vendredi 12 octobre 2012

Propos éclectiques

Je vais, je viens sur cette planète et j'y amasse une profusion d'étonnements, d'ébahissements, de perplexités.



Ainsi, en visite dans le marais poitevin, l'étrange odeur fétide de l'eau dormante du petit lac autour duquel se dispersaient les chalets qui nous servaient de chambre. Nous étions une poignée d'escaladeurs de falaises sociales, venus de plusieurs pays européens et on nous présentait un système astucieux (le groupement d'employeurs) qui permet de créer des emplois pérennes dans ces endroits de ruralité profonde. Un jeune homme fougueux nous avait expliqué comment, de cette façon, on pouvait installer des éducateurs sportifs ou des animateurs culturels dans de toutes petites communes qui ne le pourraient pas seules.  Hélas, pour illustrer l'extrême intérêt de ces emplois mutualisés qui combinent des postes chez différents employeurs pour offrir un  plein temps sécurisé  aux personnes, on nous a emmené visiter une usine d'embouteillage, de vin mais aussi d'eau.



Nos amis italiens, eux-mêmes très engagés dans la lutte pour l'accès universel à l'eau, ce qui suppose que les multinationales de l'eau disparaissent au profit d'une mise à disposition régulière et régulée par la puissance publique, ont commenté, les mains sur la tête : "c'est comme emmener un végétarien dans un abattoir".


J'ai eu la chance de n'avoir jamais travaillé en usine et chaque fois que j'ai pu approcher cet univers, non seulement la visite m'a lessivée (on mesure ainsi l'usure subie par ceux qui s'y collent quotidiennement), mais je n'ai pu m'empêcher de buter sur cette énigme anthropologique (même si je connais bien la réponse) : comment a-t-on pu en arriver là ! Le principe même de cette mise sous plastique d'un élément qui nous est absolument essentiel pour vivre. Les concepteurs de ces chaines hallucinantes (les Italiens sont les meilleurs selon notre guide), en partant de plastiques préformés création des bouteilles, remplissage, pack moulé de plastique, puis constitution de palettes elles-mêmes emmaillotées de plastique.  Tout cela sans l'intervention d'un seul bras humain. Le seul boulot d'un  clampin planté devant la chaine : repérer l'incident potentiel et arrêter la chaine. Des millions d'emplois de cette nature dans le monde, pour fabriquer du non sens. Ainsi en l'occurrence : 6000 bouteilles de vin et 20000 d'eau à l'heure  pour les  linéaires du Carouf local, et pour l'export, des milliers de mètres carrés immobilisés pour le stockage, des camions dans tous les sens pour charrier les citernes dans un sens, les palettes et les caisses dans l'autre. On pense, en regardant circuler ces objets si familiers, mais qui, réunis de la sorte, deviennent parfaitement étranges, on songe au jour où cette usine, comme beaucoup d'autres s'arrêtera (plus de marché, pas rentable, dépassée par la concurrence, bref), on songe à l'amas de ferrailles et de saloperies imputrescibles qui resteront à faire repartir vers leur origine, la terre, d'où les archéologues des années 20??   les extirperont afin de nettoyer les sous sols avant remise en exploitation agricole. On connait d'ores et déjà le phénomène à ailleurs. Et à Détroit en particulier.

Passons à autre chose. Je ne regrette jamais d'avoir décidé un jour que je ne serai plus parisienne, sauf de temps à autre, lorsque j'apprends par exemple que  la fête à Boby se tiendra mercredi  17 au café de la danse. Mais ils viendront bien par ici.


Cover 1 BEE055 

Quant à l'exposition consacrée à Edward Hopper, elle s'installe au Grand Palais jusqu'en janvier. Je suis censée pointer mon nez dans la capitale d'ici là mais j'imagine que la longueur de la file d'attente me découragera. 



