lundi 10 juin 2013

Mourir à dix-huit ans.

Je viens une nouvelle fois de partir pour quelques jours et me voilà revenue.
La pluie n'a quasiment pas cessé depuis mon retour et je regarde les cerisiers qui portent des fruits peinant sur la voie de la maturité.
Autel baroque installé dans un petit parc au village de l'Hermitage (à proximité de Rennes) où, entre autres vadrouilles, j'ai rendu visite à mon amie Pomme . Un peu de sérénité dans ce monde de brutes.

Samedi soir, j'avais envie, à tout prix, de parler avec mon fils. Son portable sonnait, mais il ne répondait pas.
J'ai enfoui mon angoisse de mère en me reprochant cette tendance à l'anxiété dès qu'il s'agit des enfants, alors que je ne  suis guère peureuse par ailleurs et que je bannis le climat délétère entretenu par les médias : "la France a peur".
Mais voilà, un jeune garçon a été mortellement agressé, dans un affrontement "politisé". Il est mort sous les coups d'un jeune  "barbare" (20ans) se réclamant d'un mouvement d'extrême droite. Je suis doublement atteinte par ce meurtre :   parce que ce garçon était jeune, porteur d'une vie qui ne devait pas tourner court si vite et que je pense à ses parents, dévastés. Mais aussi parce que ces violences de jeunes hommes prêts à tout pour défendre une identité qu'ils prétendent menacée, démentent cet espoir que la jeunesse aurait enfin tourné le dos à ces vieilles lunes. Et  je soupçonne ces têtes brulées d'être allègrement encouragées à "durcir le mouvement" et à se tenir prêtes à servir le moment venu. Quand on regarde les photos publiées sur les manifestations d'extrême droite, on peut remarquer que les "entraineurs" ont le cheveu court clairsemé et poivre et sel. C'est évidemment plus inquiétant que les exactions d'une poignée de boutefeux dont le jeune sang cherche la gloire du combat pour des idées, aussi tordues soient-elles. 
Cependant, en l'occurrence, il est important de choisir ses mots. Et d'avancer prudemment, car on ne sait rien de bien établi sur cette affaire. Sauf que la jeune brute a frappé un type qui ne faisait pas le poids : triple faute au regard d'une morale ordinaire. L'emploi de la violence dans un différend est évidemment insupportable, agresser plus frêle que soi est une lâcheté (quoique il semblerait que l'agresseur soit lui-même de petite corpulence et qu'il aurait utilisé un poing américain), et prétendre faire régner des idées par la terreur est une infamie. 
La Droite ne digère pas d'avoir été remisée pour au moins cinq ans et dans ses rangs, il y en a sans doute qui trouvent que ce temps démocratique est usurpé et qu'il s'agirait de remettre les choses dans l'ordre quitte à user de poings américains et plus si affinités. Les discours que j'entends passer complaisamment sur les radios  ne me disent rien qui vaille quant à l'appétence de mes concitoyens pour "la manière forte" pour déloger un président jugé trop mou.
J'ai finalement pu parler avec mon fils, dimanche. Comme je lui avouais avoir un brin "psychoté", à cause de cet évènement et parce qu'à Toulouse, un fait divers m'a marquée, en 2008 un jeune homme a été jeté dans la Garonne. C'est aussi, m'a dit mon fils, parce que le type qui vient de se faire tuer s'appelait Clément.
Je n'y avais pas pensé mais c'est vrai, mon fils s'appelle Clément.

vendredi 31 mai 2013

Envols


Miki Ohihara, Stephen Pier, Parallel jump

J'ai trouvé cette très belle photo chez Renato Maestri où vous en trouverez beaucoup parce que Renato en poste une par jour.


Jump for love


En cherchant qui en était l'auteur  j'ai trouvé celle-ci, mais je n'ai pas réussi à identifier les photographes qui sont parvenus à capter ces envols.


mardi 28 mai 2013

En mai, va te promener.

Je bouge beaucoup en ce moment. j'ai peu de temps à consacrer à ce blog et aux blogs amis.
Remplacer les mots par quelques images commentées



 Week-end de Pentecôte. Mes neveux jouent les conquérants sur la tourelle d'un blockhaus enfoui dans le sable de la plage de la Grande Côte, à Saint Palais, pendant que nous foulons, ma sœur et moi  le sable pour rejoindre un horizon bien tourmenté.




