vendredi 4 septembre 2009
Le désherbage des bibliothèques
François Bon et Scriptopolis ont lancé l’idée des Vases Communicants.
Aujourd'hui Dominique Boudou et Zoë Lucider s'invitent réciproquement
Les bibliothèques sont des corps vivants qui échappent à la contention des étagères. Elles débordent sur les tables et font des pieds aux murs, poussent l’huis grinçant des buffets, s’invitent sous les lits. Impitoyable marée de papier. Un « désherbage » s’impose. De quels livres se séparer ? Il y a ceux qui nous ont déçus, ceux que nous avons oubliés. Il y a aussi tous ces livres qu’on nous offre, parfois tellement mauvais mais accompagnés d’un mot tendre.
Aucune douleur cependant dans le « désherbage » car il permet de belles rencontres, de belles retrouvailles. On découvre un roman qu’on n’a pas lu, (L’obscurité du dehors, Cormac Mc Carthy), on forme de nouveaux couples, (Agota Kristof et Bohumil Hrabal), on reprend la conversation avec Baudelaire ou Pirotte.
Les humains sont aussi des corps vivants. Pas question de laisser le dernier mot à une bibliothèque. Nous avons trop besoin de ses personnages et du chemin que nous continuons à faire avec eux. Nous voulons rester maîtres du grand mystère de l’écriture. Mais tiendrons-nous le coup jusqu’au prochain « désherbage » ? La marée de papier monte encore et pourrait nous prendre. Attention à l’ivresse des profondeurs.
Dominique Boudou
mercredi 2 septembre 2009
Les zinédits. Bremen, gross fatigue!
C'est d'un tout petit avion trémoussant que je me suis extraite dans la nuit de l'aéroport de Brême. A l’hôtel, Jennifer m'attendait au bar. Elle revenait de Leipzig, impressionnée par le chantier, les contrastes hurlants entre les morceaux de ville sabordés et les nouvelles vitrines de la richesse occidentale. La réunification, elle n'avait entendu parler que de ça. Le frère de l'Est revenait au bercail, pouilleux, le nez baissé; l'aîné, le légitime, lui faisait une place au bout du banc. A une condition ! Qu'il respecte la loi du marché ! Car si Dieu agonisait dans les convulsions, la loi du Marché, elle, régnait souveraine. C'était ça la grande révélation de l'humanité à elle-même. La planète n’est qu’un énorme entrepôt de produits à acheminer à flux tendus. C'était dommage que la loi rende caduque à peu près tout du bazar antérieur. Tant pis pour le frérot, il ne fallait pas se tromper d‘ « ismes », essayer de bidouiller des trucs tordus pour des mises en commun utopiques. Erreur sur l'espèce ! L'humain est un être de meute avec un grand chef plus fort ou plus malin qui détient droit de vie et de mort sur sa troupe ! C'est le chefaillisme qui règne partout, générant ceux qui rampent, ceux qui se terrent, ceux qui ferraillent et ceux qui prennent une balle dans le dos.
Elle me trouvait sombre, Jennifer.
- Fatiguée, je suis fatiguée. Je voudrais m’enfermer dans une petite cellule blanche, qu'on me passe une écuelle, des livres et des disques.
- Ah ! Ce n'est pas tout à fait de l'ascétisme pur, ça.
- Ce n'est pas l'ascétisme que je cherche, c'est le silence. Le brouhaha me ronge. Je ne sais plus rien distinguer. J'ai envie d'une cure d'oubli, les politiciens, les théoriciens, les académiciens, les militaires, les tortionnaires, les affameurs, les décideurs, les suiveurs, les contractants, les contractés, engloutis !
- Ca conduit aux drogues dures ces désirs d'abolition, me dit Jennifer, en demi-teinte, car à la liste, elle aurait pu ajouter son lot. »
- Eh bien ! Tout cela nous place dans d'excellentes dispositions pour aller ausculter le cœur de cette charmante cité, demain matin.
- Hanséatique, m'a précisé Jennifer. »
Extrait "Le voyage des enfants". Bremen. Zolucider,1997, Inédit, p 140
Pour un excellent article sur les affres de l'inédition lire Pierre Jourde Confessions d'un lecteur de manuscrits
Photo Statue de Roland à Brême
dimanche 30 août 2009
Le vent des blogs 23. Utilités et futilités
Une photo de mon lac chéri dans lequel, je le crains, je ne vais pas me baigner de sitôt. La température a chuté brutalement et si le soleil est bien présent il ne fait plus illusion, l'été a glissé vers l'automne.