Pour conclure ce billet bien mélangé, un double coup de sang : le verdict à l'égard des organisateurs des tournantes. Message envoyé aux filles qui subissent et aux jeunes brutes qui "s'amusent" : "pô grave! " Enfoirés!!!
Petit ajout suite au commentaire bienvenu de JEA, un lien vers le Festival des Libertés de Bruxelles. Magnifique programme de films, de concerts, de débats. Aller sur Mosaïques pour des extraits commentés


samedi 29 septembre 2012

La sorcière se fustige

- Bon, qu'est-ce que tu fous ? En 2009, 169 posts, en 2010, 90, ce qui était déjà un gros ralentissement, en 2011, 64  hop un bon tiers en moins et en 2012 ça va être quoi ? Une moyenne de 3 par mois?
- Sais pas, plus grand chose à dire peut-être, pas le temps.
- Le temps, le temps, il a bon dos.
-Je viens sur le blog, le temps de me balader chez les autres,  il faut que je lâche le clavier. Et puis quand je regarde ma liste, je ne vois que des arrêts prolongés, un an, huit mois, trois mois cinq semaines etc... Suis pas la seule à rester en rade, ça ne m'encourage guère.
- Tu n'as qu'à renouveler, avec de plus vaillants.
- Bof !  Ceux qui restent en piste me conviennent. Déjà bien du mal à les visiter régulièrement...
- Arrête alors, ferme le bazar, passe à autre chose.
- Nan, j'aime bien ma petite cabane sous l'arbre, mais  pas envie de m'y agiter plus que ça. Et puis c'est l'automne, la pluie et le gris de retour, et puis ma fillote est partie ( à Minsk,!!!) et puis il est 23h18 et j'ai sommeil.
Soyez indulgents o' vous qui passez ici, la Sorcière a la flemme

mercredi 19 septembre 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?



Je reviens de Marseille où j'ai pu constater que dans les quartiers nord on ne circule pas au milieu des Kalashnikovs. S'y développent des initiatives pour mieux vivre dans un environnement honteusement conçu dans la laideur et le mépris pour les populations qui devaient s'y loger. Aux Aygalades, l'autoroute (construite sur la rivière Caravelle !!!) a éradiqué le château et de multiples bastides et déploie son boucan assourdissant à quelques cent mètres d'un petit jardin collectif gagné sur le désert végétal environnant.


Les habitants du quartier organisent des journées du patrimoine et même un système de chambre d'hôtes (Hôtel du Nord). Les jardins partagés sont des lieux de paix sociale (dixit l'un des responsables, 48 ans, qui habite le quartier depuis l'âge de 4 ans et se souvient de la forêt qui se trouvait en lisière du quartier où il allait jouer avec ses copains.

Celui-ci, le Jardin des Aures se trouve sur une autre partie des quartiers Nord, il accueille des écoles, des centres sociaux, des enfants handicapés, des personnes en insertion et les familles du quartier pour jardiner ensemble.

Je vous fais grâce d'un reportage sur Marseille qui se prépare pour 2013, année de la culture en un immense chantier notamment autour du vieux port.



Dans le train du retour, je faisais face à une jeune mère dont le bébé de quatorze mois gigotait tant et plus. Comme souvent, la mère était énervée, pas seulement par l'agitation de sa petite mais surtout du dérangement supposé auprès des passagers, de sorte qu'elle la cramponnait, contraignait, houspillait obtenant l'effet contraire à ses injonctions, à savoir cris et protestations et tentatives réitérées d'escapade. Son malaise me troublait bien plus que le manège de la petite fille. A un moment, elle a commandé un café au serveur ambulant et comme elle tentait de le boire tout en maintenant sa petiote contre elle, je lui ai proposé de prendre la petite fille avec moi pendant qu'elle boirait son café sans risquer de l'ébouillanter. Elle a accepté avec réserve. J'en ai profité pour intéresser la petite môme avec deux bricoles, le temps que la mère se détende et perde son angoisse de "déranger". De retour sur les genoux maternels, elle a fini par s'endormir et nous avons pu reprendre notre lecture.



