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vendredi 15 août 2014

L'utilité de l'inutile


 Ce titre est celui d'un ouvrage de Nuccio Ordine publié par Les belles lettres que j'ai lu avec un plaisir d'autant plus aigu que je m'inquiétais justement de"gaspiller " mon temps à mille petits riens dont la somme ne faisait pas grand chose comme on peut s'en douter. En convoquant des auteurs qui ont tous fustigé en leur temps déjà  la course à l'efficacité qui est désormais le credo suprême, Nuccio Ordine dresse un plaidoyer pour défendre ce qui est actuellement menacé, à savoir l'Art et au premier chef la littérature, sans doute pour châtier "ce vice impuni, la lecture" (Valéry Larbaud). Nuccio Ordine souhaiterait imposer aux membres des gouvernements européens "la lecture d'un discours passionné de Victor Hugo à l'Assemblée constituante. Prononcé le 10 novembre 1848, il semble pourtant l'avoir été hier "
Je dis Messieurs, que les réductions  proposées sur le budget spécial des sciences, des lettres et des arts sont mauvaises doublement : elles sont insignifiantes au point de vue financier, et nuisibles à tous les autres points de vue [...] Que penseriez vous, Messieurs d'un particulier qui aurait 1.500 fr de revenus, qui consacrerait tous les ans à sa culture intellectuelle [...] une somme bien modeste, 5 francs, et qui, dans un jour de grande réforme, voudrait économiser sur son intelligence six sous. [...] quel est le grand péril de la situation actuelle? L'ignorance; l'ignorance plus encore que la misère... [...] Et c'est dans un pareil moment, devant un pareil danger qu'on songerait à attaquer, à mutiler, à ébranler toutes ces institutions qui ont pour but spécial   de poursuivre, de combattre, de détruire l'ignorance.   



Le banquet du livre de Lagrasse, un lieu de résistance.
Le thème cette année Qui est nous aujourd'hui ?
J'y suis allée, à la rencontre de quelques-uns de ces lutteurs à mains nues qui tentent de transmettre leur enthousiasme pour le savoir.
Ainsi Didier Daeninckx   nous a conté avec une verve savoureuse, les péripéties d'un personnage dont j'ignorais tout, Maxime Lisbonne (1839-1905) et avec lui toute une partie de notre histoire dont celle de l'écrasement de la commune par les Versaillais, la déportation en Nouvelle Calédonie, puis, de retrour à Paris la création du théâtre des Bouffes du Nord. (Le banquet des affamés)
Il a présenté dans un deuxième temps ses recherches qui ont donné lieu à quelques résurgences miraculeuses de documents enfouis pour alimenter le "docuroman" consacré à Missak Manouchian (Missak  éditions Perrin, collection Singulier). De Manouchian on a surtout retenu la lettre à Mélinée immortalisée par Aragon et Léo Ferré, Didier  Daeninckx donne à Misak toute sa pleine mesure d'athlète, de poète, d'amoureux de la vie et de la liberté. 

Patrick Boucheron, avec sa faconde et son humour rameute une troupe compacte d’aficionados de ses tours de muleta avec l'histoire qu'il convoque en citant abondamment les auteurs et cette année en interrogeant l'itinéraire de Dante et de sa "Divine comédie". Mais si Dante est son repère premier il digresse comme bon lui semble. Ainsi nous  livre t-il  la véritable histoire des Bourgeois de Calais qui n'ont en fait subi aucun martyr mais simplement procédé à une mise en scène de la capitulation, rituel de reddition ordinaire en ces temps de perpétuels affrontements entre puissances adverses.


Entre chaque séance de lecture on s'installe dans le jardin où sont dressées des tables pour des assemblées de convives où se retrouvent les habitués en proximité (mais sans mélange ) avec les auteurs. Ici Gilles Hanus avec des amis et en fond de scène mes amis que je ne vois guère autrement qu'au banquet.


Les lectures du soir à 21h30 ne sont pas toujours de mon goût. Je tairai le nom d'un écrivain qui m'a fait fuir au bout de dix minutes. Il fallait s'accrocher un peu quand Maylis de Kerangal nous a embarqués dans la salle d'opération où sont prélevés les organes pour les greffes (Réparer les vivants, Ed Verticales). Une écriture au scalpel si j'ose cette facilité.
Au Banquet, nous rencontrons des philosophes, des historiens, des romanciers. Cette année, Pierre Assouline venait pour la première fois. Quand il a demandé à l'assistance si quelqu'un tenait un blog, je ne me suis pas manifestée. Peut-être aurais-je été la seule, peut-être non. Le titre de son intervention "la conversation numérique ou la névrose du commentaire infini", a fait réagir les habitués de la République des livres, où s'affrontent des accros de la joute par commentaires interposés qui s'évadent assez rapidement du sujet du jour pour tourner en dérision systématique les uns et les autres et même atteindre souvent le point Godwin. Assouline a rendu compte de son passage à Lagrasse sur son blog  et a fait ainsi exploser le compteur des commentaires. Comme il en est le modérateur, il dit passer plus de 4 heures par jour à s'assurer qu'il n'y parait rien de répréhensible. Ouch! Quel boulet!  

Il a fait plutôt froid, ce qui changeait de l'habituel cagnard qui sévit à cette époque. Contrairement à mes habitudes, je ne me suis pas baignée dans l'Orbieu dont les eaux sont si claires, sauf le dernier jour, parce que tout de même ...

 Je n'ai ici qu'à peine effleuré le propos, mais vous pouvez retrouver quelques uns de ces vaillants résistants grâce aux captures vidéo. 
Pour conclure, j'emprunte à Françoise Valon qui  chaque année explore la thématique avec Platon, ( cette année, Les Lois), la citation de Paul Valéry qui a clôturé son séminaire
"o' mon coeur, deviens intrompable cristal auquel la lumière s'éprouve".


Photos ZL

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