mercredi 9 décembre 2009

Mélancolie spécieuse


Dans ce monde, on bâtit, on sculpte, on sarcle, on soude, on emboite, on ligature, on éviscère, on torture, en un mot, on s'occupe.
Quand on ne s'occupe pas, on périclite. N'essayez pas d'y échapper, c'est sans issue.
Petits égos solitaires, dont il faut sans cesse déterrer le cou du sable des certitudes.
Cerveaux stratifiés de milliards de mots, de billions d'émotions.
Sexes définitifs ou définitoires, besoin de plein et de chaud vrillé sous le nombril.
Stylo et encre n'y feront rien. Au contraire, ils vous y ramènent.
Vous croyez recracher la mixture en l'étalant sur votre petit papier. Innocence!
Elle sera dans votre bouche demain. Aussi amère qu'aujourd'hui.
Allez plutôt dormir. Dans un désert, que faire de mieux. C'est une consolation savez vous ?
Allez, ne résistez pas. Votre Ça ne demande que ça.
Votre moi sans aucun toi finira par se taire.
Et votre surmoi voguera, sur les ondes alpha et béta de votre capsule crânienne, sur l'huile immobile de votre douleur.
Ça, moi, surmoi, tous en hérésie dans ce monde balisé.
Paix! Revenez à la raison !
Tout est prévu pour la gouverne. Inscrivez vos empreintes digitales sur ce petit carton, mettez votre salive à l'abri de notre coffre, souriez à la caméra.
Jurez fidélité à votre mari et à votre banquier et tout ira bien.
Le catalogue des étoiles est disponible et le noyau d'énergie sous contrôle.
Laissez-vous aller. Ce n'est qu'une longue attente. Avant de rencontrer le dentiste de l'âme.
Patientez. La mort est au bout.
Commencez par vous endormir. Ce sera moins douloureux. Vous serez habitués.
Puisez dans la gamme d'hypnotiques, c'est gratuit.
La révolte est taxée, l'ignorez vous? Ne vous l'a-t-on pas assez dit!
Le rêve n'est qu'un regret, un prurit. Croyez moi ! Une mélancolie spécieuse! Une fainéantise.

Photo. Artistes de l'Ile de Gorée. ZL

dimanche 6 décembre 2009

Le vent des blogs 37. De l'Art et des cochons


A écouter tout en parcourant ces lignes.

C'est sans doute la lecture de Hyrok et le passage où Nicolaï de Russo décrit la mise en scène pour gogos dans une galerie d'exposition de riens remplis de vides qui s'enlèvent à 6000 euros pièce pendant que les travaux de Louison (son héros et son double) dans lesquels il a mis toute son âme sont absolument ignorés (t'as pas le bon plan com coco), j'ai été sensible cette semaine à quelques agacements générés par le foutage de gueule qu'on soupçonne à la vue de certaines manifestations prétendument artistiques.

C'est un vaste sujet que je ne ferai qu'effleurer (moucheter), de liens en lieux.


Commençons par du lourd. Sur le site des Abattoirs on apprend que "la sculpture “Agoraphobia” de Franz West est en cours de déménagement du parvis des Abattoirs au Jardin Raymond-IV. Allez contempler l'oeuvre en question, un truc genre anneau de Moëbus double ou triple d'une couleur rose layette et de grande taille, très grande taille.

"La pêche à la baleine" ironise sur la mobilisation du conservateur de l'expo pour maintenir la bonne mine de la salade (pour comprendre, faut aller voir)

En vagabondant j'ai trouvé un post ancien mais assez significatif des ébahissements que l'Art moderne peut provoquer chez tout spectateur, même plein de références et de bonne volonté ainsi du "losange gris sur fond blanc".

Chez Sophie K on s'est disputés (on adore se disputer) à propos de l'Hyperréalisme.



Une qui n' a pas l'air d'apprécier ses arts contemporains du maintenant et tout de suite de là où elle est, c'est Frasby , pour plus de lumières allez voir par vous-mêmes.

Puisqu'avec Frasby, nous sommes à Lyon un lien vers la Biennale de Lyon, ou on retrouve Agnès Varda qui est tombé sur un collectionneur d'os.

