vendredi 24 octobre 2025

L'EmanciPASSION



J'entre dans une nouvelle aventure, avec gourmandise.

Pierre, de l'Usinotopie , a lancé un projet de tiers lieu culturel l'EmanciPASSION  installé dans les locaux des Plasticiens volants, une ancienne mégisserie désaffectée dont les bâtiments sont adaptés à la création des sculptures aériennes gonflables avec lesquelles ils créent des dramaturgies proposées au public du monde entier. 

Pierre donc, après quelques consultations auprès des habitants, a proposé afin de commencer à donner chair à ce projet de mise en lien des artistes avec les habitants sur la ville et au-delà, de participer à La fête des possibles.   

 


 Quelques présentations en préalable

"L’UsinoTOPIE est une fabrique des arts de la marionnette, aujourd’hui implantée à Graulhet après dix-huit années d’aventure à Villemur-sur-tarn. Elle se consacre à la création, la transmission et l’accompagnement des projets marionnettiques, en cultivant une approche singulière : expérimenter, chercher des formes nouvelles, encourager les rencontres et tisser des liens sur le territoire. En dialogue étroit avec l’EmanciPASSiON, tiers-lieu artistique et citoyen en gestation, l’UsinoTOPIE avance pas à pas : avec humilité mais avec une détermination profonde, fidèle à une posture de résistance douce et à l’envie de faire germer d’autres manières de créer et de partager." (Extrait du site)

Le projet de la Fête des Possibles est porté par le Collectif pour une Transition Citoyenne et ses organisations membres et partenaires. La Fête des Possibles ce sont des centaines d’évènements organisés chaque année partout à travers la France et la Belgique pour rendre visibles toutes les initiatives citoyennes qui construisent une société plus durable, humaine et solidaire. (Extrait du site).

En l'occurrence celle de Graulhet s'est tenue du 8 au 12 octobre. Le programme a été bouclé en à peine deux mois. En participant à son élaboration, j'ai eu le plaisir de découvrir la richesse du réseau d'artistes du territoire et ainsi de tisser des liens avec quelques uns d'entre eux. J'ai découvert les créations d'Isabelle Guérin qui exposait au sein du lieu de l'EmanciPassion. Je lui ai demandé une reprographie du tableau ci-dessous. Elle en vendait au cours de son exposition, plus accessibles aux bourses plates, mais celle-ci n'existait pas. A suivre


La photo n'est pas excellente mais l'humour est intact @ ZL

Dans le même espace Ugo Ratti exposait ses sculptures sur bois. Il m'a confié qu'il aimait particulièrement travailler le buis. Ci-dessous un exemplaire avec en arrière plan une peinture d'Isabelle.

Le buis travaillé par Ugo Ratti @ZL

Les clowns crieuses ont animé le marché avant et pendant les journées de la fête. Elles ont séduit petits et grands pour les informer de tout ce qui se passait dans leur ville

Clown un jour, clown toujours @Pierre Gosselin

Jess Bird avait affiché de grands calicots porteurs de  poèmes sur les fenêtres d'habitants volontaires. Une vingtaine de ces messages ont circulé ainsi dans la tête de ceux qui la levaient vers le ciel. 


Jess Bird, diseuse des possibles @Pierre Gosselin

La soirée inaugurale a drainé un public d'aficionados de Bal Trad et particulièrement de l'accordéoniste Rémi Geoffroy. Nous avons été stupéfaits et ravis de voir arriver plus de 250 personnes qui ont envahi la piste dès qu'il a émis ses premières notes et ne l'ont quittée que lorsqu'il est venu jouer au milieu des danseurs une mazurka clôturée par une délicate coda.  
 
Il ne m'est pas possible de rendre compte de toute l'effervescence poétique qui a surgi au sein des multiples lieux partenaires, juste les citer ici : l'Autrucherie, librairie café où j'ai eu le plaisir de présenter mon livre, le Labo M où Les Vidéophages nous ont offert une série de courts métrages dont un absolument hilarant intitulé "Rien de grave" un menuet,  musique de Lulli, dansé par huit couples,  avec toute la componction nécessaire mais sur un parquet boueux, avec un maître de cérémonie impitoyable qui relance la musique dès qu'elle s'arrête. Totalement burlesque et irrésistible. 

L'Uzine  a accueilli Anne Maitrejean en concert, puis un repas partagé la Soupe aux cailloux,  et enfin le Little Big Circus dont je ne peux rien dire, j'étais partie me reposer.
La Calida offrait un thé et de délicieux gâteaux pour mieux faire connaître ce hammam, situé en centre ville et très accueillant. Je n'ai hélas pas eu le temps d'en bénéficier, mais ce n'est que partie remise.
 
