vendredi 4 janvier 2013

Paris est une fête

Le brouillard ne se lève pas de toute la journée. Inutile d'espérer se déplacer une fois la nuit tombée, on n'y voit pas à trente mètres. C'est exactement le genre d'ambiance qui me fait regretter la ville. Au moins peut-on aller au cinéma ou s'asseoir pour prendre un verre dans un café plein de lumières.


A Moveable FeastParis est une fête par Hemingway



Je viens de terminer la lecture de "A moveable feast" texte d'Hemingway, publié en 1964 chez Gallimard sous le titre "Paris est une fête" après la mort -le suicide- d 'Hem en 1961. L'ouvrage est constitué d'une série de "vignettes" tirées des remises de la mémoire d'Hemingway. Il y travaillait depuis 1959, après avoir repris possession , à la demande du Ritz, d'une malle où se trouvaient des textes datant de sa période parisienne. Ces souvenirs des années 20 font revivre "la génération perdue" selon le terme de Gertrude Stein qui régnait sur un groupe de peintres et d'écrivains de l'époque, génération de ces jeunes gens qui ont participé à la grande boucherie du début du siècle et y ont perdu souvent la raison quand ce n'était pas la vie. Il s'agit ici d'une version améliorée et enrichie  de vignettes inédites, sous la houlette de son petit fils Sean

A l'époque décrite ici, il est un jeune journaliste, profondément amoureux de sa femme Hadley et qui essaye de vivre de sa plume d'écrivain (un chapitre aborde  le rôle de la faim dans l'inspiration). L'ouvrage est resté inachevé alors qu'Hemingway y travaillait quelques mois encore avant qu'il ne décide de se tirer une balle dans la tête. Il y a une réelle nostalgie dans ces textes, d'une période de sa vie qui était emplie de "plaisirs secrets" (une des vignettes ajoutée à cette édition). Se promener dans les jardins du Luxembourg, s'installer pour écrire à La Closerie des Lilas, s'offrir un bon repas chez Lipp après avoir gagné aux courses et écrire bien-sûr.
"Le conte que j'écrivais se faisait tout seul et j'avais du mal à suivre le rythme qu'il m'imposait. Je commandais un autre rhum Saint-James et, chaque fois que je levais les yeux, je regardais la fille, notamment quand je taillais mon crayon avec un taille-crayon tandis que les copeaux bouclés tombaient dans la soucoupe placée sous mon verre.
Je t'ai vue, mignonne, et tu m'appartiens désormais, quel que soit celui que tu attends et même si je ne dois plus jamais te revoir, pensais-je. Tu m'appartiens et tout Paris m'appartient, et j'appartiens à ce cahier et à ce crayon.  

On croise Ezra Pound ("l'écrivain le plus généreux  et le plus désintéressé") Scott Fitgerald (et Zelda qu'Hem présente comme une folle qui empêche son homme  d'écrire par jalousie) qui l'entraine dans une folle virée de Lyon vers Paris en voiture décapotable sous une pluie battante, Pacsin le peintre (consommateur de jeunes modèles),. On rencontre un troupeau de chèvres et le berger joueur de pipeau qui les traie directement dans le pot de la voisine.

On saisit le rôle essentiel de Sylvia Beach et de sa librairie Shakespeare and Company pour les écrivains anglophones nombreux à Paris à cette époque. "La bibliothèque-librairie de Syvia Beach, 12, rue de l'Odéon, mettait en effet dans cette rue froide, balayée par le vent, une note de chaleur et de gaieté, avec son grand poêle, en hiver, ses tables et ses étagères garnies de livres, sa devanture réservée aux nouveautés et, aux murs, les photographies d'écrivains célèbres, morts ou vivants. Les photographies semblaient être toutes des instantanés, et même les auteurs défunts y semblaient encore pleins de vie." 

