vendredi 18 décembre 2009
Vue de ma fenêtre
Réchauffement climatique ? Y aura-t-il de la neige à Noël ? Où en êtes-vous de votre liste de cadeaux ? Pensez-vous que 2010 sera pire que 2009 ?
Je suis assise dans mon lit, le dos calé par des oreillers en alitement préventif. Une énorme fatigue, le goût à rien.
Je navigue sur le ouèbe où j'en apprend de belles.
Nous serions la proie de psychopathes. Selon une étude scientifique, longtemps confinée dans un tiroir (vingt ans si j'ai bien compris) la structure psychique des psychopathes les rend plus aptes, voire les prédisposent à prendre le pouvoir et à en user pour assouvir les puissances du mal qui les habitent. "L'astuce du psychopathe: faire croire que le mal vient des autres" . L'ouvrage de A. ŁOBACZEWSKI. Ponérologie politique : étude de la genèse du mal appliqué à des fins politiques, est une compilation d'études dites savantes et sérieuses menées dans divers laboratoires sur l'étiologie des criminels. Dans l'extrait d'un ouvrage dédié à une recherche du même type The sociopath next door Martha Stout décrit le sociopathe de la manière suivante : Imaginez - si vous pouvez - ne pas avoir de conscience, pas du tout, aucun sentiment de culpabilité ou de remords peu importe ce que vous faites, aucun sens de limitation, d'attention pour le bien-être des étrangers, des amis, ou même des membres de la famille. Imaginez aucune lutte avec la honte, pas une seule dans toute votre vie, peu importe quel genre d'action égoïste, paresseuse, nuisible, ou immorale vous aviez fait.(...) Autrement dit, vous êtes complètement sans contraintes internes et votre souveraine liberté de faire comme il vous plaît, sans tourments de conscience, est fort à propos invisible au monde. (...)
Fou et effrayant - et réel, dans 4 pour cent environ de la population. On considère que le taux de fréquence pour les désordres alimentaires anorexiques est évalué à 3,43 pour cent, jugé presque épidémique, et pourtant ce chiffre est une fraction plus faible que le taux de personnalité antisociale. Les désordres très en vue classés comme schizophrénie arrivent à seulement environ 1 pour cent [de la population] - un simple quart du taux de la personnalité antisociale - et les Centres pour le Contrôle de la Maladie et la Prévention disent que le taux de cancer du côlon aux Etats-Unis, considéré "élevé de façon alarmante," est d'environ 40 pour 100.000 - cent fois plus bas que le taux de la personnalité antisociale.
Les sociopathes se retrouveraient, selon leur origine sociologique soit en prison après passage à l'acte criminel, soit en grande quantité dans les lieux de pouvoir. L'étude de leurs réactions émotionnelles par la mesure de l'activité électrique liée à l'évocation de mots neutres versus de mots fortement signifiants révèlerait une sorte d'encéphalogramme plat. L'explication de ce phénomène se trouverait (selon l'étude) soit dans une détérioration d'ordre génétique, soit liée à des traumatismes. Tout ceci est à prendre avec quelques pincettes, d'autant que les éditions Pilule rouge ont l'air spécialisées dans la gamme "théorie du complot". Cependant, je n'ai pu m'empêcher à la lecture du profil des "monstres froids" de revoir la tête de Bush dans le film de Michael Moore lorsqu'on lui apprend que des avions ont fait exploser les tours de Manhattan. Impavide est le mot. Il n'est pas inutile de préciser que les équipes de chercheurs ont travaillé sur l'étude des Nazis, puis des Staliniens et que le discours assimile le règne de Bush à un Reich.
Mais je dois avouer que je n'ai pas eu le courage de lire l'ensemble des documents proposés.
Les chats sont venus me rendre visite. Ils ont bondi quand un oiseau a frôlé la vitre. Je les ai fait sortir, non pour qu'ils poursuivent leur chasse, pour qu'ils cessent de s'agiter vainement derrière la fenêtre close.
Copenhague sera un échec. Qui osait croire qu'il pouvait en être autrement. Mais désormais, les puissants ne peuvent plus jouer au Monopoly en toute quiétude. Ils ont les pauvres aux fesses, prêts à leur botter, même si ce sont eux qui prennent encore des coups de matraque. Ca grimace le carnaval. Il va falloir planquer les bijoux, les rollex, les 4x4 trop voyants. Les gueux en ont ras la casquette, qu'elle soit à l'endroit ou à l'envers. Ca sent le roussi, moi je dis.
