dimanche 8 mars 2009

Le vent des blogs 3


Bon, je savais que mon petit tour des blogs, ce n'était pas si original mais plus j'avance dans ma découverte de la galaxie internautique plus l'implacable réalité s'impose, la collation est une activité répandue. Ainsi la feuille charbinoise pratique l'orientation de ses lecteurs vers des rivages repérés, ça s'appelle "le bric à blog". Pas mal, soyons fair play et les textes de Paul sont chargés d'odorantes plantes et de terre retournée.
Cette semaine, je fus taguée par un drôle d'animal le Manu qui a de même mauvaise manière épinglé quelques autres. Nous avons ainsi commis d'aimables billevesées sur l'art et la manière de mourir dignement en quelques 8 mn et des poussières. A part Manu dont on recueille le dernier borborygme, la plupart ont refusé de mourir et certains ont préféré rompre la chaine des calamités, on ne les lapidera pas pour autant. J'ai transmis le bébé dans son bain et ne le regrette pas. Au final, mes invités ou mes cooptés, cela donne un florilège tout à fait hétéroclite : Dom.A joue avec les flots, le Chasse clou, toujours très urbain, fonce dans les tunnels, Mamzelleluna se penche au balcon, Rodolphe, un habitué des séries réussit le tour de force de faire tout ce qu'il aurait voulu faire sans jamais l'entreprendre (fulgurant !) et ainsi de suite. J'allais oublier la mauvaise tête qui l'a fait sans vraiment le faire, l'énigmatique CH.B qui en a profité pour nous présenter toutes les femmes en ce jour de "la" femme, m'évitant de la sorte d'avoir à le faire.

What else ? François Bon commente et nous donne à lire un article d'Antoine Compagnon Du butinage numérique à l'écriture hypertextuelle(le Monde 5 mars) "Oui, je crois que le roman-monde de l’avenir intègrera des images et du son, mais aussi de la littérature, qu’il s’offrira à une lecture hypertextuelle, sera truffé de liens, aura son site sur Internet (...) Rabelais, Dostoïevski, Proust, Joyce, Grossman (...) aujourd’hui ils seraient sur Internet". Pardi ! Il ya bien Chevillard, Delaume etc... et François Bon soi-même. Nous sommes en bonne compagnie.

Je viens de découvrir le post de Lavande qui me signale qu' Henri Zerdoun, est un ami de Vaneigem. Je l'ignorai. En revanche je suis souvent allé visiter son blog : le nez au vent a toute sa place ici. Merci Lavande.

Pour finir Arcane 17, une mine pour ceux que le surréalisme intéresse: on y trouve une belle collection d'entretiens ou de documentaires réalisés sur des écrivains ou des musiciens. J'ai eu ainsi le plaisir de passer une heure en compagnie de René Char, ses textes lus par Dominique Blanc et lui, cet homme d'un métal unique et d'une fraternité sans mélancolie. "Un poète doit laisser des traces, non des preuves. Seules les traces font rêver".

Photo Le canal de Corinthe. ZL

samedi 7 mars 2009

Vaneigem récidive

"Il ne s'agit pas de modérer ses désirs, mais de choisir ceux qui nous aident à mieux vivre"
Raoul Vaneigem in S!lence n° 366 mars 2009. portrait par Zazü

"Nous sommes riches d'objets pauvres"
Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations 1967.

Il cite Voltaire au début de l'entretien avec Zazü : "on dit que je me répête, je cesserai de me répéter quand on se corrigera". Dernier livre paru Entre le deuil du monde et la joie de vivre Verticales 2008

mercredi 4 mars 2009

Vivre 500 secondes ultimes


Manu m'a taguée. Vous ne savez pas ce que c'est , je ne savais pas non plus. Alors un brin de pédagogie sur ce sujet de première importance : tagger consiste à refiler la patate chaude après l'avoir fait passer sur votre petit tamis à bla bla pour en extraire une marmelade suffisamment goûteuse (pas facile vu le sujet vous allez voir). Vous avez compris, la chaîne (si tu la brises, maudit seras-tu jusqu'à la fin des siècles et des siècles)
Illustrer le propos en refourguant votre illustration du 6ème post en arrière (dommage le 5 aurait collé à mort si je puis dire, mais bon le hasard est aveugle). Lisez jusqu'au bout, vous faites peut-être partie des heureux gagnants du jour.
La patate que m'a lançée Manu et à 5 autres collés : "vous n'avez plus que 500 euros et 500 secondes à vivre, racontez".
Alors moi je dis, facile! Vu que les fois où j'ai pensé qu'il ne me restait que quelques minutes à habiter la planète, j'en ai au moins 500 exemples (mais pour ne pas lasser, je sélectionne et pas les plus extrèmes) et qui me servent d'une fois l'autre de conjuration : "meuh non, tu vas pas mourir, rappelles-toi la fois où tu avais cru ta dernière heure venue, le jour où

Point Reyes Californie, tu suis le chien qui a emprunté un raccourci vers la plage en contre-bas pendant que tes compagnons longent sagement la colline par ses virages en épingles. Le chemin s'éboule, pour reprendre ton équilibre tu dois te lancer en avant et retomber beaucoup plus bas au hasard, tu ne peux plus rien freiner, le chien lui, musarde tranquillement pendant que, le cul dans les cailloux, tu descends tout schluss, veillant à éviter les épineux (ajoncs très jolis avec leurs fleurs jaunes mais insaisissables), cette fois ça y est, tu vas te retrouver tout en bas, esclaffée comme une tomate trop mure. Et puis ton corps se met à jouer, tu ne tombes plus tu bondis, tu voles chaussée des bottes de sept lieues, à la rencontre de la plage lisse et douce en contrebas. Constatant que tu as atterri sans t'être rompu le cou, tes copains se lancent sur d'autres pistes improbables et tu les contemples dansant sur l'abrupt. Un grand jeu de toboggan mais qui peut fracasser le petit pantin engagé dans la rainure caillouteuse...

Porto, Portugal. Tu marches dans cette rue déserte, dans cette ville que tu ne connais pas , égarée et ce type qui colle son pas au tien et se met à te héler avec insistance à devenir menaçant et tu ne sais dans quel porche t'engouffrer pour lui échapper, tu ne veux pas courir pour ne pas stimuler son désir de te bloquer aux hanches, il te semble que ton odeur se frelate qu'elle annonce déjà le cadavre. Femme, sempiternelle proie. Il est à quelques mètres, le doute n'est plus possible, Jack va te faire la peau dans cette longue rue escarpée dominant le Douro, la zone historique du vieux Oporto, l'ancien quartier des arrimeurs, ton corps finira dans l'estuaire. Et soudain, un petit rectangle rose se dessine dans les façades noires, derrière la vitrine, des nappes à carreaux, la tenancière a vécu à paris, elle accueille cette cliente comme une miraculée, ce qu'elle est, en lui servant un verre de Porto ...

