jeudi 5 mars 2020

Escapade en nostalgie

Mon amie chérie voulait passer quelques jours à Sète. Retrouvailles avec la belle bleue, enfin un peu moins bleue, le temps était instable.


Propice pour la visite du Musée Paul Valéry. Plusieurs salles d'exposition Les collections permanentes se composent essentiellement d’œuvres du XIXème siècle

Le fonds illustre par ailleurs très largement les deux écoles sétoises qui, au XXe siècle, ont donné à la ville sa renommée dans le domaine des arts plastiques : le Groupe Montpellier-Sète (François Desnoyer Jean-Raymond Bessil, Gérard Calvet, Gabriel Couderc, Camille Descossy, Georges Dezeuze et Pierre Fournel) et la Figuration Libre (représentée notamment par des œuvres de Robert Combas et de Hervé Di Rosa). (extrait du site)


Gabriel Couderc (1905-94)  Le Port de Sète, le matin (1948)
La salle réservée à Paul Valéry  rassemble manuscrits et dessins du poète. les lettres à sa petite fille sont très émouvantes. 
Dans une salle, une vidéo nous donne à lire le fameux poème Le Cimetière marin pendant qu'il se déroule par la voix de Daniel Mesguish

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !  

Paul Valéry repose sous une stèle très simple dans le fameux  Cimetière Marin au bas du Mont Saint Clair d'où on peut contempler la mer. 

 

Cette toile de Robert Combas (capture personnelle, donc pas excellente) en hommage à Brassens et sa chanson "Dans l'eau de la claire fontaine", une manière de transition vers l'Espace qui lui est dédié.
On visite l'espace Brassens avec la voix de Georges dans les oreilles, on découvre des instantanés de sa vie qu'on ignorait, on contemple sa belle écriture serrée, on réécoute "Trompettes de la renommée" 
en se disant qu'il n'aurait pas supporté notre époque d'exhibition forcenée, on contemple les fossettes de ses sourires qui attestent de l'extrême générosité de l'homme en savourant la modestie de ses propos. Cette modestie qu'on retrouve sur sa tombe, dénichée après avoir tourné au milieu de marbres arrogants dans le cimetière près de l'étang où repose près de lui la femme qu'il n'a pas demandé en mariage mais qui a été unie à lui jusqu'à sa mort. Joha Heiman, dite Püpchen ("petite poupée"), née sur les bords de la Baltique en Estonie lui a sans doute inspiré plusieurs de ses plus belles chansons / poèmes.


Entre temps, un film, "Un divan à Tunis" avec l'actrice iranienne Golfisteh Faharani (magnifique). On a reproché au film ses clichés sur la société tunisienne. La réalisatrice est franco tunisienne et son choix de Golfisteh Faharani plutôt qu'une actrice tunisienne a peut-être pour motif de protéger l'interprète de problèmes dans son pays. C'est une comédie grave sur le retour au pays quand on n'y est pas né soi-même et le choc culturel que vit le pays lui-même qui redécouvre la liberté d'expression après des années de dictature tout en restant enfermé dans les dogmes d'une société patriarcale. Une illustration de la nostalgie des racines, d'un lieu où elle se croit "appelée pour faire du bien à tous ces gens qui n'ont pas de lieu où déverser les confusions, les incohérences qui les habitent.

En allant déjeuner à la Pointe Courte, nous retrouvons une autre de nos idoles défuntes, Agnès Varda qui a immortalisé ce quartier de pêcheurs, épargné par la spéculation immobilière, qui sent la vase et la sardine grillée. Le pont de chemin de fer trouble la beauté des lieux et le calme de l'eau.  Déguster une salade du pêcheur en contemplant la vue sur l'étang de Thau, il faisait encore soleil. Repartir en se promettant de revenir. Sète est une ville où on a envie de s'établir pour y couler de vieux jours heureux.



" Faites semblant de pleurer, mes amis, puisque les poètes ne font que semblant d'être morts." Jean Cocteau



samedi 15 février 2020

L'amour, toujours, l'amour.



 https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiOc0Ntz97huMQLnlD3JBv6jUQi_92o3jkWyTzyqSVOW9X4ockjc2RRfFQ5fv3h1_i37RmEQLwis2cKA0-HBTfNUg-1gsGsz57bMSC51QoPUA_l26GlvlJwZFYnTh4Z5ZnLkdvyIQ3IFARE/s1600/Couple_Homme_Femme_Picabia.jpg

Hier c'était le 14 février, la Saint Valentin. Pure coïncidence, je lisais "L'abandon du mâle en milieu hostile" d'Erwan Larher. Pure coïncidence également je venais d'achever "Les vaisseaux du cœur" de Benoîte Groult. Deux livres sur l'amour fou. Rien de comparable entre ces deux opus si ce n'est la magie  du langage dans des styles très éloignés et cependant aussi puissants.

