jeudi 5 août 2010

Délivrez nous des livres!

Cette photo, je l'ai emprunté au Mac Comber, qui vient de se faire un petit voyage le long du Canal du Midi, à bicyclette.

Depuis deux jours je suis attelée à un ménage géant : redonner un coup de peinture dans ma chambre et pour cela évacuer tous les bouquins qui s'y empilent puis les réinstaller après une séance "d'épuration" consistant à rapatrier ceux qui n'ont pas vocation à demeurer à portée de mes oreillers mais dans mon bureau ou sur les rayonnages plus génériques. Ensuite donner un semblant d'ordre à ces élus. S'apercevoir du nombre de ceux qui attendent patiemment sous la poussière qu'on veuille bien consolider cet élan qui nous avait porté à les acquérir. Il y en a trop!

Le piège dans ce genre d'entreprise, c'est de s'interrompre pour feuilleter. Je n'ai pu m'empêcher de lire quelques pages du gros Léautaud, (le gros c'est pas lui, chétif et mal nourri), son Journal littéraire, 894 pages, 927 avec l'index, au Mercure de France et encore n'est-ce qu'une sélection.


J'avais collé des post-it, aussi me suis-je intéressée à ce qui avait retenu mon attention à l'époque où je l'avais élu livre de chevet. Voici ce qu'il écrivait le samedi 30 juin 1945
"L'Assemblée Consultative s'est émue (langage parlementaire) et a demandé des explications au gouvernement au sujet des nombreuses installations militaires disséminées sur le territoire français. Il n'est pas difficile d'en deviner les raisons: en vue d'un grabuge révolutionnaire possible, même quelque peu probable. C'est un propos que je tiens souvent : nous ne connaissons pas le Général De Gaulle. (...), ce n'est certes pas un "révolutionnaire" à la mode du jour. Les gens qui comptent sur lui auront des surprises. N'est-ce pas déjà merveilleux d'adresse d'avoir institué une assemblée qui n'est que consultative, c'est à dire sans pouvoir? Il est seulement dommage, et c'est un point qu'on ne s'explique pas, ou alors par des raisons peu en sa faveur, qu'il tolère la justice arbitraire de ce moment, avec ses crimes. La politique, de quelque sorte qu'elle soit, de quelque côté qu'elle soit, comporte décidément des compromis fâcheux".

Ensuite, c'est Cioran qui m'a tiré l'oeil avec ceci, extrait de ses "Entretiens avec Sylvie Jaudeau, paru chez Corti :
"La lucidité grâce au vide qu'elle laisse entrevoir, se convertit en connaissnce. Elle est alors mystique sans absolu. La lucidité extrême est le dernier degré de la conscience ; elle vous donne le sentiment d'avoir épuisé l'univers, de lui avoir survécu".

En fait, actuellement je lis "Fils unique" de Stéphane Audeguy, une biographie totalement inventée du frère de Jean-Jacques Rousseau, mystérieusement disparu et qu'Audeguy se plait à faire traverser le XVIIIème siècle, survivre à son frère, rencontrer Sade à La Bastille et assister au virage de la Révolution en Terreur, le tout écrit dans une langue qui n'a rien à envier aux auteurs du siècle des lumières. Un délice d'humour et une mine de croquis historiquement documentés. J'avais aimé La théorie des nuages et le Petit éloge de la douceur. Audeguy sera à Lagrasse dans quelques jours, j'y serais dès demain soir.

Comme je suis dans une période de rangement, j'ai retrouvé dans un brouillon, deux adresses de site que je destinais sans doute à un Vent des blogs. Ce n'est pas parce que je n'alimente plus une telle rubrique que je ne vais pas vous recommander le blog d'Angèle Paoli et particulièrement ses reportages photos de son beau pays, la Corse. De même pour l'article d'Hélenablue sur Maria Elena Vieira da Silva .

That's all, folks.

mercredi 28 juillet 2010

Auprès de mon arbre

De retour après quelques escapades.
Reprendrai-je me dis-je, cette habitude étrange : me poster jusqu'à point d'heure devant mon écran. D'autant qu'en dressant un bilan, je constate que nombre de mes favoris ont déserté.
Cactus n'émet plus que par intermittence. Dexter a fermé son blog définitivement. Peut-être l'été n'est-il pas propice à ces longs tête-à-tête avec le clavier. Après quelques jours maussades, il fait beau à nouveau. Ma fille me tire par la manche pour que nous allions "à la ville". J'en reviendrai très tard. Les autres soirs, des amis festoyaient (du moins je l'espère ) à ma table.
Un peu avant il y a eu Avignon. Chaud et épuisant. La magie n'était pas au rendez-vous pour moi.


