dimanche 2 janvier 2011
Comment va La sorcière et toile à matelots
- Bonjour o' vénérable, je venais vous souhaiter une excellente année et vous demander quelques conseils pour les jours à venir.
- Je ne donne pas de conseils, je ne lis pas dans le cristal et par conséquent je ne sais rien de rien à l'avance.
- Mais pourriez-vous me dire si je dois m'inquiéter de la montée de l'intolérance. Des chrétiens assassinés, des types qui éructent un peu partout.
- Oui.
- Comment ? Mais encore ?
- Oui, vous pouvez vous inquiéter. L'horreur du monde s'est toujours adossée à ce genre de folie. Les sorcières en savent quelque chose.
- Une de mes amies se trouve en Afrique, doit-elle envisager de revenir ?
- Oui.
- Comment en être aussi certaine ?
- Je ne suis certaine de rien, sauf de l'éternel retour de la pulsion de meurtre en cheville avec l'appétit de pouvoir.
- Puis-je espérer trouver du travail cette année, je suis en fin de droits.
- Nous sommes tous et de plus en plus en fin de droits.
- Vous n'êtes pas très encourageante.
- Mais si ! Indignez-vous! Vous êtes jeune, c'est à vous de secouer ce vieux monde.
- Vous croyez encore à un monde meilleur ?
- On n'a pas besoin de croire à un monde meilleur pour se bouger, il suffit de constater à quel point celui-ci est mal foutu. Faites votre part. C'est tout!
- Oui, mais comment ?
- Vous êtes seul à savoir ce que vous êtes en mesure de faire au mieux pour le moins pire. Cependant cherchez des alliances. Il n'y a d'intelligence utile que collective. Seul l'Art peut être une recherche individuelle et encore! parce que tant d'artistes vous auront ouvert le chemin.
- Qu'allez-vous faire vous-même ?
- Titiller les étoiles, mon passe-temps favori.
Illustration Le dico des sorcières. Elizabeth Brami, Francis Délivré, Hachette Jeunesse
vendredi 31 décembre 2010
mercredi 29 décembre 2010
La dispute
Il y avait longtemps que je n'avais visité "l'autofictif" d' Eric Chevillard.
J’ai coupé en morceaux le corps de ma femme puis j’ai mis ces morceaux dans une valise, elle a fait de même avec le mien, en sorte que nous voilà bien lourdement chargés pour les vacances.
À ne pas confondre, la brute conjugale prompte à cogner, ce crétin violent, inexcusable, ce gorille aux poings haineux, et le paisible bonhomme que sa femme habitée par le démon de l’autodestruction utilise comme gourdin, comme massue, comme couteau, répugnant sans doute à se mettre elle-même en pièces avec les ongles et les dents et préférant, toujours en quête d’un coupable, aller se déchirer sur les moindres aspérités de son compagnon, inévitablement anguleux et contondant par endroits du seul fait qu’il existe et remue, et dont le geste le plus innocent devient malgré lui un coup.
(Elle ne l’écoute plus que quand il ronfle.)
Le dernier est encore le plus terrible à mes yeux.
Illustration La dispute et un petit dernier pour la route avant d'entrer dans une nouvelle année pleine de bonheur et de joie de vivre, c'est le Prez qui vous le dit
dimanche 26 décembre 2010
Exercices de lucidité
À l'université, mes professeurs me traitaient de dilettante, estimant dommageable pour mon intelligence de cultiver la paresse. Je plaidais coupable. Je n'ai jamais eu d'amour, mais simplement du goût pour la philosophie. Je me suis prêté à elle sans jamais m'y donner. Je potassais les auteurs officiels rarement avec plaisir, mais je me délectais de ces penseurs hors cadre, casseurs d'idéaux et de valeurs, rangés dans la rubrique «littérature », que l'on appelle les «moralistes». Ayant appris très tôt à penser dans leurs livres, je tiens depuis que philosopher ne consiste pas à enseigner à vivre ou à mourir, encore moins à nous consoler de notre finitude, mais à examiner la pertinence de notions tenues pour évidentes, à démystifier des foutaises ronflantes, à mettre un nez rouge aux idoles. En m'adonnant à ces exercices de lucidité, je ne vis pas mieux : je me divertis un peu.
Frédéric Schiffter. Philosophie sentimentale. Flammarion
Illustration : Otto Dix, Newborn Baby on Hands, 1927
lundi 20 décembre 2010
Quand les silences mentent...