Il fait un tel vent, il est si froid, que nous ne marchons qu'un petit quart d'heure avant de nous replier.
 



 Ici, nous sommes au Platin, un endroit où se trouve le Pont du Diable et le puits de l'Auture, qui m'évoquaient, au temps de mon enfance de sombres histoires de désespérés qui s'y  jetaient  et   mettaient ainsi fin à leurs jours.

J'ai ensuite traversé la France dans l'autre sens  pour aller à Cluny où se déroulait le Festival de la transition. La neige dans le Quercy, des trombes d'eau dans les jardins de l'abbaye, une température frisant le zéro le matin.

 

L’abbaye de Cluny a été saccagée après  la révolution de 1789, dépecée de tous ses biens et transformée en carrière de pierres. Il n'en reste plus que 10%. On peut évaluer l'ampleur du désastre grâce à la reconstitution numérique présentée dans le musée, qui donne à voir la magnificence des hautes colonnes de marbre qui soutenaient la nef.


Il ne reste plus que le petit et le grand transept. Et des bâtiments qui accueillent l'école des Arts et Métiers;




J'ai dormi dans un gîte "Accueil paysan". Le petit déjeuner -délicieux-, était  servi par une jeune fille fermement décidée à reprendre la ferme. Elle aime cette vie proche de "ses bêtes", dont de très belles photos ornent les murs, réalisées par une de ses sœurs, photographe à Lyon. 

J'aime beaucoup les vaches et elles paissent alentour, dispersées dans les champs généreux en herbe et en fleurs de toutes les couleurs. J'en capture une au lasso de mon objectif.

Après un arrêt à Balaruc les Bains, pour déguster une énorme marmite de moules à la rouille, retour enfin chez moi, où pendant mon absence le rosier a explosé.


 et les petites bêtes continué leur ouvrage.


Photos ZL, mai 2013

mercredi 22 mai 2013

Bienvenue Aminata Traore


Je pensais vous entretenir avec enthousiasme de ma dernière lecture mais j'y reviendrai plus tard, parce que je suis en colère. Selon diverses sources, Rue 89, l'Humanité, France 24, Aminata Traore, militante altermondialiste malienne opposée à l'intervention française au Mali, aurait été interdite de circulation dans l'espace Schengen . Les réfutations des autorités françaises sont floues, la position d'Aminata Traore contre l'intervention française, elle, est ferme. Elle  dénonce l’égoïsme et l'inconséquence des occidentaux (les Français en l'occurrence) qui ont favorisé la prolifération des armes dans la Région via la Libye créant par là-même un foyer de déstabilisation -qu'on voit prospérer ces derniers jours au Tchad-. Elle affirme que l'ingérence militaire sans soutien économique, l'imposition d'un calendrier absurde (trop tôt, pendant la saison des pluies, le ramadan et alors que les forces politiques sont laminées) sont autant de menaces  synonymes d'un sucroit de misère dans un pays dévasté.
Je ne sais pas si elle a raison ou tort. Je connais cette femme pour ses positions courageuses pour défendre son pays dont elle a été ministre de la culture. Je suis plutôt mal disposée envers l'ingérence. Surtout si elle se limite à une intervention militaire. Mais je suis aussi peu disposée à considérer les Islamistes comme des démocrates dispensateurs de bien-être et de justice. 
Ce qui est certain, c'est que la France ne s'honore pas d'une telle entrave à la liberté de circulation, s'il s'avère qu'elle a en effet refusé l'extension du visa d'Aminata Traore à l'espace Schengen. S'il s'agit comme les autorités semblent l'affirmer d'un imbroglio, il serait urgent qu'il fût démêlé et qu'on présentât à cette éminente intellectuelle les excuses qui lui seraient dues.
Ce déni de liberté de circulation serait tout à la fois un déni d'expression et donnerait ainsi à penser que les analyses qu'Aminata soutient sont assez proches de la vérité pour déclencher une telle confiscation.
Bienvenue Aminata, soyez libres de venir dans un pays qui vous a montré de l'amitié et qui n'a aucune raison de ne plus le faire, quand bien même vous ne seriez pas d'accord avec ce qu'il prétend réaliser pour le bien de votre pays.

samedi 11 mai 2013

Une bibliothèque et un jardin.