"Pourquoi être heureux quand on peut être normal". C'est la fin de non recevoir de sa mère adoptive quand Jeanette Winterson essaie de défendre son amour lesbien pour une amie (elle a seize ans). Pour cette mère adoptive pentecôtiste confite en religion, la révélation de l'homosexualité de sa fille est insupportable, le démon s'est emparée de cette enfant de toute façon pas conforme du tout au modèle qu'elle a a tenté de façonner. Trop libre, trop rebelle. Le récit de cette enfance est proprement hallucinant : des nuits entières "enfermée dehors", les murs du foyer constellés d'exhortations tirées de la bible, un père taiseux et soumis à sa femme au corps énorme et souffrant, qui ne partage jamais son lit.
Jeanette est malgré tout habitée d'un formidable appétit de vie et se cherche dans les mots et les livres. La mère n'hésitera pas à lui infliger un exorcisme pour la débarrasser (en vain) du démon de l'homosexualité et brulera tous les livres que Jeanette empile sous son matelas.
Une mère névrosée d'une telle envergure aurait pu complétement détruire en elle toute pulsion vitale. C'est juste le contraire qui advient, même si l'écrivain devra traverser plusieurs épisodes dépressifs, car se protéger de l'émotion pour ne pas souffrir c'est aussi se priver du bonheur de recevoir, d'être aimée.
Le livre est une ode à la littérature, Jeanette puise dans la poésie et la prose la force qui lui permet de faire face à la folie maternelle, à l’opprobre qui afflige les homosexuels dans les années tatchériennes (qui sera quelques temps un modèle avant qu'elle ne comprenne le désastre social induit par l'ultralibéralisme), à la morgue de ses condisciples d'Oxford ("vous êtes notre expérience ouvrière").
Elle se découvre féministe avant même que les textes ne lui soient parvenus. Il lui suffit de regarder autour d'elle : les femmes étaient toutes dans la dépendance réelle ou feinte de leur mari.
"Le seul et unique cours d'éducation sexuelle auquel nous ayons eu droit à l'échelle à l'école ne concernait pas du tout le sexe, mais l'économie sexuelle. Nous devions payer notre part parce que la modernité l'exigeait, mais nous devions donner l'argent au garçon pour qu'il puisee être vu en train de payer. Il n'était question là que de tickets de bus ou de places de cinéma, mais plus tard, lorsque nous aurions un budget domestique à gérer, il nous faudrait nous assurer qu'il sache que tout etait à lui. L'enseignante a appelé ça la fierté masculine, je crois. Je me suis dit que c'était la chose la plus idiote que j'aie jamais entendue; la théorie de la terre plate appliquée aux relations sociales."
En dépit des souffrances d'une enfant qui ne sait quelle est sa véritable identité, de la fréquentation d'une mère abusive et totalement givrée, au final, cette vie lui a permis de devenir ce qu'elle est : un écrivain connu, autonome, qui a pu grâce à la fréquentation des livres s'inventer et se réinventer et mener sa quête du bonheur.
Je souhaite à la petite fille du train de parvenir à échapper aux mains maternelles pour se livrer sans vergogne à l'enivrante exploration du monde.LienLien

dimanche 9 septembre 2012

Mourir, la belle affaire, mais vieillir, oh vieillir!

Qu'ai-je donc fait de ce bel été qui s'évanouit, même si les jours sont encore chauds et ensoleillés.

J'ai préparé beaucoup de plats pour ceux et celles qui sont venus s'asseoir à ma table.


J'ai participé à quelques rassemblements, dont certains prétendaient se mêler des affaires du monde qui, on le sait menace de péricliter, tous les "observateurs" le claironnent, même ceux qui étaient du côté du manche et se retrouvent désormais sous la menace de la cognée.


J'ai lu. Peu de livres (je ne sais pourquoi, cet été ne me portait pas vers les livres, étrange!) mais beaucoup de journaux, d'articles.

Ainsi glané sur le blog de Jorion ce texte d'Annie Le Brun à propos des Pussy Riots.

"J’ai dit ailleurs que si la servitude est contagieuse, la liberté l’est aussi. Nous en sommes à ce point d’équilibre instable, où tout peut basculer d’un côté ou de l’autre. D’où l’importance de repérer tous les signes et nous ne serons jamais trop pour tenter de discerner ce qui advient. C’est pourquoi il me déplairait qu’on fasse fi de l’insaisissable jeunesse de cette révolte venant de l’Est. Pensez aux Provos, pensez aux Hippies, aux « aventuristes » de 68… il y aura toujours l’insolente beauté de ce qui commence. Aussi, quand bien même « en matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d’ancêtres », il se pourrait que tout débute avec le « retour du refoulé », mais ailleurs et autrement. Comme si chaque insurrection était riche de tous les rêves précédents encore à venir, c’est-à-dire comme si, à chaque fois, il s’agissait de jouer le Grand Jeu.

