mercredi 29 avril 2009

Voyages, voyage



Clopine m'a soufflé le sujet du jour. Elle s'extasie du miracle de l'avion qui vous fait traverser le monde en quelques heures et ce, grâce à l'abnégation des personnels, de l'hôtesse, qui mime pour la énième fois, les consignes de sécurité ayant vocation à ne point servir, au pilote qui vous arrache et vous dépose de là à là sans défaire le brushing. Elle dit avoir peu usé de ce moyen (épouvantable bouffeur de pétrole, d'oxygène, générateur de bruit et de méchants gaz) et être la première génération de sa lignée.
Il se trouve que j'ai dû utiliser l'avion à un rythme sans commune mesure avec celui de notre Très Haut et de ses différentes cours, mais cependant plutôt soutenu à une époque.
Comme Clopine, je souffre de cette douleur épouvantable qui au moment de l'atterrissage, à cause de la dépressurisation, se vrille au niveau des sinus et de l'oreille, de sorte qu'on a l'impression que tous les vaisseaux vont exploser et qu'une AVC va finir par nous anéantir. La première fois du moins, parce qu'ensuite, on ne saurait dire qu'on s'y habitue, du moins sait-on qu'on en réchappe.
Des avions manqués, retardés, détournés (pour cause de verglas, de brouillard, de tempête), des valises perdues, des correspondants qui ne vous attendent pas et vous ne savez pas où vous devez vous diriger, des transferts anxiogénes (Ammam, 40 degrés pas de climatisation , les avions en retard, des annonces indéchiffrables, des gens qui s'évanouissent par suffocation), des transits au pas de charge, des appels qui ne vous sont pas parvenus parce que votre nom est vraiment trop déformé, des itinéraires étranges, particulièrement alambiqués pour complaire aux impératifs d'un prix d'agence (ainsi un Dar Es Salam / Paris, via Moscou, Aéroflot la compagnie la moins chère). Mille anecdotes.
Nous allons au Maroc chez des amis, janvier est terrible, nous espérons le soleil. Comme nous sommes coincés dans la salle d'embarquement, un type fait preuve d'un bagout inouï, nous récitant du Céline, du Flaubert, du Baudelaire, comme il respire. Fabrice Lucchini avant qu'il ne soit très connu, il n'a encore tourné que (si on peut dire) dans le Perceval de Bresson. Au retour, trois semaines plus tard, c'est la fuite du Shah et son atterrissage en catastrophe a Marrakech qui nous retient une journée supplémentaire dans un très bel hôtel, où nous retrouvons Lucchini et son verbe fougueux.
L'avion entre New Delhi et Katmandou (bien après la ruée vers l'Inde des années 70) où je constate que les femmes secondent spontanément les mères lorsque les enfants brament pendant que nous dégustons de délicieuses brochettes de lamelle de viande qu'on croirait cuites au brasero.
Un Fokker qui tangue entre Paris et Brème sans interruption de sorte que lorsque nous atterrissons je mets un temps fou à trouver l'équilibre ordinaire, joscille comme sur le pont d'un navire.
Une arrestation ubuesque à Frankfort: nous sommes deux hommes et quatre femmes et les deux ressemblent à on ne saura jamais qui. Nous sommes dérivés alors que nous sommes en transit et nos bagages fouillés et nos inquisiteurs ont beaucoup de mal à accepter de nous relâcher, nous étions censés représenter une grosse prise semblait-il.
Un avion minuscule de 20 places dans lequel on ne peut se déplacer qu'en se courbant et qui nous offre un panorama sur les plaines à céréales du Saskatchewan où on ne décèle aucun édicule attestant de l'existence de cultivateurs pour ces immenses étendues de blé.
Un jour, je manque l'avion pour Palerme après moultes péripéties dont je vous fais grâce mais qui m'ont littéralement réduite en charpie, je décide de ne pas prendre le suivant et de ne plus jamais utiliser l'avion.
Je ne me suis pas tenue à cet intégrisme, à cet absolu tabou, mais il est vrai que j'ai réorienté ma vie, en partie pour échapper à la foire des aéroports qui se ressemblent et sont tous uniques. Mention spéciale pour celui de Chicago où on prend des navettes qui longent des kilomêtres de batiments où stationnent et se démènent des milliers d'artisans de ce miracle du déplacement dans l'espace et le temps, où on est accueilli avec des chiens et où dans les couloirs passent en boucle le rappel des consignes de sécurité.

