mardi 17 mars 2009

Attention, obsolescence programmée.

http://www.gizmodo.fr/wp-content/uploads/2009/02/lishnesslamp.jpg


Un blog est un puits d’oubli(s), dixit un certain Phil sur la RDL.
Face à ce carré dessiné sur mon écran, je me pose toujours la question : que sauver du silence et de l'enfouissement de tout le bruit et la fureur parvenus sur mon rivage. Pourquoi extraire de ma méditation silencieuse et solitaire quelque bribe à fixer à l'encre électronique.
C'est dans ce paradoxe que la blog sphère se déploie : donner corps pour jeter au puits.
D'abord savoir que vous n'avez que 24H pour que votre fantaisie du jour accroche la lumière et y attire quelque phalène. Au-delà vous êtes la belle au bois dormant ou le crapaud en attente du baiser qui sauve de quelque passager de hasard. Dès qu'il lira votre date de péremption, n'espérez rien de ce vagabond .
Ceux qui vous rendent visite sont également ceux que vous visitez, mais pas forcément. Est-ce parce que votre photo n'a pas accroché leur oeil, votre texte leur a semblé trop banal, sans style, naïf, ils n'avaient rien à en dire ? Vous n'en saurez rien. On ne revient pas en arrière.
Un blog est un puits d'oubli(s). Après avoir posté, on pense à ce qu'on aurait pu mieux cerner, ajouter, soustraire. On peut toujours modifier mais on le fait rarement si ce n'est pour réparer une coquille ou une maladresse d'expression.
Un blog est un puits (...). Pour satisfaire à votre manie, vous devrez consacrer un temps non négligeable à y réfléchir, recueillir, classer, rédiger, vérifier les commentaires, y répondre. Vous pourriez en arriver à négliger vos amis, vos amours. A moins que vous n'en ayez pas ou plus, ceci expliquant cela.
On peut naturellement renverser la perspective.
Un blog est une amphore dans laquelle est stocké le meilleur de la décantation neuronale du jour.
C'est une quintessence gouvernée par la concision quand d' autres formes moins limitées par l'espace temps diluent éventuellement le propos.
C'est un petit salon où viennent quelques minutes vos complices spirituels livrer leur aphorisme dédié. Vous ne les rencontrerez sans doute jamais et pourtant ils se révèlent plus proches et denses que beaucoup de ceux que vous fréquentez.
Ils deviennent votre nouveau cercle. Il n'est que de passer de lien en lien pour le constater, les blogueurs ont un passé auquel ils se réfèrent, des manies repérées comme telles, des antipathies qui se disent en termes plus explicites qu'ils ne pourraient l'être en présence incarnée. Toutes les facettes de l'humain mais placées dans une distance propre à leur chatoiement sans risque d'aveuglement, tous les beuglements sans souffrance de l'oreille interne.
Enfin, le blog est un carnet de notations commodes et partagées, dont il sera toujours possible de recycler les pièces pour fabriquer une nouvelle forme.
Virtuosité du virtuel.

Photo Esthétique obsolescente incandescente
lampes réalisées par Alan Lishness du Maine Research Institute. Celle avec les ampoules rondes est notamment constituée d’un double processeur à refroidissement liquide récupéré d’un Apple G5, d’un compas d’avion et d’ampoules 40W à LED. L’autre a été assemblée sur la base d’un relais de signaux ferroviaires fabriqués par la General Railway Signal Company en 1924.

dimanche 15 mars 2009

Le vent des blogs 4


Mon copain Jacme virulent défenseur de l'occitanie m'a transmis ce jour une information sur un mouvement d'opposition sis à Marseille : La réintégration de la France dans le haut commandement militaire de l’Alliance Atlantique (Otan), qu’elle avait quitté en 1966, et qui sera officialisée début avril lors du sommet de Strasbourg et Kehl (Allemagne) pour les 60 ans de l’Alliance, ne peut rester l’affaire des seuls gouvernements. « C’est parce que cette réintégration se fait sans débat démocratique que nous organisons les six heures pour la paix samedi à Marseille de 14 heures à 20 heures à la faculté Saint-Charles », explique Régine Minetti, responsable du Mouvement de la Paix des Bouches-du-Rhône.
Il semblerait que cela ne nous regarde pas. Bon. Il serait sûrement plus urgent de se mobiliser pour un désarmement universel avant la défense du pouvoir d'achat d'autant qu'en réduisant la facture militaire on récupèrerait de la marge. En Chine il est en augmentation de 14, 9 %

Voilà une info qui va énerver Kamizole, notre très Haut l'énerve prodigieusement et maintenant 92 députés proposent l'université payante, alors ça l'enrage, faut la comprendre.