Theâtre Saint Martin, Paris. Enceinte jusqu'aux yeux, tu assistes au concert d'Higelin, le ventre martelé de l'intérieur (sens du rythme ou protestation) et une chaleur d'enfer, les tempes transpirantes, le noir qui voile les lumières, le retour au monde avec vingt visages goyesques et un chewing gum sonore où tu ne discernes rien d'autre que çava, çava, çava ...
Paris Charles de Gaulle, tu t'envoles pour l'Amérique. L'avion est agité de tressautements qui donnent le Parkinson à tous les passagers. L'avion ne bouge pas si ce n'est sur place en basculant de droite et de gauche. Tu vois par le hublot, au delà des ailes qui s'agitent comme celles de jeunes pingouins, des caissons de 3 ou 4 mètres cubes ballottés comme des fétus. Le commandant de sa voix lisse et policée indique que la raison du délai est la direction défavorable du vent. Puis au bout d'un temps de plus de 500 secondes, au moins le triple, il prétend que le vent ayant tourné il va finalement nous engager sur la piste, ce qu'il fait. Nous décollons, tel un pélican qui sautille pour se donner de l'élan, dans un silence à couper au couteau, chacun effectuant ses dernières recommandations auprès de son ange tutélaire...

Paris. Tu es assise à la terrasse d'un café. Ce type, une vague connaissance, des yeux bleus hallucinés, t'affirme qu'un essai atomique va avoir lieu près de la faille de San Andréas et que des scientifiques s'y sont opposés parce qu'une partie de la Californie risque de se détacher provoquant une onde de choc qui risque d'affecter la planète entière et c'est dans quelques minutes. Il t'abandonne avec cette prophétie à la Nostradamus, tu n'y crois pas. Mais soudain, ta bière dans son verre se met à faire de petites vagues, les pieds des tables sont prises de trémulations, les pneus des voitures chuintent et sifflent, un grondement monte du sol. Ton cœur s'arrête de battre, ainsi ça y est, les cons, ils l'ont fait, la fin du monde c'est tout de suite. Tu contemples une dernière fois les tours de Notre Dame avant qu'elles ne s'affaissent, que les gargouilles piquent du nez, que la Seine saute hors de son lit et envahisse les quais. Puis tout se calme, tu constates que tes voisins n'ont pas cessé de lire le journal. Tu es la seule que le métro entrant en gare de Saint Michel a projetée dans l'Apocalypse.

Et je passe les vrais de pires, on ne va pas gâcher l'ambiance, on est dans le supposément pas le vertigineusement proche avec salle des urgences et perfusions.

Alors 500 euros et 500 secondes ? Golfech vient de sauter ? Un évadé me tient en joue ? J'ai avalé de travers et je sens que ça ne passera pas ? Mon cœur ralentit tellement que mes oreilles sont envahies du bruit de la mer ?
Bon le foutu billet, on voit bien qu'il ne sert à rien, hein, quelle démonstration !
Une chose est sûre, jusqu'au dernier instant, l'ultime seconde, je me dirais, meuh non, rappelle- toi la fois où...
Tant qu'on est vivant, on est éternel.

Alors attention, la roulette tourne pour désigner ceux à qui je refile la patate chaude, les pauvres, j'en connais pas énormément des bloggers, j'espère que je ne vais pas avec ce tag à la noix perdre mes quelques relations, bon allez pas m'en vouloir hein, plouf, plouf:
Le Chasse clou, Lettreslibres , Dom A ,
Madame de K, Loïs de Murphy, Clopine. Respecter la parité
Vous faites comme vous voulez, un bras d'honneur peut suffire. A vous de voir.
En tout cas si j'avais tagué Aïda, elle aurait poste ça

Ouf ! Dernière fois que j'accepte un tag !

lundi 2 mars 2009

La lenteur est une autre vitesse


« Oh mon dieu, oh mon dieu ! dit le Lapin. Je vais être en retard ! » En quel lieu allait-il être en retard, c’est ce que je me demande ? Eh bien, voyez - vous, il devait aller faire visite à la Duchesse (...) Or la Duchesse était une vieille dame d’humeur fort maussade et le lapin savait qu’elle serait très fâchée s’il la faisait attendre. »
Lewis Caroll. Alice au pays des merveilles.