Voyage donc. Aujourd'hui, jeudi, je prend le TGV et je "monte à la capitale". Visite d'amis, observation du mouvement social de ce premier mai, l'expo de Calder à Beaubourg si le temps de queue n'est pas décourageant et grande fête d'anniversaire d'une amie chère avant de revenir sous le soleil exactement, lundi.

Illustration : Alexander Calder. Joséphine Baker (IV), vers 1928
© Calder Foundation, New York / Adagp, Paris 2009

mardi 28 avril 2009

Déjà né, pas encore mouru



Nous sommes des statues de terre chaude, d'insectes mis à nu, antennes ténues et molles, ballotés au hasard de courses ahuries. Nous pousse au ventre un démiurge têtu, aveugle et sourd. Nos yeux sont des vitrines ou vaquent des fantômes, notre bouche une meule déhanchée, nos oreilles des tambours vrillonnants.

Corps, susceptibles, précaires, capricieux, frôlant, foulant un destin idéal, femmes en demande de la lance des hommes, hommes en labour, assassins de leurs propres naissances, expurgeant au dehors l'irrécusable mystère du dedans.

La vie erre ainsi au domaine des morts, désir et peur du devenir, hors du marbre de l'éternité.

Pour je, naître n'a pas de futur, je ne naîtrai plus. Mourir n'a pas d'antérieur. Je n'ai pas pas encore mouru.

Je ris de vivre en cet étrange miroir.

Photos 9 avril 09 ZL


dimanche 26 avril 2009

Vent des blogs 10. Météo pourrie ? Lisons !



Ce sera un tout petit vent, tout doux. Notre Cactus s'est enfin décidé à ranger un peu son foutoir en un lieu accessible à ses visiteurs où il ne se prendront plus les pieds dans les tapis. C'est très aéré, de bon goût, bref n'hésitez pas, la République des Ivres n'est pas morte. A votre santé !

Comme si je n'avais pas assez des piles de livres qui s'entassent à mon chevet (oui ce sont eux qui me veillent), hier, j'ai passé mon après-midi au Salon du livre et du Vin (ça va ensemble non ?) de Balma. , et j'ai envie de passer en revue mes recrues des derniers jours, tous ne relevant pas de cette dernière expédition.

Lepape, j'avance lentement en alternant avec d'autres. Actuellement (469 /702), Girardin (1806 -1881) invente "La Presse", ancêtre de nos médias, avec financement via la publicité et inaugure l'ère des écrivains tâcherons qui se crèvent à pisser de la ligne de feuilleton pour survivre. Balzac, Dumas et beaucoup d'autres vont tirer subsistance de ce qui fournira par la suite les romans de ce XIXème où le genre va devenir florissant. Première littérature populaire et premier capitalisme de presse.

"Le prof de philo nous a demandé de lire un livre de Schopenhauer qui s'appelle esthétique et je sais plus quoi. Puisque tu vas à Ombres Blanches*, tu peux me le ramener, maman s'il te plait (oui ma fille s'adresse à moi en termes délicats, surtout dans ce genre d'occurence). J'ai donc adjoint à Esthétique et Métaphysique, le petit traité L'art d'avoir toujours raison, dédié à mon usage personnel et dont j'extraies ce passage de l'ultime stratagème (38 en tout) [...]de cent hommes, on en trouvera à peine un seul qui soit digne qu'on discute avec lui. Quant aux autres, qu'on les laisse dire ce qui leur passe par la tête, car desipere est juris gentium (c'est un droit de l'homme que d'être idiot), et qu'on médite ce conseil de Voltaire: La paix vaut encore mieux que la vérité. Méditons.

