Je viens d'achever la trilogie "Encabanée, Sauvagines, Bivouac" de la Québécoise Gabrielle Filteau -Chiba
Etonnante histoire que celle d'Anouk (Gabrielle) qui après des études qui l'ont menée vers une carrière pourvoyeuse d'un bon salaire décide de quitter son bureau cosy mais dont la fenêtre donne sur un mur. Elle fuit Montréal et et et acquière un bout de forêt avec une cabane sommaire, s'y installe pour quelques jours et finalement y habitera pendant huit ans. La première année est une épreuve extrême : résister au froid terrible qui frise les moins quarante dans une installation plus que rudimentaire, s'accoutumer aux hurlements des coyotes qui deviennent un chant, repérer les traces d'ours, cueillir des aromatiques avec précaution en évoquant la mort du héros de "Into the wild" et tenir un journal illustré par endroit de dessins de plantes qui servira à rendre compte de cette expérience extrême.
Le second opus commence par l'histoire d'une femme, Raphaëlle, garde forestière aux prises avec un braconnier sanguinaire qui tue la faune pour les fourrures alors qu'elle est protégée par des quotas. Raphaëlle rencontre Anouk , elles partagent leur désir d'une vie proche des arbres et des animaux . Elles vont s'allier pour résister à la violence perpétrée par un homme sans scrupules.
Le troisième opus les conduit vers une ferme où sont installés des clandestins de la lutte contre la construction d'un oléoduc dans les terres du Bas-Saint Laurent.
Les trois livres sont une ode à la beauté du monde qu'une poignée d'humains tentent de sauver du saccage perpétré par le capitalisme cynique et absurde. Construits comme des thrillers, dont je prend la précaution de ne rien trop révéler ici, les trois opus sont écrits dans une langue qui fourmille d'expressions québécoises savoureuses (un glossaire permet de les déchiffrer quand elles sont trop particulières). C'est une apologie de la vie en harmonie avec la nature basée sur une sobriété alliée à la connaissance des plantes et des saisons. Un héros particulier de la trilogie "Gros pin" est un arbre multi centenaire, sans doute le dernier survivant de la forêt primaire. Les deux jeunes femmes lui rendent visite pour y retrouver une sérénité que les événements qu'elles subissent met à mal. Il est lui aussi menacé de destruction par les pelleteuses qui arrachent les arbres sur le tracé prévu pour faire passer le gaz de bitume, cette saloperie qui pollue tout sur son passage.
Coïncidence que cette lecture avec l'annonce de la décision du tribunal administratif de Toulouse d'annuler la poursuite des travaux de l'A69. Le combat des "Ecureuils" pour sauver les arbres a porté ses fruits. L'Etat demande la suspension d'exécution en attendant le procès en appel.
Rien n'est gagné en l'occurrence mais c'est une jurisprudence qui devrait incliner désormais à la prudence justement avant d'entamer ces grands travaux inutiles destructeurs de terres agricoles et de biodiversité. Le coût du péage est si élevé que l'usage de l'autoroute sera réservé aux privilégiés. Les autres seront pénalisés par les détours nécessaires à éviter l'A69.
Je suis personnellement concernée parce que ma petite colline est située à 5 kilomètres à vol d'oiseau d'une usine à bitume prévue pour la mise en œuvre de l'autoroute. Les écoles sont encore plus proches. Certains maires se sont battus pour refuser ces implantations (3 en tout). D'autres n'ont pas résisté à l'appel du gain. Les municipales approchent, on espère qu'ils seront sanctionnés.
Revenons en littérature avec une découverte pour ma part, Martha Gellhorn une journaliste (également écrivaine) qui a couvert la plupart des grands théâtres de guerre du XXème siècle. Un tempérament comme on dit, libre jusque dans sa mort qu'elle s'est donnée elle-même, se sachant atteinte d'un cancer en avalant une capsule de cyanure de potassium.