dimanche 1 mars 2009

Le vent des blogs 2


Je consacre plus de temps à vagabonder dans la blogosphère qu'à mon propre blog. Sans doute parce que je suis une petite nouvelle et comme on peut le faire à l'école quand on vient d'ailleurs, je me cherche quelques complices de récréation. Cette recension du dimanche ne durera peut-être pas, comme mon blog d'ailleurs -il semblerait que le taux de naissances et de mortalité soit élevé - Cette synthèse subjective, c'est une façon de fixer l'éphémère, mes petits cailloux de mémoire
A tout saigneur tout honneur Le chasse clou a capturé une paire de préposés à la sécurité publique frimant en patins à roulettes devant l'objectif de djeuns eux-mêmes montés sur roulettes. DH, lui, se tenait fermement sur ses deux pieds, les photos sont nettes, pièces à conviction incontestables. On déplore l'absence de MAM. Nul doute que les patins auraient rehaussé sa martiale prestance. N'était-ce pas F. de Panafieu qui se déplaçait de la sorte au temps où elle rèvait de devenir la Maire des Parisiens, m'étonnerait que DH n'ait pas une prise de guerre en soute.
Lettres libres est en roue libre, son libertin est parti mystérieusement se mettre au blanc non sans nous avoir livré "la synthèse programmatique de l'Union des Merdouilleurs Patentés et de son Cavalier électrique, ça arrache.
Dom. A annonce 36 heures de silence avant de s'éloigner sur sa vieille Vespa, en direction de la mer semble-t-il, les bras noués autour de son torse d'une charmante, qui lui susurre une mélopée très suggestive au creux du cou.
Je me promène quelques fois dans les Rebuts de presse de Didier Jacob. Le ton est souvent ironique voire acerbe. Il se fait éventuellement remonter les bretelles par des lecteurs offensés qu'on s'en prenne à leur écrivain chéri. J'y glane auprès d'internautes des liens pour des lectures hors jeu des salons parisiens. Ainsi du livre d' Arnold Sénou sorti en 2005, que je n'avais pas repéré, alors que "seul roman retenu chez Gallimard parmi 6000 envoyés par la Poste, Ainsi va l'Hatteria parle de l'Afrique avec une connaissance intime de ses réalités, sans complaisance et avec humour. Il lui aura fallu de la pugnacité pour parvenir à se faire publier. Quel conseil donnerait-il, A Sénou à un jeune auteur qui espère la publication ? Il faut être sincère avec soi et ne pas chercher à écrire quelque chose qui va plaire. Il faut être porté par des sujets qui animent son être. Il faut aussi beaucoup retravailler ce que l’on fait et surtout développer son propre univers. Ce n'est pas inutile de se le rappeler.
Madame de K propose une rubrique alimentée par ses lecteurs : les Fast Portraits sont assez drôles comme tout le blog d'ailleurs, Madame de K semble résolument du côté de l'humour. De même une feekabossee qui soigne sa déprime post tabagique en s'offrant aux mains d'un masseur sublissime : sa peau à la couleur du miel, et son sourire est renversant, ses muscles sont fins et délicats. Il sent les îles dans le regard, ses mains ont la chaleur et la douceur du soleil et s'achève avec Ben Harper. Que du bonheur !
Ajoutons une dernière pourvoyeuse de félicité Loïs de Murphy
Qui donc a pu lui servir de modèle pour sa dernière chronique assassine? Qui peut être cette écrivaine voyageuse chaussée de pataugas et blindée de pathos malthusien. En tout cas Loïs s'expose en lui mettant entre les mains un revolver, lui proposant de se tirer une balle dans la tête pour dépeupler un peu la terre et rester en accord avec elle-même. Rien ne prouve que cette buse (du moins est-ce ainsi qu'elle nous est présentée) ne retournerait pas le canon et obtiendrait ainsi la même soustraction mais à moindres frais.
Je passe et repasse par la RDL. Un sujet sur le suicide et personne n'a fait allusion à Virginia Woolf, pas même moi (il est vrai que je ne fais plus que passer) alors que je venais de découvrir dans Hours Nicole Kidman fourrant les pierres dans ses poches et s'avançant posément vers la noyade. Une chose est de savoir que c'est ainsi que VW est morte, une autre d'y assister, même par fiction interposée. Cantus in memory of Benjamin Britten
L'avant dernier billet de P. Assouline nous invitait aux cours de littérature française, moderne et contemporaine (il faut tout) d'Antoine Compagnon au Collège de France. En cherchant un peu suite à l'info d'un internaute j'arrive sur l'accès au podcast
voici ce que le lis :
Le podcast est un mode de diffusion des enseignements du Collège de France, auquel vous pouvez vous abonnez (sic) gratuitement sur notre site.

Alors si même eux font des fautes d'orthographe...

Il est vrai que Dexter (il vient de fermer son blog qui aura eu une existence trop courte, dommage il promettait, je ne mets pas de lien, il ne le souhaite sans doute pas mais il est dans ma liste) écrivait fort justement en commentaire ce jour là - je résume- à quoi sert tout le savoir que nous avons accumulé quand nous ne sommes pas foutus d'en faire émerger en actes du progrès pour l'espèce et concluait ainsi : en fait c’est très simple, c’est le principe des vases communicants : notre monde a gagné en savoir ce qu’il a perdu en intelligence.

Je me sens très proche de ce point de vue.



Partage


vendredi 27 février 2009

D'un jardin l'autre



J'ai déjà évoqué l'écriture de Régine Detambel. (Le syndrome de Diogène, 4 février). Loïs de Murphy, dans un commentaire recommandait "Le jardin clos". J'ai dû le commander. Même à Ombres Blanches, la place manque et on ne trouve que les derniers ouvrages, sauf évidemment pour les grands classiques.
J'ai pu en attendant découvrir "Petit éloge de la peau" une merveille paru chez Folio (2 euros). "L'écriture aujourd'hui, moderne poétique de la peau, n'écorche plus le papier. Fi des parois scarifiées. Elle se tient loin du manuscrit, du parchemin, de cette peau de veau mort, encore sanguinolente, dont le vélin tira sa palpitante origine. Elle n'est plus une écriture mordeuse de chair, qui tatoue le texte sur la peau des livres - et c'est pourquoi d'ailleurs elle se mémorise si mal.

J'ai pris conscience depuis que je tiens ce blog et alors que je manie le clavier depuis longtemps désormais que j'ai tendance à faire plus de fautes d'orthographe au clavier qu'à la main. J'ai la mémoire orthographique dans le jeu du poignet tenant un crayon, pas au bout de mes doigts pressant les touches.

Le jardin clos Gallimard 1994. Le jardin, théâtre d'un traumatisme initial, devient le cocon d'un homme qui a renoncé à vivre au dehors. Les limites de ce jardin public sont celles de son nouveau monde qu'il partage avec quelques frères de dilection, des êtres repoussants pour tous les autres mais qui s'aiment les uns les autres et se roulent et s'enroulent ensemble sous leurs cartons ondulés, accompagnés de leurs chiens. Régine Detambel nous donne à connaître un autre visage de ces marginaux qu'on croise tous les jours, dont le dénuement nous semble un archarnement à se tenir en dehors des règles minimales d'obédience. Confusément, nous leur en voulons de la crudité de leur démonstration de mépris pour nos univers de confort chèrement gagné au prix de la laisse et de ses traces douloureuses à notre cou. (voir Portrait de l'écrivain en animal domestique, Lydie Salvayre)
Le personnage (le héros ?) aime profondément sa chienne qui permettra à son corps défendant (c'est absolument le terme) la catharsis, lui redonnant la force qui lui avait manqué et l'avait installé dans le remords du lâche. On ne résume pas un livre dont la puissance tient au sujet (on n'a jamais aussi bien parlé des SDF) mais plus encore au style, à la broderie élégante de Detambel. Et là on doit s'effacer :
J'ai renoncé, pour une raison, une seule, intense et passionnée, à poursuivre la vie réelle que je menais, un peu plus bas, dans la rue bruyante qu'on voit par la lucarne du mur. Je suis maintenant un personnage anecdotique et pittoresque qui a appris tout seul la marche du soleil. J'en imposerais aux chasseurs, pour les traces que je reconnais, aux horticulteurs pour les miracles que j'ai accomplis, aux astronomes pour les éphémérides que j'ai moi-même calculées, aux mathématiciens. J'en remontrerais aux zoologues pour mes observations, même aux apiculteurs. Je suis un vieux sage qui a la patience de suivre le soleil avec la pointe du pied.(46).
Je suis un bateau qui se construit dans une bouteille (60)
Sandrine est émouvante de force. Tout sur elle est déjà animal. Sa peau ondule à la base des poils quand elle frissonne, ses seins durcissent et se mettent en boule avec lenteur comme de petits hérissons (75).