Au Salon, Bernard Maris (Oncle Bernard à Charlie Hebdo) présentait son dernier opus Capitalisme et pulsion de mort (Albin Michel) écrit en collaboration avec Gilles Dostaler. En 1930 Freud (Malaise dans la culture) et Keynes (Perspectives économiques pour nos petits enfants) font la même analyse. Le capitalisme et l'obsession de l'accumulation relèvent de ce que Freud a nommé la pulsion de mort et dont il pronostiquait les pires conséquences. Freud était pessimiste : Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu'avec l'aide de ces dernières il leur est facile de s'exterminer les uns les autres jusqu'au dernier. Keynes espère encore que le pire peut être évité : Nous honorerons ceux qui sauront nous enseigner à cueillir chaque heure et chaque jour de façon vertueuse et bonne, ces gens merveilleux qui savent jouir immédiatement des choses, les lys des champs qui ne peinent ni ne filent. Freud va mourir à Londres en 1939 au pire moment du délire hitlérien et Keynes en 1946 après avoir été un des principaux artisans des Accords de Bretton Woods qui ont permis la mise en oeuvre des Etats providence de l'après guerre, mais avant la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Je reviendrai sur ce livre lorsque je l'aurai lu.

Pour la littérature, écouté hier débattre Régine Detambel (Noces de chêne, Gallimard) et Pascale Kramer (L'implacable brutalité du réveil, Mercure de France). Aux deux bouts de la vie, les tabous ligotent les êtres dans un mutisme contraint. Les amoureux octogénaires doivent affronter le scandale que suscite leur passion jugée indécente. Les jeunes parents ne peuvent exprimer la terreur qui les assaille, dès la naissance de l'enfant, à l'idée qu'ils ont peut-être commis une erreur en s'accouplant et plus encore en faisant naître de cette union une nouvelle vie. Les livres sont les seuls instruments pour se débarasser de ces alliénations.

J'ai bavardé avec plaisir avec Pia Petersen dont j'avais apprécié la pugnacité du discours au cours d'une table ronde où elle avait clairement positionné l'Art comme nécessairement politique. Son héros Iouri dans son livre éponyme (Actes Sud) pousse l'engagement politique de son art au point que sa compagne finit par craindre qu'il ne franchisse le cap de la criminalité. Pia Petersen est Danoise et s'est "enfuie" (ce sont ses termes) du Danemark à l'âge de 16 ans pour échapper à l'anesthésie d'une société où le tout sécuritaire enferme chaque geste sous la chappe du contrôle social. Le modèle scandinave dit'elle tant vanté pour ses vertus est en fait basé sur la mise sous tutelle des citoyens par la mise en oeuvre du tout sécuritaire. Pour elle la France est un pays où on respire encore un air de liberté mais pour combien de temps. Ce fut le sujet de notre échange.

Anne-Christine Tinel (Tunis par hasard, Editions elysad) a vécu sept ans en Tunisie. Dans son roman édité par une petite maison tunisienne, elle entremèle une histoire de vie et la description de ce pays qu'elle a rencontré, elle aussi pour fuir une situation douloureuse. Elle avait auparavant vécu en Algérie, puis en France et dit se sentir essentiellement méditéranéenne. Nous avons parlé de ces doubles appartenances lient en nous nos origines et un pays de coeur, de la difficulté de se réacclimater après une longue absence et de la difficulté d'écrire tout en travaillant et élevant des enfants. Rien d'original, mais un vrai plaisir d'échange. J'attends de la lecture de son livre une immersion en terre d'Afrique du Nord.

