Au Zaire, sur les bords du lac Kivu, à Bukavu, nous étions hébergés (mon compagnon de voyage et moi-même) par l'attaché culturel de l'Alliance française, un type jeune, qui faisait là ses mois de service national en lieu et place de l'armée. Il nous avait fait la proposition de nous accueillir quand nous l'avions rencontré dans cette petite ville perdue aux confins du Zaïre (ex Zaïre, devenu par la suite la République Démocratique du Congo sans que la démocratie y ait progressé d'un pouce). Nous cherchions à aller à Goma pour approcher le Nyiragongo, volcan toujours vivace. En dépit de nos recherches frénétiques nous ne parvenions pas à trouver le moyen de quitter Bukavu autrement que dans des bus bondés (les "tétanos") qui partaient à des heures aléatoires.
Nous étions donc hébergés dans cette maison confortable, nourris grâce aux bons offices du cuisinier (dont la deuxième mission était de veiller à tuer les serpents hyper venimeux et très nombreux dans les alentours). Le jeune homme ne se plaignait pas de sa condition mais nous tenait des discours fort étranges pendant qu'il nous présentait de temps à autre une cigarette de zaïroise, une herbe explosive.
Nous regardions les pirogues chargées de bananes et autres fruits passer sur le lac Kivu au rythme du chant des pagayeurs. La nuit nous écoutions les crapauds buffles et les milliers de bestioles qui participaient de la symphonie nocturne.
Ce charmant jeune homme nous présente, un jour parmi les jours, un Zaïrois qui vend des statuettes d'ivoire, de malachite, d'ébène, bref de l'Art africain . Il nous dit que ces objets sont des originaux et qu'il les vend pour le compte des artisans qui les fabriquent. Circuit court s'il en est. Nous objectons que nous voyageons le plus léger possible et que pour cette raison nous ne pouvons nous charger d'objets. Qu'à cela ne tienne nous rassure notre hôte, il revient en France dans quelques mois et il nous les expédiera dès le retour de son déménagement. Ils font si bien l'un et l'autre que nous acceptons de regarder les objets avec attention et que nous finissons par
en acquérir.
La malachite, cette pierre d'un vert intense qu'on trouve en grande quantité dans cette partie de l'Afrique me fascine, je sélectionne quelques objets puis je craque pour une mignonne statue en ivoire, même si je n'ignore pas que le commerce de l'ivoire provoque des dégâts (nobody is perfect). Bref, nous confions notre petite manne au cher attaché, nous échangeons nos adresses et comme la liaison Bukavu Goma s'avère impossible, nous partons vers Cyangugu, village frontalier du Rwanda d'où nous trouverons un camion pour Kigali (150Km, 5 heures de route, cinq jours pour que mon dos cesse de me reprocher).
Plus tard, avant notre départ de Tanzanie, nous échangerons à Dar es Salam, quelques vêtements (sur la sollicitation des vendeurs) contre deux sculptures makonde.
Après avoir constaté que nous n'avions aucune nouvelle de notre obligeant gardien, après quelques lettres pour nous rappeler à son bon souvenir, nous avons dû nous rendre à l'évidence : notre modeste trésor ne reviendrait pas.
Il reste que nous ne saurons jamais si ce garçon fut indélicat ou si dans ces pays en troubles perpétuels il aura été victime d'un aléa du sort. Les bords du Kivu étaient réputés dangereux. On accédait aux jardins des maisons par la rive (ne laissez pas de linge dehors disait-il) et on pouvait fuir sans grandes difficultés.
Il est inutile de le mentionner, nous espérons que nos emplettes ont complété une collection déjà fort bien achalandée et que son silence ne signifie pas qu'on lui aura coupé la langue et les mains ou que la malaria foudroyante rencontrée (et redoutée) par la suite en Tanzanie l'aura emporté.
Font partie de mes intimes deux sculptures makonde, seules traces de mes pérégrinations d'alors et c'est très bien ainsi.
J'ajoute les liens sur le blog de l'ami Luc, amoureux de l'Afrique, (parce qu'il y a passé son enfance et qu'il vient d'y faire un beau voyage de retrouvailles), les liens proposés dans ses commentaires
Le chant des crapauds
17 commentaires:
Belles statuettes. Me font penser, dans leur empilement d'êtres étranges, à une statue que possédait Levi-Strauss et qu'il avait commentée avec sensibilté et intelligence et tout le talent qu'on lui connaît, lui, cet homme merveilleux, toujours pas mort à plus de cent ans. quel voyage Zoë ! Tu n'as pas du en revenir idem, indene oui, fort heurusement, mais pas idem, sans doute en détachement de nos modes de consommation qui débordent largement nos besoins.
