Yves est écrivain, puisqu'il ne pourrait écrire sans honte « infinie tendresse», « fusiller du regard », ou « éperdument amoureux ». De temps à autre « sommeil pesant », « traverser l'existence », « griffonner à la hâte» lui échappent. Décelant le cliché après publication, il s'en désole. Il place souvent des virgules inutiles, aussi, qu'il extermine ensuite impitoyablement. Il a trop lu pour ne pas savoir qu'écrire bien, c'est écrire mal, comme disait l'autre. Il voudrait que toute phrase lui échappe, le surprenne, que cette surprise ne s'affadisse jamais. Il se relit, s'exaspère de retrouver ses tics d'écriture. Alors, il efface la sonorité séduisante, la tournure élégante, il traque le pléonasme littéraire, détruit le rythme ternaire qui lui vient inconsciemment. Parfois, du premier jet, il ne reste rien, sinon une simple ossature. Giacometti, pour saisir le noyau de la vie, ôtait sans cesse la glaise autour du fil de fer. La langue que triture Yves Janvier est son ennemie, il la sait trop exotique et trop intime. Ses mots tentent de peindre le réel, comme des dallesrecouvrent une cour de terre battue: mais ici, là., l'herbe rebelle s'échappe. Toujours il pourrait raturer, reprendre. Il cherche le miracle, la grâce absolue, et ne la ressent que chez les autres. Il ignore si l'insatisfaction est la preuve de l'artiste. Hervé Le Tellier Assez Parlé d'amour. JC Lattès, p 54.
Un vent des blogs anémique pour cause de tête ailleurs.
Pour ne pas laisser le visiteur sur sa faim j'ai sélectionné quelques blogs qui ont eux-mêmes adopté la compilation.
Harmonia, tiens, qui m'a fait le plaisir d'une visite et de ce fait m'a donné l'envie de lui rendre la politesse. Bien m'en a pris, comme vous le constaterez, c'est un peu étouffe-chrétien, mais on peut consommer par tranches et c'est roboratif.
Je lui emprunte également un de ses commentaires adressé à l'ami Dexter.
"Tenez, je vous livre cela, exergue du bouquin de Michéa "Orwell éducateur".
"Etre humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection, à être parfois prêt à commettre des péchés par loyauté, à ne pas pousser l'ascétisme jusqu'au point où il rendrait les relations amicales impossibles, et à accepter finalement d'être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévitable de l'amour que l'on porte à d'autres individus. Sans doute l'alcool, le tabac et le reste sont-ils des choses dont un saint doit se garder, mais la sainteté est elle-même quelque chose dont les êtres humains doivent se garder." Orwell, 1949.
Ca me va assez bien (là c'est moi qui commente). Où ai-je lu quelque chose comme (je cite approximativement) : "ceux qui donnent des leçons sont ceux là même qui les transgressent le plus férocement. ". A rapprocher d'une formule que j'utilise souvent (Christophe Bohren, where are you ?)"les héros sont fatigants".
Les assauts de compassion dégoulinante (ça ne serait pas un cliché par hasard ?) qu'on nous inflige en ce moment entrent parfaitement dans ce tableau. Entendu ce matin que des tennismen ont donné une représentation "très marrante" à Melbourne, ils se sont bien amusés (dixit Roger Federer), le produit de leur prestation ira "naturellement" à la rescousse des Haïtiens, du moins ceux qui ne sont pas partis par tombereaux dans les fosses communes creusées pour absorber tous ces tas de morts.
Mieux vaut sur la question des horreurs subies dans les Caraïbes lire l'ami charbinois, il fait parler les chiffres. C'est éloquent.
Reconnaissons qu'en ces temps sombres un peu d'optimisme ne nuit pas. Edgar Morin propose d'échanger l'appel à la révolution (elle présente l'inconvénient de mettre à bas ce qui précédait et par là-même inaugure les temps nouveaux par un nombre consistant de crimes et d'exactions ternissant d'emblée la lumière des aubes nouvelles), contre un éloge de la métamorphose
L'idée de métamorphose, plus riche que l'idée de révolution, en garde la radicalité transformatrice, mais la lie à la conservation (de la vie, de l'héritage des cultures). (...)
Aujourd'hui, tout est à repenser. Tout est à recommencer.
Tout en fait a recommencé, mais sans qu'on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d'initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie.
Avant de refermer ce billet, vous faire partager un OVNI (objet vidéo non identifié). J'en dois la découverte à Mon Chien grand distributeur de liens dont je fais (ou non ) mon miel,(ainsi vous éviterai-je Mexico, Mexi i cooooo!).
Allez, je vais me replonger dans le livre de Le Tellier qui parle d'amour mais aussi des brontosaures et des taches de Fuchs. Vous voyez qui c'est Le Tellier ? Un des Papous, oulipien de surcroît. Restons exotique.