Trois spectacles cependant. , Jeanne Béziers, (digne fille de ses parents dont j'avais aimé en 2009 le spectacle La croisade des hérétiques qui repassait cette année) présentait Les Monstres une belle panoplie de rêves cauchemardesques et surréalistes et une reprise façon gore rigolote des contes et fables de notre enfance. Accompagnée par un contrebassiste, elle passe d'instants délicats et subtils à des interprétations rock à la Nina Hagen. Elle arbore un maquillage outré, du plus bel effet quand elle chante dans la position renversée que j'ai pu capter, en infraction, morigénée (le flash!) par sa môman (Florence Hautier) auprès de qui j'étais assise. Des trouvailles scéniques (la pieuvre qui chante), des morceaux de claquettes ébouriffants, un contrebassiste complice, trafiquant de sons. Un régal..


Novecento, tiré du roman d' Allessandro Baricco, un "récit jazz", texte magnifique, histoire étonnante de cet enfant adopté par l'équipage d'un paquebot en 1900, qui devient un pianiste de jazz exceptionnel et ne peut vivre ailleurs que sur ce paquebot. Le pianiste et l'acteur en symbiose, une musique originale du pianiste qui n'est pas un simple contrepoint mais la charpente même de l'édifice. Nous (l'amie qui m'accueille chaque année et moi) avons parlé avec les deux interprêtes après leur prestation. Beaux, talentueux et chaleureux.



Sous l'arbre du Jardin Sainte Claire du théâtre des Halles, Philippe Avron, Montaigne Shakespeare mon père et moi. Emouvante prestation d'un acteur de 81 ans sur la transmission, la présence vivante des auteurs pour nous accompagner de l'enfance à la vieillesse, sur un mode léger, sans emphase ni pathos.
A un certain moment, l'acteur se pose un masque de chat sur le visage et nous donne à savourer Montaigne

Je voudrais bien que tu me fasses entendre pourquoi, nous, tes confrères, tes compagnons, tu nous appelles bêtes. Pourquoi tu dis : ils n'ont même pas la parole.
Toi ! La plus calamiteuse des créatures vivantes.
Logée, comme nous, sur cette boule de fiente et de bourbe perdue dans les étoiles.
Pourquoi ? Dès que tu t'es dressé sur tes maigres pattes, dès qu'a grossi ton cerveau méandrin tu as dit "je suis le maître"
Maître des bêtes, maître des arbres, maître des océans.
Que sais-tu de nous ?
Que connais-tu de nos branles internes et secrets ? Sais-tu que nous nous parlons, pas seulement à l'intérieur des espèces mais aussi d'espèce à espèce ?
Pourtant, tu le sais, nous avons, comme toi, nos pleurs et nos réjouissances, et l'appel de l'amour et la peur de la mort et l'angoisse de la séparation
(...)
Je voudrais bien que tu me fasses entendre par l'effort de ton discours, sur quel fondement tu as bâti ce grand avantage que tu penses avoir sur les autres créatures.
(Au moment où j'écris, nous apprenons que la Catalogne abolit la peine de mort pour les taureaux).
Philippe Avron nous livre son texte comme s'il tenait conversation. Un homme se lève et part. PA l'accompagne avec sollicitude d'un "chacun est libre". Il s'assoit, il est lent, on se prend à craindre qu'il n'aille au bout et pourtant, quand je lirai le texte (acquis à la sortie pour quelques piastres), je serai émerveillée de l'absolue fidélité de sa performance.
Faisant alterner les pépites extraites des écrits de Montaigne et de ceux de Shakespeare, osant même slamer leur prose (un hommage à Grand Corps Malade),
"Il est des peuples, où on tourne le dos à celui qu'on salue et où on ne regarde pas celui qu'on doit honorer.
Il est des peuples, où les vierges montrent leur sexe et où les femmes mariées le cachent. (...) Par la suite, ce qui est contraire à la coutume, nous le croyons contraire à la raison. L'accoutumance est une traitresse maitresse d'école".
Et la conclusion est celle de Shakespeare dans La Tempête :
"Rendez-moi ma liberté et souflez dans mes voiles pour que je puisse rentrer chez moi".

Quant à moi, j'ai dû m'y reprendre trois jours successifs pour aller au bout de ce texte minuscule, chaque fois interrompue par l'ordinaire du temps. C'est dire...

