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samedi 8 décembre 2012

Pour un monde sans pitié


Cannibales

Le téléthon me hérisse. Les appels au don sur le ton de l'urgence quand ça fait des années qu'on  nous mène en bateau avec cette histoire. Comme Jacques Testart en fait la démonstration implacable, s'il y a bien une partie des dons qui permet d'offrir aux malades des aménagements (qui devraient l'être via la solidarité publique, soit dit en passant), les annonces mirobolantes concernant les chances de guérison s'avèrent fallacieuses. "En suscitant de faux espoirs, la thérapie génique pourrait conduire à un échec d?autant plus douloureux qu?il aura été coûteux, y compris pour la connaissance."
Le cirque organisé pour susciter la collecte, particulièrement gerbant, se résume à fournir au bon gogo de base l'occasion de se sentir bon et généreux, encouragé en cela par les vedettes de service et l'exhibition des handicapés, tout cela accompagné par les bonimenteurs dégoulinant de discours larmoyants et culpabilisants (si vous ne donnez pas vous êtes un salopard d’égoïste sans cœur). Quant à la circulation de la manne dans les circuits nauséabonds de la spéculation financière, un voile pudique nous dispense d'en connaître les chemins tortueux. En revanche comme les dons sont déductibles des impôts, au final, c'est bien l'argent public qui finance en partie cette recherche et -selon Testart-elle se trouve dévoyée, car il faut des résultats seulement dans le domaine transgénique et si possible des brevets juteux à la clé.
Comme je ne suis pas certaine que vous lirez l'excellent article de Testart, (ce serait dommage, mais vous êtes libre)  je vous en extrais un petit morceau que j'ai dégusté avec délice : la position d'un handicapé qui dit mieux que je ne saurais le faire ce que je pense de cette machine à mendier.
« j'ai vraiment cet énorme rêve que les handis bouleversent les clichés, s'approprient leurs indépendances, construisent leurs autonomies. et il me semble que le téléthon est l'ère préhistorique de tout ça. J'ai 28 ans, je doute avoir plus de 10 ans à vivre, heureusement que j'ai depuis longtemps boosté ma vie bien loin des promesses d'autrui, de toute cette création de l'attente-dépendance que le téléthon orchestre minutieusement. Je ne fais plus du tout partie des handis qui soutiennent une image de nous comme celle que les téléthons nourrissent. J'y ai la vive impression que mon handicap y est justement caché : pas de sexualité (ah si quand tout le monde pionce...), pas de morts dans nos entourages, pas de dépression insidieuse face à l'évolution de la maladie, pas de discriminations sociales (logement, études, travail, relations amoureuses...), pas de vie précaire financière, pas d'inaccessibilité urbaine stagnante... non, que des p'tits handis bien blancs / bien du-centre-ville (ils sont où nos potes handis kailleras aux téléthons ?!), bien gonflés d'espoiiiir, bien souriants... la réalité-bonne-conscience, non merci. Allumez votre quotidien plutôt que la télé !... » 

Personnellement, je suis pour un monde sans pitié. Je préfère me démener pour l'accès à l'autonomie de chaque être humain, pour le respect de ses droits à une situation digne. Ça suppose que la manne  des richesses produites, non par l'intelligence miraculeuse de notre élitocratie, mais par tous ceux qui rament, ne soit pas siphonnée par une minorité qui se gave pendant que d'autres doivent pleurnicher et tendre la main pour simplement bouffer. Pas de pitié pour les pauvres, pas de pitié pour les riches, mais il va falloir que les derniers réduisent la voilure, sinon ils finiront dans les marmites des gueux et ce sera bien fait!  

Illustration