Cette semaine je n'ai guère vagabondé (reprise des hostilités sur le front du travailler, ni plus ni moins).
J'ai recouru à la facilité. Un certain Nicolas suggère Partageons mes âneries, je l'ai pris au mot et j'ai glané chez lui une bonne partie de ma petite moisson hebdomadaire, d'autant qu'il rendait compte d'un grand raout organisé par lui dans un lieu dit La comète, sis à Kremlin-Bicêtre et pour cela intitulé le Kremlin des blogs. Vous n'en fûtes point ? Moi non plus, ça n'empêche pas de s'intéresser. Il relate sa dispute avec un de ses vieux potes. On s'en fout mais bon.
Ce qui est bien dans la blogosphère c'est l'étrange arrimage de certains avec d'autres. Ainsi comme le Nicolas fait une allusion fine au décolleté de Fisso, je clique pour voir à quoi il ressemble et je tombe sur un article sur la pratique, toujours à l'oeuvre semble-t-il, consistant à proposer aux candidats à la naturalisation de troquer leur Aïcha ou leur Ahmed pour un prénom moins évidemment exogène. D'ailleurs un éminent sociologue s'est également penché sur la question Baptiste Coulmont et nous apprend entre autres que seul 5% de ceux qui choisissent la francisation le demandent pour leur nom et 88% pour le prénom. Ce blog sérieux (scientifique dirait-on) nous offre une cartographie blogueste, (pas bien compris comment ça marche mais c'est très joli) ainsi qu'une info détonnante le retour des poppers (j'ignorai l'existence de ces produits dans la pharmacopée ) qui reviennent dans les sex shops après avoir été interdits (les stocks piaffent). Il faut signaler que cet universitaire consacre ses recherches à un sujet fort peu traité par l'académie et qu'il a publié Sex-shops, une histoire française, Paris, Editions Dilecta, 2007 .
Autre trouvaille Olympe et le plafond de verre. Olympe a posté une vidéo de l'intervention de Cécile Duflot une Verte invitée chez les Roses. Elle n'a pas sa langue dans sa poche et en avant-propos, remarque, mais elle n'est pas la seule, qu'à La Rochelle, les tables rondes se font entre hommes. C'est cocasse de voir Delanoë l'applaudir à tout rompre.
Puisqu'on est dans le féminisme continuons , Sasa la loute nous offre une image de" la femme telle qu'elle est", je vous laisse découvrir. J'adore aller sur les sites des filles qui lisent Elle et Glamour, ça me repose. J'ai l'air de sardoniquer. Pas du tout. Vive les futilités utiles.
On est encore un peu en vacances, alors pour conclure, une visite à Héliomonde. C'est Oh le craquant que je croise ici où là sur les blogs (et même ici, je crois qu'il est venu, sais plus) Il dit être Entre deux eaux, et son reportage m'a donné envie de revenir en région parisienne (hi hi, non c'est pas vrai, je préfère mon lac sauf qu'il est plus rempli de grenouilles et de carpes que de beaux éphèbes). Heureusement grâce à Bougrenette aux manettes voici spéciale copinage pour mes soeurs de ouèbe un beau mec alangui, si flatté et heureux qu'on l'admire. Il parait qu'on peut passer commande chez Oh.
Faites votre choix, rien ne va plus !
J'oubliais Fredo Viola, l'échangerais volontiers contre tous les éphèbes.
jeudi 27 août 2009
Résister c'est créer*
La Chevalière a posté, à l'occasion de cette foutue rentrée généralement bourrée de marronniers, un petit billet, d'un humour dont elle a le secret, sur les affres subies au cours de nos scolarités.
Je complète son tableau en évoquant celles dues en particulier à l'obsession quasi militaire de réduire la singularité des élèves (qui sont aussi des enfants mais ils doivent l'oublier en franchissant le seuil sacré de l'enceinte scolaire ) au profit de l'élève modèle dont on peut résumer le profil de la façon qui suit:
- a dormi aux heures raisonnables la veille pour être frais et dispos en cours et ce après avoir accompli ses devoirs nombreux et variés, généreusement distribués (mais dans l'anarchie totale) par ses maîtres, de façon à en fournir la preuve indéfectible si nécessaire (en fait si le prof en exprime le désir).