La Calida @ZL


La Closeraie accueillait les vitraux de Nicole Teulière-Assémat et a offert scène ouverte aux musiciens.

Nicole Teulière @oeildepierre


Dans les locaux de l'EmanciPASSION, j'ai fait une courte présentation de l'économie solidaire suivie d'une Causerie  avec Nicolas Roméas et la Clown Lamelle (cie In Girum). C'était un essai à vrai dire un peu étrange. Le propos était centré sur l'Art et Nicolas l'a introduit avec beaucoup de sérieux tandis que la clown l'interrompait chaque fois qu'elle considérait qu'il l'était trop, sérieux. Il y a eu quelques échanges mais nous en sommes sortis un peu perplexes, après avoir essayé d'approfondir la question centrale "qu'est-ce que l'Art". Pas facile !    

Le carnaval a été un moment fort. Déployées sur la place centrale de la ville les créatures des Plasticiens volants ont succédé à la Chorale explosive "La Rugissante" 20 voix et un accordéon pour un tour du monde vocal sous la houlette de Natacha Muet. Toujours un bonheur de les écouter même si ce n'est pas la première fois, j'y compte plusieurs amies chères.  
Je m'étais engagée à manipuler une de ces grosses bébêtes, la fourmi. Je me suis beaucoup amusée à  arracher des sourires sur des visages fermés et à jouer avec les enfants qui prenaient les antennes de la fourmi pour une queue du Mickey (celle qui m'échappait toujours quand j'étais petite). 

Une fourmi prêteuse et une chenille gourmande @Dominique Lassalas

 

La tortue volante @Dominique Lassalas
 
Nous avons quitté la Place, en cheminant dans les rues étroites, veillant à ne pas abimer nos belles baudruches pour rejoindre le Labo M, où elles ont été vidées et réduites en un amas de dépouilles dans la cour avant d'être embarquées pour rejoindre leur port d'attache.   
La salle du bar était  bondée, le concert de Paul Val était attendu, un vrai rock'n'roll avec des riffs de guitare éblouissants. Je me suis repliée sagement sur la terrasse, le temps était doux et les décibels moins meurtriers, j'ai fait quelques incursions dans la salle après avoir dégusté un délicieux curry, la musique était vraiment bonne.  




Le lendemain, jour de marché Elise et Dominique ont distribué les soupes qu'elles avaient concoctées la veille dans d'énormes faitouts. Elles ont eu un franc succès.

Les sorcières Elise et Dominique devant leurs chaudrons @ZL

Très beau final (...) avec Marie Guerrini et Loïc pour "Brins d'herbes entre les lattes du plancher" et en suivant avec Lakhdar Hanou, le duo La Kahina et leurs invité.e.s, Michele Martin et Frank pour "L'écho des terres en lutte" et avec la participation de l'association BDS et Solidarité Migrants. Pour finir dans la convivialité et le partage on a dégusté les délicieuses soupes préparées par Elise et Dominique. Dixit Pierre Gosselin

La lumineuse Marie Guérini @Pierre Gosselin



Le duo La Kahina @Pierre Gosselin


Dans une époque où la culture est malmenée, particulièrement en milieu rural, ce sont les citoyens qui essaient de la maintenir. Ce n'est pas facile. L'ensemble a été généreusement organisé par les l'Usinotopie et les Plasticiens Volants, particulièrement Pierre Gosselin qui a endossé le risque financier puisque les artistes ont été rémunérés et les recettes uniquement engrangées par la participation libre. Grâce aussi à Luc Labry, un artiste de la logistique sur la brèche en permanence, avec un indéfectible sourire. Mais également grâce à la participation de tous les bénévoles, sans cela la fête des possibles n'aurait pas eu lieu. La plupart de artistes sont tarnais même s'ils se produisent bien au-delà du département.
Dois-je insister sur l'intense plaisir que j'ai pris à participer à cette aventure qui outre les émotions vécues pendant toute la durée de la fête, m'a ouvert un réseau que je ne soupçonnais pas. Un bel ancrage dans cette ville dont je découvre le potentiel chaque jour et l'EmanciPASSION a vocation à se développer. J'y aiderai à ma modeste mesure.

dimanche 14 septembre 2025

Comment les faire disparaître

 Une série de lecture cet été m'a conduite sur les chemins escarpés de l'abus de pouvoir des hommes s'exerçant au détriment de leur "moitié" . De fait elles ne sauraient être entières et si elles s'avisent de l'oublier les mesures coercitives sont là pour les remettre dans le droit chemin. 