A toi le dernier mot
Nos paroles sont lentes à nous parvenir, comme si elles contenaient, séparées, une sève suffisante pour rester closes tout un hiver ; ou mieux, comme si , à chaque extrémité de la silencieuse distance, se mettant en joue,il leur était interdit de s'élancer et de se joindre. Notre voix court de l'un à l'autre; mais chaque avenue, chaque treille, chaque fourré, la tire à lui, la retient, l'interroge. Tout est prétexte à la ralentir.
Souvent je ne parle que pour toi afin que la terre m'oublie. René Char. Lettera amorosa
Photos. Vues de ma fenêtre 18 décembre 2009. ZL
mercredi 16 décembre 2009
Eloge de la conversation
« Une plaisanterie fuse, un mensonge solennel se perd dans un éclat de rire, et la parole s’élance hors de la routine quotidienne, dans les champs infinis de la nature, joyeuse et réjouissante comme de jeunes garçons à la sortie de l’école. La parole seule nous permet de connaître notre époque et de nous connaître nous-mêmes. Bref, le premier devoir d’un homme, c’est de parler ; voilà sa tâche principale dans l’existence ; et la conversation, qui est l’échange harmonieux entre deux personnes ou plus, est de loin le plus accessible des plaisirs. (...) Le piment de la vie, c’est la lutte ; même les relations les plus chaleureuses impliquent une forme de compétition ; et si nous ne voulons pas passer à côté de tout ce que l’existence peut nous apporter de bon, il nous faut sans cesse affronter quelqu’un, les yeux dans les yeux, et combattre corps à corps, que nous soyons amis ou ennemis. Et c’est encore par la force physique et la puissance du tempérament ou de l’intelligence que nous atteignons des plaisirs dignes de ce nom. Les hommes et les femmes s’affrontent dans des joutes amoureuses comme des hypnotiseurs rivaux ; les gens actifs et adroits se lancent des défis dans les sports physiques ; et les sédentaires s’assoient pour faire une partie d’échecs ou converser. »
(...)
« Toute conversation à bâtons rompus est un feu d’artifice d’ostentation ; et suivant les règles du jeu, chacun accepte et flatte la vanité de son interlocuteur. C’est pour cette raison que nous prenons le risque de nous dévoiler autant, que nous osons faire preuve d’une éloquence si chaleureuse, et que nous acquérons aux yeux les uns des autres une telle envergure. Car les causeurs, une fois lancés, dépassent les limites de leur être ordinaire, s’élèvent jusqu’à la hauteur de leurs prétentions secrètes et se font passer pour ces héros, courageux, pieux, charmeurs et sages que, dans leurs moments les plus glorieux, ils aimeraient tant être. Ainsi érigent-ils en parole un palais de délices qu’ils habitent l’espace d’un moment, un temple doublé d’un théâtre où ils contemplent le cercle des grands de ce monde, festoient avec les dieux et goûtent aux plaisirs exquis de la gloire. Et quand la discussion s’achève, chacun va son chemin, ivre de vanité et d’admiration, traînant encore derrière soi des nuées de gloire ; chacun descend des sommets de ses bacchanales idéales, progressivement et en douceur. (...) L’effervescence d’une bonne conversation se ressent encore longtemps après dans le sang, on en garde le cœur battant, l’esprit en ébullition, et la terre danse autour de vous, dans les couleurs du soleil couchant. »
Robert Louis Stevenson, « Causerie et causeurs I », Une apologie des oisifs
dimanche 13 décembre 2009
Le vent des blogs 38. Il faut qu'une parenthèse soit ouverte et fermée
Un grand Coltrane en amorce, My favorite things.
Pour que la fréquentation de Vinosse ne soit pas pour moi que l'occasion de m'énerver (oui il a tendance à) je lui pique sa collection des derniers nominés au concours de l'humour politique que vous n'avez aucune chance de rencontrer chez lui (chez lui les petites fleurs en sucre pour Noël) mais au milieu des traits d'esprit qui émaillent les commentaires du désormais célèbre SC où on peut écouter une sélection de oldies but goodies concoctée par la forgeronne, redoutable tenancière du lieu.
Voici donc (Merci Vi)
Patrick Balkany, député-maire de Levallois-Perret: «Je suis l'homme le plus honnête du monde».
