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dimanche 17 mars 2013

Zoë fait son cinéma


J'ai assisté vendredi à la projection de "Notre monde" le documentaire réalisé par Thomas Lacoste sous-titré " Faites de la politique et si possible autrement". La séance avait lieu en présence de l'auteur et de Geneviève Azam qui devait elle-même figurer au nombre des  entretiens sur le thème de l'écologie et qui en a été empêché par les aléas climatiques. De ce fait, cette importante thématique est absente des propos et des propositions du film qui rassemble les contributions de plus de 35 personnalités spécialistes de leur domaine.
Le constat est général (et partagé par beaucoup d'entre nous ) "Les bases de cette société sont dans un triste état. Une civilisation est en train de s'achever. Cela mérite quelques pensées, non pas issues des institutions ou des religions, mais la possibilité de l'expression collective d'une commune pensée, loin de la pensée banale. Une pensée telle, que commune  à tous elle soit porteuse des puissances singulières de chacun.
L'intérêt du film est qu'il ne se limite pas aux constats désespérants, chaque intervenant formule des propositions tout à fait judicieuses.

Je vous conseille l'intervention de Luc Boltanski  sur les dérives instaurées par le système de l'évaluation introduite partout et dont les puissants se servent pour dévaloriser tout ce qui ne relève pas de la valeur déclarée comme suprême, l'argent. Les plus riches peuvent se présenter comme les meilleurs quelle que soit l'origine de leur fortune. J'en extraie ceci, "rétablir la reconnaissance de la pluralité des manières d'être au monde et d'y jouer sa vie, il n'y a pas de vie ratée, personne n'est inutile personne n'est de trop. A bas l'excellence !"
Ou encore celle de Matthieu Bonduelle sur la nécessité de la "décroissance pénale" notamment pour simplement rétablir une égalité des droits des minorités qui mises bout à bout finissent par créer une majorité puisque les frontières de la discrimination sont extrêmement nombreuses et mobiles (genre, origine native, préférence sexuelle et même jeunesse et vieillesse). Dépénaliser ce qui ne devrait relever de l'incarcération.
Ou encore, une synthèse des raisons déraisonnables qui conduisent les pays dits en développement à rester confinés dans la misère et des formes que pourrait prendre la lutte contre la corruption qui sévit sur ces territoires, merci Mathilde Dupré
Et Jean-Pierre Dubois "sans égalité, seuls les dominants sont libres".
Enfin,  si vous avez vous-mêmes souffert de l'école vous serez rassérénés par  Christophe Mileschi  qui fait une lumineuse démonstration : l'école en instaurant l'absurdité des classes d'âge crée une catégorie de retardataires qui seront traités comme attardés, les programmes sont une  manière d'homologation qui transforme les déterminismes sociaux en les naturalisant et en touchant par là à l'intime des êtres qui vont se vivre comme minables etc...
Je n'en dirai pas davantage, le site vous donne accès à l'ensemble des propositions, toutes très pertinentes pour tenter de sortir de l'infernal bordel où s'enfonce actuellement notre monde.
Un reproche cependant : un déséquilibre dans le nombre des hommes présents à l'écran 22, contre seulement 5 femmes qui sont "évidemment" sollicitées sur les questions féministes. Selon Thomas Lacoste, la production a demandé à raboter la longueur du film. Dommage ce sont surtout les femmes (déjà en minorité) qui sont passées à la trappe. Et plus encore les femmes de l'immigration puisque Hourya Bentouhami n'apparait pas dans le film. Elles sont présentes dans la récapitulation et on peut l'écouter ci-dessous, je l'ai choisie pour vous.
  



Ce matin, j'écoutais l'excellente émission Eclectik de Rebecca Manzoni  et son invitée du jour, Solveig Anspach dont le film "Queen de Montreuil" sort cette semaine en salles. Elle parle avec beaucoup de délicatesse de cette aventure : faire un film avec peu de budget mais beaucoup de plaisir à travailler en commun. Quant à son film, je reproduis ici un extrait de la présentation de mon cher Utopia Toulouse.

QUEEN OF MONTREUIL


Au-delà de l'hilarante loufoquerie du récit, Queen of Montreuil est un hommage vibrant à la ville d'adoption de la réalisatrice, à son incroyable cosmopolitisme, une ville où se côtoient en bonne intelligence familles africaines et bobos artistes. Et le film est l'occasion d'une jolie galerie de personnages aussi drôles que crédibles, comme l'homme à la grue incarné par Samir Guesmi, Caruso, le voisin dont le sex-appeal attire fortement Agathe, ou ce pote artiste à guitare sèche qui a toujours cinq euros à emprunter à un ami. Face au deuil d'Agathe, dans un milieu parisien où le chacun pour soi est souvent de mise, Queen of Montreuil est aussi une formidable ode à la fraternité, une fraternité instinctive, sans calcul, qui exhale un humanisme profond et revigorant.

J'irai voir le film de Solveig Anspach pour toutes ces bonnes raisons : elle tient un discours sur la direction de film qui me réjouit, elle aime "transmettre aux spectateurs de la joie.” et ... j'ai habité Montreuil pendant dix ans avant de m'installer sur ma colline, j'y ai encore beaucoup d'amis.