La feuille aussi est de mauvaise humeur et met les piéspiés dans les potis plaplas. Je sais pas ce que nous avons tous. Le printemps sans doute, la sève.

La feekabossée a failli se suicider en moto pour complaire au tag qui poursuit son chemin dévastateur mais au dernier moment elle s'a ensauvée, la coquine. A 60 euros la minute, la mort ne vaut pas cher.

Saloperie de mort, elle a fauché pour de vrai un de nos chéris le subtil chanteur de blues Bashung et les blogs ont affiché complet pour un requiem au trapéziste céleste.

En écrivant un petit texte sur le "çam'rappelle de Rodolpe qui se termine par "Messiaen n’était pas notre cousin", j'ai pensé à la façon dont il se définissait : "ornithologue et rythmicien".

J'ai réussi à trouver la porte de Joe derrière laquelle se tient un univers profusionnel de couleurs, de formes, de musiques et un coeur gros comme ça.

Une gente dame m'a rendu visite, j'ai fait de même. Elle aurait eu le privilège d'approcher nos grands cousins d'Afrique centrale comme je l'ai évoqué plus bas.

Après le gorille rencontre avec un rhinocéros qui regarde la lune, je vous demande un peu ! J'espère qu'il regarde où il met les pieds parce que dans mon jardin y'a des violettes.

Sinon nous ne pourrions ignorer le salon du livre, les listes des plus grands écrivains de tous les temps. Ce matin encore sur la 5, dans la grande librairie, Beigbeder, Nothomb, Jauffret, Mabanckou, le nain Jardin, la touchante Chloé Delaume qui a pris son pseudo chez Vian, brèfle...

Les 807
ont publié, samedi 14 mars un de mes aphorismes spécial Salon du Livre.

J'allume et j'éteins 807 fois par an prétendit l'allumeur de réverbère et moi je tâte ma rose 807 fois par mois se vanta le petit Prince et moi j'ai eu 807 Rolex grâce à mes 807 prix Gongourt fanfaronna l'auteur.
Je l'aime bien, pas vous ?

Photo Cadaques ZL

samedi 14 mars 2009

Délivrez nous de Marcel


Télérama cette semaine nous livre les résultats d'une enquête: l'exercice consistait à demander à un écrivain homme ou femme, ( mais ça marche moins bien, la preuve Télérama n'affiche aucune femme dans sa sélection de happy few à l'image et leur nombre m'a semblé peu paritaire parmi les consulté(e)s) quelles sont vos dix livres préférés. Une telle question provoque chez celui qui se trouve sur la sellette une petite tempête intime: 1 choisir, 2 montrer.
Dans son article, Nathalie Crom relève la grande diversité des auteurs cités que l'exercice statistique aplatit au profit des grands. Les consultés mentionnent la difficulté de s'en tenir à une sélection aussi mince et que leur liste aurait pu être tout autre le jour suivant.

Sans surprise, dans notre bel hexagone qui entame sa conquête du troisième millénaire, Marcel et Gustave tiennent le haut du pavé respectivement cités 33 et 23 fois talonnés par l'américain William Faulkner 24 ( Shakespeare 9) et Fiodor Dostoïeski 16. Une femme, " la femme écrivain" Virginia W 15. On notera pour conjoncturelle la présence de Madame de La Fayette qui n'avait aucune change de figurer au palmarès sans la publicité récente que lui a faite de façon involontaire notre très Haut. La Princesse de Clèves avant Don Quichotte !!! La Bible n'apparaît qu'à la dixième place. Est-ce sa valeur littéraire ou spirituelle qui est ainsi récompensée ?

Il se trouve qu'aujourd'hui j'écoutais une enseignante exposer les menaces qui pèsent sur la filière littéraire et je l'entendais déplorer la disparition des humanités et l'absence de courants littéraires (sic). Ces deux actualités, font pour moi un précipité.