Commençons par Ilaria 


Un père enlève sa fillette, huit ans, dans l'espoir d'obliger, la mère de l'enfant à reprendre la vie commune. La petite fille est embarquée dans un périple hasardeux dont elle ne comprend pas les raisons auprès de son père qui l'aime à sa façon absurde, mais bois et fume trop et s'entête à poursuivre sa femme de coups de fil sans jamais la laisser parler à l'enfant. On pense à tous ces mômes brinqueballés entre leurs deux parents voire leurs grands-parents et torturés par leur devoir de loyauté.

Poursuivons par Mon vrai nom est Elisabeth.  




L'autrice craignant d'avoir hérité de la schizophrénie de son arrière grand-mère se lance dans une recherche pour mieux connaître Betsy, le surnom de celle-ci, en interrogeant ses descendants. Une enquête douloureuse et complexe, tant Betsy a été enfouie dans un de ces secrets familiaux qui sont par définition difficiles à porter à la lumière. Tout en cherchant, elle découvre les méthodes barbares utilisées pour "ramener les femmes à la maison" et les rendre compatibles avec ce que la société attend d'elles : de bonnes ménagères s'occupant de leurs enfants. Pour celles que ce programme ne réjouit pas et qui cherchent à s'en échapper, il y a la lobotomie, une méthode épouvantable inventée par un médecin américain, pratiquée en France de 1945 à 1955 qui a pour objectif "non pas de guérir mais de contenir", il ne s'agit pas de modifier une personnalité normale,    il s'agit de modifier une personnalité anormale pour essayer de la rendre normale". Cette opération qui consiste à amputer le lobe frontal en le traversant de part en part est pratiquée à la demande de l'entourage, en l'occurrence du mari, l'avis de la patiente ne valant rien. Le livre extrêmement documenté est à la fois un témoignage sur les violences faites aux femmes jusqu'à la moitié du XXe siècle, (sachant qu'il existe désormais la camisole chimique) et le parcours d'une femme, l'autrice, pour conjurer sa peur de devenir folle comme un héritage génétique. 

Compte tenu des dangers encourus dans l'univers familial, comment s'en prémunir? J'ai eu le plaisir d'entendre Blandine Rinkel présenter La Faille au Banquet du Livre de Lagrasse. Le titre est dû au fait que Blandine a remarqué que lorsqu'elle écrit famille le m est aplati au point de disparaitre.  

 


Comment se fait-il que quitter sa famille provoque "un immense soulagement et, plus secrète, une profonde joie" . Blandine Rinkel traque à l'aide d'exemples tirés de la littérature ou du cinéma, la toxicité des situations familiales qui piègent dans leur univers clos ceux qui s'y sentent contenus, contraints, obligés, voire malmenés, violentés.  A la famille conformiste elle substitue la "meute" de complices avec qui rire d'un vrai rire,  pour partager un écart avec la norme, parce qu'elle nous effraie ou nous ennuie, nous indiffère ou nous afflige. "Rien, vraiment, n'est plus difficile que le vrai rire, mais aucune qualité n'a de plus grande valeur. C'est un couteau qui retranche autant qu'il donne forme" écrit Virginia Woolf . Et l'amour, non pas une manière de poursuivre la famille par d'autres moyens , mais au contraire une façon de rompre les amarres sans faire naufrage. Elle écrit pour "celles que le groupe a expulsées ou qui le rejettent pour des raisons intimes, politiques ou métaphysiques [...] celles qui tout en aimant leur foyer s'y sentent parfois piégées [...] toutes celles qui doivent couper pour rester vivantes.
Ce que n'a pu faire Betsy Elisabeth.

Une autre invisibilisée maintenant, madame Orwell. 