Je me suis dévoilée (ah bon c'est Zoë ? quelle surprise ! bonne ou mauvaise, ils ne l'ont pas dit) à Manu Causse et Emmanuelle Urien, dont j'avais déjà lu les livres et avec qui je causais de temps à autre par blog interposé. Deux belles personnes que j'espère revoir, puisque nous sommes toulousains, eux permanents et moi intermittente.

Il y avait tant d'autres à rencontrer, Jean Rouaud par exemple, mais je parlai avec Régine Detambel quand il présentait son dernier livre La femme promise. Mabanckou dont on lisait aujourd'hui, en sa présence Mémoire de Porc-épic et je n'y suis pas revenue. Temps pourri (40km sous la pluie) et mille autres choses à faire dont ce billet n'en est qu'une.

Emmanuelle Pagano (Le tiroir à cheveux ) n'était pas à Balma, mais son livre est en cours. A la page 20. J'espère qu'à la page 40 je serais plus séduite, on m'en a dit si grand bien.

Pour conclure ce patchwork un peu foutraque, un article dans Politis de cette semaine Mensonges et infantilisation (p 26, 27). Olivier Doubre s'entretient avec Michela Marzano, à propos de l'ouvrage qu'elle vient de publier Le fascisme, un encombrant retour ? (Larousse "Philosopher"). Elle s'alarme des signes qui montrent en France et en Italie que nous sommes entrés dans un régime autoritaire, antichambre éventuelle d'un nouveau fascisme.
Philosophe italienne vivant en France, chercheuse au CNRS elle est convaincue que les intellectuels et en particulier les philosophes doivent assumer leur rôle et dénoncer de risque d'un "encombrant retour" et considère en s'appuyant sur l'apport de la pensée critique de l'Ecole de Francfort, notamment celle d'Adorno "qu'au moment où l'on a encore la possibilité de s'exprimer, ce qui est le cas (elle se doit de s') engager pour permettre à la pensée de rester vivante.

Restons vivants !
Celle-ci, ci-dessous, l'air de rien, est enceinte. Encore une portée qu'il faudra distribuer auprès de parents adoptifs. Si ça vous tente, n'hésitez pas à passer commande

Et pour être absolument complète: Fronton Château Bouissel et Corbières Château Serres Hauterive Le Vieux Salon du Livre et du Vin.

*Pub gratuite pour ma librairie chérie sise à Toulouse
Photos ZL

jeudi 23 avril 2009

Noircir pour mieux blanchir





Pour justifier le bienfondé d'une domination, il importe de souligner les faiblesses constitutives du dominé en le décrivant sous les traits les plus négatifs tout en l'idéalisant quelque part pour motiver notre générosité à son endroit. [...] "Noircir" et "dénigrer" (littéralement ) l'Africain pour mieux "blanchir" le Blanc [...] L'essence même de ce que nous ne tolérons pas : qu'une réalité puisse échapper à l'emprise de nos catégories"
Roland Louvel. L'Afrique Noire et la différence culturelle, L'harmattan, 1996.


