mercredi 28 juillet 2010
Auprès de mon arbre
Reprendrai-je me dis-je, cette habitude étrange : me poster jusqu'à point d'heure devant mon écran. D'autant qu'en dressant un bilan, je constate que nombre de mes favoris ont déserté.
Cactus n'émet plus que par intermittence. Dexter a fermé son blog définitivement. Peut-être l'été n'est-il pas propice à ces longs tête-à-tête avec le clavier. Après quelques jours maussades, il fait beau à nouveau. Ma fille me tire par la manche pour que nous allions "à la ville". J'en reviendrai très tard. Les autres soirs, des amis festoyaient (du moins je l'espère ) à ma table.
Un peu avant il y a eu Avignon. Chaud et épuisant. La magie n'était pas au rendez-vous pour moi.
Trois spectacles cependant. , Jeanne Béziers, (digne fille de ses parents dont j'avais aimé en 2009 le spectacle La croisade des hérétiques qui repassait cette année) présentait Les Monstres une belle panoplie de rêves cauchemardesques et surréalistes et une reprise façon gore rigolote des contes et fables de notre enfance. Accompagnée par un contrebassiste, elle passe d'instants délicats et subtils à des interprétations rock à la Nina Hagen. Elle arbore un maquillage outré, du plus bel effet quand elle chante dans la position renversée que j'ai pu capter, en infraction, morigénée (le flash!) par sa môman (Florence Hautier) auprès de qui j'étais assise. Des trouvailles scéniques (la pieuvre qui chante), des morceaux de claquettes ébouriffants, un contrebassiste complice, trafiquant de sons. Un régal..
Novecento, tiré du roman d' Allessandro Baricco, un "récit jazz", texte magnifique, histoire étonnante de cet enfant adopté par l'équipage d'un paquebot en 1900, qui devient un pianiste de jazz exceptionnel et ne peut vivre ailleurs que sur ce paquebot. Le pianiste et l'acteur en symbiose, une musique originale du pianiste qui n'est pas un simple contrepoint mais la charpente même de l'édifice. Nous (l'amie qui m'accueille chaque année et moi) avons parlé avec les deux interprêtes après leur prestation. Beaux, talentueux et chaleureux.
Sous l'arbre du Jardin Sainte Claire du théâtre des Halles, Philippe Avron, Montaigne Shakespeare mon père et moi. Emouvante prestation d'un acteur de 81 ans sur la transmission, la présence vivante des auteurs pour nous accompagner de l'enfance à la vieillesse, sur un mode léger, sans emphase ni pathos.
A un certain moment, l'acteur se pose un masque de chat sur le visage et nous donne à savourer Montaigne
Je voudrais bien que tu me fasses entendre pourquoi, nous, tes confrères, tes compagnons, tu nous appelles bêtes. Pourquoi tu dis : ils n'ont même pas la parole.
Toi ! La plus calamiteuse des créatures vivantes.
Logée, comme nous, sur cette boule de fiente et de bourbe perdue dans les étoiles.
Pourquoi ? Dès que tu t'es dressé sur tes maigres pattes, dès qu'a grossi ton cerveau méandrin tu as dit "je suis le maître"
Maître des bêtes, maître des arbres, maître des océans.
Que sais-tu de nous ?
Que connais-tu de nos branles internes et secrets ? Sais-tu que nous nous parlons, pas seulement à l'intérieur des espèces mais aussi d'espèce à espèce ?
Pourtant, tu le sais, nous avons, comme toi, nos pleurs et nos réjouissances, et l'appel de l'amour et la peur de la mort et l'angoisse de la séparation
(...)
Je voudrais bien que tu me fasses entendre par l'effort de ton discours, sur quel fondement tu as bâti ce grand avantage que tu penses avoir sur les autres créatures.
(Au moment où j'écris, nous apprenons que la Catalogne abolit la peine de mort pour les taureaux).
Philippe Avron nous livre son texte comme s'il tenait conversation. Un homme se lève et part. PA l'accompagne avec sollicitude d'un "chacun est libre". Il s'assoit, il est lent, on se prend à craindre qu'il n'aille au bout et pourtant, quand je lirai le texte (acquis à la sortie pour quelques piastres), je serai émerveillée de l'absolue fidélité de sa performance.
Faisant alterner les pépites extraites des écrits de Montaigne et de ceux de Shakespeare, osant même slamer leur prose (un hommage à Grand Corps Malade),
"Il est des peuples, où on tourne le dos à celui qu'on salue et où on ne regarde pas celui qu'on doit honorer.
Il est des peuples, où les vierges montrent leur sexe et où les femmes mariées le cachent. (...) Par la suite, ce qui est contraire à la coutume, nous le croyons contraire à la raison. L'accoutumance est une traitresse maitresse d'école".