Pour conclure, un bel oxymore rencontré en visitant les emplacements à louer, recueil de Nouvelles de Manu Causse, dont Chasse à l'homme, un bijou.
Au moment où on s'engouffre sous l'arche, le soleil est en train de sortir des nuages, derrière le merisier, j'ai l'impression de plonger dans un tunnel de lumière . (51). Visitez le purgatoire (emplacements à louer). D'un Noir si Bleu 2008.

Je retourne tailler les branches mortes, il fait si beau.

mercredi 25 février 2009

Mon jardin m'a tuer


Aujourd'hui soleil, enfin.
Boire le café sur la terrasse et lâcher l'écran pour le jardin.
Un tour, un seul et je reviens avec sécateur et escabeau. Le rosier grimpant est pourri de vieux rameaux noircis, le vent des tempêtes qui n'ont épargné ni le Nord ni le Sud, l'a décroché de son treillis. A la suite, tailler le plus urgent : les seringuas, la sauge, les penstémons. Au jardin on est toujours dans le plus urgent, la priorité à ceux qui ont mauvaise mine. Pas trop de dégâts cependant, en dépit du gel. Juste tout ce qui a été négligé, le jardin a été impraticable à ce jour
Un jardin c'est du bonheur parce que voir bourgeonner et refleurir chaque année les arbustes, les fruitiers, les rosiers, la sève remonte en nous comme en eux. Un jardin c'est un boulot d'esclave. Cadences infernales des tontes, des tailles, du désherbage, des soins. Venant de la Capitale, investissant une friche laissée aux moutons depuis cinquante ans, j'ai planté, à tours de bras, je n'ai pas soupçonné l'envergure de la servitude volontaire que je mettais en route avec mes petis bouts de bois. Mon jardin m'a sauvée, mon jardin m'a tuée. Il m'a sauvée quand le goût de vivre m'avait désertée (épisode intense mais de courte durée). Il m'a tuée et je sais qu'il va me retuer, une petite mort subtile quand après une journée d'acharnement pour servir tous mes sujets, je tomberai telle la momie dans un scaphandre de plomb.
Ne possédez rien, pas même de l'herbe et des cerisiers, ce sont eux qui vous exploiteront.
Ou alors il faut avoir les moyens d'Edward James cet Anglais excentrique qui a installé un paradis surréaliste dans la jungle Huasteca au Mexique y consacrant la vente de son exceptionnelle collection d'œuvres d'art.
Ou encore être une Niki de Saint Phalle et y consacrer le reste de sa vie en créant le jardin des Tarots en Italie, province du Grossetto, dans un lieu perdu, très difficile à trouver mais résolument magique.

mardi 24 février 2009

N'oublie pas que je t'aime


Il court, il court le furet !
De blog en blog.
Bien le bonjour !
Un p'tit éclat ?
De rire
De frime
De fureur et de bruit silencieux.
De silence musical
Un p'tit éclair
Une pépite
Pour la route.
Si tu ne m'aimes pas je t'aime
Et si je t'aime...
Parlons peu mais parlons bien
Aux innocents les mains pleines
L'as-tu vu mon p'tit lou ?
Tant va la barque à l'eau
Qu'à la fin elle se casse
A Ciao bonsoir,
Vous reprendrez bien un vers
Jamais deux sans trois
Sans trois ni loirs
Vous délirez mon cher Chouette there
Stanley rubrique & Cie
Si la messe était dite
Qui s'intéresserait au film
C'était un jour ordinaire, d'ordinaires aventures inutiles mais indispensables.

Photo Où est-il l'écureuil ? Clemt

lundi 23 février 2009

Grand père, dis-moi, qui suis-je ?

-"Grand père, dis-moi, qui suis-je ?"

-"Toi mon petit, comme tous les êtres humains qui ont vécu sur terre depuis le commencement, tu es une question vivante, une audacieuse interrogation ambulante à la recherche de réponses sans fin".

Ainsi parla Don Gregorio, maître du savoir des vents et du rêve dans la tradition des Ah-Miatzob, les scribes Mayas qui sculptèrent leur sagesse sur les pierres et les stèles dans les pyramides.

CAUSERIE & PETITE COMPOSITION DE CONTES MAYAS ...
avec
Ricardo Rueda Miramon
, poète et conteur

