samedi 24 décembre 2011

Vue de ma fenêtre, réveillon mis en pages

Le ciel était très variable en ces derniers jours de décembre







De ma fenêtre, si je lève le nez de mon livre, il m'arrive de surprendre des arc-en-ciels .

Il peut arriver aussi que quelques faisans (oui, bon, d'accord, ce sont des perdrix-rouges) récemment lâchés pour servir de butin aux viandards du dimanche, se réfugient tranquillement dans le jardin et s'y promènent peinards, pendant que les chats dorment sur les fauteuils au coin du feu.

Au coin du feu, justement je lis "Le talon de fer", de Jack London. On pourrait croire que ce texte de "politique fiction" a été écrit hier, alors qu'il date de 1908. Jack London y décrit la machine oligarchique et les moyens qu'elle se donne pour s'assurer contre la révolte ouvrière : il suffit d'acheter une partie de ceux qu'elle traite comme ses serfs en leur offrant des situations confortables ou seulement améliorées, tandis que les autres sont maintenus dans la plus misérable des conditions. Le récit de la lutte des socialistes organisés en véritable armée y compris grâce à l'infiltration des états majors de l'ennemi par des frères révolutionnaires est celui d'une femme, Avis Everhart, issue de la bonne bourgeoisie intellectuelle, séduite par Ernest Everhart, socialiste déterminé à établir un monde de justice et d'égalité en détruisant celui de la suprématie du capital sur le travail. Lorsque le manuscrit est publié, trois cents ans ont passé et cet autre monde est advenu. Si London est visionnaire, on comprend qu'il reste lucide, le meilleur des mondes n'est pas pour demain et si on l'en croit nous sommes en plein triomphe du "talon de fer". Si vous êtes de ceux qui téléchargent on trouve le texte intégral ici. Pour ma part, je l'ai lu dans la version papier ci-dessous.

Le talon de fer


" Rien n'est plus surprenant pour ceux qui considèrent les affaires humaines avec un œil philosophique que de voir la facilité avec laquelle la majorité (the many) est gouvernée par la minorité (the few) et d'observer la soumission implicite avec laquelle les hommes révoquent leurs propres sentiments et passions en faveur de leurs dirigeants. Quand nous nous demandons par quels moyens cette chose étonnante est réalisée, nous trouvons que, comme la force est toujours du côté des gouvernés, les gouvernants n'ont rien pour les soutenir que l'opinion. C'est donc sur l'opinion seule que le gouvernement est fondé et cette maxime s'étend aux gouvernements les plus despotiques et les plus militaires aussi bien qu'aux plus libres et aux plus populaires." (David Hume in Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Seuil, Collection Liber, 1997, P.213). J'ai trouvé cette citation sur un site hommage à Pierre Bourdieu. Elle est un commentaire approprié du sujet traité par London

Au nombre des livres que j'ai lu ces derniers jours se trouve "La liberté", petit opus clair et concis de Marcel Conche, philosophe conseillé par un ami et que je découvre grâce à lui. Le même (merci Francis) m'a mis sur la piste du Cinéphilo d'Ollivier Pourriol que j'ai seulement feuilleté, le réservant pour un temps moins chaotique que la période des fêtes.

Cinéphilo

Au nombre de ceux que j'ai l'intention de lire - il me faudra m'accrocher parce qu'il est touffu mais promet d'être passionnant- "Le vol de l'histoire" de Jack Goody. "A partir d'évènements qui se sont produits à son échelle provinciale (j'adore !), l'Europe a conceptualisé et fabriqué une présentation du passé toute à sa gloire et qu'elle a ensuite imposée au cours des autres civilisations".

En fait nous avons prétendu avoir inventé l'eau chaude, alors qu'elle coulait partout depuis belle lurette (c'est une métaphore bien sûr). Pour une idée plus précise voir ici

Le vol de l'histoire : Comment l'Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde



La revue XXI consacrée à l'Utopie est roborative. Je vous conseille "l'évangile selon Saint Marc, enquête sur Marc Ladreit de Lacharrière" (71e fortune de France), un de nos grands prédateurs à sang froid et en contrepoint un entretien avec Bernard Stiegler, il prône la joie du désir contre la satisfaction de la pulsion.


Ce n'est pas que je cherche à vous suggérer quelque cadeau de fin d'année. D'ailleurs, je préfère me les déposer moi-même dans mes petits souliers, je ne suis pas certaine qu'on y penserait pour moi.
Ci-dessous en revanche une suggestion, la lampe frontale qui permet de se déplacer dans la nuit les mains libres et de lire au lit en dérangeant le moins possible vos voisins de dortoir. A offrir à ses compagnons / compagnes, il en existe une invraisemblable profusion de formes (et de prix). J'ai choisi une des plus discrètes .