- Rachida Dati, députée UMP européenne: «Je n'ai jamais cherché à attirer l'attention des médias».
- Laurent Fabius, député PS: «Je ne suis pas une pom-pom girl de DSK».
- Claude Goasguen, député-maire UMP du XVIe arrondissement de Paris: «Une chose est sûre, ce ne sont pas nos suppléants qui vont nous pousser à nous faire vacciner contre la grippe A».
- Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes: «Ce n'est pas parce que les caisses sont vides qu'elles sont inépuisables».
Une mention spéciale a été attribuée par le jury à François Goulard, député-maire UMP de Vannes pour sa déclaration: «François Fillon a tellement de qualités qu'il mériterait d'être Premier ministre».
ArD m'a aimablement transmis un lien vers La part de l'ange.
Il se trouve qu'en explorant l'ouvrage, qui a suscité la création de cette aventure d'édition particulière, à savoir L'orthotypographie dont l'auteur est décédé, ce pourquoi c'est un collectif qui s'est coltiné la finalisation (quoique inachevée) de l'ouvrage, je suis tombée sur un chapitre traitant du bon et du mauvaise usage des parenthèses, notamment celles dites imbriquées.
Et bien les multiples conseils et citations finissent par ce jugement sans appel :
Le mieux, franchement, c’est encore d’éviter la multiplication des parenthèses et surtout leur imbrication… La plupart du temps, ce sont des béquilles (certes courbes) qui masquent mal une pensée claudicante… Je me le tiens pour dit (j'ai une fâcheuse tendance à utiliser ces béquilles ). Il n'empêche, fort utile cet ouvrage !
L'ami Luc Lamy a suggéré un lien dit incontournable pour ceux qui aiment le cinéma. J'y ai trouvé en particulier les films de cet auteur arménien, Artavaszd Pelechian. J'avais assisté à une rétrospective, j'en étais ressortie éblouïe, au sens propre et au figuré. Je vous propose "Nous"
Je suppose que ce site n'est pas ignoré de JEA et Cactus, nos rapporteurs cinéphiles.
Justement sur Mo(t)saïques une présentation d'un film d'une jeune cinéaste Léa Fehner pour laquelle j'ai une tendresse spéciale. Je connais ses parents, deux saltimbanques drôles et doués qui animent la compagnie de l'Agit à Toulouse et le sujet qu'elle a choisi est courageux pour un premier film. Allez découvrir un jeune talent prometteur "Qu'un seul tienne et les autres suivront". Allez chiner chez Cactus itou, en ce moment La Strada. Ah, le grand Zampano qui torgnole la pauvre Gelsomina ! Ca m'avait bigrement impressionnée.
Encore un lien gracieusement fourni par nos intervenautes, Lavande cette fois, vers le discours du Nobel d' Herta Muller. Il y a eu moultes controverses sur l'intérêt, la pertinence, le décalage de cette adresse de réception. Faites-vous une idée (si ça vous intéresse).
Allez, pour ceux qui aiment les travaux de recherche, chez Floréal dans une des marges j'ai lu ceci : "La répartition des tâches entre les femmes et les hommes dans le travail de la conversation". Oui, pas fameux comme intitulé, mais vous me connaissez, je suis allée lire ( ici). Sans surprise on apprend que les hommes pratiquent plus volontiers l'interruption (de discours, voyons, à quoi pensiez-vous!) que les femmes. Ils chevauchent et coupent d'autant plus volontiers que leur interlocuteur est une (j'écoute Le masque et la plume, juste à l'instant et je confirme). Je vais encore avoir droit à de furieuses protestations de mes petits camarades. C'est scien-ti-fi-que, ah ah ah!
Une petite devinette avant de conclure ?
Revenons vers la douceur et la force.
« Car l’amour n’est pas le pacte d’épargne et d’assistance que s’imaginent les gens, mais la faculté ou le talent de deux êtres à partager la tension électrique, érotique et spirituelle d’une seule petite minute d’intuition magique, un résumé d’existence concentré en ce seul instant qui fait croire cette fusion possible. Pourtant une vie entière ne nous permet pas de l’accomplir, en réalité elle s’est accomplie en ce seul instant, et tout le reste de la vie n’est que la longue nostalgie de notre intuition magique. »
Anne-Marie Garat, Les mal famées (merci Tania).