Il faut peut-être le savoir pour commencer à voir."

J'ai fait une petite excursion en terre charentaise où j'ai vécu mes premières années avant de partir vers la capitale, que j'ai fui depuis. Je n'avais jamais abordé sur l'île d'Aix qu'on joint par bateau et qui grâce à cela et à l'interdiction, à quelques exceptions, de la voiture, est restée à peu près indemne des dégâts générés par l'invasion touristique. Ceux qui viennent sur l'île le font pour le plaisir d'un lieu relativement vierge des outrances du bord de mer.

Island of Aix, aerial view

On en fait le tour (3 km de long, 700 m de large) en quelques heures à pied et moins encore à bicyclette. Il y avait beaucoup de vent mais la petite plage (Baby plage) était tentante. Cependant nous avons continué à pédaler. Ignoré de la plus belle façon le musée Napoléon. Nous n'étions venu que pour la promenade le nez au vent dans les senteurs d'iode et de pins chauffés par un soleil encore vaillant.

Baby plage. Ile d'Aix. Août 2012

Revenue à la maison, à la grande satisfaction des chats qui avaient épuisé leurs réserves de croquettes et d'eau, j'ai lu le dernier opus de Frédérique Martin.

Je suis une piètre "critique " littéraire. Aussi ne vais-je rien en dire. Citer simplement et vous inviter à vous laisser embarquer dans l'aventure de Joseph et Zika qui ont gardé malgré leur grand âge le désir exclusif l'un de l'autre et que les circonstances séparent, leurs enfants ne souhaitant pas les prendre en charge ensemble. Cette séparation produit par contagion dirait-on, la déliquescence de tout ce qui avait fondé leur vie, les entrainant dans une spirale de désespoir et de malheur.

Je ne sais décidément pas parler des livres, mais pourquoi les paraphraser au risque de les trahir? Mieux vaut les ouvrir, à la page 146 par exemple : Joseph (76 ans) écrit à sa "très chère femme" :

" Comme tu me manques en ces jours de détresse! Aujourd'hui le ciel est obstinément gris, il pleut à ne pas mettre un vieux dehors, alors je me dessèche derrière les fenêtres, ce qui n'améliore ni le temps ni mon humeur. Tu as le don d'effacer ce qui est hostile, je ne souffrais pas longtemps avec toi. L'abondance de ta douceur ne m'a pas préparé aux épreuves. C'est rude de comprendre à mon âge qu'on ne connaît vraiment personne, ceux qu'on aime sans doute moins encore que les autres. Le cœur s'installe dans les yeux pour nous aveugler, on lui laisse prendre ses aises. Est-ce que dans toute relation, on rêve seulement qu'on est deux, est-ce qu'on jette une grande partie de ses forces pour maintenir l'illusion et ne pas avoir à découvrir qu'on est seul, absolument seul chacun de son côté, à s'embraser pour un autre qui n'a pas de réalité ? Eh bien, même si c'était seulement ça, aimer, il faudrait le prendre, nous n'avons rien de meilleur à proposer."

Ne pas se fier à ce seul extrait, Frédérique Martin, de son écriture à la fois simple et élaborée, nous délivre une histoire tissée de douceur, de tendresse certes mais tout autant de violence et de cruauté. On en sort sonné, plus encore sans doute si on a soi-même des enfants et que l'âge commence à nous en éloigner.

"Le vase où meurt cette verveine", Belfond.

On aura reconnu dans le titre un extrait d'une chanson de Jacques Brel. Lien

Photos ZL

mardi 21 août 2012

Le monde, quel cirque!

Miss Monde est chinoise. Quelle surprise ! Pas de raison que les godiches asiatiques ne prennent la relève. Selon l'article que vous ne lirez sans doute pas, sachez que (je cite) L'unique fois où la France a gagné le concours remonte à 1953 avec Denise Perrier. Alors, moi je dis : qu'est ce que vous foutez les filles quoi !

Photos – Miss Chine sacrée Miss Monde

Je l'avoue, je ne viens plus beaucoup en visite sur les blogs et je n'écris plus guère. Je pars pour quelques jours mais ça devrait s'améliorer à mon retour et entre temps, je lirai vos commentaires à cette nouvelle d'une très haute importance. Une Miss chinoise, cela fait signe comme disait Roland (Barthes, vous l'aviez compris).
A tout bientôt

Ajouté ce vendredi 31 : pendant ce temps, les Imams sévissent. LienAjouté ce samedi 1er septembre : un nouveau Robin des Bois ?

