dimanche 9 mai 2010

Sauvegarder le ferment de la vie.

A la question « faut-il s'armer pour abattre le tyran », Etienne de La Boétie, démontrant à quel point il détenait le secret de sauvegarder, par-delà la glaciation des siècles, le ferment d'une vie à renaître, fournit à nos contemporains une réponse à laquelle ils ne pourront souscrire sans la mettre en œuvre aussitôt: « Nullement. Je ne veux pas que vous le poussiez ou l'ébranliez. Mais seulement, ne le soutenez plus! Et vous le verrez, comme un grand colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids même fondre en bas et se rompre » Raoul Vaneigem, pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante. Manuels Payot, 2002

Hyam Yared, Dany Laferrière, Marie-Christine Navarro, Balma 2010.

C'est en substance ce que nous a donné à entendre Denis Laferrière, Président d’Honneur des rencontres du livre et du vin de Balma 8 et 9 mai, au cours de la table ronde « La langue pour territoire » où il était aux côtés de Denise Desautels (Le coeur et autres mélancolies, Apogée) , Nimrod Bena Djangrand ('L'Or des rivières, Actes Sud) et Hyam Yared («Sous la tonnelle, Sabine Wespieser) . La table ronde était animée par Marie-Christine Navarro (Une femme déplacée, Fayard) .

"Qu’y a-t-il de commun entre un écrivain originaire d’Haïti, un autre du Québec, un autre encore du Liban, un autre du Tchad, sinon la langue, et singulièrement la langue française écrite ? A l’heure où un certain débat sur une prétendue « identité nationale » bat son plein, il est bon de rappeler ce que les écrivains ont à nous dire sur leur territoire, celui de l’imaginaire, par définition sans frontières, et incarné par la langue, ce patrimoine/matrimoine humain mondial."

«L’énigme du retour» est le grand roman de la maturité de Dany Laferrière. On y retrouve son personnage de l’écrivain qui ne fait apparemment rien que prendre des bains dans son appartement à Montréal. Un matin, on lui téléphone : son père vient de mourir. Son père qui, dans un parallèle saisissant, avait été exilé d’Haïti par le dictateur Papa Doc, comme le narrateur, des années plus tard, l’avait été par son fils, le non moins dictatorial Bébé Doc.

C’est l’occasion pour le narrateur d’un voyage initiatique à rebours. Partant d’abord vers le Nord, comme s’il voulait paradoxalement fuir son passé, il gagne ensuite Haïti pour les funérailles de son père. Accompagné d’un neveu – qui porte le même nom que lui –, il parcourt son île natale dans un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui le mène sur les traces de son passé, de ses origines. Mais revient-on jamais chez soi ? Un roman d’une facture extrêmement originale : il est en vers libres, d’une lecture très fluide, rythmée et toute en séduction."

Ces extraits sont tirés du programme, version électronique du Salon du livre et du vin de Balma, manifestation sympathique que je fréquente chaque année. Une occasion d'y rencontrer des écrivains dont certains sont également blogueurs (je n'ai pas dit blagueurs). Je tairais ma rencontre de cette année, délicieuse, ce sera mon seul commentaire. A noter que le Salon comporte un "arbre à palabres", sous lequel une lectrice tente bravement de donner à entendre des textes dans un brouhaha de haute densité.



Donc, que nous a dit Dany Laferrière avec cet humour inimitable qui se moque avant tout de lui-même ? De mémoire, car je n'ai pas pris de notes : quand il est arrivé au Québec, il s'est demandé s'il n'allait pas préférer retourner affronter le dictateur d'Haïti plutôt que le général Hiver particulièrement féroce à Montréal. Ce sont ceux qui restent qui souffrent le plus de l'exil. Celui qui part et en l'occurence le jeune homme qu'il était, découvre de nouvelles façons d'exister dans un pays libre,(mention spéciale aux charmes des Québécoises), tandis que ceux qui sont restés (sa mère en l'occurence) vivent le quotidien médiocre des temps de glaciation démocratique, amputé de la présence de ceux qui sont partis. Il n' a jamais voulu parler d'exil pour lui-même, mais de voyage, affirmant ainsi un choix délibéré et non la contrainte liée au despote.
Cet homme professe la culture du bonheur. Nimrod surenchérit en s'étonnant que la littérature soit si souvent sur le mode de la déploration quand il faudrait s'extasier de la beauté du monde.