Pas encore mort Lévy-Strauss ???
Merdalors...
Ouais... c'est marrant de constater que la mythologie de "l'original" se répercute jusque chez les artisans africains, alors que c'est une idée purement occidentale imposée par le marché et la plus value...
T'aimes bien Caillois, non ?...
Cactus n'est pas encore réveillé ? Alors je le grille de suite :
Méfie-toi, la malachite ne profite jamais :o)
Le nom de "mala shit" aurait dû te mettre en garde, mais "la zaïroise" t'aura, hélas, enfumée sans que tu ne t'en aperçoives sur le champ de coton.
@Brigitte Giraud, je suis revenue de ce voyage persuadée qu'on m'a raconté des tas de stupidités sur l'Afrique. j'y suis retournée à plusieurs reprises et je pense qu'on continue à dire des énormités
@Vinosse, et pourtant il n'aime pas ce monde qui est advenu, comme toi!
@Mon chien Oui j'aime bien Caillois (mais y'a longtemps que je n'ai rien lu de lui) mais j'aime les pierres, toutes les pierres
@Anna de Sandre. il fallait qu'elle soit faite. merci de t'être sacrifiée.
@DH exact enfumée je fus mais l'éclaircie succède toujours à la brume
t'es intime avec des makondes !
alors là , trivialement parlant , Zoë , vous me trouez le QI !
Sissi !
ça déchire , votre dernier billet : des buffles déguisés en crapauds , des tontons makondes ; manque juste Jean Sarkozi en fils macoute !
Sissi aussi !!
( sinon j'ai décidé de continuer ma vie sur le net sans aucun blog perso , stop stop ; j'admire my dog , Gina , Claire et autres surfers de tes neiges floconneuses ; et puis il y a l'Ami Christophe , l'endroit où il fait bon être ou ne pas être , le tien et quelques autres , alors rideau , pardon , ridal )
@cactus, tu fais comme tu veux o' grand lézard. peut-être que je finirai par faire comme toi. on se retrouvera ici ou là. En attendant, toujours le bienvenu zissi
ribbet
la grenouille taureau s'appelle aussi le ouaouaron. Ou wawa rond....kroa kroa
ribbet
en réalité... j'étais trop excitée de voir cette belle grenouille dans le blog roll d'Éric McComber...c'est une grenouille buffle...et non taureau, mais ils doivent être tout aussi grosses l'une que l'autre !
ribbet
hihi
Le chant des crapaud ici:
http://www.luclamy.net/blog/?p=2897
Quant à l'artisanat local, tu verrais ça maintenant...
C'est affligeant!...
Du moins de ce que j'ai vu à Lubum. et Likasi au mois d'août
Bon, d'après mon chien je serais maintenant un mythe???
Passe que petit, quand je faisais l'andouille, on me disait que je faisais l'original ???
Encore une question à devoir poser à Mr Lévy-Strauss...
Qu'est-ce que j'aurais aimé l'avoir comme père, ou comme précepteur...
Strauch, pas mon ssien...
@Rainette: Une autre réponse à votre billet sur Chaplin
http://www.luclamy.net/blog/?p=3300
Vous m'avez donné l'idée du billet du jour,
soyez en remerciée.
(pardon Zoë de faire poste restante, ici, mais impossible de poster le com. chez la dite Rainette sans m'énerver sur les "aupeune-aïdi" & c°...:o)
@ Rainette, j'ai bien ri en allant sur votre site, la chatte qui jure des hosties et tabernacle mouarf!
@L...c oui ça m'avait d'ailleurs évoqué le lac Kivu comme je le disais dans un commentaire. Vais rajouter tes liens actifs pour les visiteurs, c'est trop bon. Quant à l'artisanat maintenant, j'imagine!!!
@Vinosse un mythe ou une mite? pas compris
J'aime bien lire tes jolies aventures, ma Zoë !
La seule statue africaine que j'ai est une tête de la déesse de la fertilité qui vient, je pense, du Bénin. J'ai un temps beaucoup travaillé sur la statuaire Béninoise, ainsi que sur les tissus... C'était passionnant.
:-)
La statuaire béninoise est une des plus intéressante de l'Art africain. J'ai eu l'occasion de renconterer des femmes béninoises. Elles ne sont pas mal non plus. J'aime beaucoup angélique Kidjo par exemple
Enregistrer un commentaire