Pour qui a vécu à Paris, il est possible de se promener aux côtés d'Ernest en toute familiarité sur les quais, rue Cardinal Lemoine où il a vécu, dans les rues du quartier latin ou de Montparnasse. Ce passé recomposé restitue le temps de l'écrivain à la recherche de son style (réduire les adjectifs, aller à l'os) alors même que celui qui écrit est parvenu à la période ultime de sa création. C'est aussi le temps qui précède la fin de cet amour magnifié que va mettre en péril la rencontre de celle qui sera sa deuxième femme (il y en eut quatre).

"Paris est une très vieille ville et nous étions jeunes et rien n'y était simple, ni même la pauvreté, ni la richesse soudaine, ni le clair de lune, ni le bien, ni le mal, ni le souffle d'un être endormi à vos côtés dans le clair de lune."

En lisant Hemingway, on songe à ces belles heures de la jeunesse, elles aussi enfuies, celles des commencements quand on croit en l'avenir, tout en doutant qu'il réalise toutes ses promesses. On songe aux amours vifs et impétueux, aux promesses indestructibles et à l'ivresse des nuits sans fin et des aubes lumineuses.

 

dimanche 30 décembre 2012

La ressourcerie de Zoë. Morceaux choisis

Renseignements sur BRIC à BRAC ORCHESTRA
Bric à brac orchestra



Le 10 janvier dernier, j'avais inauguré une séquence ressourcerie qui devait remplacer le Vent des blogs. En fait il n'y a pas eu de seconde édition. Aussi ai-je décidé de conclure cette année par une chronique de recyclage de morceaux récupérés ici ou là, soit sous l'arbre soit ailleurs. Voici donc non pas le bric à blog  de La Feuille Charbinoise , mais desbribes de blog, un best of de fin d'année en quelque sorte(original non?). 

Parmi les évènements qui m'atteignirent cette année : la mort de Laurent Perrin. Avec lui disparaissait tout un pan de ma jeunesse, lorsque son appartement de la rue de Buci servait de repaire à la petite bande d'amoureux et d'amoureuses qu'il accueillait à toute heure.

Il y eut une élection, vous vous souvenez. Comme les tweets ont beaucoup gazouillé à l'époque pour annoncer les résultats avant l'heure légale j'avais commis une série de messages codés rigolos (enfin le pensai-je).

Le 22 mai, répondant à l'appel de la cinéaste parisienne Laure Kalangel, un collectif international de musiciens et d'auteurs se forme et se lance dans l'écriture et l'enregistrement d'un morceau inspiré de Which Side Are You On de la syndicaliste états-unienne Florence Reese. La partie musicale est dirigée par Éric McComber et réalisée et mixée au Studio Bangratz à Sauve, Languedoc-Roussillon.

J'ai rencontré le nouveau Robin des Bois. Il est venu à la demande d'un groupe local d'activistes présenter l'expérience de Marinelada. Cet homme est habité sans conteste d'une réelle volonté de changer les rapports sociaux.  Chéguévariste en diable! Compte-tenu de la crise que vivent les Espagnols, cette expérience emblématique commence à faire des émules. Vale! 

A l'occasion du prix Nobel de la Paix attribué à l'Europe, je m'interrogeais sur le sens d'une telle attribution alors même que l'Europe, gouvernée par des affidés de grandes banques, continue à organiser l'essorage des petites gens dans la grande machine à mondialiser pour la plus grande satisfaction des jongleurs de titres et la jouissance intime des squales de la finance. 

Dans cette veine : une satire au hachoir du film de Dupontel "Enfermés dehors". Regardé en famille hier soir. Déjanté, déroutant, déconnant (un peu éprouvant quand même).