Photos De la métamorphose des flocons ZL
21 commentaires:
Hum, délicieusement roboratif également votre vent des blogs. De cailloux en cailloux, de flaques en flaques enjambées, mon cabas s'est renouvelé. Le Tellier, d'abord, chic, réservation en ligne du dernier possible à Cabanis, OK, c'est fait. De là, petit tour chez Harmonia où découvrir l'oeuvre littéraire et plastique de Edouard Levé, son travail photo sur Angoisse, bled de la Dordogne, sur les doubles, l'identité, troublant (l'homme s'en est tué) [noter de se procurer son opus "Autoportrait", en rayon à la bibli des Izards]; dans un papier sur ce même Levé, http://www.telerama.fr/livre/20937-ecrivain_et_photographe_edouard_leve_est_mort.php, dénicher Joe Brainard, qui inspira à Perec son "Je me souviens" (disponible au magasin central). Et hop, la boucle était bouclée, oulipienne, Le Tellier/Perec.
Bien le bonsoir et merci, chère Zoé.
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Caps incisifs, isthmes doucereux, courants et marées contradictoires, affolement du compas, nuées pérennes rendant tout relevé impossible...
Longtemps la navigation dans ces îles fut quasiment impraticable sans risque matériel et humain.
Elles furent nommées Archipel de la Désolation.
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Il fallut tout le génie d'une grande cartographe pour prétendre à un cabotage sinon sans danger, du moins organisé.
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Bonsoir Zoé. Je suis passée comme d'habitude. En ce moment je n'ai pas le goût de commenter. Mais je lis. Moi aussi je cherche Borhen, sans résultat. Je n'ai pas pu accéder à l'Ovni. Je réessaierai.
mieux vaut anémique qu'amnésique ?
Extrait de la chronique de Paul Hermant, ce lundi à 7h20 (RTBF, Matin première) :
- "Il y a justement une interview de Dany Laferrière en première page du Monde, ce matin. (On se demande pourquoi c'est toujours en cas de nécrologies ou de catastrophes que les écrivains parlent en première page des journaux). Et qu'est-ce qu'il dit, Dany ? Qu'il craint "que cette catastrophe ne provoque un discours très stéréotypé. Il faut cesser d'employer ce terme de malédiction, c'est un mot insultant qui sous-entend qu'Haïti a fait quelque chose de mal et qu'il le paye". Et qu'est-ce qu'on lit en ouvrant le Journal du dimanche ? On lit : "La malédiction d'une île découverte par Christophe Colomb". Les écrivains disent donc aux journalistes que les mots ont un sens. Car qui peut faire quoi contre une malédiction ? Rien justement, et surtout pas du politique. De l'émotion, peut-être, un peu. Insuffisant, disent les poètes. La catastrophe ramène au politique.
Et donc, Lyonel Trouillot, autre écrivain haïtien majeur enfonce le clou. De Port-au-Prince, il écrit ça : "On en a marre que les médias rappellent qu'Haïti est le pays le plus pauvre de l'Amérique. On en a marre que ce tremblement de terre soit une nouvelle occasion de sortir les clichés, de dessiner les mêmes caricatures. Mais on est surtout agacé de la disparition de l'Etat. Le tremblement de terre n'a pas tué l'Etat. On leur demande, foutre, de diriger!" Foutre ! De diriger. Ah, Lyonel Trouillot ! Qui ajoute : "De cette "communauté du pire" dont parlait Camus, tirons la leçon de la nécessité d'un meilleur vivre-ensemble". Un vivre ensemble auquel va pouvoir participer le jeune poète Bonel Auguste, dont je vous parlais et qui a enfin donné de ses nouvelles. On envierait presque ce pauvre petit pays pauvre d'être aussi riche de si grands écrivains."
Flocons flottants - merci pour la leçon d'écriture, quoique "Etre humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection".
Merci Zöé d'avoir repris Orwell... Orwell qui, pour avoir écrit, en fin de vie, "La ferme des animaux", a été instrumentalisé par la droite pourrie comme anti-communiste et écarté par la gauche médiocre, tombée dans le piège, pour ce même anti-communisme...
Et on oublie ses travaux "théoriques"
Lui, se définissait comme anarchiste tory... Humour, mais pas seulement
Bàv :)
Joli ensemble de réflexions qui me font voyager entre Orwell et l'oulipo. Il y a une parenté, je ne sais pas la dire, mais elle existe... de toute façon, c'est forcé, puisqu'on se retrouve ensemble dans nos communes lectures. Comme un frisson, un souffle de vent, oui, qui passe de nous à nous.