Denise Desautels, Nimrod Bena Djangrand

DanyLaferrière, en riant, a prétendu que la meilleure façon de résister au dictateur est de l'ignorer. Le dictateur veut, exige, que les pensées et les actes de ceux qu'il prétend gouverner soient totalement conditionnés par la révérence à sa référence. Qu'on le loue ou qu'on le haïsse, l'important est qu'il se doit d'occuper notre esprit. Or, il est possible de le réduire à néant en l'ignorant, purement et simplement.
Refuser de servir. Laferrière, digne émule de la Boétie.

Photos ZL. Leur qualité n'est pas excellente mais le lieu était mal éclairé et il était difficile de s'approcher de l'estrade.

mercredi 5 mai 2010

Tout va très bien Madame la Marquise !

L'hiver revient. Saint Flour en Auvergne le 4 mai, Carcassonne sous la neige. Partout on rallume le chauffage. Moi-même je suis accompagnée d'un bon feu dans la cheminée.

Lui, au contraire, il a chaud, il passe devant un véhicule incendié à Athènes, le 1er mai 2010

Trop d'eau et le quotidien est défiguré. On aura reconnu les inondations due à Xinthia, cette salope.


Iran, 1986, entraînement au tir. © Jean Gaumy / Magnum Photos

Celles-ci, pour moi, c'est le summum de l'absurdité, c'est le plus noir de l'avenir du monde.


Pakistan, 1984, jeune réfugiée afghane. © Steve McCurry / Magnum Photos

Qu'est devenue cette magnifique jeune fille qui a (ou aurait ?) 26 ans supplémentaires. probablement mariée à un affreux et chargée de mouflets ou morte de faim ou de violence.


Je constate sur cette photo que la reconstitution de l'Acropole a beaucoup progressé depuis le temps lointain où je m'y promenais. Vous bénéficiez d'une leçon de langue grecque au passage grâce à la traduction aimablement fournie sur la gauche de l'image par le KKE, le parti communiste grec.
Je pense à tous mes copains (pas encartés au parti mais ayant subi quelques persécutions ou exil du temps des Colonels) que je n'ai pas revus depuis si longtemps. Je pense à cette ville et à ce pays où j'ai vécu tant de moments sublimes et tant d'autres moins reluisants.
Désolée, chers amis grecs, mais il fait trop froid en ce mois de mai pour que le peuple se lève. Il est sous la couette et regarde la ferme des animaux, pardon, des célébrités.
Et je viens d'entendre que notre premier ministre annonce des mesures drastiques à l'encontre des niches fiscales. Enfin une bonne nouvelle! Mouahahahahah!

Photos l'Internaute dont 3 et 4 extraites du livre publié par Reporter Sans Frontières pour ses 25 ans, album de 101 photos choc qui ont marqué notre siècle.

Je ne résiste pas au plaisir de vous faire constater le cynisme qui s'affiche en offrant la Grêce au rabais simultanément aux images de baston entre les Grecs et leur Police (Astynomia). Ça ne vous tente pas ? Vous avez tort ! Vous seriez accueillis comme les Dieux de l'Olympe !


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vendredi 30 avril 2010

Félix, si tu savais!


C'est de la façon de vivre désormais sur cette planète, dans le contexte de l'accélération des mutations technico-scientifiques et du considérable accroissement démographique, qu'il est question. Les forces productives, du fait du développement continu du travail machinique, démultiplié par la révolution informatique, vont rendre disponible une quantité toujours plus grande du temps d'activité humaine potentielle. Mais à quelle fin ? Celle du chômage, de la marginalité oppressive, de la solitude, du désœuvrement , de l'angoisse, de la névrose ou celle de la culture, de la création, de la recherche, de la réinvention de l'environnement, de l'enrichissement des modes de vie et de sensibilité. Dans le Tiers monde, comme dans le monde développé, ce sont des pans entiers de la subjectivité collective qui s'effondrent ou qui se recroquevillent sur des archaïsmes, comme c'est le cas, par exemple, avec l'exacerbation redoutable des phénomènes d'intégrisme religieux.

Il n'y aura de réponse véritable à la crise écologique qu'à l'échelle planétaire et à la condition que s'opère une authentique révolution politique, sociale et culturelle réorientant les objectifs de la production des biens matériels et immatériels. Cette révolution ne devra donc pas concerner uniquement les rapports de force visibles mais également des domaines moléculaires de sensibilité, d'intelligence et de désir » Félix Guattari. Les trois Ecologies.


20 minutes.fr

Peut-on parler aujourd’hui d’une catastrophe écologique?
Dès l’instant où on assiste à une fuite de cette ampleur, c’est une catastrophe écologique. Les milieux marins sont déjà touchés, et nous devons faire face à un potentiel désastre écologique sur terre. Pour le moment, c’est quasi-impossible de dire quel est l’impact de la catastrophe. Des activités comme la pêche ainsi que certaines formes d’aquaculture sont touchées. Quant à la population marine, le pétrole brut peut-être ingéré par le poisson, entrant ainsi dans l’écosystème marin.