Allez, il est tard. Un dernier effort pour La Boétie, (oui Montaigne réclame son ami). Rappelons que ce qui suit est écrit par un jeune homme de 18 ans en 1548.
Dans ce monde plombé où on ne peut même plus imaginer la vertu, où les seules valeurs sont le profit et l'ambition, où le visage des hommes se cache sous le masque de leur fonction, où se parjurer n'est pas un vice, mais une façon de parler, où la politique sans conscience et sans âme consiste à faire le renard, je refuse de répondre par le mensonge à cette époque de mensonge.

Photos ZL

J'ai reçu un SMS de mon amie avignonnaise m'apprenant que Philippe Avron vient de mourir après un malaise en scène.
"en donnant son ultime spectacle, Montaigne, Shakespeare, mon père et moi ! en Avignon, pendant le festival, en juillet au Théâtre des Halles, il a voulu vivre pour le théâtre avant de partir dans la dignité."

lundi 12 juillet 2010

Harmonie du soir*

Mon jardin m'a tuer bis repetita. Pour quelque détail, se reporter au lien. Pour cette raison et bien d'autres, mon ordi entre en veille de plus en plus souvent. Je m'apprête à rejoindre Avignon pour quelques jours de fournaise et de baguenaude. Je ne verrai pas Richard II, je dois revenir à temps pour assister à la représentation de "La terrible défaite d'Aizu Taketori", une adaptation à la mode japonaise de Macbeth, et c'est une copine qui a commis le forfait, ça se passe sur les terres lauragaises. Cette année donc, j'irais seule à Avignon. Le rituel qui m'était cher d'y entrainer ma fillote et sa copine a pris fin. L'une et l'autre sont devenues des "grandes" qui font leur vie et je suis priée de faire la mienne en arpentant seule la rue des Teinturiers et l'esplanade du Palais des Papes. Bon, bon, je m'en remettrai. N'ai-je pas fréquenté la cité alors que toute jeune, un amoureux m'y avais conviée. Entre elle et moi, se sont agglomérées de nombreuses strates. Je n'en conterai pas le détail ce soir, pressée que je suis d'offrir à mon corps fourbu une position propice à l'évasion. Je vais à Bakou avec Olivier Rolin. Chaque soir, à l'heure où les hirondelles tourbillonnent dans le ciel mauve, un homme aux cheveux gris franchit la porte d'un petit hôtel de la rue Mirza Mansûr, tourne à droite dans Harb, puis à gauche dans Sabir, que surplombent de beaux balcons de bois parfois entortillés d'une vigne, pavoisés de linge. Tombé d'un minaret proche du palais des Shirvanshashs, l'appel d'un muezzin suspend dans l'air de frêles festons sonores - si discret, presque plaintif, qu'il en devient émouvant. Le Dieu qu'invoque cette voix de violoncelle n'a pas l'air terrible, on l'inviterait bien au restau, justement on dîne seul ce soir- comme tant d'autres soirs. Je remplacerais bien Dieu, en l'occurence

 *C'est le titre du premier chapitre du livre d'Olivier Rolin, Bakou, derniers jours, Fiction & Cie/ Seuil, 2010 

 Photo ZL, Fillote au masque d'argile.

mercredi 7 juillet 2010

Hors de moi



J’ai formé le vœu de me débarrasser de ma peau, de travailler à la dissolution de ma figure, la ruine de mon visage, d’y mettre toute l’énergie possible, entendez bien, il ne s’agit en rien d’un projet funeste ou suicidaire, juste l’envie de sortir de tout ce que je suis censé être, une naissance, une filiation, une famille, une couleur, une identité pour employer ce mot affreux des documents d’état civil et autres débats en vogue, il s’agit seulement de renoncer à à l'injonction de mes oreilles qui me racontent sans cesse des paysages anciens, des senteurs révolues, abandonnées,des rues passées, des amours perdues même, oui renoncer même à cela malgré mon inclination au regret, à la nostalgie, et aux bénéfices secondaires du deuil.
Là où je me tiens, il n'y a pourtant de place que pour cela, tout ce qui me contraint à moi-même, et moi je veux sortir,je suis sûr que lire c'est sortir, écrire c'est sortir, parler c'est sortir et je voudrais lire et écrire et globalement jusqu'ici je me suis tu. Si je considère l'ampleur de ce qui ébranle le monde à chaque instant, ce qui atteint le monde, les bruits qui y résonnent, ce qui le laisse à genoux, chaque jour et de plus en plus, ce qui le réduit au silence, alors je peux dire que je n'ai pas parlé assez. (...)
Trouver ce tissu continu entre nousqui à la fois invente et annule les identités, les pays, les naissances, parce que le point qui nous soude est le même, notre rencontre évidente est au prix d'un seul geste : défaire la couture du masque et que nous soyons tous au bout du compte toujours et définitivement des hommes qui doutent de leur figure.