http://www.youtube.com/watch?v=bnYRBxCDisU

Photo Palenque Wikipedia

dimanche 22 février 2009

Le vent des blogs 1


Pour lutter contre l'éphémère, je me propose de réaliser chaque semaine, le dimanche de préférence, sauf empêchement pour cause de mieux à faire, un résumé de mes coups de cœur ou de sang, au fil de ma lecture des postiers de la blogosphère. Leur ordre d'apparition n'obéira à aucune hiérarchie, voire souffrira de tête-à queue chronologique, de coq à l'âne et autres figures interdites. (S'ils ne sont pas mentionnés dans le texte c'est que les liens sont en liste ici à droite)
Chez le Chasse clou, la reproduction de l'appel des intellectuels créoles dans le Monde, (18/02 commenté la veille ici même sous l'arbre à palabres), a donné lieu à quelques propos assez nauséabonds et donc un échange d'amabilités. Je retiens la création d'un néologisme "hurluberlus charabiatants" ainsi définis par un hurluberlu très doué pour le charabia haineux.
Clopine (clopineries) a fermé son blog (20/02), un petit salon que j'aimais bien fréquenter tant l'hôtesse était fine, vive et entourée d'une cour de zigotos zygomatisants. Je mets cela au passé, mais elle est bien vivante, seulement elle a décidé de se lancer dans la création comme lutte contre l'entropie qui atteint les femmes d'un "certain âge" et leur tord les tripes en les shootant à l'urgence. Bon vent Clo et à très bientôt chez les libraires.
Jourde défend les enseignants contre la fameuse réforme qui a réussi à liguer dans le même bloc les syndicats de droite comme de gauche. Dans son dernier billet, il affirme que l'autorité du prof nécessaire et bienfaisante doit être fondée sur le niveau de connaissances que le dit professeur possède de la matière qu'il enseigne.
Il faudrait aussi en finir avec l'idéologie ravageuse qui consiste à apprendre aux professeurs que l'enfant est en mesure de construire seul ses connaissances. Au lieu de cela la dérive serait
un faux égalitarisme teinté d'angélisme à la Rousseau qui laisse accroire que c'est le professeur qui a à apprendre de l'élève. Il faut rétablir la formation des maîtres concentrée sur les contenus. Jourde qui est lui-même issu du sérail l'affirme : de tous les professeurs que j'ai croisés dans ma carrière, les plus efficaces, les plus respectés et les plus aimés de leurs élèves étaient aussi, à peu près invariablement, ceux dont les compétences dans leur discipline étaient les plus poussées. Chez eux, l'autorité intellectuelle ne différait pas de l'autorité exercée en classe. J'ai souvent observé que des élèves, même difficiles, respectent le savoir. Ils ne prennent pas pour du mépris le fait de vouloir le leur transmettre. Ils savent que l'autorité n'est pas incompatible avec le respect et l'affection qu'on leur porte, bien au contraire. Qu'elle peut s'exercer dans l'humour et la bonne humeur. Hélas, est-ce la formation qui déforme ? Pour ma part, j'ai rencontré dans ma carrière d'élève puis d'adulte très investie dans la sphère éducative très peu de ces miraculeux humoristes, plus souvent des grincheux, des hypocondriaques, des fatigués chroniques. Est-ce que j'ai eu une expérience atypique ?
Chez Manu Causse, il est né le divin enfant, celui d'Emmanuelle Urien, il nait et renait tous les jours. Je l'ai lu mais je n'en dirai ...rien, on ne joue pas les apprentis critiques inconsidérément. Si vous voulez savoir de quoi il retourne, faites comme moi, versez votre obole.
J'aime bien le blog Biffures Chroniques mais je ne parviens pas à poster un commentaire, apparemment il faut s'inscrire à je ne sais quel machin propulseur, j'en ai marre de m'inscrire partout et nulle part.
Chez Dom A j'ai dévalé des marches vers la grise Marne sur l' air de "dansez sur moi". Ça m'a évoqué "le cuirassé Potemkine" il manquait juste la poussette.
Chez Chr. B, (Lettres libres) j'ai glané ceci , (L' Auto-friction, 19/02, mais tout est bon chez le Christophe), un florilège de la jactance de têtes brûlées :
on s'éclate
au lieu d'on s'amuse ;

on a cassé
au lieu d'on a rompu ;

je m'arrache
au lieu de je m'en vais ;
j'hallucine au lieu de c'est incroyable ;
j'y crois pas au lieu de c'est extraordinaire ;
c'est d'enfer au lieu de c'est inouï... ?
Et ne disent-ils pas que c'est clair quand plus rien ne l'est ?

Sans oublier mon aphorisme à moi publié chez les 807
"807 sangsues sans sang, 807 assoiffées au désert." (18/02)
Connaissez pas les 807 ? Des fondus d'Eric Chevillard qui ont entrepris de publier un aphorisme proposé par d'autres fondus en résonance avec un inaugural du grand leader maximo, et ce deux fois par jour à 8H07.
Enfin la sélection de la semaine dans
L'autofictif , responsable de mon incarcération virtuelle
Agathe dort enfin
derrière ses paupières je peux
m’endormir aussi (21/02/)

Photo La plage du Conseil dans le Bois des Fées (Dénomination authentique) ZL

samedi 21 février 2009

Bon appétit bis

Samedi, jour de marché. Je vais glaner de stands en étals les produits qui tout le reste de la semaine passeront dans notre assiette. Tous les samedis mon parcours est relativement identique : les fromages de chèvre de Claire, les purées d'olive de Damien, les thés et cafés de Rina, le poisson de Pascal, les légumes de Laurent, les magrets du ravissant vieux monsieur descendu des Monts de Lacaune, le pain au muesli et aux abricots pour le petit déjeuner, les huitres et les moules d'Oléron, qu'une femme née dans mon propre village (à plus de 400km de ma base actuelle), vient vendre au cœur du Pays de Cocagne. Dans les villes que je visite, je cherche toujours le marché, j'y perçois l'âme du peuple qui s'y nourrit, tant nous sommes aussi ce que nous aimons déguster. De toutes les corvées qui incombent à la ménagère, "faire le marché" est la seule dont je ne me plaindrai jamais. C'est la plus essentielle, la plus joyeuse, d'autant qu'elle se clôt la plupart du temps par une halte à la terrasse d'un des cafés postés à proximité immédiate, en compagnie d'une ou plusieurs ami(e)s, car ce qui est agréable au marché c'est d'y croiser presque autant d'hommes que de femmes. Ils ne portent pas sur le visage l'ennui ordinaire du pousseur de caddie, mais au contraire l'étincelle égrillarde dans l'œil qui se régale à l'avance, par les couleurs et les formes de ce qui passera par le palais. Les commerçants, tous producteurs (ceux que je fréquente) sont, sans exception d'une délicieuse courtoisie et si leurs prix sont "soi-disant" plus élevés que chez Monsieur L, leurs produits sont sans reproche, puisque chacun d'entre nous peut revenir les prendre au col en cas de forfaiture. Abattons les grandes surfaces, restaurons les marchés de plein air qui ont failli disparaitre il y a quelques années. Heureusement ce désastre n'a pas eu lieu, n'en déplaise à la médiocre "grande distribution". Une petite tartine de caviar de tomate accompagnée d'un verre de Symphonie, un Gaillac gouleyant et modeste, c'est tout le mal que je vous souhaite.