J'ai rencontré l'écriture d'Erwan Larher avec "Le livre que je ne voulais pas écrire" qui m'avait inspiré l'article en lien. Puis j'avais lu "Marguerite n'aime pas ses fesses" et la roue des envies de lecture m'avait tenue éloignée des autres ouvrages de ce personnage -car c'en est un- que je visitais de loin en loin sur Facebook, suivant en particulier ses péripéties de bâtisseur / rénovateur. Et puis cherchant tout autre chose à la Médiathèque, il y a quelques jours, il me tomba sous l’œil et je le plaçais sur la pile aux côtés de Virginie Despentes et quelques autres.
J'ai abandonné toute tentative de faire autre chose pour ne pas abandonner le "mâle" fou amoureux de cette étrange personne à l'allure trash de totale déjantée cependant forte en thème et qui le met en remorque de ses pérégrinations dans les bars hantés par de prétentieux inutiles, avachis, gros consommateurs de joints et de bières. Lui se trouve aux antipodes de la faune, marginal chez les marginaux tout confit dans les bonnes manières transmises avec force par un père réactionnaire à souhait et une mère effacée comme il se doit dans la province bourguignonne, capitale Dijon. Par quel improbable tour du destin ce morveux, puceau, englué dans la timidité et l'indécision  devient-il l'amant puis le mari de cette déesse, qui suscite concupiscence et jalousie des mâles, y compris du père (même s'il n'y a aucune transgression, on tient à sa place dans le monde de la bonne bourgeoisie locale). C'est en tout cas une question qui ne laisse pas en repos l'esprit et le corps du bienheureux qui bien que baignant dans la félicité de l'amour partagé s'étonne chaque fois d'avoir été choisi. On ne peut aller plus loin dans le commentaire sans porter dommage à l'intrigue dont toute la force repose sur cette question dont on n'aura aucune réponse éclairante mais qui hante tout le déroulement du livre. Ce qui est éblouissant c'est l'extrême délicatesse de la dissection des sentiments qui habitent le "mâle", si éloigné des clichés du conquérant sûr de lui, au contraire totalement subjugué par la femme qui lui ouvre l'horizon, lui apprend à regarder le monde en même temps qu'à faire l'amour, vit sans aucun respect des conventions qu'elle exècre à un point tel qu'il la conduit aux extrêmes.

L'abandon du mâle en milieu hostile
Comment deux êtres aussi dissemblables peuvent-ils s'accorder. C'est aussi la question qui se pose, de façon récurrente, dans l'histoire des deux amoureux que Benoîte Groult déroule dans "Les vaisseaux du cœur". "J'avais dix huit ans quand Gauvain m'est entré dans le cœur pour la vie, sans que nous le sachions, ni lui, ni moi. Oui cela a commencé par le cœur ou ce que prenais pour le cœur à cette époque et qui n'était encore que la peau."  Lui est un travailleur de la mer, prosaïque et plutôt inculte. Elle est une intellectuelle éprise de littérature et d'art. Il y a d'emblée mépris et méprise avant qu'ils soient mis en situation de se toucher et que leurs sangs infusent de l'un à l'autre. Ce goût effréné l'un de l'autre devra se contenter de rencontres épisodiques mais dont ils ne sauront jamais se déprendre. Chacun ayant une vie maritale s'arrange pour trouver le temps de parenthèses enchantées. C'est la femme qui écrit et alterne la première personne et la troisième, par souci parfois de mettre à distance l'absurdité de cette attraction qui reste inexplicable si ce n'est que les corps se parlent en profondeur quand leurs langages, leurs habitudes de vie, leurs aspirations mais surtout leur appartenance de classe les opposent. Benoîte Groult souligne avec humour les maladresses de son l'amant, ses naïvetés, la trivialité de ses propos, l'agacement réciproque qui en résulte et pourtant il suffit que les corps s'approchent et la chaleur de l'un à l'autre déclenche immanquablement le désir et le jeu des corps.
Vieillissant, leur plaisir d'être ensemble ne faiblit pas. Ce sont les vieux amants.