Cette année j'ai ajouté quelques étapes précieuses dans  le cours de mes pérégrinations. Ainsi suis-je devenue une fidèle de Sergeant Pepper et je garde dans ma sélection de dernière minute avant la fin de l'année, cet article qui m'avait particulièrement touchée.
La mienne de fille a passé quelques jours à la maison et elle est déjà repartie pour fêter avec les copains le passage vers l'année nouvelle. Elle nous a montré quelques vidéos des travaux du groupe des jeunes apprentis comédiens avec lesquels elle travaille à Minsk. Je vous en livre un extrait. C'est ma petite chérie qui ouvre le bal. La qualité de la vidéo n'est pas excellente, le rire de la jeune traductrice hors champ est un peu agaçant mais cet échange de gnons est un excellent exutoire pour conclure cette année pendant laquelle la main m'a souvent démangée tant les têtes à claques ont abondé sur la scène médiatique. 

C'est avec beaucoup de douceur que je vous souhaite de basculer vers la nouvelle année.

lundi 24 décembre 2012

Soyeux Noël

Cette année le sapin est un palmier
Pour accompagner votre réveil, un joli morceau de Matilda (une amie de ma fillote).
Elles ont bien du talent ces jeunes pousses...
Que la vie vous soit douce.

vendredi 21 décembre 2012

Une fin du monde qui fait pschiitt!



sondage fin du monde
Illustration empruntée ici

Si vous me lisez, c'est que l'évènement ne s'est pas encore produit. Si vous avez encore le loisir de vous promener sur le ouèbe c'est que tous les plombs n'ont pas fondu, les satellites ne se sont pas collisionnés, les pôles ne se sont pas abouchés et les océans continuent gentiment à bercer le sommeil des petits nenfants.

Bon, alors cette fin du monde, ça vient ? Non parce que si en effet il pouvait y avoir un certain remue-ménage, ça pourrait être rigolo. Je donne quelques idées aux extra-terrestres pour les aider à faire du bon boulot.
Goldman Sachs et quelques autres de ces usines à faire turbiner le fric prennent feu pendant une assemblée générale (en espérant que la piétaille a été mise au chômage, histoire de lui sauver la peau (encore que pour travailler dans une telle boite...)).
Les arsenaux implosent les uns après les autres (s'ils explosent c'est pas raisonnable pour l'entourage). Toutes les pétoires s'enrayent, les drones s'enrhument, les missiles s'endorment, bref, les belliqueux sont à main nues. Ouf! Ça c'est fait.
Les tyrans impétueux sont arrachés au sol et flanqués dans une soucoupe, direction Jupiter. Je ne peux pas citer tous les candidats, y'en a trop, un bon millier au moins pour donner l'exemple.
Tous les violeurs du jour sont saisis d'une chaude-pisse carabinée qui les éloigne de toute concupiscence pour 99 ans.
Les carouf et autres hangars à distribuer des mochetés fabriquées par les petits serfs des pays dits en voie de progrès  sont envahis d'une odeur d'égout irrespirable dont rien ne vient  à bout.
Les bestiaux parqués dans les couloirs de la mort en attente de leur mise en pièce sous cellophane s'évadent tous en même temps et viennent meugler aux portes des Mac Do.
Les centrales atomiques prises de commotion cérébrale font un arrêt cardiaque et s'arrêtent sans demander leur reste.
Les piscines des milliardaires se remplissent d'un seul coup d'un liquide rouge qui ressemble à s'y méprendre à de l'hémoglobine.
Les diamants s'attaquent à l'aveugle aux yeux et aux dents de celles qui les arborent, l'or fond dans les girons,  les fourrures reprennent leur sauvagerie sur le dos des rombières.
Je vous invite à faire part de vos propres suggestions, il faut les guider ces petits verts.

On peut rêver un peu. En fait, si vous m'avez lue jusqu'ici c'est qu'aucun bug n'a entravé notre complicité virtuelle. A l'heure où j'écris, le jour dit fatal vient de commencer. J'espère bien vous retrouver demain à la même heure et que la fin du monde n'aura pas fait crac, boum, hue à part le boucan médiatique que l'on sait.

