mardi 14 février 2012

Lisboa

Voyage au Portugal. Seulement deux petits jours à Lisbonne, le reste du temps dans un petit village plus au Nord, Chàos. Quelques points de vue où on peut constater qu'il faisait un soleil radieux. une moyenne de 14°, le choc thermique au retour a été brutal.



A Bélem, sur les bords du Tage, le monument salazariste à la gloire des grands conquérants du nouveau monde . On reconnait le style phallique caractéristique du délire de toute puissance des dictateurs


Les Portugais l'ont surnommé le "Poussez pas derrière". Il est vrai que les héros sont entassés et munis de leurs diverses machines à tuer ce qui rend dangereux une telle promiscuité.

Lisbonne est une ville toute en collines. S'y baguenauder exige une bonne qualité des genoux, (les pentes sont redoutables) et un pied sûr (les pavés volontiers glissants).

A gauche le Château Sào Jorge, il domine la ville bien-sûr et a été chèrement arraché aux Maures avant d'entrer dans la chrétienté. Au lointain le pont du 25 avril (inauguré en 1966 sous le nom de Salazar et rebaptisé après la révolution des œillets).


Il domine les Docks, zone reconvertie en haut lieu de la nuit lisboète (restaurants, boites de nuit, boutiques). Le bruit de la circulation sur le pont est obsédant et produit une sorte de musique sérielle.
Dans le port on peut contempler avec un rien d'effarement une de ces villes flottantes. Celle-ci navigue sous pavillon caribéen, ben voyons.



Dans le vieux quartier Alfama, se trouve le Musée du Fado. Musée modeste qui réunit les photos et les films montrant les gloires du fado dont de beaux portraits d'Amalia Rodriguez (Photos interdites), une collection de guitares à douze cordes, et un petit auditorium.

La nuit tombe sur la ville, on peut utiliser les tramways que les Lisboètes ont sagement conservés et qui dans ce quartier, grimpent bravement en grinçant et couinant, rasant les murs à certains endroits. Il faut être un piéton vigilant



Diner en écoutant chanter à tour de rôle deux hommes et une femme, en buvant un vin fort un peu âpre, en accompagnement d'une daurade et rentrer en métro (grande beauté des stations, d'une incroyable propreté) chez le couple qui m'a hébergée : un pasteur de l'église presbytérienne écossaise et sa femme une Brésilienne de Sào Paulo. Deux jeunes gens charmants qui adorent accueillir des gens de passage et ont choisi le Portugal comme un lieu leur permettant d'être à équidistance de leurs origines. Muito obrigada.
Lisbonne mérite mieux que ces deux journées et les quelques images (pas excellentes loin s'en faut) que je livre ici. Pour conclure un peu de saudade et la grande prêtresse.

samedi 11 février 2012

So long, Laurent.



 Laurent Perrin était un ami, un de ces êtres qui ont eu une place très spéciale dans ma vie. Nous nous étions perdus de vue depuis longtemps. Récemment son bel hommage au poète de la beat generation, Ferlinghetti, le dernier des beatniks, nonagénaire plein d'énergie, m'avait donné l'occasion de me remémorer la belle époque où nous buvions des verres, rue de Buci avec la tribu, une communauté éphémère d'êtres affamés d'exaltation et décidés à décupler la féérie des sens et du sens. Je garde en moi, vivant, ce beau sourire.

jeudi 2 février 2012

Pause


Peu m'importe le commencement du monde


Maintenant ses feuilles bougent
maintenant c'est un arbre immense
dont je touche le bois navré