Et pour la terre?
Si ça vient jusqu’aux côtes, la faune et la flore seront touchées. Les oiseaux notamment seront impactés. A titre de comparaison, la catastrophe de l’Erika en 1999, a engendré plus de tonnes d’oiseaux morts que de brut déversé. Les mammifères et les amphibiens vont également être victimes de la marée noire.

Dernière minute

a annoncé un bénéfice en hausse de 9% au 1er trimestre 2010, soutenu par la remontée des de l'or noir et une hausse de la production, et a fait état de sa "confiance" pour le reste de l'année, selon un communiqué publié vendredi.

Félix, au secours!

Fredo, merci !


dimanche 25 avril 2010

Paris. Des plantes et des oiseaux.

J'ai trouvé les allées du Jardin des Plantes un peu tristes. Peu de plantations, à part une bordure de pavots. je ne sais pourquoi, le lieu semblait négligé.



Il y avait bien au loin cette masse rose, qui grossissait alors que j'avançais dans sa direction. Il s'agissait d'un Prunus serrulata au meilleur de sa floraison.



Je n'ai fait que traverser le Jardin des Plantes mais il me semblait que le lieu n'était plus entretenu. Etait-ce seulement une affaire de saison ou une restriction de personnel sur le vieux Musée dans son ensemble. "Il a trouvé que c'était poussiéreux" disait une mère à un père qui, semblait-il, venait de les rejoindre après leur visite de la grande galerie de l'évolution. Ben forcément, hein tout ça c'est vieux, très vieux. Je me demandais combien de temps encore les serres seraient visitées. C'est l'année de la biodiversité. Une année ? Et après ?

Je venais de m'offrir un plaisir-souvenir, un repas au restaurant de La Grande Mosquée de Paris, un endroit délicieux où j'avais interrompu ma dégustation, pour capturer par l'objectif les moineaux eux-mêmes occupés en toute tranquillité à se rassasier des miettes, soit un vrai festin pour leurs minuscules estomacs.




N'étant pas moi-même musulmane, j'ai toujours aimé ce lieu où je retrouvais mes amies pour un hammam suivi d'un thé et de quelque patisserie. Patios ombragés, fontaines, mosaïques. Pourquoi cet art de vivre devrait-il être méprisé au prétexte que l'islamisme rugissant nous pourrit la vie et que l'intégrisme essentiellement porté par des hommes qui en tire leur pouvoir de domination sur l'autre moitié de l'espèce est devenu une caricature sanglante d'une spiritualité qui a par ailleurs inspiré de grandes réalisations.
Merci à Floréal pour ce lien qui hélas nous rappelle que les femmes sont les martyres de ces religions mortifères. Non, "c'est pas normal des tueries pareilles".

mercredi 21 avril 2010

Paris. Au bord du canal, fièvre du samedi.



Paris sera toujours Paris. Il n'empêche, j'ai pu constater quelques modifications profondes. Ainsi le canal de l'Ourcq. Du temps où j'habitais rue de Joinville, c'était un lieu très peu attractif, bordé d'immeubles gris, entrepôts et autres lieux de labeur. Je m'y suis promenée samedi, on y a installé des restaurants, l'Holidays Inn vous y accueille à partir de 110 euros la nuit. Le petit noir vous brule le gosier à raison de 2euros 80, à moins que vous ne choisissiez d'embarquer aux antipodes pour un prix plus doux. Ce que j'ai fait.



Puis j'ai continué ma promenade.

En approchant de la Rotonde de la Villette, j'ai bien remarqué sous des piliers des matelas entassés à peine masqués par des guenilles placées en rideau et noté également que la plupart des gens passaient à l'arrière, évitaient cette partie de la promenade Signoret Montand (sissi, ils ont donné leur nom à cet endroit propice au campement SDF).

En passant devant le cinéma MK2, Quai de la Seine, j'ai pris plaisir aux citations.



Comme je dépassais le cinéma, je tombai sur une scène qu'on aurait pu croire tirée d'un film. Quatre types campés sur la hauteur séparée du quai par une dizaine de marches se hurlaient des insultes. Deux d'entre eux ont dégringolé les marches, l'un s'est emparé d'une bouteille, a ajusté un des clochards resté sur la hauteur et l'a atteint en plein visage, lui explosant la joue et lui criant "T'es mort", comme dans un jeu d'enfant. Le deuxième, un grand Noir s'est alors tourné vers nous et on a pu voir qu'il avait le visage en sang.
Il est venu se laver en prenant l'eau de la fontaine puis est reparti à l'attaque, armé de bâtons.



