samedi 7 février 2009
Cartes postales rétroactives (1) . Cornes de gazelle
Entre la frontière rwandaise et Biramulo en Tanzanie, seuls Muzungu (nous deux) dans un bus bourré d'Africains, frontaliers ou non. Les Ougandais sont à l'époque réfugiés politiques en diaspora dans toute l'Afrique centrale et de l'Est. A l'approche de la frontière une partie des passagers s'est évanouie dans la nature et n'a réintégré le bus que quelques kilomètres au delà. Le douanier s'est un peu énervé, nos passeports sont trop en règle. Pourquoi avions nous acheté notre visa à Kigali au lieu de nous en acquitter à proximité immédiate de ses poches !
Nous roulons sur une piste de latérite. La guerre entre l'Ouganda et la Tanzanie a ruiné le pays et le réseau routier relativement en bon état (aide de la Chine à Nyerere) a été bousillé par les chars remontant de Dar el Salam vers Kampala pour faire rendre gorge à Idi Amin Dada qui s'était lancé dans une ultime mégalomanie, envahir la Kagera. Il manque une vitre et nous avons un foulard en filtre sur la bouche et le nez, notre peau est d'un rouge franc au dessus. Nous roulons et la savane et ses herbes hautes et grillées s'étend à l'infini. Brusquement du maïs et du blé, des arbres à thé des caféiers, une profusion effarante. Le bus s'arrête. Des nuées d'enfants nous proposent des petites bananes , des graines grillées, des boulettes de céréales. Nous finissons par comprendre que nous sommes au sein d'une expérience agronomique canadienne; le flux de dollars et d'engrais a transformé la savane en coulée verte. Quelques 25 kilomètres d'épis dressés hauts et de route goudronnée et nous rejoignons les mornes étendues poussiéreuses et les nids de poule chaotiques. Plus tard, le bus s'arrête à nouveau, au milieu de cette savane à peine hérissée de quelques arbres décharnés et cependant majestueux, baobabs mythiques dont la découverte m'a au premier abord déçue. Peu de couronne, une peau d'éléphant, une allure balourde mais une telle variété de forme, et des circonférences du tronc inouïes. Une cahute se dresse là. Tout le monde descend. Mon compagnon s'est endormi et le remue-ménage de l'étape ne l'a nullement alerté. J'ai très envie d'une tasse de thé. Je vais m'installer à une des tables de la taverne de fortune. Je ne suis pas très à l'aise, seule face de lune parmi ces visages de pure anthracite. Je tente de boire au plus vite mon thé mais il est brulant. Une femme qui partage une table voisine avec deux autres se porte vers moi. Elle pose près de ma tasse deux cornes de gazelle dans une coupelle, accompagnant son offrande d'une mimique de complicité rieuse pour ma solitude d'égarée. Ce geste d'amicale sollicitude me revient souvent en mémoire. Il me serre le cœur lorsque, -l'actualité est prodigue-, j'entends que l'un ou l'autre de ces ressortissants venus de ce magnifique continent où j'ai voyagé en toute liberté est saisi au col, sans ménagement et "renvoyé".
quelques unes de mes négresses chéries : la grande Billy, Rokia Traore, Angélique Kidjo
et Aminata Traore
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4 commentaires:
Chouette compte-rendu... Merci...
Par les temps qui courent, c'est au mot près ce qu'il fallait écrire.
À mon tour je vous remercie.
Les photos se suivent ...mais ne se ressemblent pas!
Superbes toutes les deux et le texte...
J'ai parrainé pendant plusieurs années un petit garçon dans un orphelinat de Kigali... puis... plus rien. Pas moyen d'avoir des nouvelles. Les hypothèses possibles ne sont pas gaies.
Lavande
Kigali c'était avant les horreurs. Mon amie Conso merveilleuse Tutsi a perdu toute sa famille. Ceci dit l'absence de nouvelles dans le cas d'un parrainnage peut être négligence de l'asso non ?
Merci de votre commentaire
Zoë
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