Thierry Illouz. Politis / Digression, 1er Juillet 2010.
Thierry Illouz est avocat, écrivain : L'ombre allongée Fayard 2001, Quand un soldat, Fayard 2003, et dramaturge, J'ai tout, Buchet Chastel, 2004.

Photo ZL, Frontière du jardin 7 juillet 2010

vendredi 25 juin 2010

Téoùlà

Ca, c'est un bouquet des champs que ma copine chérie a collecté
au cours de sa promenade autour de chez moi

Téoùlà, c'était un nom d'entreprise que Marc Jolivet (un humoriste toujours vivant et n'ayant fait l'objet d'aucune excommunication, alors qu'il n'est pas tendre avec l'engeance prétentieuse des "élus" du peuple) avait inventé lors de l'explosion du portable.
Je suis partout sauf sur ce blog, même si je le garde en fond d'écran glissé derrière une multitude d'autres "espaces existentiels", au nombre desquels le pied du cerisier, du moins le haut de l'escabeau campé sous son ramage, histoire de l'alléger de ses délicieuses et charnues et rouge sombre cerises avant de les réduire en une confiture qui fera mon bonheur cet hiver.
Et bien d'autres lieux dont je ne dirai rien, parce que je m'apprête à partir tôt demain vers la jolie cité de Carcassonne où je suis attendue pour des parlotes orientées.
Après Carcassonne, je suis -en principe- rendue à une vie plus calme et plus propice au vagabondage verbal (sinon verbeux) sur la Toile.
En attendant, une petite livraison d'images.

Le temps des cerises un peu décalé cette année pour cause de bizarrerie climatique.

Tous ensemble, tous ensemble, etc...

Rappel utile pour comprendre.

Lui, s'en fout totalement de la lutte des classes

Placide, il va m'accueillir, les grosses chaleurs s'annoncent.

vendredi 18 juin 2010

Encore heureux qu'on va vers l'été








Menuhin joue Debussy. Jardin sous la pluie

Le titre est celui d'un roman de Christiane Rochefort, paru chez Grasset en 1975 qui raconte les péripéties d'enfants qui décident de fuir l'école. Un livre drolatique et une critique féroce de l'institution.

Photos ZL juin 2010

dimanche 13 juin 2010

Il le dit tellement bien.


Comme je ne saurais le dire mieux, je vous livre un commentaire de Nicolaï Lo Russo qui colle parfaitement à ma situation actuelle (sauf que j'suis pas sûre d'avoir quelque chose à montrer, mais bon). Son dernier post date du 7 avril, donc y'a pas l'feu !

Bientôt je pourrai vous montrer ce que je suis en train de faire en ce moment. Ce qui m’occupe. C’est vrai que « blog » ça prend beaucoup de temps en fait. Et ça rapporte pas grand chose à part de bien aimables visiteurs (ce qui est énorme me direz-vous). C’est un peu un état d’esprit, une disponibilité (pour son propre blog et aussi celui des autres – tu visites mon blog, je visite le tien, etc.) Réflexion faite, les blogs bien achalandés sont souvent des blogs tenus par des gens qui ne travaillent pas (au sens le plus basique du terme) ; retraités, rentiers, chômeurs, célibataires sans enfants, étudiants glandouilleurs, femmes (ou hommes) au foyer, pigistes au repos, etc. Tous mes amis qui ont un travail fixe (de mettons 9h à 18h) ont, me disent-ils, « largement autre chose à penser qu’à tenir un blog ». Bon.

(...)

C’est sûr que quand on travaille, qu’on a des délais à tenir, qu’on doit faire les courses, faire un brin de sport, de ménage, se tenir au courant d’un minimum d’infos, avoir une ébauche de vie sociale hors web, eh ben un blog… comment dire, c’est pas évident – je parle d’un blog où l’écriture a un peu de tenue, où il y a quelque réflexion.

Je vais tâcher quand même de faire un effort, de m’arranger, car je vous aime bien. Et écrire en ligne me manque. Il y a quelque chose de vivant, dans l’échange éventuel, que je trouve appréciable.

Hendrix Je l'ai trouvé sur la playlist de CUL.

Encore quelques jours et je vous fais un compte rendu d'activités. Promis