Et la conclusion est celle de Shakespeare dans La Tempête :
"Rendez-moi ma liberté et souflez dans mes voiles pour que je puisse rentrer chez moi".
Quant à moi, j'ai dû m'y reprendre trois jours successifs pour aller au bout de ce texte minuscule, chaque fois interrompue par l'ordinaire du temps. C'est dire...
Allez, il est tard. Un dernier effort pour La Boétie, (oui Montaigne réclame son ami). Rappelons que ce qui suit est écrit par un jeune homme de 18 ans en 1548.
Dans ce monde plombé où on ne peut même plus imaginer la vertu, où les seules valeurs sont le profit et l'ambition, où le visage des hommes se cache sous le masque de leur fonction, où se parjurer n'est pas un vice, mais une façon de parler, où la politique sans conscience et sans âme consiste à faire le renard, je refuse de répondre par le mensonge à cette époque de mensonge.
Photos ZL
J'ai reçu un SMS de mon amie avignonnaise m'apprenant que Philippe Avron vient de mourir après un malaise en scène.
"en donnant son ultime spectacle, Montaigne, Shakespeare, mon père et moi ! en Avignon, pendant le festival, en juillet au Théâtre des Halles, il a voulu vivre pour le théâtre avant de partir dans la dignité."
lundi 12 juillet 2010
Harmonie du soir*
Mon jardin m'a tuer bis repetita. Pour quelque détail, se reporter au lien. Pour cette raison et bien d'autres, mon ordi entre en veille de plus en plus souvent. Je m'apprête à rejoindre Avignon pour quelques jours de fournaise et de baguenaude. Je ne verrai pas Richard II, je dois revenir à temps pour assister à la représentation de "La terrible défaite d'Aizu Taketori", une adaptation à la mode japonaise de Macbeth, et c'est une copine qui a commis le forfait, ça se passe sur les terres lauragaises. Cette année donc, j'irais seule à Avignon. Le rituel qui m'était cher d'y entrainer ma fillote et sa copine a pris fin. L'une et l'autre sont devenues des "grandes" qui font leur vie et je suis priée de faire la mienne en arpentant seule la rue des Teinturiers et l'esplanade du Palais des Papes. Bon, bon, je m'en remettrai. N'ai-je pas fréquenté la cité alors que toute jeune, un amoureux m'y avais conviée. Entre elle et moi, se sont agglomérées de nombreuses strates. Je n'en conterai pas le détail ce soir, pressée que je suis d'offrir à mon corps fourbu une position propice à l'évasion. Je vais à Bakou avec Olivier Rolin. Chaque soir, à l'heure où les hirondelles tourbillonnent dans le ciel mauve, un homme aux cheveux gris franchit la porte d'un petit hôtel de la rue Mirza Mansûr, tourne à droite dans Harb, puis à gauche dans Sabir, que surplombent de beaux balcons de bois parfois entortillés d'une vigne, pavoisés de linge. Tombé d'un minaret proche du palais des Shirvanshashs, l'appel d'un muezzin suspend dans l'air de frêles festons sonores - si discret, presque plaintif, qu'il en devient émouvant. Le Dieu qu'invoque cette voix de violoncelle n'a pas l'air terrible, on l'inviterait bien au restau, justement on dîne seul ce soir- comme tant d'autres soirs. Je remplacerais bien Dieu, en l'occurence.
*C'est le titre du premier chapitre du livre d'Olivier Rolin, Bakou, derniers jours, Fiction & Cie/ Seuil, 2010
Photo ZL, Fillote au masque d'argile.
mercredi 7 juillet 2010
Hors de moi
J’ai formé le vœu de me débarrasser de ma peau, de travailler à la dissolution de ma figure, la ruine de mon visage, d’y mettre toute l’énergie possible, entendez bien, il ne s’agit en rien d’un projet funeste ou suicidaire, juste l’envie de sortir de tout ce que je suis censé être, une naissance, une filiation, une famille, une couleur, une identité pour employer ce mot affreux des documents d’état civil et autres débats en vogue, il s’agit seulement de renoncer à à l'injonction de mes oreilles qui me racontent sans cesse des paysages anciens, des senteurs révolues, abandonnées,des rues passées, des amours perdues même, oui renoncer même à cela malgré mon inclination au regret, à la nostalgie, et aux bénéfices secondaires du deuil.
Là où je me tiens, il n'y a pourtant de place que pour cela, tout ce qui me contraint à moi-même, et moi je veux sortir,je suis sûr que lire c'est sortir, écrire c'est sortir, parler c'est sortir et je voudrais lire et écrire et globalement jusqu'ici je me suis tu. Si je considère l'ampleur de ce qui ébranle le monde à chaque instant, ce qui atteint le monde, les bruits qui y résonnent, ce qui le laisse à genoux, chaque jour et de plus en plus, ce qui le réduit au silence, alors je peux dire que je n'ai pas parlé assez. (...)