 

Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut. Cette phrase célèbre de Cicéron, pour introduire mon propos du jour : la concurrence que se livrent en moi ces deux biens dont je bénéficie en effet, mais qui me harcèlent éventuellement.
Lorsque je suis tranquillement assise à lire, par exemple, la biographie de Virginia Woolf par Viviane Forrester (qui vient de mourir le 30 avril, on en a peu parlé, alors que la mort de d'Ormesson va provoquer, c'est quasiment certain, pléthore de commentaires), je lève le nez et m'aperçois qu'un rayon de soleil m'offre la possibilité de filer au jardin où tout est en chantier mais interrompu pour cause d'averse. Je chausse mes chaussures de boue et me voilà à m'escrimer sur la verveine sauvage, une vraie cochonnerie qui colonise sans vergogne et sur les viornes qui étouffent leurs victimes en toute impunité.
Il y a aussi concurrence entre lectures de "loisir" et lectures de "travail". De même au jardin entre potager et plate-bandes fleuries, plantations et semis.


Une de mes amies qui a récemment opté pour un petit appartement en ville après avoir vécu de longues années dans une grande maison à la campagne m'a dit en riant : "je ne regrette pas le jardin, je me promène avec bonheur dans les parcs que d'autres s'échinent à entretenir. En revanche, je suis drôlement embêtée avec mes livres, je n'ai pas assez de place pour ma bibliothèque, ils sont entassés dans tous les coins, ils me mangent l'espace et il n'est pas question de m'en séparer, ce sont mes plus fidèles amis".
Et pourtant, désormais, on peut faire tenir une bibliothèque dans un carré de plastique. Mon fils m'a offert une "liseuse" (comme si c'était le petit bidule qui lisait ! ). J'ai chargé beaucoup de classiques (possibilité de les lire ou relire). Je dois reconnaître que c'est très pratique pour lire au lit, pour emmener en voyage et pour me procurer illico un livre tout récent sans sortir de chez moi.

 


Il n'empêche, que serait une maison sans livres.


Hélénablue a eu l'idée de solliciter certains de ses amis blogueurs pour proposer un échantillon de leur bibliothèque. C'est une intéressante compilation que vous pouvez consulter pour l'amour des livres. 
J'aime beaucoup le texte d'Eric Mc Comber, un pétard, comme d'habitude.
C'est amusant de retrouver des titres qu'on a soi-même en rayon et d'en découvrir au passage. Mais au-delà, la disposition et l'environnement des livres sont révélateurs d'un univers intime.
C'est cette invitation amicale qui m'a incitée à rédiger un billet sur cette thématique. j'en ai eu le temps en cet après-midi que je pensais consacrer à désherber, mais comme il ne cesse de pleuvoir, par petites averses perfides, le chiendent peut progresser en toute quiétude.
  




Pour conclure, une citation amusante du grand Victor : il y a des gens qui ont une bibliothèque comme les eunuques un harem. Même si on ne collectionne pas les œuvres comme des bibelots, on doit bien reconnaître que certaines de nos invitées ont été un peu abandonnées et que toutes celles que nous avons aimées ne sont pas au bercail

Photos ZL

vendredi 3 mai 2013

A pleurer de rire

Très souvent, l'actualité provoque chez moi un hénaurme rire souvent suivi du reflux dans la consternation. J'ai grappillé ici et là certaines de ces  péripéties de mes compagnons de planète qui me procurent cet étrange phénomène et vous les livre en partage. Attention c'est que du lourd !
Commençons par une sacrée guignolade : les tableaux de Claude Guéant moqués sur le web avec un florilège de supputations sur les chefs-d’œuvre bradés pour la modique somme d'un tout petit demi million.