En France la littérature est tombée en catalepsie après la mort du grand Marcel. Tous ses successeurs se sont vu ajuster l'étalon et rien n'y a fait, après lui, la littérature s'est étiolée. On ne saura jamais le nombre d'écrivains potentiels que le lourd héritage aura découragés. De même comment écrire hors du gueuloir de Flaubert.
Alors que la profusion de l'écrit est proprement suffocante,- entrer dans une librairie c'est s'exposer au découragement, comment espérer rattraper le retard inéluctable ? - quelle merveilleuse échappatoire, il suffit de lire et relire la Recherche ou L'éducation sentimentale (heureusement le meilleur de Flaubert, parce que lire et relire Bovary, ouf!)
J'ai consulté les listes, il y a de grands absents ou à peine cités. Un Moravagine pour sauver Cendrars (quid de Bourlinguer ), peu de Miller, Albert Cohen Belle du Seigneur( ?), Kundera Le livre du rire et de l'oubli (?), Vian cité par Chloé Delaume, Le Clézio, (trop proche ?), pas de Sud Américain sauf les incontournables Borgès et Garcia Marquez.
A quoi servent ces listes ? A déclencher le goût de lire chez ceux qui seraient passés à côté des chefs d'oeuvre ?
Seul Pierre Assouline cite une BD et encore ultra classique, Tintin.
Nous voilà donc servis d'une petite couche supplémentaire de doxa.
Une question : peut-on être écrivain si on n'a jamais pu aller au bout de La Recherche, si on trouve la lecture de Flaubert un rien surrannée, si la Princesse appartient au passé enfoui d'élève et qu'on n'a nulle intention de l'exhumer et si plutôt que ces vénérables momies on aime les écrivains vivants qui parlent d'aujourd'hui en se souciant comme d'une guigne de leurs illustres prédécesseurs. Peut-on échapper au regard profond et doux de Marcel dans les siècles et les siècles.
Je m'interroge.

vendredi 13 mars 2009

Le printemps des poètes


Hier soir, une petite troupe lisait des poèmes sous le signe du rire et de quelques airs à l'accordéon. Quelques bons morceaux mélangés à des insignifiances. Parmi les premiers une résurgence dans ma mémoire : "La Cimaise et la Fraction" un exercice oulipien de Queneau (j'avais aimé ses exercices de style) à partir de la fable La cigale et la fourmi (que je ne mets pas en regard, pas vous faire l'affront, vous la connaissez par coeur).
(Choisir un court poème. Prendre un dictionnaire quelconque. Remplacer chaque mot M de ce poème par le mot de la même nature grammaticale qui est séparé de lui par n mots dans le dictionnaire choisi). Ici N=5

Rentrée trop tard hier soir, je le mets en piste ce matin avec spéciale dédicace à Joe

La Cimaise et la Fraction


La cimaise ayant chaperonné
Tout l'éternueur,
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique morio
De moufette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique,
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu'à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
Avant l'apanage, folâtrerie d'Annamite,
Interlocutoire et priodonte."
La fraction n'est pas prévisible ;
C'est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? j'en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."

Oulipo, la littérature potentielle
Gallimard (1973).


.



Autre version inspirée de la fable tripotée par Queneau qui donne l'occasion de visiter la Fatrasie

LA CIMAISE ET LA FRACTION

Une cimaise, seule, du haut de sa corniche,
s'ennuyait à crever comme un chien dans sa niche.
Pour occuper son temps, elle fait des divisions
Et se trouve soudain devant une fraction.
" Quel curieux animal... " s'étonne la cimaise,
contemplant le quotient : trois divisé par treize.
La cimaise n'est pas matheuse,
C'est là son moindre défaut.
" Moi j'ai pas mon bachot "
fait-elle d'une voix boudeuse.
" Un chiffre sur un autre, que sépare une barre,
C'est plus que compliqué, c'est carrément bizarre...
- Compliqué ? pas du tout, s'indigne la fraction,
Je ne suis, à vrai dire, qu'une représentation.
C'est tout simple, voyez : Trois est numérateur,
Et le treize, au dessous, est dénominateur.
D'ailleurs, sans me vanter, je suis irréductible.
- Si vous me l'affirmez... Je ne dirai pas non.
- Treize et trois sont premiers, insiste la fraction.
- Euh, oui, fait la cimaise, premiers ? C'est bien possible. "
La fraction, à ces mots, se sent encouragée.
Elle parle théorie, évoque l'addition,
Et le pépécéhème, et le pégécédé :
" De façon générale, on dira p sur q...
- Comment ? Soyez polie.
- C'est un malentendu, voyons, dit la fraction.
C'était une expression... Pour rester dans l'abstrait.
- p sur q me paraît, à moi, assez concret,
J'ai beau n'être, c'est vrai, qu'une décoration,
J'ai du vocabulaire. Mieux, j'ai de l'instruction.
J'entends, de ma corniche, bien des conversations,
Personne, au grand jamais, n'y parle de fraction.
Allez, déguerpissez, misérable invention. "
La fraction, à ces mots, comprend qu'on la renvoie.
Elle ouvre un large bec, et laisse tomber son trois.
La cimaise s'en saisit, et dit : " Cher diviseur,
sachez que tout professeur
est ennuyeux pour celui qui l'écoute
Cette leçon vaut bien un numérateur, sans doute. "
Dépitée, la fraction, valant zéro sur q,
comprit, très en pétard, qu'elle ne diviserait plus.

