c'est aussi des concerts à tous les coins de rue, des talents qui n'attendent pas le nombre des années
 

Du Jazz manouche, Johnny Montreuil au Café Plum à Lautrec, bourré de bonne humeur et d'énergie dans un lieu particulièrement agréable. 


Le festival des arts et du livre de Montolieu, petit village de l'Aude qui compte un nombre important de librairies (j'en ai compté 19) et Le Musée des Arts & Métiers du Livre où sont exposés d'anciennes presses et rotatives, divers outils d'imprimerie et des documents présentant la naissance de l'écriture. Un lieu idéal pour échapper à l'insistance du soleil.


Pour conclure ce rapide tour d'horizon d'un été -dois-je insister ?- particulièrement étouffant, un peu de fraîcheur en visite au Jardin des Martels.


 Et notre 5ème édition du Festival sous les Etoiles, organisé par mes deux enfants dans notre jardin, sous un ciel habité de scintillements, sans nuages (ouf!). Un petit joyau, parmi les 30 courts métrages de cette soirée, basé sur le poème de Prévert" Chanson des escargots qui vont à l’enterrement".

Le lendemain, la pluie bienfaisante.

Ne pas se laisser abattre par les aléas, rester vivant. 

mercredi 19 septembre 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?



Je reviens de Marseille où j'ai pu constater que dans les quartiers nord on ne circule pas au milieu des Kalashnikovs. S'y développent des initiatives pour mieux vivre dans un environnement honteusement conçu dans la laideur et le mépris pour les populations qui devaient s'y loger. Aux Aygalades, l'autoroute (construite sur la rivière Caravelle !!!) a éradiqué le château et de multiples bastides et déploie son boucan assourdissant à quelques cent mètres d'un petit jardin collectif gagné sur le désert végétal environnant.


Les habitants du quartier organisent des journées du patrimoine et même un système de chambre d'hôtes (Hôtel du Nord). Les jardins partagés sont des lieux de paix sociale (dixit l'un des responsables, 48 ans, qui habite le quartier depuis l'âge de 4 ans et se souvient de la forêt qui se trouvait en lisière du quartier où il allait jouer avec ses copains.

Celui-ci, le Jardin des Aures se trouve sur une autre partie des quartiers Nord, il accueille des écoles, des centres sociaux, des enfants handicapés, des personnes en insertion et les familles du quartier pour jardiner ensemble.

Je vous fais grâce d'un reportage sur Marseille qui se prépare pour 2013, année de la culture en un immense chantier notamment autour du vieux port.



Dans le train du retour, je faisais face à une jeune mère dont le bébé de quatorze mois gigotait tant et plus. Comme souvent, la mère était énervée, pas seulement par l'agitation de sa petite mais surtout du dérangement supposé auprès des passagers, de sorte qu'elle la cramponnait, contraignait, houspillait obtenant l'effet contraire à ses injonctions, à savoir cris et protestations et tentatives réitérées d'escapade. Son malaise me troublait bien plus que le manège de la petite fille. A un moment, elle a commandé un café au serveur ambulant et comme elle tentait de le boire tout en maintenant sa petiote contre elle, je lui ai proposé de prendre la petite fille avec moi pendant qu'elle boirait son café sans risquer de l'ébouillanter. Elle a accepté avec réserve. J'en ai profité pour intéresser la petite môme avec deux bricoles, le temps que la mère se détende et perde son angoisse de "déranger". De retour sur les genoux maternels, elle a fini par s'endormir et nous avons pu reprendre notre lecture.



"Pourquoi être heureux quand on peut être normal". C'est la fin de non recevoir de sa mère adoptive quand Jeanette Winterson essaie de défendre son amour lesbien pour une amie (elle a seize ans). Pour cette mère adoptive pentecôtiste confite en religion, la révélation de l'homosexualité de sa fille est insupportable, le démon s'est emparée de cette enfant de toute façon pas conforme du tout au modèle qu'elle a a tenté de façonner. Trop libre, trop rebelle. Le récit de cette enfance est proprement hallucinant : des nuits entières "enfermée dehors", les murs du foyer constellés d'exhortations tirées de la bible, un père taiseux et soumis à sa femme au corps énorme et souffrant, qui ne partage jamais son lit.
Jeanette est malgré tout habitée d'un formidable appétit de vie et se cherche dans les mots et les livres. La mère n'hésitera pas à lui infliger un exorcisme pour la débarrasser (en vain) du démon de l'homosexualité et brulera tous les livres que Jeanette empile sous son matelas.
Une mère névrosée d'une telle envergure aurait pu complétement détruire en elle toute pulsion vitale. C'est juste le contraire qui advient, même si l'écrivain devra traverser plusieurs épisodes dépressifs, car se protéger de l'émotion pour ne pas souffrir c'est aussi se priver du bonheur de recevoir, d'être aimée.
Le livre est une ode à la littérature, Jeanette puise dans la poésie et la prose la force qui lui permet de faire face à la folie maternelle, à l’opprobre qui afflige les homosexuels dans les années tatchériennes (qui sera quelques temps un modèle avant qu'elle ne comprenne le désastre social induit par l'ultralibéralisme), à la morgue de ses condisciples d'Oxford ("vous êtes notre expérience ouvrière").
Elle se découvre féministe avant même que les textes ne lui soient parvenus. Il lui suffit de regarder autour d'elle : les femmes étaient toutes dans la dépendance réelle ou feinte de leur mari.
"Le seul et unique cours d'éducation sexuelle auquel nous ayons eu droit à l'échelle à l'école ne concernait pas du tout le sexe, mais l'économie sexuelle. Nous devions payer notre part parce que la modernité l'exigeait, mais nous devions donner l'argent au garçon pour qu'il puisee être vu en train de payer. Il n'était question là que de tickets de bus ou de places de cinéma, mais plus tard, lorsque nous aurions un budget domestique à gérer, il nous faudrait nous assurer qu'il sache que tout etait à lui. L'enseignante a appelé ça la fierté masculine, je crois. Je me suis dit que c'était la chose la plus idiote que j'aie jamais entendue; la théorie de la terre plate appliquée aux relations sociales."
En dépit des souffrances d'une enfant qui ne sait quelle est sa véritable identité, de la fréquentation d'une mère abusive et totalement givrée, au final, cette vie lui a permis de devenir ce qu'elle est : un écrivain connu, autonome, qui a pu grâce à la fréquentation des livres s'inventer et se réinventer et mener sa quête du bonheur.
Je souhaite à la petite fille du train de parvenir à échapper aux mains maternelles pour se livrer sans vergogne à l'enivrante exploration du monde.LienLien