Deux histoires qui pourraient n'être que d'une grande banalité sans la virtuosité littéraire. C'est une banalité également de proclamer les mérites de la littérature,  son pouvoir de sublimation de nos humaines minuscules péripéties.
En tout cas, on referme ces deux livres avec une impitoyable nostalgie de l'amour fou. 


                   

vendredi 3 janvier 2020

Entrons dans l'année 2020 en riant aux larmes


Je vous souhaite beaucoup de rires libérateurs, ça n'empêche pas les embrouilles qui risquent de nous rendre moroses surtout avec la bande de barjots qui mènent le monde, mais ça vous permettra de reprendre un peu votre souffle entre chaque averse.

jeudi 26 décembre 2019

Survol des dernières pérégrinations avant de passer en l'an 20

Septembre Saint Petersburg. (Russie)
Une ville très européenne où je ne suis pas restée longtemps, hélas et n'ai eu qu'une petite demi-journée pour l'explorer (me perdre en fait, confondant les bras de la Neva avec la rivière elle-même). Après cela j'ai eu l'occasion de la visiter à la rencontre des initiatives d'économie solidaire et le dernier jour, invitée chez Olga qui habite sur l'île de Kotline, port commercial et militaire de Saint Petersbourg. Depuis peu une route relie l’île par le Sud avec un court tunnel passant sous la voie maritime principale de la Baltique.  L'île qui fait face à la Finlande dont on voit les rives  a été complétement défigurée par le pont autoroutier  qui l'enjambe et a obligé les habitants à quitter leurs logements pour fuir le roulis incessant au-dessus de leurs têtes. Olga qui habite un peu à l'écart du monstrueux vacarme  envisageait cependant  de déménager parce qu'il est dangereux de se rendre à bicyclette de l'île au centre de Saint Petersburg par le tunnel. Pour l'avoir emprunté en me rendant  sur l'île, je confirme, je n'y risquerais pas mes os. 



De retour chez moi, un petit tour sur les bords du Tarn à Gaillac, lieu absolument paisible.


Octobre : Bergame
Promenade dans la vieille ville et diner dans un restaurant tenu par une coopérative très ancienne. Puis travail, car je ne suis pas venue en touriste

Ainsi avons nous visité la Cooperativa Ruah une recyclerie qui emploie des personnes en difficulté d'insertion et notamment des migrants.


 Une journée entière a été consacrée à la visite de la coopérative IRIS, créée en 1978 par un petit groupe qui souhaitait promouvoir l'agriculture de qualité et la consommation de proximité et qui s'est dotée ensuite d'une usine de transformation afin de contrôler d'un bout à l'autre la chaîne de production.



Nous avons rencontré un de ses fondateurs, Maurizio Gritta au sein de l'usine nouvellement aménagée, hyper moderne. Il nous a fait part de l'historique de la coopérative qui a organisé pragmatiquement son évolution tout en maintenant les principes essentiels qui étaient à l'origine du groupe d'acteurs initiaux : ne pas empoisonner la terre, créer des emplois en particulier pour les femmes, entretenir une relation directe avec les consommateurs, maintenir la propriété collective des moyens de production considérés comme un bien commun. Un objectif central est aussi d'assurer un juste prix pour le producteur et le consommateur. En suivant, la visite à la ferme a permis de mieux comprendre le lien entre toutes les activités, notamment celles qui consistent à faire connaître l'économie solidaire par le biais d'interventions auprès d'enfants de 7 à 11 ans dans leurs écoles, assurer la relève en quelque sorte.

Retour chez moi et petite après-midi détente chez des amis qui ont conçu une très belle maison construite entièrement par le propriétaire avec quelques coups de main quand même


Novembre : Jackson Mississippi
Nous sommes au cœur de la résistance des Confédérés au temps de la guerre de Sécession. Il y a d'ailleurs deux Capitoles, l'un qui n'est pas utilisé et sert exclusivement aux commémorations des hauts faits de Fédérés


L'autre tient son rôle de chambre des lois


Ce monument est dédié à toutes les femmes qui ont souffert de la perte d'un fils, d'un mari, d'un frère au cours de la guerre. 

De ce côté ci de la ville on rend hommage aux activistes des droits civiques assassinés




Medgar Evers est un héros dans la ville de Jackson. Assassiné par un suprémaciste du Ku Klux Klan en 1964 ce n'est qu'en1994, plus de 30 ans après le meurtre, que son assassin, De La Beckwith est enfin condamné après avoir vécu libre pendant 30 ans.
Chokwe Lumumba  quant à lui est également un activiste de la   Republic of New Afrika un mouvement de défense des noirs afro américains. Il est mort alors qu'il avait été élu maire de Jackson, sa mort suspecte n'a pas été élucidée.
Il n'est pas inutile d'indiquer que la population de Jackson est à 80% afro-américaine.