http://blognicematin.typepad.com/.a/6a0120a864ed46970b017eeac1df24970d-pi
Poursuivons avec le cri d'effroi qui s'est évadé de quelques 60 millions de gorges (un peu moins car nos petits nenfants s'en contrefoutent, les innocents) à l'annonce par nos médias  de ce qui suit : Per Sandberg, chef du Fremskrittspartiet (FRP), le parti du progrès, élu au parlement Norvégien et président de la commission en charge de la justice, propose de "retenir les groupes organisés de Roms, Bulgares et de Français à la frontière car il est connu que ces gens troublent l'ordre public et qu'il est prouvé que beaucoup s'engagent dans la criminalité." Parti du progrès, en charge de la justice et il agglutine les Roms, les Bulgares et les Français sous la même bannière infamante de criminels potentiels. Ahahahah! Ces Nordiques sont vraiment incorrigibles. Plus encore, ils commentent en soulignant que s'ils ont rajouté - au hasard- les deux derniers, c'était pour ne pas être taxés de racistes, ce qu'ils ne sont aucunement. Ils ne font que constater que ces étrangers là sont ceux qui ne savent pas se tenir dans la bonne société norvégienne. Il faut bien reconnaître que mes compatriotes se conduisent comme des voyous à l'étranger, pleurnichant sur la mauvaise qualité de la bouffe et aboyant après le petit personnel. D'ailleurs je  bats la retraite dès que je croise un de ces troupeaux d'énergumènes braillards et dépenaillés.
Et puis, celui qui alerte ses concitoyens  a  une mine avenante non ?

 

  
Tiens, une autre joyeuseté : le moustique tigre . Le nom d'emblée vous signale que c'est pas un rigolo, un moustique à dents et griffes de tigre (?), ça donne envie de fuir au pôle nord -près de la Norvège (ahah!)- où certes la calotte fond mais où il reste quelque répit avant que cette saloperie ne s'y installe).
En revanche ceci m'a fait vraiment rigoler : l'orgasme serait bon pour la santé, en particulier des femmes qui ne seraient que 35% à accéder au septième ciel lors de leur corps à corps avec un partenaire. Une étude australienne aurait permis de "révéler " (je me permets les guillemets) que les femmes qui auraient un orgasme régulièrement (un par jour, mais ils ne disent pas si c'est à heure régulière) seraient en meilleure santé et plus dynamiques que les autres. "Nous avons découvert que les femmes dont la vie sexuelle n'est pas satisfaisante ressentaient moins de bien-être et de vitalité"  déclare le Dr Sonia Davison.
J'ai eu  beau chercher, je ne suis pas remontée à la source, à l'étude de cette docteure, qui, à partir d'entretiens avec  300 femmes (quand même!) a réussi à mettre en évidence cette vérité inédite : faire l'amour fait du bien. 
Du côté des hommes c'est simple : un des papes de la théorie « sexer plus pour vivre plus » est le docteur Roizen qui déclare en gros que l’homme qui a 350 orgasmes par an  (25 petits jours d'abstinence, non  seulement 15 comme me le fait remarquer un visiteur)) a 8 ans d’espérance de vie de plus que le type standard (j'aime beaucoup le standard) qui a 4 fois moins d’orgasmes. Plus de détail chez ce petit malin.
Après les cinq fruits et légumes, nous voici exhortés à nous envoyer en l'air quotidiennement  pour échapper à  l'horrible faucheuse. Chéri, vite, nous avons du retard sur le planning orgastique !

Point trop n'en faut en revanche : 50 orgasmes par jour, provoqués par une maladie rare appelée syndrome d'excitation génitale  peut conduire au suicide

Comme nous serions donc des forçats de la jouissance, il nous faut rester séduisants à n'importe quel prix. Juliette avait déploré la mort des petits métiers. Eh bien il en existe de nouveaux tels, la gifleuse de seins 
ou l'enlargeur de pénis.
De 400 à 750 euros pour se prendre des gnons dans les seins ou dans la tronche, avouez que c'est à mourir de rire.
Allez, je conclus par un joli  fou rire.



samedi 27 avril 2013

Dans les vieux vases...