Ajouté ce vendredi 6 septembre à la suite des recherches de JEA, un lien sur le commentaire bien tarte de l'élection de Denise Perrier.

vendredi 17 août 2012

Clair obscur


Des amis de passage avaient vu l'exposition "Corps et Ombres " de Montpellier et souhaitaient visiter celle de Toulouse au Musée des Augustins, un diptyque consacré aux peintres inspirés de Caravage.
Le jardin du cloitre est paisible. On croise au détour d'une allée une impressionnante cohorte de gargouilles posées sur leur derrière et qui semblent ainsi hurler à la lune.



Point de Caravage aux Augustins, mais ses émules du Nord et notamment de l'Ecole d'Utrecht, inspirés de sa technique d'utilisation de la lumière et de l'ombre pour rehausser la dramaturgie des scènes essentiellement bibliques. J'ai été très frappée du contraste entre les visages du Christ martyr (le plus souvent résigné, replié sur une douleur muette) et ceux des personnages qui l'insultent, leurs rictus de joie mauvaise, d'exultation.


Le Couronnement d'épines Dirck van Baburen

J'ai été séduite par un très petit tableau de Rembrandt peint à 21 ans : "la fuite en Egypte". La photo ne rend pas compte de la délicatesse et de la luminosité de l’œuvre.



Intéressante la figure de Gerrit van Honthorst, surnommé Gherardo delle Notti (Gérard de la nuit) pour son art du clair obscur, l'apport précisément de Caravage qui aura bouleversé le monde de la peinture de son époque





Nous avons ensuite arpenté la partie du musée consacrée aux expositions permanentes avec notamment une intéressante mise en parallèle des moules plâtres et des œuvres achevées en bronze ou en marbre.

Comme il faisait très chaud dans la ville, après un repas pris dans un restaurant végétarien "la faim des haricots", nous nous sommes repliés sur les Jardins des Martels dont j'ai déjà fait ici l'éloge. Mes amis ont été éblouis par la collection de lotus et ont acheté des graines avec la ferme intention d'en envahir la mare qui se trouve dans leur jardin des Landes.



Et... oui, 21 ans, déjà !

vendredi 10 août 2012

Ombre et lumière de la solitude


« L’histoire des hommes est la longue succession des synonymes d’un même vocable. Y contredire est un devoir » René Char.
C'est par ces mots que Patrick Boucheron a conclu jeudi 9 août au Banquet du Livre de Lagrasse, son rendez-vous -très suivi- de 12h30 des Conversations sur l'histoire. Il parlait ce jour là du cloitre, et plus généralement des lieux où on se "retrouve" comme se retrouvaient les lettrés et les religieux dans la familiarité des cloitres. Voyager dit-il c'est devenir soi-même l'étrange et s'obliger à une perte de repère qui permet de réellement découvrir les lieux alors que la plupart du temps nous venons reconnaître ce que nous en savons. Qui peut se vanter de découvrir Venise ou Rome ou les Pyramides d'un "œil neuf".

C'était bien cette familiarité avec le lieu, l'Abbaye et ses fidèles qui chaque année se rendent à ce rendez-vous d'août que j'étais venue "retrouver". L'an dernier j'étais à Fribourg à la même époque. L'année précédente (2010)le Banquet s'était déroulé sans Bob (Gérard Bobillier) mais en présence de ses vieux complices (Michon, Rolin, Macé, Quignard, Mesguich et Milner). Tous lui avaient rendu un vibrant hommage. Les habitués avaient tous suspecté un changement de cap après sa disparition..

L'édition 2008 avait été éblouissante, avec la projection des films du cinéaste arménien Artavazd Pelechian (Nous, Les saisons, Notre siècle) et en ouverture un concert somptueux du Troubadours Caravan. Il est vrai qu'on s'interrogeait "Le monde existe-t-il ?

Cette année,le thème n'était pas moins fort : "Ombre et lumière de la solitude". Pourtant, est-ce parce que je n'y suis allée que trois jours, je n'ai pas "retrouvé" l'atmosphère si particulière de ferveur dans le partage d'instants de magie poétique et spirituelle.