Martha Gellhorn et Ernest Hemingway en Chine durant la guerre sino-japonaise (1941). |
Je viens de lire Mes saisons en enfer, une autobiographie de cinq de ses voyages (elle affirme avoir visité plus de 50 pays, notamment en tant que journaliste correspondante de guerre). La Chine en compagnie d'Hemingway qui l'a suivie à contre cœur, ils étaient alors mariés (1940 - 1945), qu'elle ne nomme que par deux initiales CR compagnon réticent. Ils s'étaient liés après avoir participé en Espagne à la guerre civile dont elle couvrait les événements. Cette fois c'est à l'époque de la guerre sino japonaise mais ce n'est pas tant cela qui en fait un enfer mais l'état de pauvreté, de saleté et le climat qui lui rendent le pays insupportable, auxquels s'ajoutent les difficultés du voyage entre les différents lieux qu'elle veut / doit voir, avec des engins délabrés et des routes défoncées. Elle déchiffre mal les comportements de ses interlocuteurs qu'elle dépeint avec humour et humeur. CR chaque fois qu'elle se plaint lui rappelle fort justement que c'est elle qui a voulu venir, tout en honorant vaillamment lui, l'alcool de riz qu'on lui sert sans restriction (il est notoire qu'Ernest était un alcoolique qui n'hésitait pas à relever des défis à cet égard et les gagnait). Après ce voyage chaotique, MG se promet de ne jamais plus inviter qui que ce soit à partager ses pérégrinations.
Le second l'emmène dans la mer des Caraïbes à la poursuite des redoutables sous-marins nazis. Elle fera construire une maison à Cuba qu'occupera EH et est désormais un musée qui est consacré à EH.
Le troisième, son épisode africain m'a particulièrement touché, notamment ses péripéties en Tanzanie dans les grandes réserves qu'elle traverse avec un jeune guide absolument incapable, qui lui laissera à charge tout ce dont il était sensé s'occuper. Mais elle décrit son éblouissement à la rencontre de la faune, girafes, gazelles, éléphants, lions et oiseaux de toutes sortes. C'est un des plus beaux souvenirs de voyage pour moi aussi. De retour au Kenya, elle a tant aimé les plages de Mombasa qu'elle s'est fait construire une maison dans le Rift où elle séjournera pendant sept ans.
Son enfer suivant se situe à Moscou. Elle y vient à la rencontre d'une écrivaine veuve du poète Ossip Mandelstam victime des purges staliniennes. C'est la résignation de tout un peuple qui la met en fureur, les conditions de vie misérables et la peur lancinante des dénonciations.
Enfin Israël la met en présence de jeunes insouciants ennuyeux à mourir.
Ce roman autobiographique est un florilège d'observations sur l'ordinaire humanité et ce qui rend si difficile la rencontre de l'autre dans son univers si éloigné de celui que l'on connait soi-même. Tout en se défendant d'un racisme ordinaire (elle s'est frottée à tant de situations ) elle exprime ses propres réticences notamment son goût de la propreté est sans cesse mis à mal dans les lieux où elle atterrit. Beaucoup de commentaires pertinents sur les insanités politiques qui s'exercent un peu partout sur la planète et beaucoup de ses constats sont plus que jamais encore d'actualité, en pire.
J'ai été ravie que le jeune Abou Sankare soit récompensé d'un César. Cette honneur lui est de moindre importance, ce qui compte pour lui, c'est d'avoir obtenu son permis de séjour afin de sortir de cette prison dans laquelle il se sentait enfermé en étant sans papiers.
Dernier film particulièrement impressionnant Black Dog du cinéaste Guan Hu. Un repris de justice revient dans son pays après 10 ans d'absence. Engagé dans une brigade chargée d'attraper des chiens errants, il rencontre un chien particulièrement redouté. C'est une histoire d'amour entre un homme esseulé mais puissant et un chien aux abois. Les paysages du désert de Gobi sont extraordinaires, l'histoire est une sorte de thriller sans esbrouffe, qui souligne le besoin d'empathie des êtres vivants
Sauver les forêts et les chiens errants. Et vive l'empathie qui serait selon les nouveaux maîtres du monde autoproclamés la plaie du capitalisme. Ca marche à l'envers, le capitalisme est la plaie de l'empathie.
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