- dispose de tout son équipement auquel il ne manque ni gomme ni rapporteur, ni les quatre couleurs, ni le cahier à spirales, ni le classeur à feuilles multicolores, ni les livres (soit cinq ou six à la fois selon les jours) en évitant de bêtement se déformer la colonne vertébrale au prétexte que c'est lourd à porter,
- écoute avec une attention soutenue et sans faille tout ce que le maître formule (même quand il ronchonne, fulmine, éructe, bredouille, marmonne, bégaie, s'engoue, tousse etc.),
- évite par conséquent de se laisser aller à quelque rêvasserie et reste con-cen-tré,
- répond quand on l'interroge, se tait le reste du temps, soit le plus souvent possible,
- n'abuse pas du défoulement récréatif pour grimper aux rideaux ou assommer ses congénères,
- porte des tenues aussi neutres que possible pour ne pas se faire excessivement remarquer,
- veille cependant à ne pas trop dévier des modes locales pour ne pas déclencher quolibets et autres avanies, obligeant ses maîtres à un exercice de régulation éprouvant,
- sait à la fois être un bon camarade secourable, attentionné et dénoncer ceux qui commettraient des exactions (facéties outrageantes à l'égard du maître en particulier),
- abandonne à l'entrée de l'école sa défroque de gamin éventuellement en proie à des trucs pas très reposants (rock and roll musclé entre père et mère, faillite et ronde des huissiers, traque des zélateurs de l'appartenance à la mère patrie etc.).
Les premiers sont bien tolérés par l'institution. Certes" ils ne font pas des étincelles" mais ils foutent une paix royale aux gardiens du troupeau, qui les oublient avec reconnaissance.
Les seconds en revanche sont les moutons noirs. "Ils ne savent pas quoi faire pour se rendre intéressants". En fait, ils savent si bien faire qu'ils le font. S'ils savent conjuguer résultats scolaires et indiscipline, ils auront quelque chance de s'en tirer (avec cependant "les sanctions qui s'imposent"). Mais les notes faibles combinées à la révolte c'est l'hallali assurée. L'institution finira par recracher ce mauvais morceau : inapte ! Seule ressource : la création, l'invention d'un chemin hors des sentiers battus. Souvent une rencontre (physique ou virtuelle) peut permettre la reconversion d'un cancre en magnifique. Mais hélas, qu'il est long, le chemin et pour être honnête, il faut ajouter qu' on ne se remet jamais tout à fait des humiliations infligées à l'enfance. Pensez-y pédagogues! Et n'oubliez pas que le sens littéral de pédagogie est "le voyage des enfants" (pas l'encasernement).
*Titre emprunté à Miguel Benassayag Résister, c'est créer, en collaboration avec Florence Aubenas (2002), La Découverte.
Voir aussi Désobéir c'est vivre et chez Nomade, et le mouton noir soi-même
Découvert aujourd'hui (vendredi un débat sur le sujet dans le nouvel obs. Edifiant.
Et un petit rappel de la Môme
Après commentaire de Dexter (29/08) un lien tutafée ad hoc
Photo Mouton noir sur l'ile des Orcades
mardi 25 août 2009
Petite chanson sans musique et sans importance
I'peut pas vivre sans les journaux
Il a besoin dans son optique
Des points d'vue de toutes les radios
A 20H faut qu'on abandonne
C'qu'on disait un instant plus tôt
Pour regarder c'que la vie donne
Et reprend après in petto.
Mon chum branché sur les comètes
Parfois oublie mon numéro
De téléphone et dans sa tête
Quand je dis viens, il dit Allo ?
Peut-être bien que je thématise
Sur des courants plus ou moins chauds
Sans doute aussi que j'analyse
En bousculant le matériau,
Mais quand j'ai faim de sa tendresse
Et qu'il commente les rodéos
Que dans mes mains gèlent les caresses
Pendant qu'il lit son édito
J'voudrais lui glisser sous ses pages
A l'encre sympathique un p'tit mot
Avec comme mot clé du message
Juliette attend son Roméo.
dimanche 23 août 2009
Le vent des blogs 22. Entrez dans les parenthèses, adoptez qui vous voulez.