Photo Marché du jour ZL

vendredi 20 février 2009

Bon appétit

L'image “http://www.vox-populi.net/IMG/jpg/cannibale.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.
Une fois n'est pas coutume, un peu d'humour raciste donc stupide, il faut oser avouer ses faiblesses et cette blague est une de mes favorites. Un ami me l'a raconté il y a longtemps, je ne l'ai pas oubliée ce qui est exceptionnel, je vous la livre en l'actualisant un peu.
Trois explorateurs se font alpaguer par un groupe d'anthropophages (en ces contrées guyanneuse ou autre, vous voyez ce que je veux dire). Ils appartiennent à un groupe de recherche internationale. Les cannibales font venir leur interprète qui tient aux trois otages à peu près ce langage:
"Très chers mets de choix, nous allons vous passer dignement à la casserole, après vous avoir dépecés avec précaution car nous ne gâchons rien de nos prises, nous mangeons votre chair dont vos tripes (selon une délicieuse recette), nous utilisons vos cheveux pour recoudre nos vêtements, vos os pour jouer pendant nos longues veillées et votre peau pour nos canoës. Une seule façon de la sauver votre peau, nous demander comme dernière volonté quelque chose que nous ne pourrions vous fournir."
L'Américain demande un triple hamburger arrosé de Southern Comfort, son sort est rapidement réglé.
Le Français influencé par les derniers propos qu'il a entendus avant de prendre l'avion demande une Rollllex qu'il obtient dans la minute qui suit et qu'il n'emporte pas dans son court bouillon, ça lui apprendra à écouter les publicitaires gâteux.
Le Belge réclame une fourchette. Surprise des bons sauvages qui trouvent que c'est trop facile et le pousse à plus d'exigence. Cédant à son insistance, ils finissent par lui fournir cet objet dont eux-mêmes ne se servent que pour vérifier la cuisson. Le Belge s'en empare et se porte de violents coups à la poitrine et aux bras en hurlant : "Voilà ce que j'en fais de votre canoë"
Ah! Vous aussi la connaissiez ? Je l'échange contre une nouvelle.

Illustration José Acedo

http://www.vox-populi.net/article.php3?id_article=119

jeudi 19 février 2009

La poésie s'occupera de vous.


Si vous ne vous occupez pas de la poésie
La poésie s'occupera de vous
Petits moutons broutant les pelouses mentales
Filles du samedi soir repeintes au néon
Solitudes laquées
L'aube est une blessure fraiche sous vos doigts
Et vous marchez dans les paysages cloutés
Le malheur vous pousse par les épaules
Marchez marchez la terre autour de vous
Sue à sang à l'heure ses souvenirs
Les villes lentement
Entrouvrent leurs hautes ailes de sable
Et je m'enfonce à travers vous dans l'océan
Les yeux caillés au lait des primevères
Je m'enfance avec vous dans les jardins d'enfants
Parmi les papiers gras et les épluchures de soleils
Marchez
Les terrains vagues de l'espace sont ouverts
Marchez
Jusqu'à en déchirer le temps
Jusqu'à l'hémorragie sauvage du poème
Dans le grand laminoir des mots chauffés à blanc
Patience
Ce siècle accouche tout de même ce siècle accouche
D'une virilité éruptive du chant
Dans les convulsions du malheur
Espérance, chair magnétique
Gonflant la matrice du monde
Quand elle aura muri dans sa nuit explosive
La poésie s'occupera de vous.

Christian Hubin Le chant décapite la nuit

Photo Le sein doux ZL

mercredi 18 février 2009

L'homme du futur


L'homme du futur doit être un "gagnant", un "battant", un "fonceur", on doit le préparer à affronter des défis extraordinaires, à aller coloniser la galaxie après avoir dompté la nature.

L'homme du futur est un communicant, qui doit s'exprimer, faire valoir son point de vue, personnel et unique, dans le grand débat planétaire sur toutes les ondes, via les robots électroniques.

L'homme du futur est un mystique. Il a (re)découvert les lois naturelles et aligné sa vie sur leurs évidences. Il a abandonné l’obsession matérialiste pour vivre, au-delà de la possession des choses, l'aventure de l'esprit libre et aimant.

L'homme du futur est un mammifère. L’espèce a raffiné depuis la nuit des temps sa capacité d'adaptation en utilisant le phénomène de la mémoire afin de tirer de ses expériences des informations qu'il transmet aux nouvelles générations et qu'il manufacture pour sa survie, la satisfaction de ses besoins et de ses désirs ou délires.

L'homme du futur est un être social. Il a parachevé sa longue quête de paix en élaborant des systèmes de répartition du bien terrestre rendant ainsi obsolètes les guerres de territoire. Après l’adoption à l'unanimité par les Nations Unies de la prohibition des armes et sa radicale généralisation, le crime n'a pas été éradiqué mais a perdu le caractère organisé des grands massacres du passé. La violence et l'agressivité ont leurs lieux d'expression ritualisée sous forme de grandes joutes et parades théâtrales, musicales, sportives, picturales, toutes les expressions du cirque et du cycle de la vie se déployant régulièrement dans les nombreux parcs et berges de rivière réaménagés à cet effet.

L'homme du futur est un mutant. Son exosomatisation intensive alliée à la complexification des savoirs et des enjeux l'ont désincarné au profit d'une spécialisation exclusive du cerveau. Le monde dans lequel il évolue, entièrement placé sous son contrôle, ne supporte aucun relâchement de sa vigilance. Il est en veille technologique permanente. L'intrusion du hasard, devenue trop dangereuse, est impitoyablement traquée par les systèmes de surveillance qu'il s'est auto-imposé.

On pourrait décliner à l'infini la myriade de fantomatiques esquisses que chacun porte en soi, y compris celles d'une poignée d'inconsolables de la tribu des vieux mâles dominants : l'homme du futur rétablissant "la" tradition à grands renforts de brodequineries et autres tenaillantes arguties, l'homme du futur avec quelques grands chefs et des milliards d'esclaves, passés au four ou jetés aux lions quand ils déplaisent.

Extrait "Le voyage des enfants" ZL Inédit 1997

Photo. Boum errant ZL

mardi 17 février 2009

Nous sommes tous créoles


Il se passe des évènements extraordinaires aux Antilles. Les médias insistent sur la grève anti vie chère, mais la vie chère est le détonateur. C'est tout autre chose qui est en jeu, enjeu.
J'ai sélectionné ci-dessous quelques très belles assertions que je soutiens des deux mains
(...) la force de ce mouvement est d'avoir su organiser sur une même base ce qui jusqu'alors s'était vu disjoint, voire isolé dans la cécité catégorielle – à savoir les luttes jusqu'alors inaudibles dans les administrations, les hôpitaux, les établissements scolaires, les entreprises, les collectivités territoriales, tout le monde associatif, toutes les professions artisanales ou libérales. (...)
Derrière le prosaïque du "pouvoir d'achat" ou du "panier de la ménagère", se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir : le poétique. (...)

