dimanche 25 avril 2021

Chronique d'une semaine ordinaire 8

 Que fais-tu dimanche soir ? Rien. Tu ne regardes pas le film du dimanche soir. Non. J'ai rendez-vous avec ma chronique d'une semaine ordinaire. C'est quoi ? C'est rien.

lundi 19 avril,

Toute la matinée à lire, sans interruption, le bonheur! Il faut dire que "Indésirable" d'Erwan Larher n'autorise aucune distraction. Une fois qu'on a commencé à suivre l'histoire de Sam (Samantha, Samuel ? on ne sait pas) on ne peut espérer revenir à sa petite vie ordinaire avant de lever le voile sur ce qui motive, agite cette personne. Apparemment un amour immodéré pour les vieilles pierres. De passage dans ce village, Saint-Airy, géré par un maire et un conseil municipal bien velus du cerveau,  il est littéralement appelé par une maison, dite "la maison du disparu" qu'il décide illico d'investir afin de lui redonner âme qui vive. Et nous voilà embringués avec iel (oui ce pronom neutre que pratiquent les LGBT). Iel est belle /beau selon qui l'approche mais cette indécision sur son appartenance alimente toutes les conjectures au café du village. Iel est adoré.e ou haï.e. L'auteur jongle avec cette indéfinition qui est un scandale aux yeux des "honnêtes" citoyens. D'autant que par un effet spécial dont je ne dirai rien, Iel devient hyperactif.ve et ne se fait pas que des ennemis. Le village est bientôt partagé en camps opposés, le camp des amis de Sam et celui de ceux qui veulent lui faire la peau ou plutôt qui veulent découvrir ce qu'il a dans la culotte.

 


 La puissance du roman est évidemment dans le style, un mélange très efficace de langue populaire et de précision des termes frôlant la préciosité. Ce faisant, on assiste à une vraie radiographie des collusions en rase campagne entre petits notables pour se maintenir sur leurs minuscules piedestals. Par la bande on ausculte les limites de la participation citoyenne menacée par les dérives d'un mécennat "pour le bien commun". "Faire le bien ?" est d'ailleurs un des chapîtres.  Tout au long on rencontre tous les ingrédients puisés dans notre temps présent que le magicien Larher a touillé dans sa marmite. Il y a une vraie intrigue policière, ici et là des histoires d'amour ou de sexe, une réflexion de fond sur une époque qui enfouit les traces de l'histoire et de l'art passés sous des hideurs bétonnées ( toutes les entrées de village sont défigurées, personne ne peut le nier). Sam veut sauver la beauté des merveilles architecturales menacées par le cancer des centres commerciaux et autres hérésies, tandis que les notables veulent "rentabiliser" le territoire en installant un Mac Donald. Incompatible. Et celui qui s'interpose est un étranger et d'un genre indécidable. Ce sera la guerre.

Erwan Larher a sans doute nourri son roman de son expérience. Il a  rénové un lieu en lui redonnant l'aspect antérieur à sa décrépitude avec le projet d'en faire un lieu culturel, de préférence une résidence d'écrivain. Allez voir ici si vous voulez en savoir davantage, il y explique et défend sa démarche.

En tout cas, si vous aimez plonger dans de la belle littérature de notre temps, Indésirable est fait pour vous. 

mardi 20 avril    

la routine, une visio par ci, une série de mails par là. 

Le soir, j'ai revu le film "Le retour de Martin Guerre" de Daniel Vigne pour le plaisir de la reconstitution historique des scènes de la vie paysanne et surtout le jeu des acteurs Depardieu et Nathalie Baye sans oublier Roger Planchon dans le rôle du juge Jean de Coras. Au   XVIè siècle, Martin revient dans son village natal d’Artigat, après plusieurs années passées à la guerre. L'homme se rappelle tout, les habitants, leur histoire et jusqu'au moindre détail. Après quelque temps, des vagabonds identifient Martin comme Arnaud du village voisin de Tilh, mais les villageois rejettent ces revendications comme des mensonges. Mais quand Martin fait une demande d'argent à son oncle, l'oncle est indigné et attaque Martin. Cela mène à un procès sur son identité, mettant sa vie en jeu puisque s'il n'est pas Martin, lui et sa femme Bertrande sont des adultères et leurs enfants bâtards. 