Oui la femme du si célèbre auteur de La ferme des animaux et de  1984. Je vais confier à l'autrice elle-même le soin de parler de son livre en soulignant seulement ici qu'elle a eu l'idée d'écrire cette biographie romancée après avoir découvert qu'aussi bien dans les écrits d'Orwell que dans les biographies qui lui sont consacrées, Eileen O'Shaughnessy n'apparaît pas. Elle a pourtant vécu avec le grand écrivain à Barcelone en étant responsable d'un poste de secrétariat à la communication du POUM et à ce titre exposée, courageuse et très aidante pour son mari. Rien ne laisse soupçonner sa présence dans "Hommage" à la Catalogne". Anna Funder a dû collationner d'autres témoignages pour reconstituer l'épisode. De retour en Grande Bretagne Eileen renonce à sa vie confortable de Londres pour suivre George dans la ferme perdue au milieu de nulle part. Elle assure l'intendance dans la journée et tape le manuscrit de l'écrivain le soir venu. C'est elle aussi qui établit les relations avec le milieu de l'édition et entretient la vie sociale de son bourru de mari. Elle qui le soigne alors qu'il est tuberculeux etc. Citons ici le commentaire d'Anna Funder. "Devenue écrivaine et épouse, je me prends à envier ces grands écrivains, ces misogynes du milieu du XXe qui s'ignoraient (insérez  ici à peu près n'importe quel nom de grand écrivain de l'époque). [...] Tant de ces hommes ont bénéficié d'un environnement social qui défiait à la fois la morale (il avaient un "deuxième bureau comme disent les Africaines, entendre une, voire plusieurs maîtresses), et les lois de la physique, car le travail invisible, non rémunéré d'une femme créait pour eux le temps et l'espace  - propre, chauffé et ordonnée - pour qu'ils puissent travailler (:75)  
Croit-on que cela a vraiment changé ? Je peux témoigner que pour ce qui me concerne la charge mentale et l'intendance ont beaucoup rogné sur mon temps d'écriture et Anna Funder semble elle aussi le déplorer. La lecture de ce livre est particulièrement édifiante. On y apprend notamment le procédé pour invisibiliser les femmes. Utiliser le forme passive pour décrire ce qu'elles ont accompli. Le miracle a eu lieu mais on ne sait rien de son origine. Fortiche !  

Un petit dernier ?


Ce livre s'est arraché paraît-il cet été et on pouvait le voir entre les mains des allongé.e.s sur les plages. C'est une amie qui me l'avait conseillé. En fait il s'agit d'une série plutôt addictive
En France, il s'est vendu à plus de 630 000exemplaires en 2024 et constitue le best seller de l'année.
Ecriture très simple, drôlerie de Millie (c'est son nom) et intelligence d'une intrigue de thriller, je ne crois pas me tromper en supputant que son succès est dû à son propos central. L'héroïne se retrouve sans cesse dans une situation de violence conjugale super sophistiquée où elle intervient parce qu'elle ne peut faire autrement. Elle sauve des femmes du désastre et lui sont ensuite adressées des malheureuses en quête de sauvetage. Pour les lectrices, un baume sur leur éventuelle amertume.   
  

lundi 21 juillet 2025

Déjouer le retour de Matin brun

 Mon dernier post remonte à avril. Je m'en étonne, mais en fait, je me suis tenue à l'écart de ce blog pour de multiples raisons, s'alimentant les unes les autres. Essayons de les nommer sans les hiérarchiser d'aucune façon.

Les travaux à la maison et au jardin. Après le long sommeil de l'hiver, il fallait tailler, planter, soigner les existants et inventer de nouveaux parterres. Pour cela, faire de nombreux aller-retours vers la déchetterie pour évacuer branchages et autres verdures immolées au profit de certains choix : capucines, ipomées, rosier grimpant, pour coloniser un mur mitoyen assez laid après l'avoir chaulé. Quelques pieds de tomates et quelques laitues (mes légumes me viennent d'une AMAP dont les producteurs sont des copains et sont plus doués pour ce genre de travail que moi) et de nouveaux fruitiers (pommiers, cerisier, kiwi). Poser un plancher sur un sol carrelé assez moche et de surcroît froid en hiver. Créer une tonnelle que nous n'avons utilisée qu'une fois lors du passage d'amis tellement il a fait une chaleur insupportable depuis plusieurs semaines, ce qui signifie arroser tous les soirs tous ces nouveaux venus (merci le puits). Ne parlons pas de la remise en état de l'abri à bois et last but not least de l'organisation du remplacement du poteau électrique par un enfouissement avec création d'une tranchée ( réalisée par un professionnel fort heureusement).

Le seringua
Les pavots 

Le rosier ressuscité après son dégagement du fouillis prévalent


La splendeur de l'albizia


Préparation du remplacement de la ligne EDF aérienne par son enfouissement

Quelques déplacements  : à Lyon d'abord pour le colloque annuel du Réseau interuniversitaire de l'économie sociale et solidaire dont je suis toujours membre du comité scientifique, cette année intitulé l'ESS au travail. L'occasion de retrouver les collègues que je ne vois qu'une fois par an et me replonger dans ce qui a été le point central de ma vie professionnelle. 