Je dois avouer que je suis volontiers du côté de Jeandler quand il s'interroge à partir d'une racine sur L'enfance de l'art . Une de ses visiteuses nous renvoie vers les travaux de Heather Jansch, doit-on classer cela dans l'Art contemporain ?

Je n'ai pas épuisé le sujet, c'est le sujet qui m'a un peu sucé la moelle si j'ose dire (et une semaine passablement chargée mais ni dans l'art, ni la dentelle) .Vais aller retrouver Louison, voir s'il arrive à s'évacuer de la misère noire où le maintient son outrecuidante posture, ne pas faire semblant.

Ci-dessous, oui oui, c'est une oeuvre.



Photo 1 Bernard Pras
Photo 2 Didier Trenet

vendredi 4 décembre 2009

Les vases communicants. Sous les pavés, les âges...


«(...) pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d'échange
généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu'on y découvrirait des nouveaux
sites (...)».
François Bon et Scriptopolis ont lancé l'idée des Vases Communicants. Aujourd'hui Clopine
et Zoé lucider s'invitent réciproquement.
A toi ma Clopine

Est-ce que cela arrive aux autres ? Je pourrais formuler cela autrement : est-ce que je suis un monstre ? Chacun de nous, pour peu qu’il se mette en avant ou qu’il prenne le risque de s’exprimer, éveille chez autrui des réactions, parfois peu amènes, parfois bienveillantes, en tout cas bigarrées. Mais nos ressorts, même les plus intimes, sont aussi les plus communs. Je prends donc le pari d’être « comme tout le monde », alors même que la grande affaire de ma vie a été la souffrance née de ma singularité, ou de ce que je croyais telle.


Quand, enceinte, je marchais dans la rue, il me semblait que d’un seul coup, la ville entière était remplie de ventres ronds. Mon cerveau m’indiquait que cette sensation était vraisemblablement une illusion d’optique. Il n’y avait aucune raison particulière pour que la fécondité, en France, ait fait un bond considérable, à partir du moment où j’attendais un bébé. Y voir une relation de cause à effet aurait bien évidemment relevé de la pure mégalomanie...Mais d’où sortaient, alors, ces futures mères, devenues soudainement aussi nombreuses dans les rues de ma ville, que des serviettes de bain étalées sur une plage en été ?


Les petits vieux dans les rues, et spécialement les petites vieilles, je n’ai commencé à les « voir » qu’avec la maladie qui devait emporter ma mère. Mais là, et contrairement aux femmes enceintes, disparues au fur et à mesure que mon garçon grandissait, elles n’ont plus jamais quitté mon champ visuel. Quand j’ai lu « la vieillesse », de Beauvoir, et plus encore les carnets d’or de Janet Somers/Doris Lessing, j’ai même cherché à voir volontairement les « personnes âgées », pour parler comme un bulletin municipal, à ne pas les effacer, comme je le faisais à 20 ans, purement et simplement du pavé que nous arpentions pourtant ensemble.


Les plus touchantes, pour moi, sont celles qui, indomptables, essaient encore et toujours, malgré leur âge avancé, de ne pas ressembler à leurs mères ; celles qui bannissent le noir, qui, si elles doivent utiliser une canne pour compenser l’arthrose, la choisissent à tête de canard, ou à pommeau d’argent. Celles qui ont le cheveu raréfié, certes, mais recouvert cependant, crânement, d’un béret rose, ou vert. Celles (et j’en ai vu !) qui attachent à leur col une rose rouge, de la même nuance que leur parapluie, ouvert en corolle au-dessus d’elles... Ce n’est pas une question d’argent, ou de classe sociale. C’est une question d’affirmation de soi.


Si j’en crois les statistiques, je peux raisonnablement escompter être à l’orée de mon dernier quart de siècle, les deux premiers étant désormais révolus. J’ai toujours eu l’intuition, ou l’espoir, allez savoir, que cette ultime période m’apporterait une sorte d’apaisement. Je sais pourtant que les chagrins de toute sorte s’accumulent, au fur et à mesure que l’on avance et que les autres tombent à côté de vous. Que les chemins vont se rétrécissant, les corps s’alourdissant et les sens s’asphyxiant. Il me semble pourtant que, dans ma vieillesse, je pourrais peut-être me sentir « comme tout le monde », en osant enfin n’être comme personne. Invisible aux jeunes, je pourrais moi aussi attacher des fleurs à mon chapeau, porter des Nike et envoyer des baisers aux amoureux des bancs publics. Les autres petites vieilles ricaneront, peut-être, mais elles seront bien obligées de partager la rue avec moi, et toutes ensemble, nous la peuplerons, innombrables et cramponnées, comme les précieuses rescapées d’un invisible anonymat.