Nous étions merveilleusement bien accueillis par Coopération Jackson, une organisation fondée dans le but de développer une " économie solidaire " démocratique et édifiante à Jackson, Mississippi. Ses objectifs déclarés sont de développer une série d'institutions et d'entreprises indépendantes mais connectées qui peuvent donner du pouvoir aux résidents de Jackson, en particulier ceux qui sont pauvres, sans emploi, noirs ou latinos. Plusieurs coopératives existent déjà. Il s'agit notamment de l'entreprise d'entretien des pelouses The Green Team, de la ferme de légumes biologiques Freedom Farms et de l'imprimerie The Center for Community Production, qui exploite également une imprimante 3D. Ces coopératives tentent d'atténuer les causes de la pauvreté et de la discrimination tout en opérant de manière écologiquement durable. Il existe également un incubateur de coopératives, appelé Balagoon Center. L'organisation possède environ trois hectares de terrain qu'elle exploite en tant que fiducie foncière communautaire. 

Retour cahotique : correspondance manquée à Chicago où il faisait un froid de loup, transfert vers le Hyatt Regency le genre d’hôtel absurde où dans des espaces immenses  deux lits king size, un écran télé qui dévore le mur face au lit sont logés des égarés de l'espace aérien qui n'y passent guère plus d'une nuit. Gabegie absolue!

Un peu de jetlag et on enchaine. Toulouse, Forum Régional de l'Economie Sociale et Solidaire. Retenons le bel hommage à Marielle Franco, jeune femme assassinée à Rio de Janeiro en 2018

   
Juste après, Dijon où Alternatives économiques organisaient les Journées de l'Economie Autrement.
dans le Palais des Ducs et des Etats de Bourgogne. Eu le temps de faire un tour au Musée des Beaux Arts qui a bénéficié d'une très belle rénovation, et serait  l'un des plus importants après le  Louvre (dixit)



 On clôture cette cavalcade entre les continents par les illuminations de l 'Opéra.


Voilà pourquoi je me fais si rare ici. Je vous souhaite le meilleur pour l'année qui vient 

samedi 7 septembre 2019

Une insolente inspirante.