Et la lumière à travers lui
brille de larmes

Philippe Jaccotet, Poésie, 1946 - 1967. nrf Poésie / Gallimard
Photo ZL

lundi 23 janvier 2012

La Sorcière s'invite dans la Présidentielle



Le prétendant PS à l'investiture vient de faire une démonstration éblouissante du fameux proverbe "Ne te fies pas au gros minet qui a l'air de dormir. Quand il se réveille, tu te retrouves avec un dragon sur les genoux". Il faut les entendre les UMPistes, enclins au psittacisme, qui répétaient ilapaslesépaules, saisis de stupeur, bégayer meuh, cénulckidit, cépôpossib, et rameuter des has been comme le Séguéla (carbonisé depuis sa saillie à la Rolex) pour kommenter sur les ondes "la forme ok, il était en pleine forme, mais le fond n'a pas de fond, vu que dire que l'ennemi c'est le financier félon c'est juste "idiot" (sic, mais largement repris par nos perroquets aux ordres).
La Sorcière se marre.
Pendant ce temps là, le challenger (non officiellement déclaré) était promené en bateau dans une de ces contrées sauvages, civilisées par nos soins et qui a ainsi échappé à la stagnation temporelle. (Je me comprends). Il y promettait la chasse à l'orpailleur : "toutes les prises d'or aux orpailleurs clandestins seront consacrées aux investissements pour la forêt, pour ses habitants et ceux qui sont loin de Cayenne". Les sommes seront réinvesties "pour l'électricité, l'eau potable, les infrastructures dont vous avez besoin". La Sorcière s'esclaffe.
Donc, les uns sont très énervés, ils viennent de s'apercevoir que leur concurrent a tourné un double six alors qu'ils n'ont pas même réussi à dégager de la case départ, les autres sont euphoriques, mais devraient tempérer leur exultation parce que ce n'est pas gagné.
La Sorcière, modestement, propose ici quelques petits trucs utiles pour éviter la lourde gueule de bois des lendemains désenchantés.
Rassembler "la grande famille", c'est bien, mais éviter qu'elle ressemble aux Corleone.
Être un leader, pourquoi pas, puisqu'on n'a pas encore évacué ce délire de l'imaginaire collectif, mais tenter une formule un peu plus neuve, du genre animateur de réseau des intelligences réparties sur le territoire. Oublier le Château d'où tombent les diktats et le remplacer par le cercle de musique d'un chef d'orchestre sensible à l'harmonie.
Ne pas simuler la parité mais l'installer derechef (si j'ose dire). Ce n'est pas seulement justice, c'est également judicieux parce que les cerveaux féminins carburent aussi bien (voire mieux, bon un peu de parti-pris de la Sorcière) que celui des mâles, déjà tous dans les starting blocks pour s'emparer des maroquins.
S'entourer de compétences qui ne se sont pas (loin s'en faut) développées sous les stucs des Palais républicains mais au plus près des vraies gens. Merci de renouveler le personnel et notamment de rajeunir les troupes.
Enfin et surtout, puisque la grande question va être de réduire les déficits, quelques suggestions *:
- revendre l'avion sarkozien et tout le fatras installé pour complaire au mégaloprez (259millions).
- revenir au budget antérieur de l'Elysée passé de 32 à 113 millions (voire le réduire encore).
- éviter l'escorte de paranoïaque (environ 1000 policiers à chaque fois 450000 euros par déplacement à raison de 3 ou 4 par semaine, ne parlons pas des occurrences dans ces zones infestées de crocodiles que nous évoquions plus haut.)
- revoir à la baisse les largesses consenties à tous nos petits messieurs (et dames) qui une fois qu'ils ont posé leurs fesses dans un fauteuil étiqueté "service de la République" sont abonnés à des rentes insensées.
- plafonner les niveaux de rémunération qu'un quidam, fut-il bourré de talents peut espérer tirer de sa position. Il doit exister un RMA (revenu maximum autorisé).
- revoir la grille d'évaluation des salaires en fonction de l'utilité réelle. Et je reprendrais volontiers les propositions d'une autre sorcière que je cite : Boulots les mieux payés: éboueurs, travailleurs à la chaîne, infirmières, aide-soignantes, femmes de ménage, dames de la cantine, maçons, conducteurs de métro, de bus, constructeurs de routes, vidangeurs, agents d'entretien, caissières.... Boulots payés au smic: présentateurs journaux télévisés, footballeurs en 1ere division, directeurs d'instituts de sondage, etc. Ajoutons ingénieur en balistique inventant les armes super sophistiquées, traders, publicistes et autres bonimenteurs, etc.
La Sorcière est hilare.
Nos agités de la volière ergotent que l'urgence serait de rassurer les marchés. Alors que l'urgence c'est de redonner de l'énergie et de l'espoir aux forces vives de la République.
A vous de voir, chers prétendants. La Sorcière vous conseille d'écouter ce petit air qu'elle chante parfois pour se donner du cœur à l'ouvrage. Qui sait, cela pourrait vous en donner itou.

*les chiffres sont tirés de "L'argent de l’État, un député mène l'enquête" René Dosière, à paraître en février et à retrouver dans "Les bons comptes font les bons ennemis" Siné mensuel de janvier
La Sorcière s'invite dans la Présidentielle

jeudi 19 janvier 2012

La lucidité de l'homme qui rêve.

Couverture de l'ouvrage de Philippe Ségur, "Le Rêve de l'homme lucide" (Buchet-Chastel).



"Vous semblez avoir une façon assez machiste de traiter les femmes, on dirait.