Portez-vous bien

Je retranscris les suggestions de mes visiteurs pour que les Archanges de l'Apocalypse les trouvent en bonne place.
contraindre les producteurs d'OGM à ne bouffer plus que ça jusqu'à ce que mort s'en suive. la bacchante
les bétonneurs, les proxénètes, les marchands d'armes, les trafiquants d'ivoire et de poudre de corne de rhinocéros soudain précipités dans un cratère de volcan en activité. Euterpe
un kiki minuscule et très, très douloureux à l'usage à tous ceux qui violent ou voilent les femmes
Anonyme Sophie K.
 un remue-méninges, une perturbation tellurique, un coup de foudre, une remise en place sans l'aide des "petits verts", un éclat de rêve, les pieds bien plantés dans notre terre. Frédérique

lundi 17 décembre 2012

"Tout foutre en l'air sans toucher à rien"

C'est Pierre Jourde qui m'avait offert de rencontrer ChevillaL'Auteur et moird. Dans son opus "la littérature sans estomac", il assassinait joyeusement des auteurs que pour ma part j'appréciais avec modération (litote) (Angot, Houellbecq ), d'autres que ces lazzi atteignaient au sein de l'estime que je leur portais (Duras par exemple). Dans cet exercice de démolition, un écrivain, servait en contraste de référence de la bonne littérature, celle qui ne se paie pas de mots mais ausculte et sculpte la langue sans se soucier aucunement d'accrocher l'exercice aux figures obligées de la narration. Je me jetais donc sur le premier Chevillard "Mourir m'enrhume" et me mis ensuite, après avoir rattrapé mon retard, à guetter  les sorties du phénomène, sans jamais être déçue. Ah! "Le vaillant petit tailleur", l'Oreille rouge, Nisard et Sans l'Orang Outang ! Et puis je ne sais pourquoi, je décidais de faire cesser l'addiction, laissai choir Choir,  ne visitais plus qu'épisodiquement l'Autofictif, ne pris pas la peine de me procurer Dino Egger. L'exercice stylistique pour éblouissant qu'il soit me désespérait.
Philippe Annocque m'a d'une aimable bourrade  remise sur le chemin que je n'aurais pas dû quitter. Pourquoi se priver de ce bon jus de treille quand il y a tant de piquette qui circule ? Il se trouve que le prétexte de la logorrhée chevillardesque ne pouvait que faire de moi une complice, d'emblée. J'exècre comme le personnage ( un point commun entre le personnage, l'auteur, le lecteur), le gratin de chou-fleur. Comme le clame et le déclame ce Blaise (je n'ai pas dit Blaireau) en prenant à témoin une mademoiselle qu'il contraint comme nous lecteurs à écouter sa complainte, on peut essayer d'échapper à ce qui  détruit en nous le goût  des autres et toute appétence à vivre, les autres s'ingénient à nous servir et nous resservir l'horrible rata.
Le fil  de la narration est fort ténu, la répétition un exercice de haute voltige, les bifurcations et virages très risqués entre Blaise déblatérant à la terrasse d'un café (d'où on peut voir passer les communs des mortels dans leur commune insignifiance) et  Blaise épris cette fois d'une fourmi qu'il suit avec constance, flanqué d'une amoureuse glanée à l'improviste, d'un enfant rameuté de même et d'un tamanoir échappé d'un cirque (seule explication un peu sensée à son apparition prodigieuse et dangereuse, eh oui la fourmi, vous suivez ? c'est bien ! continuez !).
Les livres de Chevillard sont impossibles à résumer, il le fait exprès le bougre, il déteste le propos convenu, cet homme, le cliché et toutes les vieilles poussières qui encrassent le verbe.  Il s'en moque même, ses aventures sont aussi risibles que celle du Cavalier à la longue figure, coiffé de son bassin de barbier, conspuant l'époque qui a renié les hautes valeurs de la chevalerie. Lui c'est la mort de la littérature qu'il prophétise en la déplorant,  par extinction du lecteur, ou plutôt de la lectrice, puisque seules les (vieilles) femmes hantent les salons du livre (dixit l'auteur).
(...) "les hommes ne lisent pas ni les proses ironiques, sarcastiques même et peu narratives, ni rien d'autre non plus; ils sont devenus de froides machines, des fonctionnaires zélés du système en vigueur entièrement appliqués à leur tâche, ne goûtant la volupté d'être que dans le jeu fluide des combinaisons et des rouages -la musique des moteurs, la circulation du ballon-, incapables de recueillement et de solitude, farouchement anti-intellectuels, définitivement perdus pour la littérature. Leur intérêt ne s'éveille que lorsqu'il est généré par leur capital. (Et parce qu'ils ne leur prêtent pas main-forte, et qu'ils les laissent écluser seules toute la production littéraire, c'est aux femmes qu'il revient de lire les mauvais livres aussi bien que les bons)" * (228)