Aujourd'hui dernier dimanche de vacances avant "reprise" des hostilités (lever sur commande, route matinale sous la pluie ou dans le brouillard, longues heures consacrées à justifier quelques tout petits zéro sur le carnet de chèques, bref, évitons le pathos puisque par ailleurs je fais des choses "intéressantes", enfin il parait, j'aime à le croire, merci de fermer la parenthèse).
Retour du vent des blogs après interruption pour cause de vacances justement (lever selon humeur, lecture prolongée, pérégrination où bon me semble, parlotes avec potes et potesses, diners tardifs après cuisine préparée avec soin, bref, évitons d'ennuyer, vous connaissez tout ça et ferme cette foutue parenthèse).
Je vous préviens, ça va être foutraque, j'ai ponctionné quelques liens au cours de mes vagabondages blogosphériens et je vais tenter de leur donner un brin d'agencement vaguement cohérent. On y va.
Humeurs de gauche, pour une (vraie) gauche de combat. Il annonce la couleur celui -là au moins. Voici une citation du jour captée sur le site: "Si un jour tu te sens inutile et déprimé, souviens-toi : un jour tu étais le spermatozoïde le plus rapide de tous." (Coluche). Pour le reste, à vous de voir.
On a eu droit à un débat pour ou contre Michel Onfray chez Clopine, les partis pris y étaient fermes et tranchés entre ceux qui traitaient Onfray de faiseur et ceux (j'en suis) qui lui trouvent du talent (d'écrivain pour ce qui me concerne, Esthétique du Pôle Nord par exemple, son voyage avec son papa chez les Inuits menacés de disparition comme on sait , mais rien n'est entrepris pour l'éviter). Un certain eirean (pas de site apparemment ), nous a aimablement transmis les liens pour deux vidéos (Michel Onfray U1 Michel Onfray U2) présentant l'Université Populaire et Onfray décrivant sa façon de travailler ses conférences. Eh bien, il ne mégote pas ! Si les universitaires en faisaient autant pour leurs cours... Au passage, on voit P. Corcuff expliquer comment il a repris l'idée à Lyon ( j'aime bien Corcuff, ce qui est bête c'est qu'il ait suivi Besancenot mais nobody is perfect).
Une petite pause offerte par Harmonia un des contributeurs de la République des Libres. Avec ce dernier lien vous débarquez sur l'énigme du samedi soir (généralement proposée par Soded) et vous pouvez faire assaut de culture (n'est-ce-pas Mon Chien Aussi ?). Tiens MCA (qui n'a pas de blog mais s'installe volontiers chez les autres, surtout (à ma connaissance) chez Sophie K (et quelques autres), eh bien MCA, voici le genre de petit bijou qu'il propose de temps à autre (ça vous donnera une idée de son genre d'humour. Et son copain Vinosse, le Grand Sachem il en pince pour celle-ci. et nous donne à connaître Le Cercle des Résistants à l'Oppression des Agenouillistes CROA. Qu'il en soit ici remercié.
J'ai appris une jolie nouvelle cette semaine et c'est par les carnets de Mamzelle Luna. Il existe un peuple les Zo'é, tout à fait exemplaire, prenez la peine de vous renseigner (il n'existe pas de notion de propriété, tout est à disposition en abondance dans la nature, du coup, le mot merci n'existe pas, le partage est aussi naturel que la respiration). Hélas, à peine avais-je découvert leur existence et conçu un projet de retraite éventuelle (je leur aurais demandé de m'adopter en tant qu'espèce en péril), j'apprenais que Nicolas Hulot leur a rendu visite et je crains le pire pour eux désormais.
Encore une chtite copine sympathiche, Mrs Clooney nous propose une question à deux balles "pourrais-tu te marier avec un sarkozyste (c'est un terme extra pour le scrabble). Je vous ai sélectionné spécialement rien que pour vous la réponse de Didier Goux (oui, celui du billet précédent ). Notez que je prend la précaution des guillemets : "Moi, personnellement, un fiancé sarkozyste, ça me dit trop rien. Alors qu'une grosse cochonne trotskysto-écolo-besanceniste, je crois que j'arriverais à lui passer par-dessus les clivages." Une question me taraude, est ce que Mrs Clooney fait partie du clan DG. Merci de me répondre si vous avez des vues éclairées. En attendant elle aime Andy Bird,
et moi aussi.