Le libéralisme procède à une "épuration éthique" à savoir désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même) de tout le fait humain. (...)
Ce mouvement se doit donc de fleurir en vision politique, laquelle devrait ouvrir à une force politique de renouvellement et de projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes. (...)
tous ces mécanismes que créent un nuage de voracités, (donc de profitations nourries par " l'esprit colonial " et régulées par la distance) que les primes, gels, aménagements vertueux, réductions opportunistes, pianotements dérisoires de l'octroi de mer, ne sauraient endiguer.(...)

On peut mettre la grande distribution à genoux en mangeant sain et autrement.(...) Ceci fait partie et depuis fort longtemps de mes convictions profondes. Et encore ce qui suit
On ne peut vaincre ni dépasser le prosaïque en demeurant dans la caverne du prosaïque, il faut ouvrir en poétique, en décroissance et en sobriété.
Je ne peux que recommander d'aller lire en détail la totalité de la déclaration de ces intellectuels. Oui les intellectuels ont un rôle majeur à jouer dans le rétablissement d'un monde respirable, actuellement placé sous le couvercle des maniganceurs du profit à tout crin.
Il est vraiment temps que ceux qui se prennent pour les puissants s'assoient en toute modestie avec ceux qu'ils prennent pour quantités négligeables sous l'arbre à palabres.

Neuf intellectuels antillais, Ernest Breleur, Patrick Chamoiseau, Serge Domi, Gérard Delver, Edouard Glissant, Guillaume Pigeard de Gurbert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean-Claude William ont rédigé ce "Manifeste pour les 'produits' de haute nécessité".

http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/02/16/neuf-intellectuels-antillais-contre-les-archaismes-coloniaux_1156114_823448.html


Photo. Permanent Invisible. Clemt


lundi 16 février 2009

Dialogue taiseux















Il joue sur un Stradivarius, moi je joue sur un Stradivaurien
L'anathème ça vaut rien
Qu'est-ce qui vaut la peine de quoi?
Le bonheur comme mètre étalon ça vaut rien
Ca se tortille et ça mesure la tête en bas
C'est hypothétique et même hypothéqué
Tout est hypothétique, faut juste choisir l'hypothèse
Qui reste à l'épreuve des preuves
Les preuves fatiguent la vérité

Photo Sans toi(t). ZL


dimanche 15 février 2009

Amours anciennes


C'était la Saint Valentin hier ? Ah bon! Justement, étaient de passage mes amis chéris, amis, amours, on ne sait quelle nuance. Le temps s'était mis au plus beau, le froid nous pelait le nez et les oreilles mais j'étais contente de leur offrir un tour sous les rayons après tout ce gris qui les avait accablés. Nous avons marché sur la petite route, bordée de grosses mottes ocres, et finissant en impasse sur le lac, aménagé autrefois à grands frais pour abreuver les cultures, qui ne sert plus que de réserve aux canards, crapauds et autres carpes. Paysage paisible et changeant avec ce faux air d'immuabilité rassurante et trompeuse. La terre sculptée par le labour.
Je venais de lire un article de Paul Shepard où ce précurseur de l'écologie politique décortique les logiques qui ont fondé la civilisation agricole et urbaine au détriment de celle des chasseurs cueilleurs pourchassés, spoliés voire assassinés au cours des temps. Or, Sheppard montre que ces tribus ont perduré pendant des millénaires grâce à une économie dont une poignée de survivants nous donnent encore en exemple les modes et les mœurs aux antipodes des nôtres.
Cette terre sculptée c'est "la pathologie écologique". (En soutenant des populations humaines vastes et mal-nourries, et de par leurs effets destructeurs sur l’environnement lorsqu’elles sont cultivées en monocultures, les céréales sont réellement le symbole et l’agent de la guerre agricole contre la planète).
Le détail de son long argumentaire vaut le détour, qui associe tous les maux dont nous souffrons à ce changement de paradigme capital qui a transformé l'homme (avec une détérioration de sa propre image ) de chasseur en laborieux laboureur, s'inventant son propre esclavage, domestiqué par son cheptel. Pour justifier la haine dont ils sont l'objet, les chasseurs- cueilleurs sont caricaturés, y compris par des scientifiques de mauvaise foi (dixit Shepard) "Après avoir équipé le chasseur avec des impulsions bourgeoises et des outils paléolithiques, nous jugeons par avance que sa situation est sans espoir." Pourtant il pratiquait un contrôle des naissances, il n'avait pas besoin comme le paysan de bras, au contraire il se défiait de trop de bouches à nourrir, qui aurait pu endiguer le débordement démographique, la vraie bombe à retardement . Mieux, le temps consacré à la survivance et aux questions matérielles lui laissait le loisir des siestes, des jeux avec les enfants, des fêtes et autres sources de satisfaction dont les peuples agricoles puis ouvriers ont dû faire le deuil. Les chasseurs-cueilleurs résistent à la flatterie de leurs voisins fermiers et éleveurs, des missionnaires, des bonnes âmes, des publicitaires et des soldats. Ce n'est qu'en les capturant, qu'en les piégeant, qu'en les piétinant et qu'en les cassant qu'on pourra leur faire abandonner leur “sauvagerie très primitive” en échange du paquet cadeau bien parfumé et joliment emballé de la civilisation.
Si nous ne pouvons imaginer revenir en arrière, en revanche les principes de sobriété et de limitation de nos appétits matériels au bénéfice de ce qui n'altère ni ne pollue et cependant nous remplit et nous dilate (l'amour, l'amitié, la musique, l'art) serait un renversement de paradigme enfin postnéolithique. Les problèmes contemporains ne sont (...) nouveaux que dans leur amplitude. L'arrogance et l'apathie (hybris et akedia) qui les sous-tendent sont aussi vieilles que la civilisation.


Et puisque c'était la fête des amoureux un petit cadeau qui ne coûte rien et qui vaut de l'or

« O parfum rare des salants

Dans le poivre feu des gerçures

Quand j'allais géométrisant

Mon âme au creux de ta blessure

Dans le désordre de ton cul

Poissé dans les draps d'aube fine

Je voyais un vitrail de plus ·

Et toi fille verte mon spleen

Et je voyais ce qu'on pressent

Quand on pressent l'entrevoyure

Entre les persiennes du sang

Et que les globules figurent

Une mathématique bleue

Dans cette mer jamais étale

D'où nous remonte peu à peu

Cette mémoire des étoiles »

Léo Ferré La mémoire et la mer



mercredi 11 février 2009

Son siège dans le bon angle


Toute littérature est entachée de ridicule : sa gravité, sa solennité, son outrance, son tour péremptoire ou inspiré... inévitablement l’un ou l’autre de ses profils est déjà sa caricature. Le lecteur n’a plus qu’à disposer son siège dans le bon angle pour y trouver matière à rire et se moquer. La conscience aiguë de ce ridicule constitue sans doute le secret désespoir de tout écrivain lucide.