Quand les silences mentent
comme des arracheurs d'étoiles
en négatif
les nuits deviennent blanches
puis les aurores saignantes
au bord tranchant des réalités
des nuages épousent les fuites en avant
qui épongent le front de l'horizon
imprégnés de calmants des oiseaux
tombent lentement, calmement
quelques mots tournent en rond
et puis s'en vont sans retour
heureusement aucun arbre
n'accepte de racines carrées
il fait hier, il fait demain
le temps s'est arrêté en chemin
J'ai emprunté à Mosaïques ce poème de JEA. Je pense souvent à lui, espérant que l'icône de son blog va monter tout en haut de la liste, signifiant son retour. Que ce poème soit le prélude à un tel évènement.
samedi 18 décembre 2010
Intimités brinquebalantes
"Les tensions tramant nos fragilités ne renvoient pas qu'à des discordances temporelles, mais également à des déséquilibres dynamiques au cœur de nos désirs : entre stabilités protectrices et instabilités navigatrices, familiarités et découvertes, repères et attrait de l'inaccessible.
(...)
« Rester fidèle à ce qu'on fut, tout reprendre par le début, chacune des deux tâches est immense » Merleau Ponty en 1960 dans Signes. Deux ambitions contradictoires et toutes deux indispensables. En se percutant, nécessairement.
Vivre, penser, assumer des antinomies, une « équilibration des contraires » (...) plutôt que viser «la synthèse » définitivement bouclée.
(...)
Se coltiner des tensions, déplaçables mais non dépassables dans un tout englobant et cotonneux, c'est également tutoyer l'imprévisible.
(...)
« la ferme certitude de l'incertitude », selon les mots de l'incontournable Daniel Bensaïd dans son Pari mélancolique. (...)
Au terme d'un vagabondage lié à l'usurpation faite de son nom dans un mail que j'ai reçu aujourd'hui, je suis allée revoir certains de ses billets sur son blog "Quand l'hippopotame s'emmêle" et j'en ai extrait ces quelques phrases d'un article datant de février 2010. Si vous avez envie de remplacer les (...), cliquez sur le nom de l'auteur ci dessous
Philippe Corcuff
samedi 11 décembre 2010
La Sorcière écrit au Père Noyel.
Père Noyel,
Vieux grigou, une fois encore tu vas nous encombrer d'objets inutiles. Aussi je tiens à t'indiquer quels sont mes envies réelles pour qu'une fois de plus tu ne déposes pas dans mes savates des moulinettes pour faire la vinaigrette. J'en ai UN MILLION!
En revanche, je ne cracherai pas sur une semaine à Budapest.
Tu n'as pas les moyens ? C'est la crise ? Une seule issue : entrer dans une librairie, (pitié pas le Goncourt), un essai tiens, le Dictionnaire amoureux du Rock, de ce cher Antoine. Bien-sûr que les sorcières sont rock and roll ! (Antoine je l'aimais bien aussi dans sa version vichyste).
Surtout, pas d'électronique steplait, parce qu'après Cancun ça la fout mal tous ces trucs au bilan carbone astronomique. D'ailleurs, nous dans la région on s'est pas dégonflés : un contre-sommet, hop là ! Y'a pas d'mal à s'faire du bien même si ça ne change rien à la couleur du dollar (j'me comprend) et c'est moins nul que les coup de tête du footballeur qui dévisse un peu de la lessiveuse.
Tu peux aussi m'offrir de nouvelles bottes, les miennes ont pris un peu d'âge.
Je te recommande de respecter Huguette Dubois-Famofoiller, ma vénérable cheminée, sinon il t'en cuirait. N'oublie pas que j'ai eu mon diplôme de sorcière rue Mouffetard.
On compte sur toi en 2012 pour nous remplacer le Nain, il commence à faire désordre dans notre beau jardin de France. Evite-nous le SKA, sa tronche ne me revient pas. C'est comme ça, j'ai mes têtes, la sienne est un peu trop de gondole en ce moment, ça me semble plus que louche. Comment ? Tu n'as pas un grand choix ? Débrouille-toi d'ici là pour nous en trouver une (oui j'aimerais bien pour changer) qui fasse l'affaire. Si tu fais ça, j'te promets de croire à ta miraculeuse bienfaisance.
Salut vieille branche et bonne année.
Illustration Le dico des sorcières. Elizabeth Brami, Francis Délivré, Hachette Jeunesse