Quel délicieux "vent des blogs" ! On en redemande comme du dessert à la fin d'un bon repas !!!
je suis venu te dire que je m'en vais ...............
Tout pareil que tous ici, et je trouve la citation d'Orwell, tout comme l'éloge de la métamorphose, formidables.
Merci, JEA, pour les extraits que tu passes à propos d'Haïti.
Moi aussi, sinon, j'aimerais bien avoir des nouvelles de notre ami C. Borhen (et moi aussi, j'ai la tête ailleurs depuis hier).
Biz bleues.
Réjouissant Hervé Le Tellier, qui fait aussi les petits billets "papier de verre" de la check list du Monde envoyée par mail chaque matin aux abonnés.
J'ai lu "Assez parlé d'amour" il y a quelques mois. Le côté Parisiens grands bourgeois friqués de ses personnages m'avait un peu agacée mais l'ensemble est quand même bien vu et la construction du livre assez séduisante.
@Myriam L, enchantée que tu aies rempli ton cabas tout en bouclant la boucle.
@Dom A, Désolation avec un D majuscule
@Fredaime, nous sommes un peu orphelins en effet.
JEA, une île riche d'écrivains, de peintres, de musiciens, c'est peut-être aussi une explication...
@Tania, entre exigence et humilité, la corde est raide.
@Harmonia, plus le temps passe, plus Orwelle semble prophétique, hélas!
@Jibé, une parenté ? Le potentiel ?
@Anonyme, une tite goutte avec le café?
@Cactus, tu vas où?
@Sophie K pourquoi tant de bleu?
@Lavande, il parle du monde qu'il connait cet homme, j'aime bien les mélanges qu'il organise, la dérision et la tendresse. Du grave léger
Orwelle comme Hégueule ?
Lorsque j’entendis Hégueule, un fou rire me prit. Déjà pour le son et puis ce n’était pas un immigré qu’avait apprit la langue sur le tas. Et Pourtant j’avais déjà rencontré : « ... dans le café d’en face, où l’on parlait Lukasse, Heliphore, Hégueule et autres olibrii de la même farine... ».
http://blogfigures.blogspot.com/2010/01/marianne-moore.html
qu’avait apprit ? qu’avait appris !
Concernant Haïti, la question se pose de l'utilité d'un blog (de même que l'on a dit un jour : "Que peut la littérature ?").
Mais alors il faut partir avec la Croix-Rouge.
Le 14 janvier, "Le Monde" publiait un article ainsi titré : "Haïti : la malédiction"...
Hervé Le Tellier est toujours au rendez-vous du matin sur la "ckeck-list" du monde.fr pour les abonnés. Sa distance permet de supporter le présent.
Etait paru un excellent "Magazine littéraire" sur Orwell (N° 492, décembre 2009).
Ces gouttes photographiées s'éparpillent, comme l'actualité.
Enfin : Christophe Borhen est fatigué, il me l'a dit il y a quelques jours.
Je note Yves Janvier.
@Hasselmann : merci pour ces nouvelles de Borhen.
AAhh, très rafraichissant ce vent des blogs, merci Zoé j'avais juste besoin de cela pour sortir la tête de mon trou. Perso, chez les Papous, mes deux préférés chez les garçons sont Patrice Delbourg et Gérard Mordillat, zut j'oublie Joncourt je le rajoute, et chez les filles je suis fan absolue de Dominique Muller et j'admire Eva Almassy, voilà
Clo
au ........poste : je vais être interné pour violence envers les mots à cause du capitaine mes maux : une année hors virtuel je pense , j'attends mon jugement dernier !
la cerise sur le gâteux :-(
@Renato, je ne suis pas sûre d'avoir saisi mais Heliphore parle très bien des cailloux, non ?
@DH, de l'utilité du dire plutôt que du taire, that is the question. Merci pour CB
@Anna de Sandre, je viens de terminer le livre, à lire un jour de goût pour la légèreté qui ne fait pas mal à la tête
@Clopine, ah, c'est un grand jour, Clopine sous l'arbre. Patrice Delbourg, ah oui, Mordillat pour ses très beaux livres, mais je ne suis pas une assidue des Papous, sauf si je suis en voiture le dimanche ou si je pense à l'écouter en différé, l'heure n'est pas la meilleure.
@Cactus, on va t'interner comme Artaud, pour excès de délit poétique ? Raconte, mais par mail.
Ah, Zoé ! je vous faisait seulement part de mon étonnement lorsque, lors de mon premier séjour parisien, j’entendis de mes oreilles ce que raconté me semblait une invention : Hégueule. Maintenait j’y aie fait l’habitude, et j’arrive à répondre quand on m’appelle Renatto ; mais vous avouerez que le son est surprenant, même quand, comme vous le faite pour Orwelle, cela semble dit avec une intention ironique.
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