Trouver ce tissu continu entre nousqui à la fois invente et annule les identités, les pays, les naissances, parce que le point qui nous soude est le même, notre rencontre évidente est au prix d'un seul geste : défaire la couture du masque et que nous soyons tous au bout du compte toujours et définitivement des hommes qui doutent de leur figure.
Thierry Illouz. Politis / Digression, 1er Juillet 2010.
Thierry Illouz est avocat, écrivain : L'ombre allongée Fayard 2001, Quand un soldat, Fayard 2003, et dramaturge, J'ai tout, Buchet Chastel, 2004.
Photo ZL, Frontière du jardin 7 juillet 2010
vendredi 25 juin 2010
Téoùlà
au cours de sa promenade autour de chez moi
Téoùlà, c'était un nom d'entreprise que Marc Jolivet (un humoriste toujours vivant et n'ayant fait l'objet d'aucune excommunication, alors qu'il n'est pas tendre avec l'engeance prétentieuse des "élus" du peuple) avait inventé lors de l'explosion du portable.
Je suis partout sauf sur ce blog, même si je le garde en fond d'écran glissé derrière une multitude d'autres "espaces existentiels", au nombre desquels le pied du cerisier, du moins le haut de l'escabeau campé sous son ramage, histoire de l'alléger de ses délicieuses et charnues et rouge sombre cerises avant de les réduire en une confiture qui fera mon bonheur cet hiver.
Et bien d'autres lieux dont je ne dirai rien, parce que je m'apprête à partir tôt demain vers la jolie cité de Carcassonne où je suis attendue pour des parlotes orientées.
Après Carcassonne, je suis -en principe- rendue à une vie plus calme et plus propice au vagabondage verbal (sinon verbeux) sur la Toile.
En attendant, une petite livraison d'images.
vendredi 18 juin 2010
Encore heureux qu'on va vers l'été
dimanche 13 juin 2010
Il le dit tellement bien.
Comme je ne saurais le dire mieux, je vous livre un commentaire de Nicolaï Lo Russo qui colle parfaitement à ma situation actuelle (sauf que j'suis pas sûre d'avoir quelque chose à montrer, mais bon). Son dernier post date du 7 avril, donc y'a pas l'feu !
Bientôt je pourrai vous montrer ce que je suis en train de faire en ce moment. Ce qui m’occupe. C’est vrai que « blog » ça prend beaucoup de temps en fait. Et ça rapporte pas grand chose à part de bien aimables visiteurs (ce qui est énorme me direz-vous). C’est un peu un état d’esprit, une disponibilité (pour son propre blog et aussi celui des autres – tu visites mon blog, je visite le tien, etc.) Réflexion faite, les blogs bien achalandés sont souvent des blogs tenus par des gens qui ne travaillent pas (au sens le plus basique du terme) ; retraités, rentiers, chômeurs, célibataires sans enfants, étudiants glandouilleurs, femmes (ou hommes) au foyer, pigistes au repos, etc. Tous mes amis qui ont un travail fixe (de mettons 9h à 18h) ont, me disent-ils, « largement autre chose à penser qu’à tenir un blog ». Bon.
(...)
C’est sûr que quand on travaille, qu’on a des délais à tenir, qu’on doit faire les courses, faire un brin de sport, de ménage, se tenir au courant d’un minimum d’infos, avoir une ébauche de vie sociale hors web, eh ben un blog… comment dire, c’est pas évident – je parle d’un blog où l’écriture a un peu de tenue, où il y a quelque réflexion.
Je vais tâcher quand même de faire un effort, de m’arranger, car je vous aime bien. Et écrire en ligne me manque. Il y a quelque chose de vivant, dans l’échange éventuel, que je trouve appréciable.
Hendrix Je l'ai trouvé sur la playlist de CUL.
Encore quelques jours et je vous fais un compte rendu d'activités. Promis
dimanche 6 juin 2010
En attendant qu'elle descende de l'arbre
Nous sommes comptables de notre énergie. Nous savons calculer exactement ce qu'il nous en faut dépenser.
Nous passons beaucoup de temps à des réglages infimes, cherchant le climat adéquat pour perdurer.
Mais peut-être est-ce cette parcimonie qui finit par nous ruiner.petite racine
Illustration Méridien du sang Jean Denis Robert
Merci à eux de leur collaboration quelque peu obligée et à Sophie K qui m"a aimablement fourni sur son nouveau site le lien vers J D Robert. Strictement Confidentiel est rutilant, remis à neuf avec encore plus de tout. Du texte, de l'image, de la musique, ça vaut le détour.
Heureusement que certains s'échinent!