Le malaise grandissait chez les badauds mais en quelques minutes, alors qu'ils s'étaient rapprochés et se menaçaient de coups de batons, des flics en civil se sont rués sur les belligérants, révolver au poing et les ont fait se jeter à terre, les maintenant de la sorte jusqu'à ce qu'une voiture de police déverse les renforts, en uniforme, qui ont passé les menottes à deux des combattants (un dans chaque camp). Les pompiers sont intervenus quasi immédiatement et ont commencé à soigner le Noir au visage ensanglanté, tandis que le clochard moins touché, se carapatait sans que personne ne s'y oppose et que les deux autres se tortillaient à terre, les mains menottées derrière le dos.
Une jeune femme me commentait la scène. Elle habitait à Paris depuis un an. Cet endroit est -disait-elle- un lieu de trafic et il existerait une guerre larvée entre police nationale et police municipale qui aboutirait à laisser se développer une zone de non droit. En tout cas, pensais-je, elle est truffée de policiers en civil qui interviennent en jaillissant de la foule installée paisiblement aux alentours. Je n'ai pas attendu la clôture de l'algarade. Je suppose que tout le monde a été embarqué. Sauf, le clochard évaporé. Au total deux voitures de Police, deux de pompiers, des flics en civil, et les veaux sont bien gardés.

mercredi 14 avril 2010

Les recettes de la sorcière du placard aux balais (suite)

- Bonsoir o' Lumière des tréfonds
- Vous me dérangez dans mes méditations. Quel en est le motif ?
- C'est que, Subtile Gorgone, la planète menace de s'enflammer au motif que rien ne va plus, que les dés sont pipés, qu'on n'y voit plus très clair, que satire et hagiographie s’entremêlent et s'annulent, exultation et dépression alternent et nous épuisent, inondations succèdent à tremblements de terre, nous ne savons plus où donner de l'urgence, bref nous souhaiterions que votre sagacité nous désigne ne serait-ce qu'un tout petit, minuscule sentier de crête entre tous ces chaos.
- Le chaos est la nature première du monde.
- Sans doute, mais Sublime Protectrice, comment conjurer ces oracles qui nous annoncent une mort par extinction lente et douloureuse ?
- Il se peut qu'elle soit rapide et presque indolore.
- Que nous conseillez-vous pour échapper à un destin si funeste.
- Croyez-vous qu'il m'importe de secourir une engeance coupeuse de tête? Ça non ! Débrouillez vous puisque vous ne savez pas échapper à l'embrouille. Il est bien temps de consulter une fois que vous avez prétendu tout savoir sur tout, tout gouverner sans une once d'humilité, tout posséder sans remise. Allez, ne venez pas pleurnicher au bord des gouffres. Mettez à contribution votre fameuse "raison", peut-être saurez-vous en tirer un brin de bon sens, vertu que vous avez tenu en mépris ces derniers siècles. Et maintenant, retirez-vous, je retourne à mes occupations.


Petit ajout du 15 avril
La sorcière part quelques jours. Elle a envie de vous confier un petit dilemme, le voici:
Chaque intervenaut est salué ici d'une réponse. Une façon d'adresser un message de réception à minima, parfois d'entamer un débat. Cette méthode (ou cette manie) qui n'est pas pratiquée par tous les blogueurs est diversement appréciée. Pour ses détracteurs (le mot est trop fort), ce serait une façon d'avoir le dernier mot, une pratique d'institutrice qui rectifie la copie.
Je suis donc perplexe. Comme je ne pourrais pas avoir accès à mon blog pendant quelques jours, prenez la liberté de vous exprimer (ou non) sur ce point, juste pour me permettre de me faire une idée. Appelons ça une consultation.

dimanche 11 avril 2010

Capture


« Ce que je suis ? Je vais vous le dire et c’est très simple. Je suis un homme qui écrit dans une chambre, tout seul, et qui ne s’inquiète pas du destin de ses œuvres, qui ne se laisse jamais troubler par le tapage, l’admiration ou la colère que ses œuvres peuvent un jour susciter. Pour tout dire, un homme qui ne demande rien aux hommes, sinon de l’amitié, quelque tolérante compréhension. »

Michel de Ghelderode, Les entretiens d’Ostende

Je viens de retrouver dans mes archives cette capture dans une présentation de Tania Textes et prétextes.

Je n'écris pas , du moins rien qui ait vocation à être publié. Je travaille mais ce n'est pas pour alimenter ce blog. Je le nourris donc grâce aux provisions glanées au cours de ces derniers mois.

En attendant de revenir avec du grain à moudre.