Que le ciel vous soit clément. J'allais oublier le meilleur. Bonnes fêtes.

samedi 17 décembre 2011

Vent des blogs : on nous prend pour des carpettes



Tiens, un petit vent des blogs féministe avant la fin de l'année, ça va nous détendre.
Bon c'est juste, tous les hommes ne sont pas des machos : la preuve
Ca ne vous avait pas échappé, Olympe est une fine observatrice des délires du monde comme il va et elle avait conçu une petite compilation gratinée : comment être sportive sans oublier d'être sexy. J'aime particulièrement les n°6 et 9, sexy mais bancale.
Euterpe a élaboré une série intitulée "Idéologie de la dangerosité de la femme" très documentée sur les origines, tirées des textes sacrés, de la mauvaise réputation qui nous est faite depuis la nuit des temps. Dernière en date, "la désobéissante" , mais vous pouvez remonter en arrière, toutes sont édifiantes.
Au nombre des commentaires de cette onzième, j'ai découvert
Mad Meg dont je vous recommande Le coin coin.
Hypathie
(c'est vrai, elles ont toutes des pseudo Grèce antique) s'en prend dans un billet saignant aux chasseurs, cette minorité vieillissante et néanmoins rugissante. Pour redorer une image un rien racornie, ils se sont dotés d'une affiche où parade une blondasse (genre FN) prétentieuse avec un fusil sur les bras et un slogan aguicheur "Les chasseurs se mettent à nu" (non merci).

Si les hommes résistent à la pulsion viriliste, ce n'est pas faute d'y être incités par les vendeurs d'obsolescence. Poursuivons donc sur la publicité qui nous met à toutes les sauces par une étude un peu fouillée sur " le féminin, le mauvais genre en publicité" dont j'extraie l'illustration qui suit. Jolie non ?

Je vous recommande dans le texte, l'analyse de celle qui suit. A cause d'elle, le crétin sur sa grosse machine va réduire en charpie l'autre crétin qui lit Pulp Fiction avec des écouteurs sur les oreilles.


Bon, je sens que mes amis garçons saturent. Allez, une chouette compensation : la lecture de ce petit opus qui promet d'être drôle, intelligent, décapant, irrévérencieux.
Comment choisir sa maîtresse ? Question cruciale s’il en est dans ce domaine où la moindre erreur peut s’avérer fatale... Plein de sagesse, Benjamin Franklin nous fait part de son expérience : il faut la préférer vieille. Il donne d’ailleurs au lecteur incrédule huit excellentes et réjouissantes raisons de suivre son conseil.

L'Art de choisir sa maîtresse

vendredi 9 décembre 2011

Publiphile ou publiphobe ?

Pour la 8e année consécutive, l’agence Australie a commandé à la TNS Sofres une étude, Publicité et société. Et pour la 8e année, les résultats montrent que les personnes sondées ont de plus en plus de distance par rapport à la publicité.

81% des sondés considèrent la publicité comme envahissante, 57% la trouvent agressive, et 53% dangereuse. Ils se disent 37% à être "publiphobes", contre 13% à être "publiphiles".

J'ai trouvé cette info sur le site R.A.P. (Résistance à l'Agression Publicitaire).

Et pourtant!

Si je vous parle de marketing viral, vous percevez le concept ? Les publicitaires qui sont de petits malins ont très bien perçu la bonne conductibilité de l'internaute de base. Il suffit de l'hameçonner avec de la bonne gaudriole " en dévoilant le message commercial, subtilement (sic) à la fin". Le bon gogo se fera un devoir de faire passer à ses petits camarades la bonne blague et la marque associée. "Cette technique présente trois avantages principaux. D'une part, son coût est bien plus faible que celui du marketing direct ; d'autre part, l'intensité et la rapidité de diffusion du message peuvent être très importantes, avec un « auto positionnement » sur le public ciblé. Enfin, le message bénéficie d'une connotation positive liée à sa prescription par le biais d'une connaissance." (dixit Wikipédia qui au passage nous saoule avec ses appels aux dons ). Sans compter qu'on peut encore mieux localiser le public cible. Ainsi avec les systèmes de géolocalisation des Smartphone, où que vous soyez, la pub vous soumet à sa sollicitude, elle vous indique tous les lieux super magiques où vous pouvez faire chauffer la CB.

Si vous ne vous servez pas de ces espions portatifs, si vous zappez les pubs à la télé (ou la télé elle-même, encore mieux), fusillez systématiquement tous les spams qui surgissent entre vous et votre quête webeuse, arrivez au cinéma juste pile à l'heure du film afin de fuir les spots plein écran, vous n'échapperez pas aux messages embarqués : voitures, ordinateurs, alcools, vêtements, magasins, restaurants, s'ils apparaissent en bonne place à l'écran c'est qu'ils sont passés à la caisse auparavant, les producteurs intègrent désormais cette manne dans leurs stratégies de financement, laquelle manne est proportionnelle à l'envergure de votre blockbuster.