Beaucoup de philosophie universitaire, un peu trop désincarnée à mon goût, même si nous avions affaire à de la pensée de haut vol. Un rajeunissement certain des intervenants à qui il manque peut-être la patine d'un voyage temporel plus long.


Gwenaëlle Aubry

La commission de sécurité a imposé que les conférences se tiennent sous un barnum (qui défigure la vue sur l'abbaye). Il est vrai que le cloitre devenait trop exigu et que son sol, très accidenté accueille mal les sièges en plastique solidarisés qui sont préconisés.
Pas d'intermède musical entre les conférences, deux musiciennes nous régalaient Joëlle Cousin (violon) et Laurence Disse (piano), elles ne sont plus de la fête.
Lassitude aussi d'un rituel. Je ne sais. Boucheron est certes brillant, drôle, clair et profond. La demi-heure en sa compagnie est du plaisir pur, ces moments trop rares où l'intelligence de l'orateur déplie en nous les ressources cachées d'une intuition qui attendait de se déployer.
Après ? Il faisait chaud !
L'Orbieu m'a aidé à supporter la canicule et les retrouvailles avec les amis ont compensé l'absence de figures majeures (à mes yeux).

Le soir, je prenais la route vers Carcassonne où m'accueillaient des amis. Le matin, en ouvrant la porte-fenêtre, j'avais le plaisir des couleurs fraiches et du bel ordonnancement de ce petit jardin.


Je savourais un instant de solitude, avant de repartir à la rencontre de mes semblables.

Photos ZL, août 2012.

dimanche 5 août 2012

Indispensable solitude.

Nous avons la chance d'être basés dans un pays peu fréquenté par les touristes de sorte que nous bénéficions d'une paix royale quand d'autres sont entassés dans des lieux d'où la moindre parcelle d'authenticité a été éradiquée au profit de la panoplie attrape-gogos, gaufre, barbe à papas et menthe à l'eau à cinq euros pièce -sans la paille -.



"Libère toi autant que tu le peux et tu auras fait tout ce qui t'incombe; car il n'est pas donné à tout le monde de briser toutes les barrières ou, plus explicitement, ce qui est une barrière pour l'un ne l'est pas nécessairement pour tous. Aussi ne t'épuise pas contre les barrières des autres : il suffit que tu abattes les tiennes. Qui a jamais réussi à abattre ne serait-ce qu'une barrière pour tous les hommes ? N' y a -t-il pas aujourd'hui comme de tout temps, des milliers et des milliers de gens à courir les rues avec "toutes les limites de l'homme" ? Celui qui renverse une de ses barrières peut ainsi avoir montré aux Autres la voie et la manière; le renversement de leurs barrières reste leur affaire." Max Stirner, L'unique et sa propriété

Vaste programme comme disait l'autre.

Photos ZL. Ma belle amie au bain, août 2012

lundi 30 juillet 2012

Des nouvelles de l'Ogre.


Pendant que la Sorcière batifole, glandouille, se gave de pêches et d'abricots, le Gigot de potence cogite et ça donne du bon jus de neurone à siroter en douce en contemplant l'azur, bercé dans son hamac. Faites gaffe, ça récure un peu les tuyauteries du crâne, ça peut éventuellement les rincer en trombe. Un nettoyage salutaire pour les thromboses toujours à craindre par ces temps de grande crasse communicationnelle. Merci allumeur d'étincelles! La Sorcière te couvre de poudre de rires.

La Sorcière conseille la série Ogres et sorcières de Gilbert Pinna, une méditation parallèle, mais dont la rencontre à l'infini est si proche .

samedi 21 juillet 2012

Je ne m'en lasse pas


Je ne bouge plus de ma colline. Je me contente de regarder les tournesols qui vont bientôt changer leur or pour une sale couleur cramée, signe que l'été sera en fuite. Il ne fait pas très chaud et les "juillettistes font la tronche. Moi ça me va, j'en profite pour bouquiner.

"La transgression est un hommage à l'interdit, elle offre un exutoire à l'oppression, elle ne la détruit pas, elle la restaure. L'oppression a besoin de révoltes aveugles." (p 26).

La délicatesse des roses trémières alors qu'elles sont coriaces et puissantes m'enchante.