 Henri Zerdoun Le corps en suspens

Miss Pourquoi

mon bagage est de vent
heureux ceux qui portent des évidences
ceux qui sabrent les moulins
ceux que le jour traverse sans nuit
il parait que je vis
ciels et nuages me gouvernent
mon sang voyage
mes mains bougent, pattes d'oiseaux
mes cheveux poussent en murmurant
il parait que j'ai vécu
lente alchimie corrosive
de miels et d'acides
de laits et d'alcools
il parait que je suis née
petite miss pourquoi
why and what for
est-ce qu'on répond à une telle question ?
ma traine est de cendres chaudes
heureux ceux qui s'habillent de mailles,
ceux à qui l'habit sied,
ceux que l'idée cuirasse sans défaut
il parait que je suis
ondes et souffles me traversent
mon oeil clignote
et mes genoux s'endorment
mes cheveux poussent en murmurant
il parait que je serai
simple érosion fluide de grains et de poudre
de sciure et de lave
il parait que je mourrai
why and what for
est-ce qu'on questionne une telle réponse

J'avais publié ce poème (j'en publiais en ces temps reculés tiens!) chez Anna de Sandre le vendredi 6 novembre 2009, échange de Vases communicants, tandis que la belle Anna s'était installée sous l'arbre.
Comme il n'est plus localisable, je le remets en bonne place ici, ce soir. Recyclage, parfaitement!
Et en complément, Avishaï Cohen, j'ai mes fidélités.

vendredi 19 avril 2013

Vies minuscules


"je ne savais pas que l'écriture était un continent plus ténébreux, plus aguicheur et décevant que l'Afrique, l'écrivain une espèce plus avide de se perdre que l'explorateur; et, quoiqu'il explorât la mémoire et les bibliothèques mémorieuses en lieu de dunes et forêts, qu'en revenir cousu de mots comme d'autres le sont d'or ou y mourir plus pauvre que devant -en mourir- était l'alternative offerte aussi au scribe" Pierre Michon Vies minuscules Gallimard 2008, p 16.

Je suis revenue sur ce livre de Michon, parce que je pensais à mes propres écrits (jamais publiés pour cause d'absence de prospection auprès d'éditeurs), que j'écoutais hier soir Lydie Salvayre, invitée de Kathleen Evin dans l'Humeur Vagabonde pour "7 femmes : Emily Brontë, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Colette, Sylvia Plath, Ingeborg Bachmann, Djuna Barnes" paru le 4 avril 2013 aux éditions Perrin 
 et que je lis Emmanuelle Urien, après avoir absorbé d'une traite l'eau des rêves de Manu Causse.

Et donc, quel rapport entre Michon, Salvayre (et ses "Sept folles. Pour qui vivre ne suffit pas", des "allumées", des "insensées"), Emmanuelle et Manu ? (et mes manuscrits croupissant). Les mots cousus d'or ou le cercueil. 
Les écrivaines que Lydie Salvayre a choisies  (exception faite de Colette) n'ont pas eu la vie facile et sont mortes suicidées,  dépressives et /ou dans la misère. Double malédiction femme et écrivain. 
Michon lui-même a longtemps vécu très chichement en buvant beaucoup. Son écriture et son univers n'étaient pas "bankables".

Quid de nos deux Manu et Manue. Et bien, l'eau des rêves est une plongée dans l'univers d'un mec qui ne parvient pas à vivre sans être obsédé de lui-même et de la mort que son grand-père s'est donnée avant sa propre naissance. Il se vit comme l'héritier de ce René, d'un destin contraint, glauque, empêché. Le secret de famille bien / mal gardé, Emmanuel le fait exploser le jour de l'enterrement de la grand-mère, la femme de ce grand-père qui s'était tranché les veines, assis dans son champ, sous l’œil impassible de son cheval. Cette mort hante la vie du petit fils et la tentation du suicide le prend d'assaut alors que le dégoût de soi le submerge. Cette partition sur le combat que chacun mène à sa manière pour s'inventer en dépit des déterminismes familiaux et sociaux (aller aux putes fait partie de la vie ordinaire des ouvriers que le personnage fréquente depuis qu'il a décidé d'abandonner son métier de graphiste pour s'abrutir de fatigue, seule façon d'échapper au manège de son obsession, aller aux putes, il n'y parvient pas). Ecriture scandée, où l'ordure qui fait partie de nos vies minuscules n' est pas fardée mais exposée  avec quantité de termes délibérément crus, en contraste avec des envolées poétiques, délicates. Ces aller-retour sont ceux de nos états absurdes entre exaltation et désir d'harmonie et totale désespérance de nous savoir si proches de la déliquescence, si près de la mort.