Dernière nouvelle du front, toujours chez Sophie K, F-O Laferrère nous signale un petit précédent qui va faire frissonner le milieu de la blogosphère, Google condamné à dévoiler l'identité d'une blogueuse (blagueuse ?). Dites pas de mal de vos ennemis, ils seraient capables de vous retrouver.
Pseudo, pas pseudo, ça aussi c'était en discussion. Le fond de la question (en gros) était est-ce-que le pseudo permet d'être plus sincère ou plus lâche (je résume très très). Qu'en pensez-vous?
Une dernière info avant fermeture. Nous allons entrer Dominique Boudou et moi-même dans l'exercice proposé par Loïs de Murphy et Frédérique M, consistant à poster chez un(e) petit(e)
camarade le premier vendredi du mois (pourquoi le premier vendredi et pourquoi pas, allez voir ça chez les deux larronnes précitées). Les vases communiquants ça s'appelle. Vous voilà au courant et si ça vous amuse eh bien transvasez ou vous voulez (à condition bien-sûr de réciprocité).
Photo Les deux peupliers ZL (Ces deux vénérables bordent la petite route qui mène au lac)
jeudi 20 août 2009
Phonotexte et phonosexe
J'ai entamé la lecture d'un livre glané à Lagrasse après avoir écouté son auteur sur l'insularité de l'écrivain.
Jean Pierre Martin "a cru entendre, dans les romans de voix , les échos d'une amplification ambiante, de cet assourdissement du monde où se mèlent bruit médiatique, rythmes nouveaux et murmure des conversations". Il s'intéresse à "La bande sonore" (José Corti 1998) d'écrivains tels que Beckett, Céline, Duras, Genet, Perec, Pinget, Queneau, Sarraute, Sartre.
Je commence donc et je trouve dans l'intro ce qui suit (20)
L'hypertrophie de la voix narcissique dans un monde de haut-parleurs multiplie les méfaits du fou narcissiste, constatés par Gadda, dans la "prétendue civilisation contemporaine":
"il exhibe voix et chants, pour étourdir les gens au travail par la radio, pour magnifier son Je dans la voix et le vacarme. la voix exerce un attrait puissant [...], et pèse gravement, pour ainsi dire, sur l'ovaire des gens: c'est un moyen de conquête, un instrument du pouvoir. C'est la sensuelle façon d'appâter les benêts en matière d'éloquence politique et parfois dans l'art oratoire sacré ou dans celui du barreau. Par dessus la voix des mâles, des femelles, des castrats, des millions de "philophoniques" du globe ont installé cette niaiserie fructueuse qu'est pour leurs oreilles le chant appollinien ou éronien.[...] Bref, le Je phallus ne peut ignorer la voix (229) *
La logosphère vend de la voix comme du sexe. Elle permet le règne publicitaire et la pornographie. Le phonotexte est un phonosexe. Il érotise la parole, à la façon dont le ton de la voix érotise le discours politique. le phonotexte prétend voler le feu qu'il y a dans la voix. Il sait en tout cas que ce feu n'est pas ailleurs que dans la voix. Notre langue le reconnaît, ce feu : elle parle d'une extinction de voix. **
Si l'envie m'est venue de partager cet extrait c'est qu'en allant sur le site de Didier Goux (que je vais rayer de ma liste, je suis naîve et n'avait pas encore compris d'où me venait la fascination- malaise pour ce monsieur), dans son billet de ce jour intitulé sobrement Petits délires racistes matutinaux il vante les mérites d'une très jeune femme qui, se gargarisant d'appartenir à la réacosphère, débagoule d'incroyables stupidités larmoyantes pour défendre sa belle France peuplée du vrai peuple méritant qui se lève tôt.
Y'a des baffes qui se perdent !
*.Carlo Emilio Gadda, Eros et Priape, Christian Bourgois, 1990, trad G. Clerico..
** un ex-conseiller en communication de Le Pen rapporte ce propos chez l'allumeur de haine : "Quand j'ai une extinction de voix, je ne peux plus penser"
Pour rigoler (jaune) le discours du petit monsieur en illus
Photo http://caes.loria.fr/Mediatheque/images/DVDsmall/dictateur.jpg