Double parodie d'Hervé Le Tellier, inspiré par " la Cimaise et la Fraction "




C'est tout pour aujourd'hui, je reprends ma cognée.

Photos Printemps zéro neuf ZL

mercredi 11 mars 2009

Cartes postales rétroactives.(2) Gorille en pétard


Des chercheurs suédois viennent de montrer que Santino, un chimpanzé mâle dominant, prépare plusieurs heures à l'avance les pierres qu'il lance ensuite en direction des visiteurs du zoo où il vit. Le Figaro Les chercheurs sont surpris des capacités d'anticipation chez cet animal qui les manifeste d'ordinaire uniquement à l'égard de la nourriture.


Je suis à peine étonnée de découvrir qu'un chimpanzé "anticipe". Un commentaire radio ce matin prétendait d'ailleurs qu'il était de la sorte plus performant que beaucoup de nos édiles qui continue à ignorer que notre vaisseau terrestre dérive dangereusement.


Ce qui me plait dans cette histoire ce sont les détails. Très tranquillement, il amasse ses munitions et les dispose par terre de façon stratégique, à savoir uniquement du côté d'où vient le public. Sur les autres parties de la petite île, aucun tas de cailloux n'a jamais été découvert. (...)Santino façonne ces pierres en forme de disques qu'il utilise ensuite, selon l'expression de Osvath, comme des «missiles».

Je songe à l'acrimonie accumulée à l'égard de ces milliers de visiteurs (millions ? 10 ans qu'il est en exposition) et au rendez-vous qu'il leur prépare soigneusement tous les jours, sauf quand le zoo n'ouvre pas car Santino prévoit ça aussi en ne préparant pas ces jours là son tas de "missiles". Et cela m'évoque une émotion encore vivace que je vais tenter de retranscrire.


Au Rwanda, les gorilles sont l'objet d'une protection organisée sous la forme d'un territoire réservé, arpenté par des gardes et accessible seulement sous forme de visite accompagnée et payante. Lorsque j'y étais en 1982, les tribus se réduisait à 13 familles (comprenant chacune un mâle dominant et trois ou quatre femelles avec leurs petits) entre le parc national des Virungas au Congo et le parc national des volcans au Rwanda. Cette région est actuellement relativement désertée par le tourisme en raison des troubles dans la région du Kivu et du génocide de 1994 au Rwanda. Cependant la politique de protection des gorilles semble avoir porté ses fruits puisque la population a doublé depuis cette époque. En allant sur le site des parcs pour me remettre les noms en mémoire, je constate que le prix de la visite est exorbitant 250 US dollards. Ce n'était pas le cas à l'époque.

Nous avions passé une journée à grimper pour atteindre le haut du Bisoke (3711m), passé une nuit au refuge en compagnie d'un Français VSNA* employé à répertorier les différentes catégories de souris et un autre qui, lui, s'intéressait à la biodiversité (le terme était plus confidentiel à l'époque) de la forêt primaire. Nous étions quatre le lendemain à entamer notre ascension vers les gorilles, accompagnés d'un guide armé. Il nous avait d'emblée transmis les précautions nécessaires pour aborder le milieu où nous allions évoluer. Eviter les manifestations bruyantes et surtout, si nous nous trouvions en face à face avec un gorille, faire acte de soumission en nous jetant à terre. Ce sont des animaux paisibles mais qu'il ne faut pas provoquer. Le guide ne souhaitait surtout pas se servir de son arme et il était arrivé qu'un touriste ou deux fassent les malins et qu'ils aient eu maille à partir avec le bestiau qui fait tout de même deux mêtres de haut et environ 200kg . Aucune chance une fois qu'il vous saisissait par une guibolle et vous trainait en courant sur plusieurs mètres. Eux, les guides ils les aimaient leurs familles et n'avaient pas envie d'en abattre le membre le plus éminent parce qu'un rigolo mégalomane s'avisait de le défier.