Bertrande (Nathalie Baye) avoue à la fin qu'elle avait tout de suite compris que Martin n'était pas son vrai mari mais qu'elle avait persisté dans le mensonge parce qu'il lui avait fait "une bonne vie", aveu poignant puisqu'elle a assité à la pendaison de celui qu'elle a aimé et a retrouvé celui qui la maltraite. Le film est tiré d'une affaire qui avait défrayé la chronique à l'époque, contée par le juge qui l'avait instruite et qui fut lui même assassiné pour ses appartenances huguenotes dans la bonne ville de Toulouse.

Cette histoire a alimenté moultes recherches et adaptations. Elle est relatée ici, telle que les historiens l'ont reconstituée.

mercredi 21 avril,

routine : traduction fastidieuse d'un document.

Je vais marcher et rencontre à l'impromptu une des jeunes femmes que j'avais croisée au marché. Elle vit en co location dans une maison et me fait visiter le jardin pourvu d'une terrasse en surplomb sur le Tarn. J'aimerais bien avoir la chance de louer un petit bout de terrain de cet acabit.

jeudi 22 avril,  

routine...

je lis un hors série Télérama


Il recense les tentatives et les tentations de redonner de la fraicheur aux villes asphyxiées et notamment certaines absurdités en la matière comme la végétalisation des façades  dans un article intitulé "La forêt qui marche, ça ne marche pas". Outre que ces expériences sont d'un entretien très couteux, on y brutalise les plantes. "Les arbres en suspension sur les façades de ces immeubles sont des sujets agés. Leurs racines et leurs branches ont été amputés pour les conformer aux gabarits imposés. Cela s'apparente à de la maltraitance"  (p45). Des arbres en pot d'Ivry sur Seine (les racines prises dans le ciment outre que c'est laid c'est tragique pour l'arbre) ou les fameux murs végétalisés, de Copenhague à Monaco et Milan en passant par Paris l'article nous fait faire "un voyage au bout de l'enfer vert".  "Faut-il rappeler que tous les végétaux sont programmés pour vivre dans du bon sol naturel et non en suspension dans des mini godets alimentés par des solutions nutritives artificielles". En contrepoint on découvre "les tenaces et les coriaces" qui s'installent et résistent dans les infractuoistés si petites soient-elles. Très belle iconographie et une bibliographie attractive.

vendredi 23 avril

je suis de retour à La Tour. Retrouvailles avec les chats et le jardin. Il s'est transformé en une semaine. Il est magnifique. Mais la luzerne mangetout étouffe certaines plantes et il faudrait désherber. je m'y met un peu, mais les bras m'en tombent. 

samedi 24 avril   

Importante manif à Lavaur à la suite de l'enfumage des hectares de pommiers pour les protéger du froid par la compagnie qui exploite le domaine de Fonsorbes. Ce n'est pas la première fois que les riverains protestent contre les méthodes de l'entreprise (qui vend à l'étranger l'intégralité de sa récolte sur 300 hectares). En effet à plusieurs reprises les pesticides diffusés par grand vent quand c'est strictement interdit ont dejà fait l'objet d'une plainte. Cette fois au cours de l'épisode de gel récent des ballots de paille arrosés d'essence et enflammés ont diffusé un énorme nuage de fumée. « Huit personnes ont été prises en charge par les sapeurs-pompiers et treize personnes se sont présentées aux urgences pour des problèmes d’intoxication liés aux dégagements de fumées. Les fumées ont également provoqué une forte gêne de la circulation sur la RD 87 entre Ambres et Lavaur avec une coupure à la circulation de cet axe dans la matinée avant qu’il ne soit réouvert en milieu de matinée ».