Sculptures Ousmane Sow

mardi 21 avril 2009

Complices de l'inavouable

Fichier:Rwanda Gitarama landscape.JPG

J'écoutais ce soir, dans ma voiture chargée de cageots de légumes à destination de mes voisins amapiens* (j'étais de distribution aujourd'hui), l'émission de Kathleen Evin, L'humeur vagabonde,
Invité à s'entretenir avec l'hôtesse Patrick de Saint-Exupéry pour son livre "Complices de l'inavouable, la France au Rwanda"qui reparait aux Editions les Arènes. Ce journaliste ne décolère pas depuis 15 ans, depuis qu'il a assisté en direct au génocide des Tutsis au Rwanda, terme que la france ne parvient pas encore à valider pour des raisons extrèmement glauques, compte tenu de ses responsabilités indirectes sinon directes dans ce drame abominable.
Le Rwanda, je l'ai connu en 1982 et déjà les tensions ethniques entre Tutsis et Hutus étaient très fortes. Cette région de l'Afrique centrale, ex colonie belge était en effervescence. Des transfuges se croisaient de l'Ouganda ou Amin Dada avait furieusement sévi, du Burundi où les Tutsis régnaient après de sanglantes ponctions dans les rangs des Hutus (en 1973 notamment, environ 200000 morts) et juste le contraire au Rwanda. Sans parler des Zaïrois de la région du Kivu déjà et encore aujourd'hui en rébellion armée contre Kinshasa.
A Kigali, nous avions rencontré un jeune attaché culturel de l'Ambassade de France avec qui nous avions lié une amitié autour de la musique et du match de foot France Allemagne qui avait polarisé toute la capitale le temps d'une soirée mémorable que j'avais partagée avec C. une adorable Tutsi guère plus intéréssée par le football que je ne le suis.
Quelques mois plus tard, rentrés en France, nous apprenions que C. avait été emprisonnée dans un camp en raison de ses relations avec les Blancs, promues au rang de crime selon un décret dicté par la femme du président Habyarimana, celui qui devait mourir 12 ans plus tard dans l'attentat de son avion, évènement considéré comme le déclencheur du massacre qui s'ensuivit.
En 1982, notre ami (juif d'une famille très religieuse) était reparti à Kigali et avait épousé la sublime C. (sans en dire un mot à sa famille, une goy, noire de sucroît !) pour la tirer de son camp. Nous l'avions accueillie, elle avait eu le crâne rasé mais elle était sauve. B. et C. commencèrent leur vie de couple, séparée en toute amitié et elle trouva du travail et se mit à apprendre l'accordéon.
En 1994, nous avions organisé une fête pour saluer tous nos amis avant d'embarquer nos meubles, nos chats et nos enfants et rejoindre nos terres du Sud Ouest où se cultivent les maïs dont on gave les canards. C. avait promis d'être des nôtres. Le veille elle apprit que sa famille avait été enfermée avec plus de deux cents autres dans une église à Kibuye et qu'après la machette, c'est le feu qui avait achevé le "travail".
Une de ses soeurs avait réussi à s'échapper. C. lui obtint un visa et un ticket d'avion. Elle mourut sur la route qui la conduisait du Zaïre à l'aéroport de Bujumbura.
C. obstinée, finit par découvrir que son plus jeune frère que sa mère avait eu avec un Hutu avait été épargné. Elle finit par le retrouver, le faire venir en France, l'inscrire dans une école. Un jour, il a fugué et s'est engagé dans la Légion..
C. entre temps avait préparé un master de logistique et travaille désormais dans des ONG, elle doit être au Soudan après l'Arménie où elle a bien cru mourir de froid, la Guinée, le Tchad et d'autres que j'oublie ou ignore.
Ce soir, je ressens à nouveau le malaise et l'amertume qui me submergeaient, l'écoutant me raconter les péripéties de ses recherches, y compris lorsque au risque de sa vie elle est revenue enquêter à Kibuye. "Il fallait que je voie l'église brûlée pour y croire".
C'est la personne la plus douce, gaie, intelligente que j'aie jamais rencontrée. D'une beauté extraordinaire comme beaucoup de Tutsis. Je pense à elle ce soir. Et, oui, je crois que par notre indifférence à tout le moins nous avons été les complices de l'inavouable.