Puis Paris, pour un échange France Brésil de chercheurs au CNAM. Hélas l'organisateur qui est un ami alternait sa présence au colloque avec l'hôpital où sa compagne en soins palliatif s'approchait du départ définitif qui a eu lieu quelques jours après. Dans le même temps j'apprenais le décès de la compagne d'un autre de mes amis. Je n'ai pu assister à aucune des funérailles.   

La fontaine du square devant la Gaîté Lyrique (Paris) et du restaurant du même nom où nous prenions nos repas

Royan où j'ai assisté à l'anniversaire des 50 ans de ma nièce, laquelle se bagarre avec une sale maladie, mais s'est lancée dans la musique et nous a régalés en chantant avec le nouvel orchestre qu'elle a constitué. J'ai profité de ma venue  pour marcher dans l'eau mais pas davantage, il faisait trop froid (début juin). 

La plage de Royan (17) au crépuscule 30/05

Enfin la Méditerranée pour une réunion familiale et mon premier bain de l'année dans la mer et peut-être le seul, je ne suis pas sûre d'y retourner.

Le symbole. Mèze (34) 10/07

Au nombre des mauvaises raisons, la maussaderie d'une époque très anxiogène. La géopolitique est de plus en plus absurde. La répression et la guerre sont sans cesse à l'agenda. Les médias nous saturent de chiffres terribles sachant que les chiffres recensent des chairs meurtries, des cadavres qui s'empilent, la haine qui bave aux gueules de nos puissants. Les cessez-le-feu restent lettre morte, pendant que les enfants meurent sous les bombes ou de faim 

Notre gouvernement martèle, après avoir largement gaspillé l'argent public, que les citoyens doivent accepter une période d'austérité qui, comme d'habitude ne touchera que les pauvres et les classes moyennes pendant que les cumulards du profit continueront à engranger toujours plus. Cerise sur le gâteau une loi (Duplomb, porte bien son nom) qui rétablit le droit d'utiliser des pesticides destructeurs de vie, pas seulement des insectes ce qui est déjà une stupidité puisque c'est sans distinction entre les  nuisibles et utiles, mais pollueurs des terres, des eaux et des végétaux nourriciers et par là même des humains. Votée sans consultation des agriculteurs sauf la FNSEA, un syndicat des agroindustriels qui se fichent totalement des conséquences mortifères de leurs pratiques. Une pétition lancée par une étudiante a rassemblé plus de 1500 000 signatures. Cela devrait enclencher un débat public à l'Assemblée sauf si, comme ça devient généralisé dans le monde, les règles constitutionnelles ne  sont pas respectées.

Heureusement il reste des plages de plaisir en attendant le retour de Matin brun.

En voici quelques images, sans commentaire

Le clown Jacques du cirque Circ'hulon, dans la tradition des Laurel et autre Hardy en plus bavard.26/06

Le Tarn au crépuscule vu de la passerelle vers le rendez-vous de " Pause guitare" pour assister au sublime concert de Sting. Beaucoup (trop) de monde. 04/07
 

Marion Poëssel au saxo dans un concert  époustouflant de la "LOVEZONE" 06/07  


Le spectacle des Plasticiens volants "L'étranger. Voyage en absurdie" une fable poétique sur l'exclusion et la différence 

Dernier plaisir en date, la sortie de résidence d'un groupe d'artistes (dont le fiston) dans un très bel endroit de ruralité profonde. Le lieu, un hameau restauré, accueille une fois par an une résidence d'artistes qui se conclut par un spectacle élaboré pendant les 10 jours de la résidence par les artistes  (musiciens, danseurs, vidéastes ) qui ne se connaissaient pas auparavant. Le résultat est stupéfiant de beauté. Il est précédé d'un "apéro musical" . La générosité des accueillants fait chaud au cœur. Deux cents personnes étaient présentes avec beaucoup de jeunes enfants. 

Le buffet attend les visiteurs


Installés en attendant le show

Tant de belle effervescence ! Allons, continuer à l'espérer ce monde meilleur.


mardi 15 avril 2025

Les yeux ouverts

 


Dans les entretiens qu'elle avait accordés à Matthieu Galey, Marguerite Yourcenar (1903-1987), qui fut la première femme à entrer sous la Coupole, retraçait  l'itinéraire d'une existence voyageuse et mouvementée, de son enfance flamande, avant la guerre de 1914, auprès d'un père d'exception, jusqu'à sa retraite des Monts-Déserts, sur la côte Est des États-Unis. (Quatrième de couverture)

C'est une bourrasque de culture, un florilège de pensées aigües et sereines sur la vie, la mort. Hélas, le livre n'a pas été écrit par Marguerite mais par Matthieux Galey et  Yourcenar n'a pas aimé sa publication, d'autant que la couverture donnait à penser qu'elle en était l'auteur alors que la rédaction en revient à Matthieux Galey . Il s'en est suivi une brouille définitive.