Un livre  pour découvrir une femme extraordinaire dont la vie qu'elle souhaitait "magique" a été entravée par la violence de la dictature turque qui a voulu l'annihiler et n'y est pas parvenu, du moins pas encore parce que la menace continue de peser sur elle.
Une jeune fille grandie dans une famille stambouliote, père et mère aux idées progressistes et dont l'éducation très permissive, au sein d'un univers peuplé d'artistes et d'activistes a autorisé Pinar et sa sœur à explorer leur liberté tout en se consacrant à leurs études et à de multiples activités associatives.
"Je me souviens des remontrances faîtes à ma mère et à mon père, même devant nous:"Vous les gâtez trop, ensuite elles seront faibles, elles ne pourront pas s'en sortir dans la vie. " Mais mes parents n'écoutaient guère. En réalité, ils n'étaient pas du genre à nous gâter. Car entre nous il y avait du respect mais pas de distance. Nous étions sans cesse dans les bras les un.es des autres. Même à l'âge du lycée. Ils nous aimaient, leurs comptines et leurs paroles fleuraient l'amour. Nous ne sommes pas devenues faibles. Je pense que la force d'expérimenter l'immensité de l'amour repousse les frontières. Du moins c'est ainsi que je l'ai vécu."
Faible, Pinar ne l'est certainement pas. Elle a débuté sa vie en partageant volontairement le sort des enfants de la rue avec les dangers qu'une femme encourt dans ces contextes de violence mais l'empathie qu'elle a manifesté à ces exclus lui a valu d'être particulièrement protégée en toute circonstance. Elle crée des ateliers d'artistes des rues pour permettre aux marginaux (SDF, transgenres et autres proscrits) de s'exprimer et même de tirer quelques moyens de survie de leurs productions. Elle dit qu'elle s'est construite grâce à cette période .
 Ce sont ses travaux sur la communauté kurde -elle est sociologue- qui lui valent  la torture  et la prison. Ses travaux universitaires sur le mouvement armé kurde sont la pierre angulaire qui va transformer totalement sa vie. Le 11 juillet 1998, elle est enlevé par des policiers en civil et on lui intime l'ordre de donner les noms de ceux qu'elle a rencontrés au cours de sa recherche. Comme elle refuse elle est soumise à une série de sévices épouvantables pendant deux semaines, dont elle sort le corps brisé. Elle est jetée en prison accusée d'un attentat qu'elle aurait organisé et qui avait fait plusieurs morts à la suite de l'explosion d'une bonbonne de gaz. En prison elle découvre la solidarité féminine. Ses co-détenues  massent ses membres meurtris et  la soutiennent pendant tout son séjour qui durera deux ans et demi. En dépit de l'avis des experts qui avaient diagnostiqué une explosion accidentelle, et à cause du témoignage fabriqué d'un "repenti" la désignant comme l'instigatrice de l'attentat, elle est maintenue en prison jusqu'à son premier procès qui se solde par un non lieu. Elle retrouve la liberté -sous caution - au bout de deux ans et demi.
L'expérience de la torture et de la prison ont entamé sa santé physique et psychique "Ma force psychologique n'est plus la même. je suis plus facilement atteinte par les événements, j'ai des insomnies, des angoisses. Je fais plus d'efforts qu'avant. Je ressens une très grande fatigue émotionnelle. 
Plusieurs procès ont lieu qui se soldent chaque fois par une relaxe suivie d'un pourvoi par le ministère de l'intérieur. Les médias de droite la harcèlent d'articles injurieux, menaçants.
Pinar a repris ses activités militantes et crée avec de nombreuses femmes : militantes kurdes et arméniennes, amies transsexuelles et prostituées, journalistes, artistes, chanteuses, danseuses, une coopérative culturelle , Amargi ("Liberté" en langue sumérienne).
Son engagement féministe est entrelacé avec d'autres formes d'activisme : écologique, antimilitariste, pacifiste et de façon globale tout système de domination qui produit des gagnants et des perdants, de l'arrogance d'un côté, de l'humiliation d'un autre. De la haine qui mène par exemple à l'assassinat de son ami Hrant Dink, dont la femme lâche symboliquement des colombes lors de son enterrement et évoque l'assassin de son mari : "Il fut d'abord un enfant . Nous n'arriverons à rien avant de savoir comment cet enfant a pu devenir un meurtrier". Pilar entame une recherche sur le service militaire pour comprendre ce qui"transforme un enfant en meurtrier"
L'acharnement du ministère public se maintient et menace de renvoyer Pilar en prison de façon préventive en attendant son nouveau procès. Elle a alors 38 ans (2009) et elle part avec une simple valise  pour ne pas éveiller l'attention. L'exil commence qui dure jusqu'à ce jour.
Elle restera quelque temps en Allemagne mais choisira la France dont elle connaît au moins les rudiments de la langue et  la culture.
Une nouvelle période s'ouvre qui lui offre l'opportunité de rencontrer l'homme avec qui elle partage sa vie, d'entrer à l'université comme maître de conférences associée et de partager la vie de mouvements féministes et pacifiste. Elle obtient la nationalité française
Ce livre qui mêle le texte d'accompagnement de Guillaume Gamblin et de larges extraits des entretiens qu'il a menés auprès de Pinar et des extraits de ses écrits est d'une particulière intensité. Non seulement parce que le courage et la détermination de cette femme sont exceptionnels mais ses propos recueillis sont d'une grande qualité par la profondeur et la diversité de sa réflexion sur les différentes phases de sa vie, ce qu'elle en a appris sur le monde et sur elle-même. Elle vit toujours sous la menace de tueurs mandatés pour supprimer les opposants au régime turc. Cependant elle s'applique la philosophie de Gramsci "le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté".
Continuer à résister mais jusqu'à quand ? "Car il est fatigant de lutter tout le temps. Comme plusieurs, je me sens blessée et épuisée. Je rêve d'une vie qui ne m'oblige pas à lutter sans arrêt, à résister, à m'inquiéter. Mais c'est comme ça. Soit je vais continuer à subir et à m'habituer à la torture, soit je vais résister. La vie est courte. je le sais bien mais je voudrais au moins faire croître l'espoir. Je lutterai donc jusqu'à la fin...
Ce que je retiens de ma vie ? Dans ces chemins d'espoir, on fait des rencontres magiques, on tisse des amitiés profondes, on apprend à partager, à aimer, à voyager.
C'est la création du bonheur".
  
    

mercredi 21 août 2019

La Maison du Six ferme ses portes. Un été caniculaire.

