"On en a beaucoup entendu parler, partout, à la télé, à la radio, dans les journaux" m'a dit un ami à mon retour de Tunis.
Ah, bon ! Mais je croyais au contraire que...
Je plaisantais a-t-il rétorqué mettant fin à mon air stupéfait.
Eh oui ! Deux ans après la Révolution de Jasmin, alors que plus de 45000 personnes se seront rencontrées à Tunis pour élaborer ensemble des stratégies pour s'opposer à la déliquescence du monde tel qu'il va, ça n'intéresse pas nos médias. Il faut reconnaître qu'ils ne sont pas particulièrement à la fête dans ces assemblées où on les accuse d'être
"les nouveaux chiens de garde", alors ils boudent.
Heureusement il existe quelques alternatifs qui font le déplacement et recueillent les témoignages de ceux qui croient qu'un nouveau monde est possible.
Basta par exemple où on peut trouver -si on s'y intéresse- une manne riche d'informations sur le FSM, la crise financière, et surtout sur
les expériences qui changent le monde ici et maintenant.
Car, fort heureusement, les citoyens, partout, s'organisent pour tenter de bouter hors des places qu'ils occupent de façon illégitime (ils ne sont les élus d'aucune assemblée démocratique) les gouverneurs qui ont organisé à leur avantage l'économie mondiale dont les bénéfices est-il nécessaire de le
rappeler emplissent les comptes de paradis fiscaux, une toute petite minorité qui par ailleurs invite le reste du monde à se serrer la ceinture et à jeter par-dessus bord tous les systèmes de solidarités nationales.
Donc, que de grands utopistes s'agitent dans un petit pays qui se débat pour ne pas être à nouveau dépecé par
la compagnie des prédateurs internationaux, tout le monde s'en fiche.
Et pourtant, la Tunisie est le laboratoire du Maghreb Machrek et tous les démocrates de cette région sont attentifs à l'évolution politique du pays, les démocrates mais aussi ceux qui ne souhaitent surtout pas l'avènement d'une démocratie réelle dans un pays musulman qui ferait ainsi la preuve qu'Islam et égalité femmes-hommes, liberté de parole, droit à l'éducation pour tous, démocratie économique sont compatibles avec le monde musulman. Que
la Charia, ce code conçu il y a plus de mille ans doit et peut être toiletté pour répondre aux attentes des citoyens de ces pays et que laïcité et pays de religion majoritairement musulmane sont compatibles, tous les dictateurs de tous poils y sont fermement hostiles.On comprend pourquoi.
Les Tunisiens que j'ai rencontrés et bien-sûr les femmes en particulier, ne sont pas prêts à renoncer à cet acquis de la période Bourguiba et il est peu probable qu'en dépit de leur pouvoir de nuire, les Salafistes et même Enhada parviennent à leurs fins à cet égard.
Assemblée des femmes, 26/03/13, FSM Tunis
C'est pourquoi la présence d'activistes (pacifistes) venus du monde entier représentait pour le peuple tunisien un formidable encouragement à tenir bon. C'était le sens de ma présence en Tunisie, je voulais y aller pour ça et pour connaître de plus près la situation de ce pays et les gens qui y vivent. J'ai parlé par exemple avec une chercheure de l'Université El Manar où se tenait le Forum. Elle me disait à quel point ce déferlement d'êtres humains joyeux, enthousiastes lui dilatait le cœur, alors que de plus en plus l'université devenait morne et triste. Les jeunes diplômés sont, pour 44% d'entre eux, chômeurs. L'hémorragie des cerveaux (et des bras) est énorme. Les jeunes partent au risque de leur vie et plus
d'un millier d'entre eux ont disparu au large de l'Europe
Je partageais une chambre avec deux joyeuses luronnes, l'une interprète pour l'équipe de Babel, l'autre comme moi dans les Alternatives. Ce partage a été aussi un des éléments du plaisir de ce voyage. Un Tunisien qui nous a offert aimablement de nous acheminer vers le centre ville et de partager un verre déplorait la mauvaise image que donnaient les médias de son pays. "La Tunisie est peuplée de gens accueillants et tranquilles. C'est scandaleuxqu'on ne parle que des quelques fous qui usent de la violence.
Cela nous mène tout droit dans le mur en privant la Tunisie d'une de ses ressources majeures, le tourisme et nous inclinant au repli identitaire." Il nous a dressé un historique de la réalité politique de son pays et toutes les raisons d'espérer. Pour défendre l'image de son pays disait-il.
Pour des analyses plus circonstanciées, reportez vous à Basta.
Je n'ai pas vu grand-chose de Tunis, encore moins de la Tunisie. J'ai regretté de ne pouvoir rester au-delà du temps du forum pour répondre aux diverses invitations qui m'étaient faites, à Hammamet, à Sousse. Mais j'y reviendrai. Et j'espère bien qu'entre-temps, les Tunisiens auront avancé sur le chemin de leur liberté.
L'entrée de la Médina
Le théâtre municipal de jour et de nuit
Photos ZL, mars 2013