Il n'empèche, ce livre donne à connaître l'univers de MY, ses travaux pour l'élaboration de ses livres, les multiples références historiques qui sont à la source des personnages d'Hadrien et de Zénon. Il faut supposer que les propos rapportés sont bien ceux de Marguerite qui a considéré qu'elle s'était trop mise à nu au cours de ces entretiens et que le sieur Galey s'était surtout intéressé à ce qu'il cherchait à savoir lui, et non à ce qu'elle souhaitait, elle, dire . 

J'ai noté en tout cas quelques unes de ses phrases  qui ont fait mon miel. Je me limiterai ici, mon petit carnet en contient beaucoup plus.

"Quand on aime la vie, on aime le passé parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire" (31)

"Très petite, j'ai eu [...] le sentiment qu'il fallait choisir entre la religion, telle que je la voyais autour de moi, donc la religion catholique et l'univers; j'aimais mieux l'univers. (41) J'ai éprouvé cela. 

"En somme, l'écrivain est le secrétaire de soi-même. Quand j'écris, j'accomplis une tâche, je suis sous ma propre dictée, en quelque sorte; je fais la besogne difficile et fatigante de mettre en ordre ma propre pensée, ma propre dictée".(147Besogne o' combien difficile, en effet.

J'étais à Paris la semaine dernière. Je n'ai pas pu voir l'expo Suzanne Valadon; comme d'habitude, je n'ai pas pensé qu'il fallait réserver à l'avance. Heureusement  c'était le premier jour pour  "Le Paris d'Agnès Varda"   au Musée Carnavalet. Je n'ai pas pris de photos, trop de monde et puis beaucoup étaient en petit format. En revanche, certaines étaient exposées en grand format sur les grilles de la Gare de l'Est. 

Où s'exprime l'influence des surréalistes


   
Les Cariatides femmes tiennent leur rôle dans la légèreté selon Varda

J'ai visité Notre Dame en m'y prenant très tôt le matin, plus tard la queue est dissuasive. J'en avais gardé un souvenir flou ne l'ayant fréquentée que pour y assister à un concert, la Missa Solemnis  de Beethoven, il y a fort longtemps. C'est en effet impressionnant de beauté. 


Difficile de capter la lumière


Je suis allée marcher aux Tuileries qui m'étaient si familières quand j'habitais à proximité. J'ai été troublée par la taille hyper rectiligne des arbres, moi qui vit dans un fouillis d'arbres et d'arbustes laissés pour la plupart à leur libre épanouissement. Ah, les jardins à la française ! Ce n'est pas exactement mon paysage favori.  



 Vu "Lire Lolita à Téhéran." le film tiré du roman éponyme d'Azar Nafisi. L'ami qui m'accompagnait a estimé qu'il faisait valoir un point de vue trop occidentalisé. Le Masque et la plume l'a plutôt assassiné. Moi, j'ai apprécié cette histoire de femmes qui résistent grâce à la littérature. Le film repose sur les merveilleuses actrices iraniennes dont en premier rôle Golshifteh Farahani qui a dû elle-même s'enfuir d'Iran parce qu'elle avait refusé de porter le voile au cours d'une présentation de film. Le livre a été très controversé à sa sortie, notamment parce que selon certains de ses détracteurs (des hommes) il donne une image falsifiée de l'Iran et prête le flanc à une intervention américaine dans la région. Je n'y ai vu que la biographie d'une Iranienne qui espérait que la révolution contre le Shah allait transformer le pays pour le meilleur et qui a souffert une grave désillusion et a dû partir pour sauver sa vie.  Dans un de ses témoignages, Golshifteh Farahani exprime cet impossibilité de vivre l'exil sans être obsédée par ce qui perdure en Iran, la violence faite aux femmes et aux opposants.