Photo. La citrouille de Sofi. ZL
vendredi 11 décembre 2009
Lettre fictive à un éditeur improbable
Madame, Monsieur,
Je vous adresse ci-joint le résultat d'un travail de deux ans, qui s'est trouvé entravé dans son parcours par les doutes et les inhibitions dont l'auteure est sérieusement atteinte et que nulle forme de thérapie n'a réussi à réduire.
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Tout individu un tant soit peu alerte du cerveau sait bien qu'il est dangereux de faire montre de faiblesse, d'humilité dans un monde qui n'accepte que les premiers aux concours, à savoir ceux qui ont éliminé tous les autres. Quand on ne bénéficie pas d'entregent particulier, qu'on n'a aucune référence à aligner dans sa lignée, qu'on vit éloigné des salons où l'on se pavane entre initiés, qu'on consacre la majeure partie de sa vie à en assurer la subsistance, on doit renoncer, ne serait-ce que pour fuir des tourments inutiles à commettre et soumettre ce qu'on prétend de soi à soi relever de l'art(isanat) littéraire, puisque aussi bien il est manifeste qu'on publie trop et qu'on écrit encore plus que trop.
Pourtant je l' aimais bien ce roman que j'ai renoncé à proposer à un éditeur quelconque. Les timides sont les plus orgueilleux. Minuit, Gallimard, le Seuil, Actes Sud ou rien. Donc rien.
Rien, cela ne gène personne, c'est bien commode. Sauf mes personnages qui se plaignent de l'exiguïté du placard où ils se trouvent confinés et éternuent bruyamment quelques fois pour me signifier la négligence dans laquelle je les maintiens.
Tu ne crois pas en nous, ils éructent entre leurs spasmes respiratoires.
Ce n'est pas de vous que je me défie leur dis-je in petto, mais de moi. Savez vous que désormais il ne suffit plus de vous mettre au monde, dans les affres que l'on taira ici, tout le monde s'en fout, non ça c'est la partie la plus jouissive, l'accouchement est un orgasme, ne pas l'ignorer. C'est ensuite que ça devient du sport, du saut de haies, du slalom entre les chicanes, du catch spectral, de la boxe en apnée. Non mes chéris, je vous assure . A supposer que vous passiez de mon tiroir à un vrai de vrai volume, prêt à tomber entre des mains tendres qui pourraient gentiment vous caresser le ventre, il restera encore à convaincre la déesse aux cent bouches de se saisir de son porte-voix pour que votre voyage ne se limite pas à quelques tours de gambade avant de s'achever sous le pilon. Ne serait-ce pas un sort pire encore ? Au moins, tels que vous êtes, ne peut-il rien vous arriver de bien terrible. Voyez-vous, après vous avoir donné matière il faudrait que je devienne votre camelot, que je réponde aux questions : est-ce une autobiographie ou une fiction, pourquoi votre héroïne se conduit-elle comme si elle ..., cette fin qui n'en n'est pas une..., votre style est..., il n'est pas... Que je lise les articles avec des chutes du genre « quand on referme le livre, on ne se souvient plus l'avoir ouvert ». Pire encore, que nul ni quiconque ne dise quoi que ce soit et que je reste au bord de l'asphyxie des jours et des mois à me gifler pour me donner à sentir mon sang encore circuler.
Non, mes petits chouchous, le monde s'est fait sans vous et peut continuer ainsi.
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Madame, Monsieur,
ne tenez pas compte de ces quelques lignes et ne vous donnez pas la peine d'ouvrir le petit tas de feuillets qu'elles accompagnent. Inutile de perdre votre temps. Des livres, il y en a trop et on ne sait toujours pas ce que c'est un écrivain. Alors un inconnu, que dis-je une inconnue ! Ne prenez pas le risque du ridicule. Continuez à miser sur les Mistral gagnants.
Sans rancune
Photo ZL
mercredi 9 décembre 2009
Mélancolie spécieuse
Dans ce monde, on bâtit, on sculpte, on sarcle, on soude, on emboite, on ligature, on éviscère, on torture, en un mot, on s'occupe.
Quand on ne s'occupe pas, on périclite. N'essayez pas d'y échapper, c'est sans issue.
Petits égos solitaires, dont il faut sans cesse déterrer le cou du sable des certitudes.
Cerveaux stratifiés de milliards de mots, de billions d'émotions.
Sexes définitifs ou définitoires, besoin de plein et de chaud vrillé sous le nombril.
Stylo et encre n'y feront rien. Au contraire, ils vous y ramènent.