Nous n'étions pas certains de rencontrer une famille, les gorilles peuvent se déplacer sur une quinzaine de kilomêtres et pour des bipèdes aussi mal outillés que nous l'étions il nous fallait compter sur notre chance, parce que cette distance était infranchissable dans la journée tant la progression se révélait rapidement difficile dès que nous avions abandonné les flancs couverts de bambous pour entrer dans l'inextricable profusion des lianes. Le guide pistait les animaux grâce aux traces des chemins frayés mais surtout des étrons. Au bout de deux heures, le guide utilisant sa machette à l'économie pour nous faciliter un brin l'accès, nous en étions à progresser en rampant au dessus d'un entrelacs de branches sous lequel se trouvait l'abri provisoire d'un grand chef et de quelques femelles et leurs petits. Notre approche s'était annoncée par les grognements modulés du guide qu'il proférait à intervalle régulier. Quelqu'un lui répondait sur le même ton et il était étrange de penser qu'il s'agissait d'un animal tant les deux émissions se ressemblaient. Enfin nous nous sommes trouvés proches d'une sorte de hublot donnant sur l'espace occupé par la famille sous nos pieds. Un jeune gorille s'est présenté à la fenêtre et a entrepris de nous séduire avec forces mimiques. Il alternait un visage suppliant et une danse sautillante qu'il scandait par des frappes sur sa poitrine. J'étais très proche et lorsqu'il a tendu vers moi sa menotte j'ai tendu la mienne, il me faisait une lippe si amoureuse. Le guide m'a formellement interdit de répondre à son invite. "Il ose tout parce qu'il se sait protégé mais le mâle veille et si on touche au petit il sera là en un éclair". Peu après nous avons entendu un grognement bref. C'est un avertissement nous a dit le guide. Les gorilles n'attaquent jamais sans sommations. Il faut partir. Nous étions empêtrés dans les branchages, nous avons eu droit à une seconde semonce et comme nous commencions à ramper à reculons , nous avons vu émerger du puits végétal cette bête mythique couverte de fourrure argentée (on les appelle les gorilles au dos d'argent) et un visage tout en dents d'où a explosé un grognement de fureur qui nous a instantanément tétanisés.

J'ai souvent repensé par la suite à cette protestation, à la violence de ce ras le bol. Il résonne en moi en de multiples occasions et l'histoire de Santino et ses caillasses patiemment amassées en vue de les balancer sur les visiteurs ont fait resurgir le rugissement exaspéré du grand singe.



La Fondation Diane Fossey et quelques autres essaient de préserver les q, uelques 3 ou 4 cents individus contre la tuberculose, la grippe et autre cochonneries empruntant les humains pour se véhiculer auprès d'eux, ou pire les braconniers qui (à l'époque où je suis passée) les abattaient et vendaient leurs mains pour en faire des cendriers très prisés de certains collectionneurs (tristement authentique).


*VSNA volontaire su service national armé, au temps ou le service militaire obligatoire existait formule permettant de l'effectuer à l'étranger par le biais de missions de tous ordres (enseignement, recherche, culture etc); Ce sont les diplomés qui y avaient le plus recours et beaucoup ont vécu ainsi des expériences qui ont changé leur vision du monde.

Photo Gorilla moter and her baby at Volcan National Park

mardi 10 mars 2009

Tenir la vague

Ambigus,
Nous flottons
Sattelisés
Le dos appuyé au nuage épais de nos rèves
Ondes entrechoquées de messages avortés
Ne laissant qu'une fumée laiteuse
Dans notre transparence.
Nous dérivons
Côte à côte
Absence et présence conjuguées.
Brusques remontées
Lire à la surface des visages
L'épaisseur engloutie.
Çà et là
Quelque signe
Trace
Ebauche de la rencontre
Attendre un flux nouveau
S'y rouler
Tenir la vague.
Amarrés l'un à l'autre
Bercés, deux bateaux au mouillage
Et nos mains brulent
Comme un siroco.
Oublier nos rèves giflés
Oublier la haine
Ses doigts aigus plantés dans nos veines.
Animal, mon frère
Frottons nos crinières électriques
Allons hennir dans le vent rose de nos bulles
Que leur rencontre éclate en une larme
Alchimie première
Quand je te prierai à voix basse
Entendras-tu le murmure de mon sexe ?
Ou m'oublieras-tu sur une grève de craie.
Ce cri arraché
Quand tu me cernes au plus près
Mer intérieure que tu captures
En ce point infini de ma reculade.
Alors
Lave arrachée à son centre
Je pénètre chaque écorchure de ta plaine
Scories et diamants mêlés
Organique et minérale
Je me coule à tes formes
Comme un plomb fondu
Et viens m'éteindre
Poussière et bois
Volute et pesanteur
En ce lieu où
Nos alluvions resculptées
Feuilletés l'un par l'autre
Nous émergeons
Dans l'aube clignotante de nos cils