Autofiction dérisoire, métaphores puissance métaphore, ligatures de sens improbables, syllogismes imparables, tout cela touillé dans le chaudron du sorcier, d'où jaillissent des fusées éclairantes qui laissent de longues trainées de couleur dans votre paysage mental, non sans avoir éventuellement fait sauter quelques unes de vos potiches.
Lire Chevillard, c'est une ascension à mains nues, le corps secoué régulièrement par le "rire blanc", ce rire que Michel Tournier distinguait de tous les autres, le rire métaphysique de celui qui sait que son élan l'a conduit au dessus du vide et contemple le gouffre, hilare.

Hors de question d'évoquer l'ironie , Chevillard abomine "l'ironiste (qui) voudrait n'être dupe de rien, ni de lui-même ni des autres, ni des mots ni des lettres qui les composent, il se couvre de tous les côtés. C'est une anguille visqueuse, un sale type pervers qui abuse de la naïveté des jeunes filles et de la candeur confiante de ses lecteurs. (...) Mon cœur est dans ma main quand j'écris, j'ai l'impression d'avoir capturé une petite rainette, dit l'auteur, Certains trouveront l'expression de mon visage un peu niaise. Plutôt ça que l'atroce rictus de l'ironie, ce masque de Voltaire creusé par Léautaud qui n'aura bientôt plus de joues du tout.** (244)

L'écrivain est  un être qui ne goûte de la vie que sa transmutation par les mots. Écrire est une activité de mise à l'écart pour fuir en fait le commerce de tous ceux qui prétendent habiter le monde et y peser dans des engagements qui ne font qu'ajouter du chaos au désordre. Or l'auteur "volontiers révolutionnaire en théorie, a horreur de toute espèce de changement dans l'ordre de ses jours. (...) Sa vocation d'écrivain s'explique du coup avec évidence. Il trouve dans cet exercice l'occasion de tout foutre en l'air sans toucher à rien. Il feint jusqu'à un certain point de croire que la littérature est le réel et il s'emploie à le déconstruire, à le ruiner dans ses fictions sabotées, sachant bien pourtant que nul effet de retour n'est à craindre, que les vaches sont bien gardées et l'espace du songe parfaitement étanche. (36)

Une illustration dénichée grâce à  Depluloin : le lecteur, une sculpture d'Alain Laboile, rajoutée ce jour (mardi).

* L’esprit des péninsules, 2002, (Pocket, 2003). Prix de la critique de l’Académie française.
**Pardon à mes doux amis, qui, eux lisent mais savent bien que cette activité n'est pas ce qu'ils partagent le mieux avec leurs congénères mâles.
***Je confirme qu'Eric  Chevillard (avec qui j'ai eu le plaisir de parler) arbore un air tranquille et doux, sans une once d'arrogance ou de suffisance, pas comme certain ergoteur rive gauche. Pour mieux vous faire une idée de l'amabilité du "critique du Figaro", suivez le guide Annocque


mercredi 12 décembre 2012

Complétement givrée!

 Ce matin, plein soleil, le plaisir pur du spectacle après les brouillards givrants de la nuit.