Garder les yeux ouverts alors qu'on est tenté d'adopter la formule des trois petits singes pour tenter de conserver un peu de sérénité et d'espoir.


mercredi 12 mars 2025

Sauver les forêts

 Je viens d'achever la trilogie "Encabanée, Sauvagines, Bivouac" de la Québécoise    Gabrielle Filteau -Chiba






Etonnante histoire que celle d'Anouk (Gabrielle)  qui après des études qui l'ont menée vers une carrière pourvoyeuse d'un bon salaire décide de quitter son bureau cosy mais dont la fenêtre donne sur un mur. Elle fuit Montréal et et et acquière un bout de forêt avec une cabane sommaire, s'y installe pour quelques jours et finalement y habitera pendant huit ans. La première année est une épreuve extrême : résister au froid terrible qui frise les moins quarante dans une installation plus que rudimentaire, s'accoutumer aux hurlements des coyotes qui deviennent un chant, repérer les traces d'ours, cueillir des aromatiques avec précaution  en évoquant la mort du héros de "Into the wild" et tenir un journal illustré par endroit de dessins de plantes qui servira à rendre compte de cette expérience extrême. 
Le second opus commence par l'histoire d'une femme, Raphaëlle, garde forestière aux prises avec un braconnier sanguinaire qui tue la faune pour les fourrures alors qu'elle est protégée par des quotas.  Raphaëlle  rencontre Anouk , elles partagent leur désir d'une vie proche des arbres et des animaux . Elles vont s'allier pour résister à la violence perpétrée par un homme sans scrupules.
Le troisième opus les conduit vers une ferme où sont installés des clandestins de la lutte contre la construction d'un oléoduc dans les terres du Bas-Saint Laurent.
Les trois livres sont une ode à la beauté du monde qu'une poignée d'humains tentent de sauver du saccage perpétré par le capitalisme cynique et absurde. Et un tribut aux Peuples Premiers et leur mode de vie respectueux de la terre. Construits comme des thrillers, dont je prend la précaution de ne trop rien  révéler ici, les trois opus sont écrits dans une langue qui fourmille d'expressions québécoises savoureuses (un glossaire permet de les déchiffrer quand elles sont trop particulières). C'est une apologie de la vie en harmonie avec la nature basée sur une sobriété alliée à la connaissance des plantes et des saisons. Un héros particulier de la trilogie "Gros pin"  est un arbre multi centenaire, sans doute le dernier survivant de la forêt primaire. Les deux jeunes femmes lui rendent visite pour y retrouver une sérénité que les événements qu'elles subissent met à mal. Il est lui aussi menacé de destruction par les pelleteuses qui arrachent les arbres sur le tracé prévu pour faire passer le gaz de bitume, cette saloperie qui pollue tout sur son passage. 

Coïncidence que cette lecture avec l'annonce de la décision du tribunal administratif de Toulouse d'annuler la poursuite des travaux de l'A69. Le combat des "Ecureuils" pour sauver les arbres a porté ses fruits. L'Etat demande la suspension d'exécution en attendant le procès en appel. 
Rien n'est gagné en l'occurrence mais c'est une jurisprudence qui devrait incliner désormais à la prudence, justement, avant d'entamer ces grands travaux inutiles destructeurs de terres agricoles et de biodiversité. Le coût du péage est si élevé que l'usage de l'autoroute sera réservé aux privilégiés. Les autres seront pénalisés par les détours nécessaires à éviter l'A69.
Je suis personnellement concernée parce que ma petite colline est située à 5 kilomètres à vol d'oiseau d'une usine à bitume prévue pour la mise en œuvre de l'autoroute. Les écoles sont encore plus proches. Certains maires se sont battus pour refuser ces implantations (3 en tout). D'autres n'ont pas résisté à l'appel du gain.  Les municipales approchent, on espère qu'ils seront sanctionnés.     


     Revenons en littérature avec une découverte pour ma part, Martha Gellhorn  une journaliste (également écrivaine) qui a couvert la plupart des grands théâtres de guerre du XXème siècle. Un tempérament comme on dit, libre jusque dans la mort qu'elle s'est donnée elle-même, se sachant atteinte d'un cancer, en avalant une capsule de cyanure de potassium. 
  
Martha Gellhorn et Ernest Hemingway en Chine durant la guerre sino-japonaise (1941).