Illustration Alain Ghertman.

lundi 9 mars 2009

Un monde sans pitié

Stop!!! Ne restons pas muets face aux violences faites aux femmes. Une vidéo réalisée pour Amnesty international par Olivier Dahan avec Didier Bourdon et Clothilde Courau. C'est filmé comme un muet début du siècle dernier mais c'est d'une totale actualité. Vu samedi sur grand écran c'est difficilement soutenable.

Joan Tronto une universitaire américaine vient de publier aux éditions de la Découverte un ouvrage qui fait grand bruit parmi ceux et plutôt celles qui réfléchissent sur le genre comme déterminant sociologique. Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Ce terme difficile à traduire en français renvoie aux activités de prise en charge des plus fragiles : enfants, personnes âgées ou handicapées. Joan Tronto lui donne une définition beaucoup plus vaste : « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde » de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ». Or cette activité assurée à 97 % par les femmes - et quand on y trouve des hommes ils sont chefs de service- est naturalisée comme de la compétence exclusive des femmes. Je n'approfondirai pas ici le propos de Joan Tronto, m'arrèterai sur un point fondamental de sa démonstration. Pour faire évoluer ce monde et le tracter hors de sa gangue de barbarie il faudrait "dégenrer" le souci des autres, considérer que c'est une haute fonction citoyenne dont chacun pourrait s'enorgueillir. Pour cela il faudrait démolir nos fantasmes de toute puissante, de soi-disant autonomie, cesser de nier que nous sommes à un degré ou un autre vulnérables, redevables à d'autres. D'autant que plus nous prétendons tenir le haut du pavé, plus nous employons pour pallier nos petites misères d'os et de muscles fatiguables, des individus, à notre service certes, mais sous payés voire sans droits reconnus y compris le droit à la citoyenneté. Ces "basses oeuvres" si on s'en tient au mépris dans lesquelles elles sont tenues, sont en réalité les fondements mêmes du vivre et sont souvent accomplies par ceux que nous tenons en lisière du monde en leur refusant une identité par le jeu des papiers. Mais comme elles sont étroitement associées au rôle que les femmes jouent de façon gratuite dans le cadre familial, il est entendu qu'elles ne valent rien. Or, la masse mondiale du seul travail domestique féminin, gratuit et indispensable au fonctionnement d'une société, représentait, en 1995 onze milliards de dollars et les deux tiers du seul travail féminin.
Joan Tronto considère qu'il s'agit d'éradiquer la commisération attachée aux tâches du "care", cesser de parler de mansuétude et de pitié, revoir les échelles de l'utilité sociale et enfin et surtout considérer que le souci de maintenir, perpétuer et réparer notre « monde » est hautement élevé dans la hiérarchie de l'éthique humaine et à ce titre à partager par tous avec, lorsque c'est l'objet de l'activité professionnelle une rétribution au moins aussi intéressante que celle d'un fabricant de bombes à fragmentation (c'est moi qui choisit cet exemple, à tout hasard).
Elle prétend que tout cela est hautement politique : point de pitié, la justice.

Pour finir une petite liste intitulée "chasser l'intruse"
Commandant /Commandante
Précurseur / précurseure
Chirurgien /Chirurgienne
Ecrivain /Ecrivaine
Chef cuisinier /Cheffe cuisinière
Medecin /Medecin
Pêcheur /Pêcheuse
Pompier /Pompière
liste non exhaustive à compléter selon inspiration

La femme au chapeau (1905)

Que dites-vous ? C'était hier qu'il fallait parler de ça ? Je suis en décalage ? Je vais lasser ? Un jour ça va, le lendemain c'est trop ?
Que le ciel vous préserve d'avoir jamais affaire à une de ces zélées Antillaises qui vous dorlotera tout en vidant votre bassin et en vous mouchant le nez.

Illustration La femme au chapeau Matisse 1905
Matisse le pur plaisir d'inventer