 

A Lavaur, on n'avait jamais vu une telle mobilisation ce qui prouve que pour se sentir concernés les gens ont besoin d'éprouver personnellement les conséquences des exactions commises au nom de la rentabilité.

dimanche 25 avril,

marché joyeux avec une démonstration de rock'n'roll au son d'Ella Fitzerald.

visite du domaine Les Compayres, un projet d'habitat partagé avec un gros potentiel mais un hénaurme chantier. Vais-je y prendre part ? Rien n'est moins sûr. Mais les jeunes gens qui ont lancé l'affaire sont animés d'une belle énergie et je donnerai avec plaisir un coup de main ne serait-ce que pour préparer les repas pendant qu'eux débarrasseront les murs du ciment qui les étouffe pour leur restituer la beauté des pierres .

Terminons sur l'image paisible de ces ânes tranquilles près d'une mare alimentée d'une source dans le domaine .


 

     Photos ZL (sauf couvertures livre et magazine)

 

7 commentaires:

patrick.verroust a dit…

Bonjour Zoë,

Dans cette 8° chronique se mêlent ce que vous aimez , et ce qui vous fait braire, il est à propos de terminer sur ce cliché d’ânes avançant tête basse, têtus, désabusés,opiniâtres...Un calembour? Ah non!

Zoë Lucider a dit…

PV, très juste, le mélange de la macédoine d'une vie ordinaire

Tania a dit…

Vous me faites découvrir le "iel" que je pensais réservé au ciel et dont certains, je l'apprends, font leur miel ;-). Dubitative.
Cette histoire me fait penser au village de mes grands-parents où les indésirables, au départ, c'étaient plutôt les "écolos" (avec une moue désapprobatrice). Avec les années, ceux-ci sont devenus plus nombreux et font revivre le village avec toutes sortes d'animations et d'activités culturelles. Le regard sur eux a changé.

patrick.verroust a dit…


Zoë,

Je suis comme Tania, dubitatif sur le "iel"....Mais, il va peut être s'inscrire dans notre langage comme signe de l'évolution sociale...Ce mot est plus joli que le "On"...Alors que j'aime bien le mot auteure , je déteste le mot autrice que je trouve laid...Notre société conservatrice vénère tout ce qui a des relents de "passé" ...Je déteste le "politiquement correct"je vais m'autoriser une suggestion matinée (quoique émise en après midi) empreinte de machisme. Pour distinguer un iel masculin de son homologue féminin , faut -il mettre un M devant le iel ,ce qui ferait MIEL et un F pour le iel féminin , ce qui ferait Fiel....Les préjugés ont la vie dure et le diable se cache dans les détails...Dans le cas présent de quel diable-est-ce !
Merci Tania d'avoir affirmé votre opinion avec un zeste , pas déplacé,d'humour !

Zoë Lucider a dit…

@Tania, Iel a tout pour déplaire , indéfinissable du genre, écolo puis omnipotente grâce à une manne qui lui tombe du ciel, aenfin pas tout àa fait...

@PV, je suis d'accord, je n'aime pas autrice et lui préfère auteure. D'ailleurs beaucoup de féminin en trice pourrait aventageusement se transformer en acquérant simplement un "e" à la fin. De même on pourrait dire une docteure plutôt que ce barbarisme doctoresse que personne n'ose employer tellement c'est laid. Mais il y a beaucoup de terme qui dès lors qu'ils passent au féminin sont injurieux. Le rappeur Fatal Bazooka en avait fait une chanson

Dominique Hasselmann a dit…

La (femme à) barbe de l'écriture inclusive et autres progrès du "genre".

J'attends toujours un discours parlé où elle serait pratiquée : un "stand-up" sur scène ferait s'écrouler (de rire) cette mini-"révolution" dans sa pratique.

"Les citoyens", écrivez-vous ? Allons, Zoë, vous avez oublié la ponctuation dans le vent ou l'Harmattan.e comme la Tramontane... :-)

Zoë Lucider a dit…

@D.H; Oui, je confesse que j'ai du mal avec l'inclusive, je me fais régulièrement sermpnner par mes copines radicales