C'est le titre du dernier livre de Hervé Hamon. Il avait publié en 2020 "Dictionnaire amoureux des îles" dans cette collection délicieuse chez Plon des "dictionnaire amoureux". J'ai partagé la plupart des plaisirs et j'en aurai évoqué d'autres si l'exercice m'avait été confié mais sans doute pas avec le talent d'Hervé Hamon. Outre que la thématique est prometteuse d'emblée, le choix de l'auteur est savoureux. Quelques exemples : à la lettre c, les "cocottes" ces femmes qui décident parce que leurs "beaux corps, beaux yeux, beaux seins, belles jambes" le leur permet de "régner sur les régnants, ces hommes riches de la fin du XIXème qu'elles attirent dans leur toile suave, n'hésitant pas à recourir à tous les subterfuges pour les séduire, puis les congédier quand elles ont trouvé un remplaçant plus avantageux. Je suis étonnée de n'avoir pas vu apparaître "conversation" que j'aurais sans doute choisi. Il me semble que ce bavard doit apprécier plus que tout une bonne conversation avec des amis ou en tête à tête.
Qu'on ne s'y trompe pas, les plaisirs évoqués ne sont pas délictueux. Dans certains cas le terme sert de support à une réflexion qui va à l'encontre de ce qu'il pourrait évoquer. Ainsi le Goncourt ne vante absolument pas l'immense satisfaction de l'heureux bénéficiaire mais le risque d'une date fatale qui peut assécher le désir d'écrire. Hamon affirme "que le prix Goncourt n'est pas le meilleur roman de l'année. Pour la bonne et simple raison que l'art et la compétition sont incompatibles, que la notion même de "meilleur roman" n'a strictement aucun sens. Inutile de dire que j'approuve des deux mains
Beaucoup d'entrées de la mer dans les articles, Hamon est un marin expérimenté qui a beaucoup voyagé sur mer. Sur terre également où son métier de journaliste lui a offert l'occasion de connaître des peuples et des êtres sur tous les continents. Il ne se prive pas de fustiger ceux qui se targuent d'être nés sur une terre qu'ils tiennent à défendre contre "les étrangers" avec ce vieux réflexe tribal qui n'a plus aucun sens ni aucun fondement quand on sait à quel point nous appartenons et sommes façonnés par mille lieux et que le "peuple français" est le résultat de tant de métissages qu'on ne voit pas bien où serait préservée la racine gauloise sinon chez Astérix et encore...
Je me suis sentie en phase absolue avec ses diverses réflexions sur l'inanité d'une pédagogie fondée sur la contrainte, la répression de la vitalité, le refus argumenté, délibéré du plaisir. Un refus qui confine à la haine. Il cite, en contraste, la rencontre au cours de ses enquêtes en collège, d'un maître qui rompait avec les méthodes "ordinaires" en inventant mille manières de faire activement participer les élèves à son enseignement. Et l'enthousiasme des élèves remplaçait avantageusement l'ennui constaté dans d'autres cours. Ce type de pédagogue s'attire les foudres d'essayistes réactionnaires qui déversent des tombereaux d'insultes sans avoir eux-mêmes jamais mis les pieds dans un établissement. Philippe Meirieu, authentique pédagogue lui, rappelle que si la parole de l'éducateur est première, elle n'est pas dernière, l'apprentissage place l'éduqué en position de s'approprier, de prolonger et de démentir ce qui lui a été enseigné.
Chaque article est jubilatoire et l'occasion de mêler harmonieusement souvenirs d'enfance, de rencontres, anecdotes cocasses ou émouvantes, exercices d'admiration, références bibliographiques, sans oublier quelques analyses politiques bien senties et au fond une réflexion profonde sur le sens de l'existence. Ce dictionnaire est un plaisir qu'on peut déguster à petites lampées ou goulument comme je l'ai fait. Revitalisant.
Comme je ne prend plus très souvent le temps de blogger je vais ajouter quelques notations sur le mois écoulé.
Vu à Paris au Musée du Quai Branly une expo Zombis la mort n'est pas une fin, les Zombis ont une grande importance dans la culture haïtienne. J'ignorais tout de ces non morts et j'ai ainsi appris que le zombi est le produit d'un syncrétisme entre spiritualités d'Afrique subsaharienne, catholicisme européen et cultures des Caraïbes et devient dans le vaudou haïtien, une personne malfaisante condamnée par la société à une peine pire que la mort et vouée à servir d'esclave à un sorcier bokor qui contrôle son corps et son esprit. J'emprunte ce résumé aux Inrockuptibles. Abuser de la peur liée à la croyance religieuse, un trait de l'humanité bien réparti sur le globe. Le mythe a inspiré, en le transposant, les films que l'on connait sauf, si comme moi, on n'aime pas du tout . En revanche j'apprécie toujours la créativité des Africains
Je ne dirai rien du plaisir que j'ai éprouvé à revisiter après tant d'années la salle des grands tableaux du Louvre même si j'ai de plus en plus de mal avec les musées gavés de monde, mais j'avais envie de revoir La Liberté Guidant le Peuple (2,60 de hauteur, 3,25 de largeur, Delacroix) et le radeau de la Méduse (4,91 de hauteur, 7,16 de largeur, Géricault) entre autres qui ne supportent pas la réduction à petite échelle. Envie aussi de traverser le Jardin des Tuileries, j'ai habité pendant dix ans rue de Rivoli (sous les toits sans ascenseur). Evidemment pour sortir du Louvre il faut traverser une enfilade de boutiques luxueuses qui n'existaient pas alors. C'est un peu pénible.
Enfin, un petit tour dans l'Opéra Urbain qui vient juste de s'achever à Toulouse.
Ma fillote était à la manœuvre sur la grande bête, le Minotaure. Elle manipulait le bras gauche. Pas facile, il faut éviter arbres et réverbères et, même si elle est canalisée, la foule.
Crédit photo : Patrice Nin. Mairie de Toulouse - Toulouse Métropole. |