"Nous sommes submergés de faux problèmes qui occultent les vrais. Les opinions sans cesse manipulées, manipulent en fait ce qui devrait être du seul ressort des individus : les aléas des désirs quotidiens, ce qu'ils souhaitent vivre et comment ils ont les moyens de briser ce qui les enchaîne." (p23)

"La volonté d'en finir avec le consumérisme, où l'avoir supplante l'être, obéira moins aux injonctions éthiques qu'à l'attrait d'une vie libre."


"Seule la poésie échappe à l’œil acéré du pouvoir. Seule la passion de vivre fait reculer la mort" (p31).

Raoul Vaneigem L'état n'est plus rien, soyons tout. rue des cascades. 2010

Ce cher vieux Raoul. Toujours un excellent viatique pour les temps à venir. Je ne m'en lasse pas.

dimanche 8 juillet 2012

Confluence

L'amie qui m'a hébergée pendant mon séjour à Lyon habite près de la place des Terreaux soit dans le Vieux Lyon. Elle m'a montré les fameuses traboules et nous avons grimpé du bas d'une colline vers le haut puis redescendu via l'escalier. Des gamines devisaient, assises sur les marches, un jeune homme installé sur une minuscule terrasse, devant son ordinateur ne levait pas plus le nez vers nous que s'il était enfermé dans un bureau.

Un bouchon lyonnais, pour honorer les attentes de tous ceux qui m'ont souhaité d'y goûter, je n'ai fait qu'en fixer l'image.



Lyon s'est doté d'un Vaporetto, navette fluviale qui relie le centre de Lyon à la Confluence Rhône Saône. Trente minutes à peine à glisser sur le fleuve, toujours un plaisir de retrouver la fluidité du voyage de pair avec sa relative lenteur. Sur les anciennes friches d'entrepôts et de gare de triage, sont désormais installés des symboles forts de la puissance publique tel l'Hôtel de Région particulièrement monumental et de la puissance commerciale (un énorme Centre dédié au fétichisme de la conso). Tout le quartier est en chantier.

Intérieur Hôtel de Région.
En contraste, nous avons déniché, après avoir longé des restaurants très huppés où on ne peut s'asseoir sans avoir réservé, un "itinérant", Chez Francis installé dans un Algéco qu'on oblige à se trimballer d'emplacements provisoires en stationnements temporaires avec une forte nuisance pour ce modeste établissement qui a du mal à retenir sa clientèle, alors qu'il sert une honnête cuisine de base pour un prix modique. On déjeune face à la rive sous le parasol .
On peut parier que l'existence de ce quartier où se côtoient avec plus ou moins de bonheurs une succession de délires d'architectes, va attirer l'activité commerciale et doubler la surface actuellement disponible pour les Lyonnais. On peut aussi s'étonner de l'envergure du projet et s'il ne relève pas de ce que d'aucuns appellent les très grands travaux inutiles.

J'ai été très frappée par la bonne coordination tramway, bus, métro (et vélo) qui explique sans doute l'impression de circulation aisée en centre ville. La voiture semble avoir perdu son omniprésence antérieure. Je n'étais pas venue à Lyon depuis plus de 15 ans sauf une visite éclair et j'ai regretté de ne pas avoir le temps d'y flâner et de m'y attarder.

Photos ZL, juillet 2012

dimanche 1 juillet 2012

Le tango des lauriers roses


Me voici repartie pour quelques jours. Cette fois ce sera Lyon.
J'ai passé la journée en préparatifs, puis je me suis attaquée aux lauriers roses qui ont beaucoup souffert de l'hiver exceptionnellement froid, suivi d'une certaine sècheresse. Ce dernier mois étant particulièrement humide, de toutes petites feuilles se relancent, J'ai coupé tout bois mort gênant la reprise. Travail délicat.
Je ne viens plus beaucoup sur mon blog, mais j'ai l'impression que l'activité des blogs subit un certain ralentissement. Subjectif sans doute.
Afin de vous donner envie de bien démarrer cet été, un tour de tango insolite, bien qu'appartenant à une certaine tradition.
A tout bientôt avec des nouvelles des bouchons.