Emmanuelle Urien m'a fait cadeau de son livre mardi. Son éditeur n'avait pas prévu le nombre nécessaire au Salon du livre et du vin de Balma. Elle m'en a donc convoyé un exemplaire au Bistrologue où s'enregistrait la 100e de Pas Plus Haut Que Le Bord. (Je les aime bien tous ces zozos, avec un faible pour Dahu, Desproges, sors de ce corps!). J'ai donc entamé L'art difficile de rester assise sur une balançoire et ne saurait en faire une appréciation sauf à dire qu'une fois de plus il s'agit là d'une banale affaire de couple brisé. Mais d'emblée, le ton tient à distance le pathos, la doulhaine s'exprime dans la rage et j'attends la suite pour vérifier l'efficacité du procédé : pour oublier un homme qui vous a trahie, faites comme s'il était mort. le deuil est plus confortable que la trahison, jusqu'à ce qu'il meurt vraiment .

Seulement ce qui compte dans la littérature, ce n'est pas tant l'histoire (quoi de plus ordinaire que la vie d'Emma Bovary, c'est d'ailleurs bien ce dont elle souffre), mais la musique des mots, les collages,  les  trouvailles, et le courage de celui qui va fouiller dans les misérables et grandioses secrets de nos vies minuscules, pour retourner sous nos yeux ce que sa bêche aura exhumé de ces tréfonds.

Paradoxalement, c'est sans doute ce qui m'a si mal encouragée à rendre publique ma prose. Défaut ou excès d'égo ? Aquoibonisme aussi. Tant et tant de livres ! Ma contribution liliputienne est-elle bien nécessaire? Mais encore, étais-je destinée à cet avenir improbable, à ces affres (l'ai-je bien descendu?), à ces séances de signature où on est aligné (par ordre alphabétique à Balma !!!) contraint d'écouter s'épancher des quidams dont on aura oublié le nom après l'avoir soigneusement orthographié sur la première page de notre précieux opuscule.  Apparaître puis disparaître. Croire à tout prix à l’extrême importance de ce qu'on a extrait dans l'effort (et dans le plaisir, fort heureusement) et tenter d'en convaincre des journalistes plus ou moins complices (ils vous ont invité-e) mais parfois pernicieux ou un rien stupide (Emmanuelle en recense quelques illustrations, voir le lien ), afin qu'ils relaient le texte vers le lecteur (acheteur) potentiel
J'ai choisi un terrain d'exercice guère moins miné qui m'a conduit à écrire beaucoup (argumentaires / projets / articles / conférences) mais où je pouvais jouer collectif et ne pas être sans cesse rabattue sur ma propre  vie minuscule. Ce choix ne m'a pas guérie du désir d'écrire, il en a dérivé la pulsion. Était-ce une bonne option?
Il y a tant de façons d'exercer. 

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Afin de conclure sans répondre à cette question, vous conseiller un film Bianca Nieves, Le conte revisité par Pablo Berger. Pas de discours, les pancartes du muet, art de la lumière, du montage, beauté des femmes, affrontement du bien et du mal avec une belle-mère perverse à souhait et des nains burlesques et touchants, un hymne à la tauromachie (dont je déteste le principe ) où le taureau joue un rôle particulier: il est celui qui accomplit l’œuvre de justice, puissance de la musique. Un chef-d’œuvre. Une jeune fille analphabète accède à un destin extraordinaire et nous sommes tous cette belle endormie qui attend le baiser de la délivrance.

vendredi 12 avril 2013

Nostalgie de la lumière


Vu hier soir ce film sublime, Nostalgie de la lumière,
Une réflexion forte sur notre relation au présent (la crête fragile de l'instant) qui ne prend sens que dans la profondeur du passé que vont ausculter les gigantesques  télescopes installés dans le désert d''Atacama au Chili pour y découvrir l'origine de l'univers, tandis que les mères ou les sœurs des disparus de la dictature Pinochet creusent  le sable à la recherche éperdue des restes de leurs martyrs.  Beauté des paysages, des ciels criblés d'étoiles,  émotion des témoignages, un voyage extraordinaire au cœur de l'histoire de l'humanité.
Un chef d’œuvre de la sérénité cosmique.