samedi 6 avril 2024

Voler au dessus des choses

 
 « La légèreté n’est pas la superficialité, elle permet de voler au-dessus des choses sans avoir de poids sur le cœur ». Italo Calvino

 Depuis toujours nous aimons les dimanches - 1

Vous qui me suivez savez que je ne rate jamais la sortie d'un livre de Lydie Salvayre. Que dire, sinon qu'avec son humour et sa férocité elle dézingue le système organisé par ceux qui vantent les vertus du travail, qu'elle appelle "les apologistes du travail des autres". Elle y oppose avec tendresse et drolerie tout le plaisir que nous procure le "faire niente". Nous aimons vaquer dans la maison, en chaussons éventrés et pyjama informe. et ce total insouci du paraître nous est à lui seul, une délectation.  
Elle nous livre un éloge de la paresse non sans citer les précurseurs dont une certain Horace "Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain".  Car la paresse n'est pas mollasserie poisseuse (et toute une litanie de synonymes dont elle a le secret) mais un art subtil, discret et bienfaisant, ni plus ni moins qu'une philosophie. "En ce monde furieux et plein de turbulences le recours à sa grâce nous est une bonté".
Elle fustige ces "apologistes du travail des autres" qui commencent à s'inquiéter, constatant que la fameuse "valeur travail " a du plomb dans l'aile et que perdre sa vie à la gagner (c'est moi qui cite Vaneigem) enchante de moins en moins. Tout le livre est une défense de ce droit à la paresse qui offre à chacun le loisir de penser et de se livrer aux activités qui lui tiennent à coeur. Citant abondamment écrivains et poètes elle apostrophe les apologistes avec cette verve dont elle est coutumière en y ajoutant une défense du rire. Une illustration parmi les nombreuses dont elle orne son propos. "Savez-vous messieurs que le paresseux, alias Bradypus tridactylus linnaeus est le seul animal au monde qui sourit tant sa vie est un enchantement".
Ce livre est lui-même un enchantement et devrait être mis en priorité entre les mains des plus jeunes pour qu'ils se sentent libres de ne pas se soumettre aux impératifs de consommation qui sont le début de l'esclavage et qu'ils cherchent à trouver une activité qui les exonère du tripalium.   
 



Le printemps est enfin là. Je découvre avec bonheur le jardin qui était totalement grillé quand il est devenu le mien. En particulier deux somptueuses pivoines arbustives. Mais ça bourgeonne à tout va et s'est ajouté un pommier, un pêcher, deux kiwis, des framboisiers et beaucoup d'autres plans qui prendront quelque temps avant de s'épanouir pleinement et de remplacer certains arbustes souffreteux. 
 
Vu ce film qui a sucité 5 millions d'entrées en Italie et on comprend pourquoi. Le sujet : le sort des femmes au sortir de la guerre, le machisme et la violence des hommes et l'accession des femmes à la citoyenneté. Noir et blanc semblable à celui du cinéma néoréaliste
 
 Il reste encore demain - photo

 Avec son premier long métrage C'é ancora domani, de son titre original, l’actrice et réalisatrice Paola Cortellesi a fait mouche en octobre dernier (...). Une gifle. Autant au sens figuré qu’au sens propre. Car c’est par une énorme baffe que s’ouvre le film : celle que se prend Délia, chaque jour au réveil, par son mari autoritaire et violent, avant de vaquer à ses occupations de mère de famille (elle n'est plus que ça aux yeux du monde) dans l’Italie d’après-guerre. Un geste qui donne d’emblée le ton du récit : dénoncer les violences conjugales par l’absurde, ridiculiser la brutalité pour n’en garder que l’emprise, jusqu’à transformer une scène d’agression en tango à deux.(Première)

Il reste encore demain est un film à recommander aux jeunes femmes pour une lecture avertie de ce qui les guette éventuellement quand le prince charmant devient le vilain mari. On a envie de leur chanter la chanson écrite par Boris Vian et chantée par Michelle Arnaud "Vous mariez pas les filles"

 


