Paris sera toujours Paris. Il n'empêche, j'ai pu constater quelques modifications profondes. Ainsi le canal de l'Ourcq. Du temps où j'habitais rue de Joinville, c'était un lieu très peu attractif, bordé d'immeubles gris, entrepôts et autres lieux de labeur. Je m'y suis promenée samedi, on y a installé des restaurants, l'Holidays Inn vous y accueille à partir de 110 euros la nuit. Le petit noir vous brule le gosier à raison de 2euros 80, à moins que vous ne choisissiez d'embarquer aux antipodes pour un prix plus doux. Ce que j'ai fait.
Puis j'ai continué ma promenade.
En approchant de la Rotonde de la Villette, j'ai bien remarqué sous des piliers des matelas entassés à peine masqués par des guenilles placées en rideau et noté également que la plupart des gens passaient à l'arrière, évitaient cette partie de la promenade Signoret Montand (sissi, ils ont donné leur nom à cet endroit propice au campement SDF).
En passant devant le cinéma MK2, Quai de la Seine, j'ai pris plaisir aux citations.
Comme je dépassais le cinéma, je tombai sur une scène qu'on aurait pu croire tirée d'un film. Quatre types campés sur la hauteur séparée du quai par une dizaine de marches se hurlaient des insultes. Deux d'entre eux ont dégringolé les marches, l'un s'est emparé d'une bouteille, a ajusté un des clochards resté sur la hauteur et l'a atteint en plein visage, lui explosant la joue et lui criant "T'es mort", comme dans un jeu d'enfant. Le deuxième, un grand Noir s'est alors tourné vers nous et on a pu voir qu'il avait le visage en sang.
Il est venu se laver en prenant l'eau de la fontaine puis est reparti à l'attaque, armé de bâtons.
Le malaise grandissait chez les badauds mais en quelques minutes, alors qu'ils s'étaient rapprochés et se menaçaient de coups de batons, des flics en civil se sont rués sur les belligérants, révolver au poing et les ont fait se jeter à terre, les maintenant de la sorte jusqu'à ce qu'une voiture de police déverse les renforts, en uniforme, qui ont passé les menottes à deux des combattants (un dans chaque camp). Les pompiers sont intervenus quasi immédiatement et ont commencé à soigner le Noir au visage ensanglanté, tandis que le clochard moins touché, se carapatait sans que personne ne s'y oppose et que les deux autres se tortillaient à terre, les mains menottées derrière le dos.
Une jeune femme me commentait la scène. Elle habitait à Paris depuis un an. Cet endroit est -disait-elle- un lieu de trafic et il existerait une guerre larvée entre police nationale et police municipale qui aboutirait à laisser se développer une zone de non droit. En tout cas, pensais-je, elle est truffée de policiers en civil qui interviennent en jaillissant de la foule installée paisiblement aux alentours. Je n'ai pas attendu la clôture de l'algarade. Je suppose que tout le monde a été embarqué. Sauf, le clochard évaporé. Au total deux voitures de Police, deux de pompiers, des flics en civil, et les veaux sont bien gardés.