Vous croyez recracher la mixture en l'étalant sur votre petit papier. Innocence!
Elle sera dans votre bouche demain. Aussi amère qu'aujourd'hui.
Allez plutôt dormir. Dans un désert, que faire de mieux. C'est une consolation savez vous ?
Allez, ne résistez pas. Votre Ça ne demande que ça.
Votre moi sans aucun toi finira par se taire.
Et votre surmoi voguera, sur les ondes alpha et béta de votre capsule crânienne, sur l'huile immobile de votre douleur.
Ça, moi, surmoi, tous en hérésie dans ce monde balisé.
Paix! Revenez à la raison !
Tout est prévu pour la gouverne. Inscrivez vos empreintes digitales sur ce petit carton, mettez votre salive à l'abri de notre coffre, souriez à la caméra.
Jurez fidélité à votre mari et à votre banquier et tout ira bien.
Le catalogue des étoiles est disponible et le noyau d'énergie sous contrôle.
Laissez-vous aller. Ce n'est qu'une longue attente. Avant de rencontrer le dentiste de l'âme.
Patientez. La mort est au bout.
Commencez par vous endormir. Ce sera moins douloureux. Vous serez habitués.
Puisez dans la gamme d'hypnotiques, c'est gratuit.
La révolte est taxée, l'ignorez vous? Ne vous l'a-t-on pas assez dit!
Le rêve n'est qu'un regret, un prurit. Croyez moi ! Une mélancolie spécieuse! Une fainéantise.
Photo. Artistes de l'Ile de Gorée. ZL
dimanche 6 décembre 2009
Le vent des blogs 37. De l'Art et des cochons
A écouter tout en parcourant ces lignes.
C'est sans doute la lecture de Hyrok et le passage où Nicolaï de Russo décrit la mise en scène pour gogos dans une galerie d'exposition de riens remplis de vides qui s'enlèvent à 6000 euros pièce pendant que les travaux de Louison (son héros et son double) dans lesquels il a mis toute son âme sont absolument ignorés (t'as pas le bon plan com coco), j'ai été sensible cette semaine à quelques agacements générés par le foutage de gueule qu'on soupçonne à la vue de certaines manifestations prétendument artistiques.
C'est un vaste sujet que je ne ferai qu'effleurer (moucheter), de liens en lieux.
Commençons par du lourd. Sur le site des Abattoirs on apprend que "la sculpture “Agoraphobia” de Franz West est en cours de déménagement du parvis des Abattoirs au Jardin Raymond-IV. Allez contempler l'oeuvre en question, un truc genre anneau de Moëbus double ou triple d'une couleur rose layette et de grande taille, très grande taille.
"La pêche à la baleine" ironise sur la mobilisation du conservateur de l'expo pour maintenir la bonne mine de la salade (pour comprendre, faut aller voir)
En vagabondant j'ai trouvé un post ancien mais assez significatif des ébahissements que l'Art moderne peut provoquer chez tout spectateur, même plein de références et de bonne volonté ainsi du "losange gris sur fond blanc".
Chez Sophie K on s'est disputés (on adore se disputer) à propos de l'Hyperréalisme.
Une qui n' a pas l'air d'apprécier ses arts contemporains du maintenant et tout de suite de là où elle est, c'est Frasby , pour plus de lumières allez voir par vous-mêmes.
Puisqu'avec Frasby, nous sommes à Lyon un lien vers la Biennale de Lyon, ou on retrouve Agnès Varda qui est tombé sur un collectionneur d'os.
Je dois avouer que je suis volontiers du côté de Jeandler quand il s'interroge à partir d'une racine sur L'enfance de l'art . Une de ses visiteuses nous renvoie vers les travaux de Heather Jansch, doit-on classer cela dans l'Art contemporain ?
Je n'ai pas épuisé le sujet, c'est le sujet qui m'a un peu sucé la moelle si j'ose dire (et une semaine passablement chargée mais ni dans l'art, ni la dentelle) .Vais aller retrouver Louison, voir s'il arrive à s'évacuer de la misère noire où le maintient son outrecuidante posture, ne pas faire semblant.
Ci-dessous, oui oui, c'est une oeuvre.
Photo 1 Bernard Pras
Photo 2 Didier Trenet
vendredi 4 décembre 2009
Les vases communicants. Sous les pavés, les âges...
«(...) pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d'échange
généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu'on y découvrirait des nouveaux
sites (...)».