Photo ZL, Les lauriers roses du temps de leur splendeur.

mercredi 27 juin 2012

Bienvenue à une icône : Aung San Suu Kyi

Aung San Suu Kyi à son arrivée à Oslo pour y recevoir le Nobel de la paix, le 16 juin (Markus Schreiber/AP/SIPA)



A l'époque où elle subissait un procès inique, je lui avais rendu hommage ainsi qu'à d'autres résistantes sous l'intitulé les femmes sont au front.
Aung San Suu Kyi est en visite en Europe et à Paris, elle est reçue à l'Elysée par François Hollande.
Même si elle n'est pas la seule figure de la résistance en Birmanie, elle reste un symbole fort en France de la pugnacité des femmes dans la lutte pour la démocratie. Quand on voit ce qui se passe dans les pays qui ont cru que la révolution allait accoucher de la liberté, on est d'autant plus touché par le combat de cette femme qui a au moins reconquis sa liberté de mouvement après 15 ans de privation de ce bien précieux.

mardi 19 juin 2012

G 20 / Rio + 20. Rien ne va plus ! Faites vos jeux !

http://alter-echos.org/wp-content/uploads/2012/05/controle-economie-verte.jpg

L'économie verte, c'est le nouvel eldorado des marchés financiers. La bulle immobilière a éclaté faisant les dégâts qu'on sait. Ils ont plein d'argent pour jouer au casino mondial. Ils ont trouvé le nouveau Monopoly : la Planète. Et là, ça va faire encore plus mal.
En amont de Rio+20, le G20 se tient au Mexique et les puissants préparent le nouvel ordre mondial qu'ils vont tenter d'imposer à Rio où le Sommet des Peuples représente 194 pays dont ceux qui seront les laissés pour compte des profits juteux escomptés de la mise en pièces des terres, des forêts, des eaux, autant de biens communs que souhaitent s'approprier les goulus de la finance internationale.
Même si la résistance s'est mondialisée, même si les Indiens réussissent de temps à autre à faire reculer certains projets, il va falloir sérieusement se coltiner la question : changer définitivement d'imaginaire et mettre au rebut les vieux (et les jeunes) barbares qui ne savent jouir qu'en prédateurs cyniques. Inventer un modèle moins consumériste, moins gourmand matériellement. Quand on voit le nombre de choses laides qui s'empilent dans nos vitrines, on se dit que ça ne devrait pas être si difficile


Photo prise dans le quartier du Marais. Boutique très conceptuelle où la moindre babiole coûte un bras. Clin d’œil à Henri Zerdoun qui me l'a montrée, comme une folie, un délire, ce qu'elle est.

J'ajoute ce lien vers la manifestation des mouvements opposés à la mise en coupe financière de la nature. Pour ceux qui pensent que ça vaut la peine de s'agiter...

samedi 16 juin 2012

Elina Ostrom rejoint le lieu commun des mortels



"Première femme à obtenir un Prix Nobel d’économie (en 2009) pour ses développements sur la théorie des communs [1], Elinor Ostrom est décédée ce mardi 12 juin, à l’âge de 78 ans. Chercheuse politique infatigable et pédagogue ayant à cœur de transmettre aux jeunes générations ses observations et analyses, elle avait, malgré sa maladie, continué son cycle de conférences et la rencontre avec les jeunes chercheurs du domaine des communs au Mexique et en Inde. Récemment encore, elle exprimait son sentiment d’urgence à propos de la conférence Rio+20 qui se déroule actuellement [2]. Une conférence durant laquelle le terme de « communs » devient un point de ralliement, jusqu’à figurer dans le titre du « Sommet des Peuples pour la justice sociale et environnementale en défense des biens communs ».
Le Monde Diplo

[1] Hervé Le Crosnier, « Une bonne nouvelle pour la théorie des Biens Communs », 12 octobre 2009, Vecam.

[2] Elinor Ostrom, « La politique verte doit être impulsée de la base », Les Echos, 12 juin 2012.


On peut retrouver ici un certain nombre d'articles qui lui ont été consacrés.
Alors qu'à Rio, on va une fois de plus évacuer la question de la préservation des biens communs au profit de "l'économie verte", la pensée d'Elina Ostrom devrait soutenir, en effet, tous ceux qui rassemblés au Sommet des Peuples vont tenter de peser sur les décisions (ou l'absence de ) de la Conférence Internationale pour tenter d'inverser la tendance suicidaire du monde actuel.