Photo Wikipedia

dimanche 19 avril 2009

Le vent des blogs 9


Bon, il me faut l'admettre : ce vent hebdomadaire est pure contrainte, réservée à moi seule. Qui s'inquiète de suivre cette collection ? Répondez !
Je vais n'en faire qu'à ma tête de l'art , tant pis si c'est incohérent, mal rabouté, voire disjoint. Qui ça pourrait gêner, hein ?
J'ai scrupule à citer de nouveau la République des Libres (j'aime bien l'intitulé), je n'ose pas vous y envoyer, c'est un cercle fermé assez peu bienveillant à l'égard des égarés et si vous ne faites pas partie des happy fews, contentez vous d'éventuellement aller voir de quoi ça cause, faites un commentaire mais n'espérez rien en retour. J'y ai appris que Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni mieux connu comme Michel-Ange (1475-1569) peintre, sculpteur, architecte a été également poète. Il a écrit une cinquantaine de poèmes, sonnets et madrigaux, datables de 1535 à 1541, d'inspiration souvent humaniste. Plusieurs de ces sonnets ont été mis en musique, notamment par Benjamin Britten et Dmitri Chostakovitch. Ces poèmes, inédits de son vivant, seront publiés par son neveu, Michelangelo le Jeune, en 1623 (ça c'est wikipédia). Sur la RDL un exemplaire de sa poésie était proposé en devinette (c'est le jeu favori du groupe), traduite à mon avis de façon un peu curieuse
[...]
"Amour, grottes fleuries, muses,
ce que je chante ou gratte devient tambourin et papillotte
pour l'auberge, le lupanar ou les chiottes."
[...]
"Les chiottes " aux alentours de 1540, ça nous a tous égarés même les plus érudits.

Tania, après un petit tour dans notre sud où elle n'a trouvé que pluie et vents est revenue en bonne Belgique sous le soleil et s'intéresse à Coeur de chien de Boulgakov. Ca m'a rappelé que Le maître et Marguerite soupirent sur l'étagère depuis des lustres. Jamais réussi à m'y attaquer. J'éviterai de vous faire la liste de tous ces dormants qui mangent leur poussière sans moufter. En ce moment j'ai attaqué L'art de vieillir de John Cowper Powys, un auteur profondément panthéiste, juste ce dont j'ai besoin pour revitaliser mon âme païenne.

Les abeilles et les architectes nous rappellent que nos amours sont le produit de nos réciprocités butineuses, alors que les artistes de la pollinisation sont menacées de disparition et nous risquons fortement par contingence de débander nous aussi. C'est un très beau texte.

Ca c'est un clin d'oeil d'Henri Zerdoun. Plutôt qu'un long discours...

L...c qui visite ici de temps à autre, fabrique pour son blog de petites scènes animées souvent drôles, empreintes de relents d'enfance et particulièrement celle du jour d'hier ( samedi 18 04), intitulé Otite, o' désespoir (oui humour + référence chic, très classe), qui rappelera à chacun une occasion de frustration intense : privé de jeu pour cause de maladie.

Et tiens une nouvelle, petite racine (ça ressemble à un nom Hopi). Elle prétend que dans les couloirs du métro, les affiches nous regardent Et pendant que les yeux embusqués des images nous charment, nous appellent, nous oublions de nous regarder les uns les autres, nous les passants de chair, pas encore collés au mur.
Dépêchons-nous de nous regarder dans le blanc des blogs avant que l'Hadopi nous vitriole le paysage

Photo Pêcheurs sur la plage de Ngor, Dakar. ZL

samedi 18 avril 2009

Qui veut partager des millions


Tu devrais voir Slumdog millionaire, maman, il a eu huit oscars. Mouais, je me méfie toujours des films sur récompensés. Comme l'adorable jeune fille organisait une fête, ma foi, l'occasion se présentait (disparaitre momentanément).
Réalisé par Danny Boyle, ce film est l'adaptation du roman de Vikas Swarup, Les fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire. Les interprètes en sont Dev Patel, Anil Kapoor, Irrfan Khan, Madhur Mittal, Freida Pinto, Saurabh Shukla.
Dany Boyle, c'est le réalisateur du film choc, Trainspotting qui nous "trainait" dans l'univers totalement hors norme de junkies graves.
Cette fois, DB adapte un roman et réalise un film à la mode bollyvoodienne tout en conservant l'art des images terribles ( violence d'une agression d'une communauté musulmane par des fanatiques hindouistes, énucléation des yeux d'un enfant par des adultes exploiteurs d'orphelins, violence des relations de castes, sursaturation des foules, etc).

