J'ai de moins en moins le temps (le goût ?) de mettre en forme un soupçon de réflexion pour le donner à mâchonner à mes lecteurs (merci à ceux qui continuent néanmoins à venir sous l'arbre).
En revanche, je ne perds jamais l'occasion de rendre visite à quelques un(e)s, notamment mes râleurs préférés qui fustigent ceux qui me hérissent, et le font si bien qu'ils m'en dispensent tout en me permettant de vérifier que je ne suis pas seule à être effarée ou indignée par l'éternelle connerie qui sévit de plus en plus depuis que les médias se sont donnés comme objectif central de diffuser un "air du temps" bien dosé pour endormir toute velléité de pensée un peu autonome.
La recette est la suivante : sélectionner une petite poignée de faits divers un peu sanglants (faut qu'ça saigne disait Vian), quelques menus dérapages verbaux de nos tristes représentants, surtout si ce sont des vacheries entre amis du même bord, rappeler que le chômage, la croissance, la compétitivité toussa, c'est uber important, tendre le micro par ci par là, à ceux qui en ont ras la casquette de se faire balader par les puissants, à ceux qui trouvent que y'en a marre de payer l'impôt, c'est vrai quoi (les mêmes qui gueulent "mais que fait la police" !). Bref, ce qu'on appelle les nouvelles ne sont que de vieux ragoûts resservis jour après jour, une infâme ragougnasse .
Ainsi l'affaire Leonarda, 15 ans, arrêtée lors d'une sortie scolaire et expulsée dans la foulée, on commente et recommente, tout le monde s'indigne, alors que d'ordinaire, la plupart des expulsions se font dans un silence assourdissant. Le préfet a sans doute fait preuve d'un zèle excessif et ordonné une mise en œuvre sans nuance d'une procédure qui a lieu tous les jours et pas qu'une fois par jour, puisque pour l'année 2012, le chiffre officiel est de 36822 (soit 100 par jour si on compte bien) et qu'en août de cette année, le nombre total "d'éloignements" (appréciez l'euphémisme) d'étrangers en situation irrégulière au 31 août 2013 est de 18 126. Ce n'est pas que les médias s'emparent pour cette fois de l'affaire qui est choquant mais bien l'inverse, à savoir qu'on encourage plutôt le propos rance de "la France qui a peur" au détriment d'analyses plus objectives qui montreraient qu'en fait l'intégration s'opère en dépit des conditions indignes et des chausse-trappes qu'on réserve à ces affamés. Ce qui m'énerve c'est la mise en vedette de la jeune Léonarda qui sera ensuite abandonnée dans les limbes de l'anonymat , quand le buzz sera éteint, plus malheureuse encore d'avoir connu cette gloire artificielle quelques jours. Les lycéens se mobilisent et c'est très généreux et juste mais qu'en restera-t-il après les vacances ?
On "fête" les trente ans de la marche des beurs. A l'époque cette grande démonstration à la fois rageuse et pacifique avait provoqué toute une série de mesures pour l'égalité. Trente ans après, et même si les crimes racistes ont diminué (et c'est heureux) les banlieues sont toujours aussi mal loties, les jeunes dans certaines des plus sinistrées sont à 40 ou 50 % au chômage et si le nombre d'enfants issus des milieux populaires qui accèdent aux études supérieures a un peu augmenté, le nombre de chômeurs à bac + 5 aussi.
Mais tout va très bien madame la Marquise et notre Valls au petit pied peut continuer à flirter dangereusement avec le FHaine au prétexte de complaire aux classes populaires qui seraient tentées par un vote extrême. L'histoire nous apprend que ceux qui manipulent l'information sont les mêmes qui ont intérêt à attiser les rancœurs entre pauvres, ça maintient les classes dangereuses dans les limites qu'on leur assigne.
Quant à "la création dans le huppé XVIe arrondissement d'un village d'insertion à destination de la population Rom.", je me marre. On n'est pas prêt de voir les caravanes s'installer à quelques mètres de nos prestigieuses élites ou alors c'est que La Bastille aura été prise une seconde fois.
Le titre est emprunté à Sophie K .
Un autre de mes raleurs favoris, j'ai nommé Sergeant Pepper
Quant à Paul , ses fulmineries sont des délices.
Un très beau texte d'Alexandre Romanes « Le silence des pantoufles »
Photo nouvelobs