C'est dans ce petit bosquet que je niche
 Les peupliers sont une des premières étapes = petite promenade. Au delà ce sera la ferme, puis le lac. mais pas aujourd'hui








 
Le givre est un grand artiste.
Le soleil a fait fondre la féérie.
Je quitte mon abri et je pars sur les routes.
A plus tard

samedi 8 décembre 2012

Pour un monde sans pitié


Cannibales

Le téléthon me hérisse. Les appels au don sur le ton de l'urgence quand ça fait des années qu'on  nous mène en bateau avec cette histoire. Comme Jacques Testart en fait la démonstration implacable, s'il y a bien une partie des dons qui permet d'offrir aux malades des aménagements (qui devraient l'être via la solidarité publique, soit dit en passant), les annonces mirobolantes concernant les chances de guérison s'avèrent fallacieuses. "En suscitant de faux espoirs, la thérapie génique pourrait conduire à un échec d?autant plus douloureux qu?il aura été coûteux, y compris pour la connaissance."
Le cirque organisé pour susciter la collecte, particulièrement gerbant, se résume à fournir au bon gogo de base l'occasion de se sentir bon et généreux, encouragé en cela par les vedettes de service et l'exhibition des handicapés, tout cela accompagné par les bonimenteurs dégoulinant de discours larmoyants et culpabilisants (si vous ne donnez pas vous êtes un salopard d’égoïste sans cœur). Quant à la circulation de la manne dans les circuits nauséabonds de la spéculation financière, un voile pudique nous dispense d'en connaître les chemins tortueux. En revanche comme les dons sont déductibles des impôts, au final, c'est bien l'argent public qui finance en partie cette recherche et -selon Testart-elle se trouve dévoyée, car il faut des résultats seulement dans le domaine transgénique et si possible des brevets juteux à la clé.
Comme je ne suis pas certaine que vous lirez l'excellent article de Testart, (ce serait dommage, mais vous êtes libre)  je vous en extrais un petit morceau que j'ai dégusté avec délice : la position d'un handicapé qui dit mieux que je ne saurais le faire ce que je pense de cette machine à mendier.
« j'ai vraiment cet énorme rêve que les handis bouleversent les clichés, s'approprient leurs indépendances, construisent leurs autonomies. et il me semble que le téléthon est l'ère préhistorique de tout ça. J'ai 28 ans, je doute avoir plus de 10 ans à vivre, heureusement que j'ai depuis longtemps boosté ma vie bien loin des promesses d'autrui, de toute cette création de l'attente-dépendance que le téléthon orchestre minutieusement. Je ne fais plus du tout partie des handis qui soutiennent une image de nous comme celle que les téléthons nourrissent. J'y ai la vive impression que mon handicap y est justement caché : pas de sexualité (ah si quand tout le monde pionce...), pas de morts dans nos entourages, pas de dépression insidieuse face à l'évolution de la maladie, pas de discriminations sociales (logement, études, travail, relations amoureuses...), pas de vie précaire financière, pas d'inaccessibilité urbaine stagnante... non, que des p'tits handis bien blancs / bien du-centre-ville (ils sont où nos potes handis kailleras aux téléthons ?!), bien gonflés d'espoiiiir, bien souriants... la réalité-bonne-conscience, non merci. Allumez votre quotidien plutôt que la télé !... » 

Personnellement, je suis pour un monde sans pitié. Je préfère me démener pour l'accès à l'autonomie de chaque être humain, pour le respect de ses droits à une situation digne. Ça suppose que la manne  des richesses produites, non par l'intelligence miraculeuse de notre élitocratie, mais par tous ceux qui rament, ne soit pas siphonnée par une minorité qui se gave pendant que d'autres doivent pleurnicher et tendre la main pour simplement bouffer. Pas de pitié pour les pauvres, pas de pitié pour les riches, mais il va falloir que les derniers réduisent la voilure, sinon ils finiront dans les marmites des gueux et ce sera bien fait!  

Illustration