Les autres communicants (merki Anna, je l'ai pris chez toi la liste et la rajoute avec un peu de retard)

Biffures chroniques & Lephauste

François Bon & Pierre Ménard

Martine Sonnet & Pierre Cohen-Hadria

Anthony Poiraudeau & Michel Brosseau

Leroy K. May & Marie-Hélène Voyer

Thomas Vinau & La Méduse et le Renard

Robinson en ville & Danièle Momont

Cécile Portier & Jérôme Denis

Bertrand Redonnet & Juliette Mézenc

Old Gibi & Enfantissages

Daniel Bourrion & Olivier Guéry

Anne Savelli & Christine Jeanney


mercredi 2 décembre 2009

Les rois de l'azur foudroyés


Le maigre patrimoine de Baudelaire a été mis à l'encan à l'Hotel Drouot, mardi 1er décembre. Les derniers objets ayant appartenu au poète sont désormais entre les mains de quelques amateurs dont la descendance dispersera un peu plus le léger baluchon, léger en grammes mais pas en picaillons puisqu'on a battu des records
A qui va le butin du fonds Aupick-Ancelle : Madame Aupick était la mère de Baudelaire, remariée au général Aupick, (haï par Baudelaire) et Narcisse Ancelle le tuteur du poète. Avec 176 lots, la vente totalise la somme rondelette de 4.050.000 euros.
Les ailes clouées du poète, ainsi André Chénet intitule-t-il son billet où s'exprime sa colère face à cette nouvelle preuve d'incurie de nos gouvernants. Si La France a les moyens d'offrir des sanitaires de luxe à son Prince, elle n'a que faire de s'encombrer des dernières reliques de poètes, morts depuis longtemps et légèrement maudits de leur temps même si à l'école primaire nous avons tous appris "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle". Eh bien il ne pèse pas lourd il faut croire.
Le poète serait de toute façon encore plus enclin au suicide s'il revenait aujourd'hui sur notre belle planète décorée à l'infini de déchets de plastique. La mer est devenue un dépotoir et certains ilôts un cimetière d'albatros.
Peut-on pousser la métaphore au point de considérer que la poésie a désormais les entrailles encombrées de détritus et que les poètes n'ont plus d'autre issue que de dégueuler.

Pour mémoire et comme une madeleine de nos jeunes années de récitants.

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

L'image est tirée d'un article intitulé le Bateau volant de Jean Marie Le Bris selon lequel l'exploit du Capitaine aurait inspiré Baudelaire.
On peut retrouver la vidéo et un article plus développé sur les albatros victimes de nos déchets ici

dimanche 29 novembre 2009

Le vent des blogs 36. L'as-tu lu mon p'tit Lu



"J'ai un grand respect pour la chose écrite en tant que telle et même indépendamment de qui l'a écrite. Rien de plus fascinant qu'un aphorisme, vers, ou une simple phrase, dont on ne sait absolument pas d'où elle vient... Elle est là, un bout de papier dans le gazon, comme une alouette providentielle... Elle vient de se poser sur votre planète... Et illumine votre journée, votre semaine, votre vie peut-être, d'une lumière nouvelle, particulière et inattendue.
Mais soyons humbles et écrivons dans l'humilité. Sera-t-on lu? A part nos proches que ça fatigue, notre éventuelle descendance qui "fera mine", c'est assez peu probable de notre vivant. Il n'y a guère d'illusions à se faire. On le sera peut-être par d'illustres entomologistes du futur qui tomberont par hasard sur nos cahiers, nos petits carnets débraillés, nos petits secrets et qui décortiqueront nos élytres pour étudier nos abdomens luisants." Hyrok, Léo Scheer p. 134.
L'auteur Nicolaï Lo Russo confie à son blog les affres post partum, juste avant l'envol du bel oiseau.

