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vendredi 20 novembre 2020

Une envie furieuse de changer d'air

 


Dans les bois des Géants de Vyrnwy, au Pays de Galles, les visiteurs peuvent trouver une main tendue vers le ciel au milieu de la forêt. Cette sculpture a été réalisée par Simon O'Rourke, un artiste local.. L'oeuvre de 15 mètres de hauteur s'appelle « La main géante de Vyrnwy ». Elle a été sculptée à partir d'un arbre multicentenaire endommagé qui aurait été  abattu sans l'intervention de l'artiste.

Cette main tendue vers le ciel figure -à mes yeux- une sorte d'imploration. Sans doute mon interprétation est-elle due à cette période si confuse, si menaçante (les lois liberticides pleuvent comme à Gravelotte), si incertaine.Une main qu'on tend pour ne pas se noyer, pour ne pas mourir en l'occurrence.

J'ai lu dernièrement quelques livres qui m'ont aidé à supporter les inepties qui nous envahissent l'esprit si on n'y prend garde. J'interromps la radio dès qu'on y parle encore et encore du Covid 19.

Gloria Steinem se  raconte dans"Ma vie sur la route"*, et c'est un formidable témoignage sur les mouvements féministes et antiracistes aux Etats Unis. Elle est née dans une famille un peu bizarre avec un père qui précisément passait son temps dans sa voiture et vivait un vagabondage agrémenté de multiples métiers et inventions et une mère réduite à une forme de pauvreté et empêchée de se réaliser. Gloria se destinait à une vie "normale" mais elle voulait être journaliste et au cours d'un séjour en Inde elle rencontre la puissance des cercles de parole pratiqués par des groupes de femmes pour s'aider à trouver leurs solutions. Cette méthode deviendra pour elle un outil efficace pour les multiples campagnes qu'elle va mener toute sa vie aussi bien pour la défense du droit des femmes que des minorités.Son récit est un formidable témoignage sur les soubresauts que les Etats Unis ont connu dans la dernière partie du siècle précédent. En 1972, elle co-fonde avec la militante afro américaine   Dorothy Pitman Hughes le magazine féministe Ms. 

C'est une figure, voire une icône de la lutte des femmes pour leur liberté. Agée de 86 ans, elle est toujours active même si j'ai cru lire sur ses traits pendant sa prestation à la Grande Librairie une certaine lassitude.

Voici ce qu'elle dit en conclusion du récit de ses tribulations sur les routes.

"Ce n'est qu'à cinquante ans révolus que j'ai accepté de regarder la vérité en face : je souffrais moi aussi d'une forme d'instabilité. Je me plaignais de ne pas avoir de foyer, mais je me cachais toujours derrière ma  méfiance et mon amour de la liberté. (...) Je devais me construire un foyer si je ne voulais pas finir comme lui (son père). La maison est le symbole du moi. Prendre soin de sa maison c'est prendre soin de soi.

Peu à peu les pièces qui me servaient avant tout de bureau et de placard se sont remplies d'objets que j'étais heureuse de retrouver lorsque j'ouvrais la porte . (...) Après quelques mois passés à décorer mon nid, (...) je me suis rendue compte que j'appréciais encore plus de voyager. (...) Je peux partir parce que j'ai une maison qui m'attend . Je peux rentrer parce que je suis libre de partir. C'est l'alternance qui donne toute sa saveur à chacun de ces modes de vie. Cet équilibre est à la fois très ancien et très moderne. Nous avons besoin des deux."

Inutile de dire que je me retrouve parfaitement dans  cette analyse. Mais le confinement après m'avoir permis de me reposer de mes nombreux voyages me pèse désormais surtout en ce mois de novembre qui, heureusement nous fait la faveur de ne pas être trop rigoureux. J'avais prévu quelques échappées. Elles sont remises à on ne sait quand.

Autre lecture, totalement différente, "Vers la beauté toujours" ** un petit opus dans lequel Pascal Dessaint  livre une ode au plaisir de marcher, en montagne de préférence, pour y rencontrer la faune et la flore, se coltiner les montées et les descentes et parfois avoir la chance de contempler un des princes du ciel,  un aigle gypaète.

Pascal Dessaint nous gorge d'appelations ornithologiques, c'est un grand amoureux des oiseaux, mais aussi de l'ours dont le retour dans les Pyrénées semble enfin consolidé, Il marche avec ses amis, ses amours ou seul. . Il marche en philosophe dit-il en ne cherchant pas l'exploit, seulement le plaisir de l'effort récompensé par la beauté du monde, tellement menacée même à très haute altitude par la négligence coupable des promeneurs inconscients.  Marcher un bonheur tellement simple

Marcher, voyager, j'en ai furieusement envie.

*Ma vie sur la route: Mémoires d'une icône féministe, HarperCollins, , 416 p. (ISBN 979-1033902874) (trad. de My Life on the Road , Random House, 2015). Préface de Christiane Taubira

** Vers la beauté toujours Salamandre Pascal Dessaint EAN : 9782889583997 134 pages

Éditeur : Salamandre (03/06/2020)