La force du film tient dans l'alternance des temps de la narration : Jamil, un jeune Indien, orphelin, issu des bidonvilles de Mumbai (ex Bombay), est sur le point de gagner l'épreuve ultime du jeu "Qui veut gagner des millions". Il a été arrêté par la police qui le soupçonne de tricherie et il est interrogé (à l'aide d'une gégène éventuellement) afin de lui faire révéler comment il est parvenu au sans faute. Le film retrace les temps forts de la vie du jeune homme,(Dev Patel, excellent interprète, juste, touchant) animé d'une obsession, retrouver Latika, son amour né dans l'enfance, dans le partage des pires épisodes du manque et de la peur. Le film se déroule donc dans l'alternance entre le face à face avec le flic qui l'interroge, les épisodes forts remémorés qui lui ont permis de trouver les réponses et le temps du jeu dans la frénésie engendrée dans les couches populaires par ce type de saga.
C'est un melting pot entre techniques ultra sophistiquées et précarité des vies décrites, entre le Mumbai des bidonvilles et celui des immeubles qui sont construits sur l'éradication des taudis , les centres de téléphonie high tech, les mafias proliférant sur la misère, fondée sur une société très inégalitaire et traversée par les haines entre religions historiquement opposées. Le film est efficace et l'air de rien incorpore des références puisées dans la culture indienne mais au-delà à un fonds désormais commun à l'ensemble de l'humanité.
C'est un thriller et une histoire d'amour. Salman Rushdie aurait objecté que l'histoire est invraisemblable, qu'un jeune des bidonvilles ne pouvait aucunement prétendre à ce type d'exploit. Oui, mais les contes n'ont jamais prétendu à la vraisemblance, mais à l'illustration d'utopies morales.
On apprend par une dépèche du 16 avril que "Le réalisateur de "Slumdog Millionnaire" Danny Boyle a annoncé jeudi que 747.500 dollars seraient versés à une organisation caritative qui se consacre aux enfants des rues de Mumbai (ex-Bombay) en Inde.

Cette somme est accordée à Plan, une organisation internationale qui travaille en Inde depuis 1979. L'objectif est de contribuer à la scolarisation de 5.000 enfants des bidonvilles au cours des cinq prochaines années.

"Ayant tellement profité de l'hospitalité de la population de Mumbai, ce n'est que justice qu'une partie des recettes du film soit reversée à la ville, dans les quartiers qui en ont le plus besoin et là où il peut vraiment changer des vies", explique Danny Boyle dans un communiqué.

"Slumdog Millionnaire", qui raconte l'ascension d'un enfant des bidonvilles, a remporté huit Oscars et récolté plus de 200 millions de dollars de recettes dans le monde.

Un énorme succès qui n'a pas échappé à la polémique, certains accusant la production d'avoir profité de la misère de la population mais oublié de partager les recettes et d'avoir exploité les deux enfants stars du film, Rubina Ali, neuf ans, et Azharuddin Mohammed Ismail, dix ans, qui ont grandi dans un bidonville de Mumbai, à quelques minutes seulement d'un quartier luxueux de Bollywood.

La production a annoncé jeudi avoir désigné trois tuteurs possédant une longue expérience des services sociaux pour gérer le fonds mis en place pour les deux enfants, précisant que les deux jeunes pourraient puiser dans le fonds après l'obtention de leur diplôme après le lycée. Le fonds Jai Ho doit permettre d'assurer que les deux jeunes puissent recevoir une bonne éducation, un logement adéquat et un soutien financier, selon la production qui n'a pas précisé le montant de ce fonds."

Si tous les films qui exploitent les aspects les moins reluisants de l'humanité pouvaient de temps à autre participer à l'allègement des fardeaux, ma foi, on irait au cinéma avec d'autant plus de bonheur.