Lui, c'est Benjamin Tholozan, un comédien extraordinaire qui conte dans une épopée familiale et historique les affres de l'obligation de perdre son accent occitan et parler pointu (le titre du spectacle) pour pouvoir entrer dans le cercle des comédiens de theâtre. Il nous fait vivre la croisade des Albigeois, l'invention de la grammaire française, l'imposition de la langue française au détriment de toutes les autres parlées dans l'hexagone -et dans les terres colonisées-. Tout cela sur un mode truculent et en empruntant plusieurs accents y compris le quebecois. Un régal d'humour pour un propos pédagogique tout compte fait . 
Et encore la promesse de l'aube  adaptation du livre de Romain Gary. J'y suis allée un peu inquiète, j'ai tellement aimé ce livre que je craignais d'être déçue. En fait l'acteur, Frank Desmedt  incarne tous les protagonistes de cette autobiographie  et en restitue l'humour et le tragique avec justesse. Romain Gary est totalement respecté et pour qui a lu le livre, il y a un vrai boheur à retrouver la mère adulatrice de son ffils et le fils désespérément fidèle à ses attentes.

C'est une chance de pouvoir aller au théâtre sans pour autant aller à la ville. Je m'en réjouis chaque fois.
 
Il y a eu aussi le nouveau spectacle de ma fillote, mais j'en parlerai une autre fois plus en profondeur. Dire seulement qu'il est malin et drôle, tout en proposant une réflexion sur les stéréotypes, les préjugés. Mais tout est dit ici
 

7 commentaires:

Marie Gillet Bonheur du Jour a dit…

Je lirai ce livre de Lydie Salvayre. Je vais d'ailleurs voir s'il est déjà en commande à la bibliothèque.

Zoë Lucider a dit…

@ Bonheur du jour, très jubilatoire

Colo a dit…

Lydie Salvayre (je ne rate aucun de ses livres moi non plus) riait seule en parlant de son livre lors d'une interview...!
Je guette la sortie de "Il reste encore demain", une chance d'avoir à Palma, un, un seul mais c'est déjà ça, cinéma qui passe des films non hyper commerciaux.
Vive les fleurs, toutes!

Tania a dit…

Ah que j'aime cette citation de Calvino !
Je préfère le titre de Salvayre au bandeau de couverture, moi qui me réjouissais de travailler et de "gagner ma vie". Tout le monde n'a pas la chance de choisir sa profession par amour, hélas. Mais quel bonheur, à la retraite, de retrouver la libre occupation de son temps, de ne plus courir, de paresser, en effet, sans pour autant devenir Oblomov.
Chouette, la renaissance d'un jardin. En quelques jours, tout verdit, les arbres se rhabillent, c'est un enchantement.
"La promesse de l'aube" au théâtre me rappelle une excellente représentation qui m'avait également heureusement surprise, il y a des années. Bonne journée, Zoë.

Zoë Lucider a dit…

@Colo, ravie d'apprendre que nous partageons Le plaisir de lire Lydie Salvayre. Oui présence d'au moins un cinéma, comme un lieu de repli heureux. Et vive toutes les fleurs!

@Tania, le bandeau est la reprise d'une admonestation de Guy Debord et vous avez choisi un métier de passion. ce n'est hélas pas le cas de tout le monde. Paresser sans devenir Oblomov. Ce que j'apprécie le plus c'est de me réveiller sans l'injonction de la sonnerie du réveil. Quant à l'enchantement du printemps, personne n'y résiste je pense.

Dominique Hasselmann a dit…

Macron ne doit sans doute pas avoir le "loisir" de lire ce genre de livres… Ricœur demeure sans doute son repère.

La paresse est tout à l'envers du macronisme basé sur "la valeur travail" et la stigmatisation des chômeurs (feignants volontaires) et maintenant des membre de la Fonction publique, passés entre les gouttes des "licenciements" de leurs respectives administrations.

On vit dans un État dont l'aspect frôlant la physionomie "dictatoriale" - camouflée sous la communication martelée par la majorité de médias - n'est pas clairement perçu par le peuple anesthésié.

De rares écrivain(e) lancent encore des bouteilles à la mer : celle-ci les rejette sur les plages abandonnées… La grève ne serait plus qu'un souvenir ? ;-)

Zoë Lucider a dit…

@ D.H.@la valeur travail vantée par les "apologistes du travail des autres " a du plomb dans l'aile. Un sondage montre que les moins de trente ans refusent de sacrifier leur vie affective à leur vie professionnelle. On espère que ça fera avancer la cause des "apologistes du travail pour soi" :-)