Je n'insisterai pas sur l'envahissement des visuels muraux qui parasitent chaque point de vue dans les villes sauf à mentionner l'usage récent (depuis 2007) des bâches servant à dissimuler les échafaudages et à diminuer le coût des travaux grâce aux pépettes fournies par l'annonceur qui s'y est répandu. Réservé aux bâtiments publics, ces petits arrangements vont être possibles pour des résidences privées. Si vous trouvez la facture de votre ravalement de façade trop salée, faites vous enrober par la bannière de l'un ou l'autre des vendeurs de lessive (je n'en citerai aucun, évidemment).

Pourquoi tant de hargne me direz-vous pour une industrie si tant créative et qui emploie si tant de nos génies du crayon et de l'objectif ? Je n'aurai qu'une réponse : la publicité est une sangsue. Elle a vidé en un siècle tout l'imaginaire humain de ses fondements spirituels pour fabriquer la compulsion de consommation qui entretient dans le même temps cupidité et frustration. La publicité a inventé un monde où la mesure des êtres se fait à l'aune de leur capacité à drainer de la monnaie. On est un acteur bankable ou on disparait. Les chefs d’œuvre sont désormais au service de la courbe des ventes de dentifrice ou de café. Les politiques sont coachés par des spécialistes en marketing pour mieux se vendre auprès des consommateurs de discours, lequel comme celui de la pub n'a pas besoin d'être sincère mais d'être attractif (donc potentiellement démagogique) pour mieux pêcher le bulletin de vote. Quant à l'individu lambda, s'il veut être "intégré" (donc potentiellement désintégré), dans une entreprise quelconque, il lui faudra apprendre à peaufiner la présentation de son "parcours de vie", en veillant à ne pas laisser affleurer quelque doute sur la combattivité du bestiau. Enfin, et ce n'est pas rien, outre qu'elle diffuse une mentalité minable, notamment auprès des enfants qui ne savent plus communiquer hors slogan, la pub représente des investissements pharamineux intégrés dans les coûts des produits bien-sûr. Elle est de la sorte doublement toxique : endoctrinement consumériste et détournement des flux financiers pour créer du vide.

Je conclue par une petite recommandation : le dossier "Les nouvelles armes de la pub", dans le numéro de décembre de "La décroissance", le journal de la joie de vivre".

Illustration : Casseurs de pub

samedi 3 décembre 2011

Commune présence


Commune présence

Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
René Char

Photo ZL

dimanche 27 novembre 2011

"Le blé nourrit, les armes tuent"


Le brouillard s'est installé en force ces derniers jours. Au matin, on aperçoit à peine le bout du jardin, dans la journée, le soleil ne parvient pas à percer, le soir c'est à nouveau le coton bien opaque. Se déplacer dans ces conditions est anxiogène.
Je n'ai pas renoncé pour autant à assister à la conférence d'un ami sur les différentes formes de collusion du pouvoir globalitaire. Au passage il nous a présenté le pedigree de Mario Monti, le nouveau président du Conseil italien et de Mario Draghi, à la tête de la BCE ("Super Mario " pour les financiers). Les deux lascars ont été "employés" de la
Goldman Sachs (oui, la banque qui nous gouverne).
Evidemment, on sort de ces deux heures instructives l'estomac un peu brouillé. En antidote, je suis allée voir Tous au Larzac. Bonheur d'écouter les protagonistes de cette formidable lutte de David contre Goliath, d'une poignée de résistants armés de leur conviction, leur imagination, leur humour face aux robocops de l'époque. On rigole bien à l'écoute de Michel Debré, ou Yvon Bourges (ministre de la Défense 1975-1980) dont les propos sonnent d'autant plus creux que l'histoire les a déboutés. Le récit des gardes mobiles débordés par les brebis lâchées sur le Champ de Mars est hilarant, de même le spectacle des bidasses qui finissent par être prisonniers derrière les barbelés qu'ils ont eux-mêmes installés pendant que les paysans festoient sous leur nez ("on pique-niquaient beaucoup"). Authenticité du verbe et de l'engagement, certains souvenirs sont encore chargés d'une émotion vivace comme la marche sur Paris et le défilé silencieux rythmé seulement par le bruit des pieds et des bâtons. La puissance des slogans tagués sur les véhicules de l'armée, (harcèlement pour harcèlement), d'une parfaite actualité. Mais surtout ce film vaut pour la rencontre avec ces hommes et ces femmes magnifiques et modestes. Revigorant dans le contexte actuel de sourde apathie et un bon timing pour la sortie de ce document, par ailleurs d'une grande qualité de réalisation.
A la fin du film, l'arrivée de Mitterrand au pouvoir permet au Larzac de souffler et reprendre une vie plus paisible, non sans inquiétude : allait-on repartir chacun dans son petit chez soi? Que nenni! Trente ans que le Larzac continue la lutte. Ainsi ces jours-ci il y a urgence et la Confédération paysanne née des mobilisations du Larzac fait partie des mouvements sur le pied de guerre pour empêcher le vote de la loi pour
le Certificat d'Obtention Végétale qui dépossèderait les paysans du droit d'utiliser leurs propres semences.
Concluons par la remise
du trophée du rapace le pire. Je vous laisse découvrir qui a eu droit à cet honneur.
Photo ZL Blé sauvage.