J'ai dû le commander, la manne annoncée n'était pas parvenue jusque dans nos contrées reculées. Je m'endors et me réveille en Hyrok, c'est très chic comme tenue, mais un rien inquiétant tellement ça a l'air d'avoir été taillé sur pièce, à même la peau. Si vous voulez qu'on vous en parle beaucoup mieux allez voir ailleurs

Les écrivains bloguent ou les blogueurs publient. Quelques échos tout neufs de certains de mes petits camarades de jeu. Frédérique M, vous connaissez, n'est-ce pas. Eh bien elle publie avec des complices En quête de Job (attention, jeu de mots) et elle en parle très bien elle-même


Cécile Portier ne dit mot de la sortie de son livre sur son blog (à moins que cela m'ait échappé).
Heureusement Dominique Boudou nous en parle à sa place.








Eric Poindron nous présente les Riches heures de Jean Louis Kuffer, connu des blogueurs sous ses initiales JLK.

"Dans l’univers chaotique qui est le nôtre, où le clabaudage et la fausse parole surabondent, ces carnets se veulent, au-delà de toutes les préventions de méfiance ou de mépris, la preuve qu’une résistance personnelle est possible à tout instant et en tout lieu pour quiconque reste à la fois attentif à la rumeur du monde et à l’écoute de sa voix intérieure. À l’inattention générale, ils aimeraient opposer un effort de concentration et de réflexion au jour le jour, ouvrant une fenêtre sur le monde."

Pour conclure ce tour d'horizon, chez Frasby , une analyse de l'oeuvre de Jacques Ellul enrichie de nombreux liens dont un entretien avec Ellul. (Il n'est pas blogueur, certes, mais ce qu'il dit résonne avec ce qui précède).

Pour ceux que toutes ces lectures auront épuisés, un peu de musique Scorpions,
The Neville Brothers (Merci Mon Chien Aussi), Natacha Atlas, (merci Mrs Clooney) et pour mes petits amis qui manient le crayon avec brio (ils se reconnaîtront ah ah) une vidéo que je trouve très talentueuse (merci Clemt).

J'oubliais. Saviez-vous que notre Clopine a publié "La Recherche Racontée (... à mes potes) ?
Et Zoë ? Trois tapuscrits dorment en attendant qu'elle se décide, mais comme elle ne croit pas à l'envoi par la Poste et qu'elle est de plus en plus sceptique quant à l'avenir du livre, elle tient fermées sur son ventre luisant ses élytres en attendant la dissécation du temps, en toute humilité. Merci Nicolaï.

Photo La Grande Côte. ZL

vendredi 27 novembre 2009

Alertez les Zoé



Un ami qui me veut du bien m'a informé d'une nouvelle forfaiture de l'engeance publicitaire, baptiser la dernière des Renault du nom de Zoé

"C'est une « volonté pour les marques de jouer l'appropriation dans la sphère affective », note encore Catherine Veille, directrice de Ipsos Insight Marques. Mais si les voitures portent maintenant des prénoms, Catherine Veille nous fait remarquer qu'on observe aussi une tendance chez les consommateurs à donner aux enfants des prénoms de marques (comme par exemple Fanta, Chanel, ou Armani). Les Zoé pourront donc appeler leurs enfants Twingo ou Safrane."

Ce n'est pas parce que des tarés font un cadeau empoisonné à leur môme qu'il faut pourrir la vie de celles qui ont hérité (ou choisi dans mon cas) ce très beau prénom qui selon l'étymologie grecque signifie la vie.

L'engeance propagandiste ne recule devant aucun sacrilège, bousille la musique pour en faire des alarmes de portable, pollue les paysages urbains avec ses panneaux hideux, racoleurs, putassiers et nous bouffe les neurones pour peu qu'on s'approche des écrans, tous les écrans.

Incidemment, pendant que j'essaye de déchiffrer l'article de Rue 89, un bandeau noir et insistant vient se placer sous ma souris et affiche dés qu'on l'effleure une marque de café bien connue, puis un tigre vient se balader devant le texte, bref la pub horripilante qui met ses grosses fesses partout sans vergogne.

Je suis allée rechercher dans mes tablettes un texte publié il y a quelques années.


