Tituba, née à la Barbade, est initiée par sa grand-mère guérisseuse et faiseuse de sort. Exilée pour suivre son mari à Boston comme esclave, elle rencontre et subit l'histoire du procès des sorcières de Salem.
Je n'en dirai pas davantage. Il faut savourer la langue de Maryse Condé et ce qu'elle transmet de l'indignité faite aux Noir.e.s dans ces périodes d'esclavage.
La lecture de ce passage a fait resurgir en moi des souvenirs de mon arrivée à Paris et de ma rencontre avec mes congénères que j'avais si fortement enviés quand ils venaient en vacances au bord de l'océan qui était mon quotidien et que je ne quittais jamais. Sauf une fois, à 9 ans, pour des vacances à la ferme où mes sœurs et moi avons découvert avec bonheur les animaux dont nous nous amusions à reproduire les cris. Une autre fois (à 12 ans) en colonie de vacances à Servoz, petit village proche de Chamonix où j'avais été éblouie par la beauté du Mont Blanc. En parlant avec mes camarades d'université, je découvrais à quel point leur enfance avait été contenue dans des appartements, des conventions vestimentaires et souvent des parents peu aimants. Au contraire, comme Tituba, j'ai vécu une enfance de sauvageonne. Notre maison était entourée de terrains vagues (ils ne le sont plus depuis longtemps et se vendent désormais à prix d'or). Nous avions tout loisir d'y galoper, de cueillir les mures et les pommes sauvages et surtout de rejoindre la plage pour s'y ébattre follement, y compris à l'adolescence pour les premiers flirts. Et même si la rue était encore à cette époque un lieu ouvert aux enfants, dans les "bonnes familles" on ne laissait pas les enfants "trainer" dans la rue.
Conclusion de l'article
(...) comme le montrent ces données, notre système est loin de faire ce qu’il devrait pour assurer l’égalité des chances scolaires, essentiellement parce que la compétition y est très tendue, que l’école française laisse peu de place à l’expérience et qu’elle cherche à sélectionner quelques bons élèves plutôt que d’éviter d’en perdre un grand nombre en route.
Pour ce qui me concerne, j'avais de bons résultats (sauf en discipline, trop rebelle), j'avais compris que c'était l'issue de secours. Mais je n'ai jamais tout à fait perdu le sentiment d'imposture dont parle Bourdieu qui m'a vraisemblablement bloquée dans mon désir de devenir écrivaine. Je suis très reconnaissante aux transfuges de classe d'avoir un peu entamé le plafond de verre et à Bourdieu d'avoir si bien analysé l'influence du "capital culturel" dans son livre "La distinction". Cela m'a aidé à m'émanciper et à m'inventer mes propres références et mon code de valeurs, notamment en me frottant à d'autres cultures et en me moquant bien de grimper dans une quelconque échelle sociale.
Ce billet est inspiré de la lecture de Maryse Condé, mais conjoncturellement d'une rentrée des classes qui se fait dans les pires conditions. L'illustration de la couverture est le fameux "Portrait de Madeleine, réalisé par Marie-Guillemine Benoist. Il s'est d'abord intitulé portrait d'une négresse et a été débaptisé et rebaptisé pour être désormais exposé au Louvre sous l'intitulé "Portrait d'une femme noire".
Le titre du billet reprend le refrain d'une chansonnette tirée d'un conte de Pierre Gripari, la Sorcière du placard aux balais.
Je rajoute ce jour (04/09) un très beau texte de la Poétesse berbère Taous Ait Mesghat :
10 commentaires:
Fragments de pensées, d"émotions , un vrac ....réminiscence de la sorcière....Je suppose que pour devenir écrivain, il faut verbaliser tout çà , inventer une forme
Magnifique , l’insolent et ironique "sonnet" de Taous Ait Mesghat....Il trace sa route avec une énergie qui bouscule les archaïsmes et s'approprie l'avenir....
Zoê , n'oubliez pas d'être heureuse . Les échecs n'existent que par les regrets mâchonnés
Pessoa : "les meilleurs écrivains n'ont jamais rien écrit....L'important est que la pensée avance !
@Patrick Verroust, "l'insolent et ironique sonnet" dit tout de l'absurdité des situations qu'endurent les femmes à un degré ou un autre sur cette planète. Ecrire c'est avancer dans la pensée. Merci de votre visite.
Étrange comme le nom de Pierre Bourdieu semble passé à l'as… Pourtant, la rentrée scolaire (u prof sur deux serait manquant, selon le Snes-Sup) montre une fois de plus les inégalités que le port de l'uniforme (!), avec un coût dispendieux, est destiné sans doute à masquer… :-)
@D.H.La droitisation du pays suit son cours et ce ne sont pas les médias aux ordres qui vont en freiner le débit, hélas.
Paradoxe étrange, certes écrire fait penser mais en même temps , l'écriture immobilise la pensée. Les plus grands penseurs de l'humanité, les visionnaires, les prophètes n'ont jamais écrits. Leurs disciples l'ont fait pour eux ...quand ils ont des disciples. Pour ma par, je n'en ai pas. Je suis in-discipliné, ce qui a donné à penser à mes enseignants
Je suis curieux d'accompagner la réhabilitation de Tituba sous la belle langue de Maryse Condé. Noté.
Quant aux statistiques des écoles françaises, je serais curieux de connaître celles de la Belgique, de la communauté wallonnie-Bruxelles en tout cas.
Et merci pour le texte inquiétant de la poétesse berbère : gare aux divines sorcières !
@Christw, vu tardivement votre commentaire. Je n'ai pas d'infos sur la Wallonie. Prenez garde aux sorcières, elles se réveillent et ne laissent plus rien passer :-)
Merci pour cette merveilleuse découverte de fin de page !
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