- Vous semblez avoir une façon simpliste de lire un livre, on dirait.
(...)
Je décris l'état moral d'un individu de genre masculin à un moment donné de sa vie dans une certaine société à une certaine époque. Je ne connais pas les lois générales, les vérités abstraites, les doctrines définitives. Je ne sais pas ce qu'est le machisme. Le machisme est votre problème, madame. Mais je suis prêt à vous aider à le régler.
(...)
Elle aurait eu besoin d'un macho dans mon genre, cette féministe au ventre dur. Un macho dont le paternel imposait sa loi à sa famille, interdisait à sa femme de travailler, comptait l'argent qu'il lui donnait de la main à la main comme un souteneur, comme un colon à sa domestique, passait ses week-ends devant la télé à regarder des matches, ne s'occupait pas de ses gosses sinon pour exiger leur respect et cognait son fils à coups de poing sur les épaules, là où ça ne laissait pas de traces, mais d'autres bleus inguérissables.
Oui, c'était un type dans mon genre qui lui aurait fait du bien. Un macho de la seconde génération qui plaçait haut la délicatesse, la subtilité et la sensibilité féminines, qui aimait les femmes pour ce qu'elles étaient et qui était féminin lui-même pour autant qu'il avait compris ce que cela voulait dire. Plutôt la tendresse que la force, la communion que la domination, l'union que la jouissance. Mais comment lui expliquer ? Elle semblait considérer qu'on ne pouvait réussir qu'en marchant sur la gueule des autres et qu'on avait toujours raison du côté du canon - tout comme chez les hommes, d'ailleurs, chez lesquels elle l'avait appris. Aussi n'avais-je rien à lui dire, car je n'étais ni de son côté ni de l'autre, mais ailleurs" (*)

Philippe Ségur. Le rêve de l'homme lucide. Buchet Chastel.

Si vous ne connaissez pas l'humour et la mélancolie de Ségur, commencez d'emblée par son dernier né, il est de mon point de vue le plus violent et le plus doux. Si vous n'avez aucun goût pour les introspections déchirantes qui vous font douter de vos choix de vie, voire de votre existence propre, il vous y engagera pourtant à ses côtés car les questions que son personnage se pose, les hallucinations et les rêves qui le bouleversent sont la figure inversée de la réalité d'un monde qui ne laisse plus aucun espace d'invention de soi, où le je du jeu social est le fantôme en creux de tous les moules où se trouvent comprimée notre chair et torturée notre âme. Attention nulle moraline sous la plume de Philippe Ségur, plutôt le rire fécond de celui qui ne craint plus rien : il sait qu'il n'y a pour vivre pas d'autre choix "que de mettre un pied devant l'autre".

(*) extrait choisi en spéciale dédicace à JEA.

A la rencontre du poète Philippe Ségur

samedi 14 janvier 2012

Toute la musique que j'aime

Grecs d'Asie Mineure

Je n'invite pas souvent la musique sur ceblog et en particulier je n'use et n'abuse pas des vidéos. Ce n'est pas que la musique me soit étrangère mais plutôt que je trouve plus difficile de la mettre en partage.
Or, ces derniers jours, la musique klezmer s'est invitée à plusieurs reprises dans ma bulle de sons. Clopine proposant une version klezmer de la gymnopédie n°1 d'Erik Satie et considérant qu'ainsi interprétée, elle est moins "dormitive". Je proteste, Satie c'est du piano pur. Mais voyez ou plutôt écoutez vous-même et peut-être serez-vous de l'avis de Clopine. Ce n'est pas pour autant que la musique des Juifs ashkénazes ne me touche pas. Oh mais non.
Kara en commentaire de mon précédent billet annonce un concert ayant lieu à Bordeaux avec un avant goût très mélancolique, j'y ajoute un morceau plus enjoué. Magnifique non ?
Je lui répond que j'aime beaucoup John Zorn, saxophoniste mais surtout compositeur, écouté plusieurs fois à Marciac et dont le jazz est empreint de résonances klezmer.
Dans la foulée j'écoute un enregistrement d'Itzak Perlman, rencontrant d'autres orchestres et je pense soudain que je n'ai pas assisté à beaucoup de mariages mais ceux de deux amies juives étaient animés par un orchestre jouant de la musique klezmer.
Regardant la vidéo, je me revois dans l'ile d'Alonissos où j'ai passé quelques mois, hébergée par des pêcheurs dont l'un jouait délicatement, avec ses grosses mains abimées par le filet et le sel, au violon, le Rebétiko *. C'était un rebétiko d'origine d'Asie Mineure, l'ïle est très proche de la Turquie et a accueilli beaucoup de réfugiés de la guerre gréco-turque. Cette veine là fait une place importante au violon. Notre pêcheur remplaçait tout un orchestre grâce à sa fougue, les femmes reprenaient en chœur les refrains. Nous nous tenions sur la langue de béton qui servait de terrasse avec tout au bout une jetée où étaient amarrés les trois caïques de la grande famille qui vivait là, installée dans une crique. Tous les matins en me levant, je clignais des yeux tant la lumière était à la fois douce et violente sur la mer à perte de vue. Je revois le vieux gardien de chèvres, âgé de 80 ans, qui s'arrêtait à la taverne tenue par la femme du violoniste, et m'invitait à danser (grand honneur, les hommes grecs dansent le plus souvent entre eux) au cours de ces concerts improvisés (dont il était friand et qu'il réclamait si Panayotis ne s'y mettait pas spontanément), Il était chaussé de sandales en pneus dont les lanières de tissu remontaient en croisant jusqu'aux genoux et pourtant j'avais du mal à le suivre avec mes jeunes jambes de 20 ans (que serait-ce aujourd'hui!).
Toutes ces musiques ont en commun de remplir de bonheur des gens ordinaires qui dansent et chantent ensemble, alors que la vie par ailleurs ne leur fait pas de cadeaux. Klezmer, Jazz, Rebetiko, le génie du peuple avant tout.