Je viens de lire Mes saisons en enfer, cinq voyages cauchemardesques une autobiographie de cinq de ses voyages (elle n'a pas cessé de voyager toute sa vie et affirme avoir visité plus de 50 pays, notamment en tant que journaliste correspondante de guerre). 
La Chine en compagnie d'Hemingway qui l'a suivie à contre cœur, ils étaient alors mariés (1940 - 1945), qu'elle ne nomme que par deux initiales CR "compagnon réticent". Ils s'étaient liés après avoir participé en Espagne à la guerre civile dont elle couvrait les événements. Cette fois c'est à l'époque de la guerre sino japonaise mais ce n'est pas tant cela qui en fait un enfer mais l'état de pauvreté, de saleté et le climat qui lui rendent le pays insupportable, auxquels s'ajoutent les difficultés du voyage entre les différents lieux qu'elle veut / doit voir,  avec des engins délabrés et des routes défoncées. Elle déchiffre mal les comportements de ses interlocuteurs qu'elle dépeint avec humour et humeur. CR chaque fois qu'elle se plaint lui rappelle fort justement que c'est elle qui a voulu venir, tout en honorant, vaillamment lui, l'alcool de riz qu'on lui sert sans restriction (il est notoire qu'Ernest était un alcoolique qui n'hésitait pas à relever des défis à cet égard et les gagnait). Après ce voyage chaotique, Martha se promet de ne jamais plus inviter qui que ce soit à partager ses pérégrinations.
Le second voyage l'emmène dans la mer des Caraïbes à la poursuite des redoutables sous-marins nazis. Elle avait acheté en 1939 une maison à Cuba qu'elle avait rénovée et occupée avec EH. Elle est désormais un musée consacré à EH. Là elle affronte la mer déchaînée ou au contraire l'absence de vent qui rallonge le temps de déplacement prévu et le risque de finir coulée par un des U Boots nazi.
Le troisième, son épisode africain m'a particulièrement touchée, notamment ses péripéties en Tanzanie dans les grandes réserves qu'elle traverse avec un jeune guide absolument incapable, qui lui laissera à charge tout ce dont il était sensé s'occuper. En dépit des nombreux aléas -dont le comportement du jeune homme qui ne conduira à aucun moment la jeep) elle décrit son éblouissement à la rencontre de la faune, girafes, gazelles, éléphants, lions et oiseaux de toutes sortes.(C'est un des plus beaux souvenirs de voyage pour moi aussi). De retour au Kenya,  elle a tant aimé les plages de Mombasa  qu'elle s'est fait construire une maison dans le Rift où elle séjournera pendant sept ans. 
Son enfer suivant se situe à Moscou. Elle y vient à la rencontre d'une écrivaine veuve  du poète Ossip Mandelstam victime des purges staliniennes. C'est la résignation de tout un peuple qui la met en fureur, les conditions de vie misérables et la peur lancinante des dénonciations.
Enfin Israël la met en présence de jeunes insouciants ennuyeux qui "s'éclate sur les plages en fumant des joints et ont des conversations pauvres à mourir. 
Ce roman autobiographique est un florilège d'observations sur l'ordinaire humanité et ce qui rend si difficile la rencontre de l'autre dans son univers trop éloigné de celui qui nous est familier. Tout en se défendant d'un racisme ordinaire (elle s'est frottée à tant de situations ) elle exprime ses propres réticences notamment son goût de la propreté est sans cesse mis à mal dans les lieux où elle atterrit. Beaucoup de commentaires pertinents sur les insanités politiques qui s'exercent un peu partout sur la planète et beaucoup de ses constats sont plus que jamais encore d'actualité, en pire.      

J'ai été ravie que le jeune Abou Sankare soit récompensé d'un César. Cet honneur lui est de moindre importance,  ce qui compte pour lui, c'est d'avoir obtenu son permis de séjour afin de sortir de cette prison dans laquelle il se sentait enfermé en étant sans papiers. 

Dernier film particulièrement impressionnant Black Dog  du cinéaste Guan Hu.  Un repris de justice revient dans son pays après 10 ans d'absence. Engagé dans une brigade chargée d'attraper des chiens errants, il rencontre un chien particulièrement redouté car soupçonné d'être porteur de la rage. C'est une histoire d'amour entre un homme esseulé mais puissant et un chien aux abois. Les paysages du désert de Gobi sont extraordinaires, l'histoire est une sorte de western sans esbrouffe, qui souligne le besoin d'empathie des êtres vivants   


A propos d'errance, je viens d'adopter un chaton égaré chez une amie qui en ayant deux ne souhaitait pas se charger d'un troisième. Elle a fait appel aux bonnes volontés. Je préfère les chattes, c'est un chat. Nous verrons bien si nous faisons bon ménage. En attendant, j'ai un fil à la patte. Heureusement j'ai plus ou moins renoncé aux voyages
  
Sauver les forêts et les animaux errants. Et vive l'empathie qui serait selon les nouveaux maîtres du monde autoproclamés la plaie du capitalisme. Ca marche à l'envers, le capitalisme est la plaie de l'empathie.