Eric Chevillard (soi-même) l'Autofictif

Photo OC

mardi 10 février 2009

Le taureau par les cornes


« Volonté imparfaite, intention fugitive ». La diablesse Velléité me harcèle. Elle rôde à l'affût de chacune de mes rêveries qui sont temps de concoctions de stratégies d'efficacité. Je contemple les jours à venir, je les bourre jusqu'à la gueule de résolutions, j'élabore de savants agencements pour tout articuler dans une économie bien ajustée de fins et de moyens, j'échafaude les argumentaires, je prévois mes itinéraires. Bien entendu, mon maillage accuse de multiples coups de ciseaux délivrés à l'impromptu par sa Majesté Velléité, Vel pour les intimes. Elle s'attaque sans vergogne à tous mes chantiers-je m'efforce d'en mettre en route de multiples dans le même temps, se livrant des concurrences impitoyables, lui facilitant ainsi la besogne. Je souhaite insister sur le caractère éminemment intime de nos relations. Mon entourage ne soupçonne pas notre permanente cohabitation. On aurait tendance à me trouver agitée et productive au moment même ou son poison m'engourdit. Il gauchit mon regard et me porte à considérer soudain ce que je me proposais de prendre en mains, voire que je manipulais déjà, comme parfaitement dérisoire, dénué de tout attrait, monstrueusement lourd, stupide, dévoreur de temps et d'énergie. A peu près toutes mes entreprises rencontrent Vel sur leur chemin. Même momentanément désarmée par mon obstination à poursuivre, repliée dans sa petite molécule, elle ne s'absente jamais totalement. Je la connais depuis toute petite. Nous nous crêpons le chignon depuis le berceau. J'ai sans cesse dû lui claquer sa petite gueule ironique et boudeuse.

Elle se le tient pour dit quelques minutes, quelques heures, quelques années, ça dépend du sujet et revient à la charge avec ses petits sifflotements moqueurs, ses sarcasmes foudroyants.

« Je » se doit d'être honnête, il lui arrive plus souvent qu'il ne faudrait d'écouter la harpie

- pourquoi t'agiter quand tout cela sera à refaire sous peu (« Je » nettoie les vitres ou arrache des herbes au jardin)
- prendre un stylo pour noter ta fulgurante idée ? Qu'a-t-elle de si extraordinaire, mille cerveaux l'ont déjà formulée (« Je »réfléchit à un article ou a un petit morceau de bravoure lyrique -té léphoner ? Pour parlerde quoi et à qui? (« Je » songe à la négligence de ses amitiés)

- aller au concert ? Combien de kilomètres à déguster avant d'entrer dans la foule (« Je » se désole de la pauvreté de ses sorties).

Tout pourrait aller au mieux si « Je » ne réclamait sa petite collection de bons points à se décerner et ne trouvait, la nuit venue, la collection un peu maigre. « Je »est plein de forfanterie, imaginant, le naïf, qu'il a un rôle même modeste à jouer, dans l'orchestration du monde. Vel prétend que tout se vaut et rien ne se ressemble. Ce n'est pas encourager rationalité et catégories. Sa ritournelle : « il y a trop de tout, c'est de vide que nous manquons» . Ce n'est pas très stimulant pour l'effort.

On doit à la vérité de reconnaître à ce point de vue de sérieuses victoires quand il évite à « Je »de saumâtres déconvenues. Renoncer à sortir pour s'en féliciter quelques heures plus tard, quand la tempête s'est levée méchamment et qu'un excellent concert passait à \a radio. Vel fanfaronne alors, elle pose à l'intuition lumineuse. Elle sort ses meilleurs arguments sous les atours veloutés de la prudence, ses formes les plus lascives. Elle est l'ennemie déclarée des arpenteurs de sentiers escarpés vers les sommets noyés de brouillard qu'il faudra abandonner pour le chemin de retour. Vel se sert de mille subterfuges pour déranger le cours des accomplissements, elle opère sous forme d'incursion (le téléphone, un enfant, un orage). Plus l'envahissement se prolonge plus sa pression s'affirme, elle va tordre le bras sans appel. Elle opte pour les incontournables lancinants (la faim, la soif, le sommeil), use de ruses (maux de tête, foulure du doigt, sciatique), casse la machine pour tempérer sa fougue. C'est elle qui rend l'hôpital attractif aux bien portants, On peut y être dorloté et exempté de tout service. Hélas, il faut faire la preuve qu'on souffre vraiment et on n'est jamais sûr de ne pas mourir, ça réduit les marges de manœuvre de notre discoureuse.

Vel a un frère jumeau (si on peut dire compte tenu de leur symétrique androgénie). Si plaisir (le jumeau) jaillissant, fait gonfler la voile de l'intention, Vel replie ses tréteaux et laisse la piste libre. « Je » s'en empare. Ah ! Ah! Jusqu'au bout, j'irai jusqu'au bout, le point final à une portée de syllabes, une conclusion qui ferme le ban.

Bon, je l'ai matée pour cette fois la diablesse. Je vais me faire un petit thé. Si je ne reviens pas, c'est elle qui m'aura eue.

Photo Colombe occitane O C

lundi 9 février 2009

Bonnes résolutions



Regarder le sexe au fond des tropismes,
Détrôner le Dieu CAC et la déesse pépette
Eviter de se prendre pour le centre d'un monde
Accepter la folie, rechercher la raison
Suspendre les convictions, regarder à deux fois
Minimum
Refuser la violence, rétablir la palabre
Visiter les paradis artificiels et en redescendre
Caresser et non battre, baiser et non hacher
Oindre les tout petits de mots doux pour la route
Se mêler de ce qui nous regarde
Regarder de quoi ils se mêlent
Humouriser comme on vaporise
Voyager sur la pointe des pieds
Partager tout ce qui encombrerait sinon
Cultiver silence et solitude
Bramer en coeur quand ça nous chante
Installer la ville à la campagne
Et vice versa
Présenter un passeport vierge aux frontières
Saluer d'un bras levé le soleil et le vent.

Photo Little Buda. ZL