Nous nous sommes bien démenés mais nous jetons l'éponge avant de risquer d'être couverts de dettes. Le lieu commençait à trouver son public mais nous n'avons pas obtenu les soutiens  espérés et nous sommes épuisés.
Beaucoup d'énergie (et d'argent) investis, une tentative d'implanter dans une ville peu animée un lieu de culture et d'échanges, mais trop peu de réel soutien et un constat : "les gens ne "sortent plus". les écrans ont définitivement remplacé l'agora.

Un été de canicule avec pour moi quelques translations.
Athènes en Juin avec l'opportunité de passer quelques jours à Exarchia, le quartier résistant menacé depuis le retour de la droite musclée. Je pense à mes amis et je suis navrée, profondément.


Une visite à l'incontournable que j'ai connu, tas de pierres en attente de restauration où on pouvait poser ses fesses pour contempler la ville. Désormais on acquitte un droit d'entrée plutôt élevé, il faut bien financer les travaux.


Plus tard , en juillet, Marseille. Un guide anarchiste bien allumé nous a promenés dans les rues où se sont effondrés les immeubles et où d'autres menacent, en hurlant des invectives destinées à faire savoir aux badauds alentour les forfaitures qui  sévissent dans l'immobilier sous la haute présidence du Maire

Un des mini ports de pêche lovés dans les criques qui bordent la ville avant  un bain rafraichissant, il faisait une chaleur invraisemblable.

Plus tard encore, Lyon. Nous sommes passés des salons de l'hôtel de ville aux rues surchauffées qui dégringolent de la Croix Rousse vers le centre. Un passage au Parc de la Tête d'or où se tenaient les Dialogues en Humanité. Il faisait si chaud que nous avons abandonné l'ombre des arbres vénérables mais impuissants à vaincre la touffeur pour des lieux où se diffusaient la bière et la clim.


Ici nous sommes dans un village de l'Hérault où cette façade a gardé trace d'un vieux slogan qui animait également les tunnels du métro parisien.


 Pézenas, la ville de Molière. Très jolie, mais totalement dédiée au tourisme, grévinisée


  Pfff! Quelle chaleur ! Vite un plongeon ! Merci le barrage des Olivettes.


En Août, faire un petit tour à Marciac. Concert d'Angélique Kidjo, voix extraordinairement puissante, capable de mettre debout toute une salle et de faire danser et chanter ses airs cubains et africains. Manu Dibango, élégant et formidable saxophoniste à 85 ans, ce géant débonnaire, pétri d'humanité lui a succédé. Soirée de bonheur pur.
Marciac, c'est aussi des concerts à tous les coins de rue, des talents qui n'attendent pas le nombre des années
 

Du Jazz manouche, Johnny Montreuil au Café Plum à Lautrec, bourré de bonne humeur et d'énergie dans un lieu particulièrement agréable. 


Le festival des arts et du livre de Montolieu, petit village de l'Aude qui compte un nombre important de librairies (j'en ai compté 19) et Le Musée des Arts & Métiers du Livre où sont exposés d'anciennes presses et rotatives, divers outils d'imprimerie et des documents présentant la naissance de l'écriture. Un lieu idéal pour échapper à l'insistance du soleil.


Pour conclure ce rapide tour d'horizon d'un été -dois-je insister ?- particulièrement étouffant, un peu de fraîcheur en visite au Jardin des Martels.


 Et notre 5ème édition du Festival sous les Etoiles, organisé par mes deux enfants dans notre jardin, sous un ciel habité de scintillements, sans nuages (ouf!). Un petit joyau, parmi les 30 courts métrages de cette soirée, basé sur le poème de Prévert" Chanson des escargots qui vont à l’enterrement".

Le lendemain, la pluie bienfaisante.

Ne pas se laisser abattre par les aléas, rester vivant. 

lundi 27 mai 2019

La Maison du Six persiste

Très, très occupés nous sommes. Jugez vous-mêmes à partir d'une sélection qui prend la suite de la précédente. Je ne peux faire mieux que cette compilation pour me manifester sur ce blog. Les jours sont trop courts est le jardin ajoute sa part ainsi que quelques voyages par ci par là








Des films, de la musique,des conférences, des livres, beaucoup "d'auberges espagnoles", tout cela est bel et bon mais nous sommes sur la corde raide. Suite ou pas au prochain passage. 

J'oubliais : un petit tour à Rouen en mars où j'ai eu le plaisir de rencontrer Clopine dont le blog est encore plus muet que le mien puisqu'elle sévit désormais sur facebook. Une petite photo souvenir, Clopine et ses ânes à Beaubec.