A la demande générale (ah ah ah!) je poursuis et termine ici mon voyage en terre africaine. Ca n'intéresse personne mais ça n'a pas d'importance, j'écris aussi pour ceux qui me lisent sans se manifester. Je les salue affectueusement, ils se reconnaîtront
Or donc, l'amie Babet qui a capté une partie des scènes qui illustrent ces derniers billets nous a proposé d'aller faire un tour hors de Dakar, à l'invitation d'un de ses amis, dont elle avait suscité une
exposition en France.
Matar est venu nous chercher et nous avons dû traverser Dakar avant d'atteindre la route qui dessert Thiès et plus loin la bifurcation vers "la petite côte". Notre destination,
L'école des sables de
Germaine Acogny. Cette femme, chorégraphe de dimension internationale a installé cet espace dédié à la danse avec une vision d'artiste consciente que l'art est un des vecteurs les plus puissants du changement d'imaginaire qui doit présider à l'évolution des sociétés humaines. Elle accueille des stagiaires de tous les pays avec un double projet de transmission de son art et de restauration de la dignité africaine, d'ouverture à l'autre pour qu'il ne soit plus l'étranger. Les
"frontières ça divise" et les arts comme la danse permettent sinon de les abolir, au moins de désamorcer leur effet de morcellement des peuples entre entités ennemies. C'est très jeunes que les enfants doivent rencontrer une discipline artistique et
elle s'y emploie.
Elle était occupée, elle nous a cependant gratifiée d'un mot de bienvenue, "je connais ce grand monsieur" avant de nous convier à visiter le lieu avec le régisseur, puis de nous désaltérer d'un verre de
bissap, ce que nous avons fait, après avoir discrètement assisté à une répétition et arpenté les différents espaces plantés sur le sable.
Nous sommes ensuite partis visiter le village de Toubab Dialaw, l'école est située un peu à l'intérieur des terres de ce petit village de pêcheurs. On y trouve l'Espace Sobo Badé, un hôtel construit dans les années 70 par un poète et metteur en scène haïtien Gérard Chénet.
C'est un univers étrangement créole où se superposent les influences vaudou, bouddhiste et sénégalaise.
Tous les bâtiments sont recouverts de divers appareillages de terres cuites, de pierres de lave, de coquillages. Le lieu comprend une scène où sont donnés des spectacles et on y prodigue des cours de théâtre, de sculpture, de céramique, de batik, de danse.
Le contraste avec l'ambiance de Dakar nous portait à la langueur. Nous sommes allés marcher pieds nus sur la plage, sans déranger les chiens qui dorment un peu partout. Nous avons déjeuné dans une petite gargote qu'un Belge retraité qui passe là ses hivers (eh oui, tentant pour les vieux os le soleil tropical) nous a recommandé : moins cher, meilleur qu'ailleurs.
Il est vrai que le thiof était excellent. Nous avons discuté avec
Matar de la difficulté de vivre de son art, à une époque où quiconque peut désormais faire des photos, les retoucher. C'est l'œil qui change tout nous a-t-il dit. Ça pourrait sembler un truisme et pourtant...
Y a-t-il des problèmes de faim au Sénégal lui ai-je demandé en décortiquant mon poisson. Non, pas vraiment parce que le principe de solidarité, très actif au Sénégal, oblige au partage. Il y a toujours un membre de la famille ou un voisin qui donnera à manger. Il est vrai que les enfants et les jeunes que nous croisons ont l'air plutôt en bonne santé. Pas d'obésité ou très peu, des handicapés, mais moins qu'avant, la vaccination a commencé de faire reculer quelques unes des maladies graves comme la poliomyélite, la rougeole ou la tuberculose. Ce sont le paludisme et la bilharziose qui restent les maladies les plus courantes. Le taux de personnes touchées par le Sida serait un des plus faibles d'Afrique (0,9% selon l'ONUSIDA). Le problème principal de la santé au Sénégal est la libéralisation outrancière des dernières années (merci les Plans d'Ajustement Structurels!) qui a réduit l'accès des plus pauvres à la santé et la concentration des moyens sur Dakar au détriment du reste du pays. Enfin, les étudiants sont catégoriques sur le sujet : l'université ne forme pas le nombre de médecins nécessaires au pays.
On ne peut pas quitter le Sénégal sans souligner que la guerre civile perdure en Casamance. Le conflit a fait plusieurs centaines de victimes notamment à cause des mines anti personnelles disséminées sur le territoire. Depuis l'accord de paix signé en 2004, le déminage n'a toujours pas éradiqué le danger de ces infâmes saloperies. Et la Casamance reste une zone de tensions. Nos deux amis vidéastes qui étaient restés après notre départ pour tourner un film pour la paix en Casamance en ont fait les frais et se sont retrouvés
inculpés de trafic d'armes. (N'importe quoi!) Ils ont finalement été relâchés, sans doute parce qu'une mobilisation immédiate s'était organisée.
En dépit de tous ses handicaps, je reste optimiste pour l'Afrique. Son retard sera son avance dès que les générations montantes, qui n'ont jamais connu la colonisation et n'ont aucune intention de se laisser enfouir dans le substrat du monde, décideront non plus de fuir vers l'illusoire richesse de l'Occident mais de se coltiner le développement de leur pays, ce qui passera par l'évacuation des vieux chefs obstinément accrochés à leurs palais et obligeamment encouragés dans leurs exactions par les puissantes ploutocraties mondiales .
Ceci est une graine de baobab. Un beau symbole.
Photos ZL et Babet
Rien à voir. Madame Annie Girardot vient de mourir, Hélénablue lui rend
hommage.