Le capitalisme scie la branche, le tronc même de sa prétendue cohérence. Les mécanismes du marché produisent des surplus là où on ne peut plus les absorber et créent des pénuries là où on manque de tout. Son outil idéologique, sa propagande consiste à fabriquer du désir par le biais d’informations tronquées (on ne sait rien du produit), sous des aspects falsifiés ( mise en scène hyperbolique), en exposant les états d’âme les moins reluisants. Citons la concupiscence (désirer le bien d’autrui), la forfanterie (se vanter d’exploits imaginaires), l’avarice (refuser le partage), le mépris d’autrui (ridiculiser celui qui ne peut prétendre s’offrir le gadget), le mensonge (c’est pour votre bien) sans oublier le sexisme (apparent ou en filigrane). Ce discours, en flattant les bassesses humaines tend à conforter l’individualisme comme seule parade à la multitude avide et envieuse. Il peut éventuellement doper l’acteur économique s’il parvient à se ressaisir de quelques parcelles de la profusion à laquelle il concoure, même si la progression est lente il peut accepter l’effort. Or désormais, la machine économique en refoulant les accédants à la consommation a sectionné le meilleur rouage de son théâtre.

En attendant voilà que les Zoé vont encourir les plaisanteries les plus fines sur leur carrosserie, leur retard à l'allumage (c'est une électrique qui hériterait du prénom), leur petite tenue (de route) bref toute la gamme qui va avec la dégradation publicitaire.

Il paraît qu'un père s'est élevé contre cette usurpation. J'espère que les Zoé vont protester massivement auprès de la direction de Renault qui prend déjà les précautions du conditionnel quant à la réalisation de ce projet.

J'ai déjà un vieux blues de descente vers les jours sans soleil, cette saloperie de pub ne va pas en plus mazouter la Zoie.

Dessin Iris enfant. Benjamin Kuhn

Dernière minute, en direct de Vinosse, Rosalie et pour que mon allusion soit claire
Jacques Higelin - Alertez les bébés

http://www.li-an.fr/blog/wp-content/uploads/2009/09/calvo-rosalie-couv.jpg

jeudi 26 novembre 2009

Des termites dans le cerveau


Arrêt momentané des émissions pour cause de fatigue intense.
Un relais opportun
« C’est le mauvais temps qui me protégeait le mieux. Plus de travaux extérieurs, personne sur les échafaudages, plus de barbecues à minuit dans les jardins avec beuglantes en stéréo, blagues graveleuses et rires avinés. Je désirais follement les intempéries. Rien ne m’était plus délectable qu’un ciel de tempête. Je vouais un culte aux bourrasques, aux averses, à la grêle qui mitraille les chaussées et les toits. J’applaudissais l’annonce du crachin, j’exultais devant la grisaille. Si le temps virait à l’orage, c’était Noël. J’allumais des cierges dans mon for intérieur pour que l’orage éclate à pleins seaux, que les éclairs s’en mêlent, que le tonnerre explose, que les gouttes inondent les rues, les caniveaux, qu’elles noient la ville sous un édredon liquide. J’aurais aimé que la pluie enfle et se prolonge, comme la mousson. Le gel était une bénédiction, la neige une délivrance : je redoutais les glissades sur les plaques de neige molle, mais rien n’étouffe les bruits comme elle. (...) Le verglas m’incommodait, de même que le brouillard, j’en déplorais les désagréments, mais j’adorais la morsure du froid qui oblige à boucher les issues. Alors je n’avais plus à subir l’intrusion des autres, ils demeuraient chez eux enfermés à vaquer de leur côté sans s’introduire de force dans mon intimité. Le bruit des autres, le sans-gêne des autres, l’égoïsme des autres. De ceux qui envahissent l’espace entier, nos appartements, nos maisons, chacun des lieux où l’on réside. Ils entrent sans frapper. Ils s’accordent tous les droits, ils se permettent toutes les outrances. Rien ne les arrête, les autres. Personne ne les convie, ils entrent quand même. Les autres, ce sont les bruyants. Ils décident, ils s’imposent. Ce sont les prédateurs, les pollueurs de tympans, tous ces gens qui nous déversent des turbulences à pleins tonneaux dans les oreilles, qui nous volent notre liberté, qui nous arrachent à nous-mêmes. Les colonisateurs du silence, les termites du cerveau. »

Jean-Michel Delacomptée, La vie de bureau