François Bon et Scriptopolis ont lancé l'idée des Vases Communicants. Aujourd'hui Clopine
et Zoé lucider s'invitent réciproquement.
A toi ma Clopine
Est-ce que cela arrive aux autres ? Je pourrais formuler cela autrement : est-ce que je suis un monstre ? Chacun de nous, pour peu qu’il se mette en avant ou qu’il prenne le risque de s’exprimer, éveille chez autrui des réactions, parfois peu amènes, parfois bienveillantes, en tout cas bigarrées. Mais nos ressorts, même les plus intimes, sont aussi les plus communs. Je prends donc le pari d’être « comme tout le monde », alors même que la grande affaire de ma vie a été la souffrance née de ma singularité, ou de ce que je croyais telle.
Quand, enceinte, je marchais dans la rue, il me semblait que d’un seul coup, la ville entière était remplie de ventres ronds. Mon cerveau m’indiquait que cette sensation était vraisemblablement une illusion d’optique. Il n’y avait aucune raison particulière pour que la fécondité, en France, ait fait un bond considérable, à partir du moment où j’attendais un bébé. Y voir une relation de cause à effet aurait bien évidemment relevé de la pure mégalomanie...Mais d’où sortaient, alors, ces futures mères, devenues soudainement aussi nombreuses dans les rues de ma ville, que des serviettes de bain étalées sur une plage en été ?
Les petits vieux dans les rues, et spécialement les petites vieilles, je n’ai commencé à les « voir » qu’avec la maladie qui devait emporter ma mère. Mais là, et contrairement aux femmes enceintes, disparues au fur et à mesure que mon garçon grandissait, elles n’ont plus jamais quitté mon champ visuel. Quand j’ai lu « la vieillesse », de Beauvoir, et plus encore les carnets d’or de Janet Somers/Doris Lessing, j’ai même cherché à voir volontairement les « personnes âgées », pour parler comme un bulletin municipal, à ne pas les effacer, comme je le faisais à 20 ans, purement et simplement du pavé que nous arpentions pourtant ensemble.
Les plus touchantes, pour moi, sont celles qui, indomptables, essaient encore et toujours, malgré leur âge avancé, de ne pas ressembler à leurs mères ; celles qui bannissent le noir, qui, si elles doivent utiliser une canne pour compenser l’arthrose, la choisissent à tête de canard, ou à pommeau d’argent. Celles qui ont le cheveu raréfié, certes, mais recouvert cependant, crânement, d’un béret rose, ou vert. Celles (et j’en ai vu !) qui attachent à leur col une rose rouge, de la même nuance que leur parapluie, ouvert en corolle au-dessus d’elles... Ce n’est pas une question d’argent, ou de classe sociale. C’est une question d’affirmation de soi.
Si j’en crois les statistiques, je peux raisonnablement escompter être à l’orée de mon dernier quart de siècle, les deux premiers étant désormais révolus. J’ai toujours eu l’intuition, ou l’espoir, allez savoir, que cette ultime période m’apporterait une sorte d’apaisement. Je sais pourtant que les chagrins de toute sorte s’accumulent, au fur et à mesure que l’on avance et que les autres tombent à côté de vous. Que les chemins vont se rétrécissant, les corps s’alourdissant et les sens s’asphyxiant. Il me semble pourtant que, dans ma vieillesse, je pourrais peut-être me sentir « comme tout le monde », en osant enfin n’être comme personne. Invisible aux jeunes, je pourrais moi aussi attacher des fleurs à mon chapeau, porter des Nike et envoyer des baisers aux amoureux des bancs publics. Les autres petites vieilles ricaneront, peut-être, mais elles seront bien obligées de partager la rue avec moi, et toutes ensemble, nous la peuplerons, innombrables et cramponnées, comme les précieuses rescapées d’un invisible anonymat.
Les autres communicants (merki Anna, je l'ai pris chez toi la liste et la rajoute avec un peu de retard)
Biffures chroniques & Lephauste
Martine Sonnet & Pierre Cohen-Hadria
Anthony Poiraudeau & Michel Brosseau
Leroy K. May & Marie-Hélène Voyer
Thomas Vinau & La Méduse et le Renard
Robinson en ville & Danièle Momont
Bertrand Redonnet & Juliette Mézenc
Daniel Bourrion & Olivier Guéry
Anne Savelli & Christine Jeanney