*C'est cet extrait qui me parait approcher au mieux la musique de Panayotis, tout en étant moins gai et enlevé.Lien
Ci-dessous les liens actifs de mes visiteurs ou les ajouts qu'ils m'inspirent. N'hésitez pas à allonger la liste.
JEA Krole, David Krakauer
Une conférence sur la musique klezmer par Denis Cuniot. Merci Mireille
A Stickele Broït, Par Meshouge, Live in Bordeaux. Merci kara

mardi 10 janvier 2012

La ressourcerie de Zoë


Les ressourceries ont pour rôle de récupérer et valoriser les objets abandonnés. Compte-tenu de la vitesse de péremption de l'information, et en raison de mon goût pour la transmission, cette rubrique remplacera le vent des blogs qui ne souffle plus beaucoup ces derniers temps pour cause de cessation d'activité de la corsaire. La ressourcerie accueillera donc les pépites que j'aurais jugées dignes de faire un petit tour de piste supplémentaire, en vitrine sous l'arbre. Ceux et celles qui me font l'amitié d'une visite partageront ainsi avec moi les rires ou les colères qu'elles auront suscités. Bien entendu, cette activité de glaneuse se fait beaucoup au moyen des liens qu'on trouve à l'affiche ici même mais pas que. L'exercice me permet de vous offrir le mariage de la carpe et du lapin, soit un brouet éventuellement indigeste. A vous de juger.

« Personne ne comprendra et peut-être ne croira que quand je suis vivante, c’est-à-dire quand je fais de la musique, lis, peins ou m’intéresse aux gens qui le méritent, mon mari est malheureux, inquiet et en colère. Mais quand je lui couds des blouses, recopie ses textes, accomplis toute une série de corvées et me fane doucement et tristement, mon mari est tranquille, heureux et même gai. Et voilà ce qui me brise le cœur ! »
Il ne s'agit pas d'une confidence personnelle (quoique...) mais d'un extrait de "Ma vie " de Sofia Tolstoï dont Tania a magnifiquement résumé le propos comme elle le fait régulièrement dans son blog riche et délicat. Il semble qu'un siècle plus tard, on n'ait toujours aucun mal à la croire.

Un peu d'humour noir : peut-on privatiser les funérailles de Maggie.

Une colère noire : les mots manquent pour qualifier ce que JEA, a débusqué dans la jungle des publicitaires, les plus grands pollueurs de nos cerveaux trop disponibles. J'ai hésité à reproduire ici l'image incriminée parce que criminelle mais je crains trop que vous ne passiez à côté de ce pur déchet qui n'est recyclé ici que pour mieux l'envoyer dans les poubelles du diable



Banaliser l'horreur pour qu'elle se réinstalle sans que personne ne bouge, comme on peut le craindre en Hongrie, même si la monstruosité de la Shoah semble indépassable.

Pendant ce temps là, les affaires continuent et les niches fiscales se font accueillantes aux ploutocrates. Voyez Total.

Je n'avais pas l'intention de proposer des tartines de fiel, et voilà, ma première ressourcerie est tout sauf une doucerie.

Vais-je oser pour finir vous offrir, avec l'accent québecois, ben ouais, une série de constats indéniables dont la conclusion peut sembler un peu mièvre et pourtant, y'a bien que ça à faire, et sans attendre.

L'illustration, c'est l'ami Lamy qui me l'a fournie, merci à lui. Il parait que Lee Friedlander est un de ses maîtres. On comprend pourquoi.