Ainsi, en visite dans le marais poitevin, l'étrange odeur fétide de l'eau dormante du petit lac autour duquel se dispersaient les chalets qui nous servaient de chambre. Nous étions une poignée d'escaladeurs de falaises sociales, venus de plusieurs pays européens et on nous présentait un système astucieux (le groupement d'employeurs) qui permet de créer des emplois pérennes dans ces endroits de ruralité profonde. Un jeune homme fougueux nous avait expliqué comment, de cette façon, on pouvait installer des éducateurs sportifs ou des animateurs culturels dans de toutes petites communes qui ne le pourraient pas seules. Hélas, pour illustrer l'extrême intérêt de ces emplois mutualisés qui combinent des postes chez différents employeurs pour offrir un plein temps sécurisé aux personnes, on nous a emmené visiter une usine d'embouteillage, de vin mais aussi d'eau.
Nos amis italiens, eux-mêmes très engagés dans la lutte pour l'accès universel à l'eau, ce qui suppose que les multinationales de l'eau disparaissent au profit d'une mise à disposition régulière et régulée par la puissance publique, ont commenté, les mains sur la tête : "c'est comme emmener un végétarien dans un abattoir".
J'ai eu la chance de n'avoir jamais travaillé en usine et chaque fois que j'ai pu approcher cet univers, non seulement la visite m'a lessivée (on mesure ainsi l'usure subie par ceux qui s'y collent quotidiennement), mais je n'ai pu m'empêcher de buter sur cette énigme anthropologique (même si je connais bien la réponse) : comment a-t-on pu en arriver là ! Le principe même de cette mise sous plastique d'un élément qui nous est absolument essentiel pour vivre. Les concepteurs de ces chaines hallucinantes (les Italiens sont les meilleurs selon notre guide), en partant de plastiques préformés création des bouteilles, remplissage, pack moulé de plastique, puis constitution de palettes elles-mêmes emmaillotées de plastique. Tout cela sans l'intervention d'un seul bras humain. Le seul boulot d'un clampin planté devant la chaine : repérer l'incident potentiel et arrêter la chaine. Des millions d'emplois de cette nature dans le monde, pour fabriquer du non sens. Ainsi en l'occurrence : 6000 bouteilles de vin et 20000 d'eau à l'heure pour les linéaires du Carouf local, et pour l'export, des milliers de mètres carrés immobilisés pour le stockage, des camions dans tous les sens pour charrier les citernes dans un sens, les palettes et les caisses dans l'autre. On pense, en regardant circuler ces objets si familiers, mais qui, réunis de la sorte, deviennent parfaitement étranges, on songe au jour où cette usine, comme beaucoup d'autres s'arrêtera (plus de marché, pas rentable, dépassée par la concurrence, bref), on songe à l'amas de ferrailles et de saloperies imputrescibles qui resteront à faire repartir vers leur origine, la terre, d'où les archéologues des années 20?? les extirperont afin de nettoyer les sous sols avant remise en exploitation agricole. On connait d'ores et déjà le phénomène à ailleurs. Et à Détroit en particulier.
Passons à autre chose. Je ne regrette jamais d'avoir décidé un jour que je ne serai plus parisienne, sauf de temps à autre, lorsque j'apprends par exemple que la fête à Boby se tiendra mercredi 17 au café de la danse. Mais ils viendront bien par ici.
Quant à l'exposition consacrée à Edward Hopper, elle s'installe au Grand Palais jusqu'en janvier. Je suis censée pointer mon nez dans la capitale d'ici là mais j'imagine que la longueur de la file d'attente me découragera.
Pour conclure ce billet bien mélangé, un double coup de sang : le verdict à l'égard des organisateurs des tournantes. Message envoyé aux filles qui subissent et aux jeunes brutes qui "s'amusent" : "pô grave! " Enfoirés!!!
Petit ajout suite au commentaire bienvenu de JEA, un lien vers le Festival des Libertés de Bruxelles. Magnifique programme de films, de concerts, de débats. Aller sur Mosaïques pour des extraits commentés
Petit ajout suite au commentaire bienvenu de JEA, un lien vers le Festival des Libertés de Bruxelles. Magnifique programme de films, de concerts, de débats. Aller sur Mosaïques pour des extraits commentés