En très lapidaire, mes dernières péripéties, extrêmement banales mais très fournies.
Quelques jours à Paris.
Art mural. Belleville. 11/12/13, 9h23
Partagé une petite heure avec l'amie Sofka, en grande forme et très remontée contre à peu près tout et notamment les Politiques, les publicitaires, les journalistes et j'en passe. Nous nous sommes réciproquement congratulées de notre virulente lucidité.Suis beaucoup allée au cinéma. Je vous épargnerai un laïus critique, des recommandations, juste proposer quelques mots sur les films, une image forte, une émotion fugace
Le fond de l'air de l'air est rouge de Chris Marker. Dans cette fresque, collage d'images d'archives des années 60 à 70, de la guerre du Vietnam au coup d'Etat de Pinochet, beaucoup de violence dans ces réminiscences. Pour moi la plus hallucinante est celle du jeune aviateur américain commentant en direct l'usage du Napalm et la façon dont ils canardent (ils sont nombreux) les malheureux qui s'éjectent du brasier. La jubilation de ce type est insoutenable et on se dit qu'on ne permettrait plus à la barbarie une expression aussi directe. Autre constat, le contraste entre mai 68 en France où les victimes ont surtout été les pavés et les voitures versus ce qui se passait au Mexique, au Japon et bien sûr à Prague. Nos CRS étaient décidément des tendres, comparés à leurs homologues de ces pays.
Les jours heureux de Gilles Perret. Leçon d'histoire sur le CNR (Conseil National de la Résistance). Images d'archives et témoignage des survivants. Qu'ils étaient beaux à 20 ans, Lucie et Raymond Aubrac ! La photo des cinq survivants qui nous servent de guides pendant le film nous fait, hélas, percevoir l'impitoyable manducation du temps, qui leur a laissé leur vivacité d'esprit et leur humour mais a ravagé la belle texture de leur visage.
Violette de Martin Provost ( l'auteur du magnifique Séraphine). Le cinéaste aime tirer de l'oubli des talents qui n'avaient eu qu'une notoriété passagère, des femmes au destin étrange, des sensibilités ignorées voire bafouées.. Violette Leduc est interprétée par Emmanuelle Devos (qui ne me plait pas beaucoup d'ordinaire, je ne sais pourquoi). Dans ce rôle son tempérament excessif donne toute son ampleur à cette femme dévorée du désir d'être aimée et sans cesse repoussée y compris par Simone de Beauvoir (Sandrine Kiberlain métamorphosée). Une scène emblématique : Beauvoir déménage, Violette lui offre de l'aider de sa façon habituelle, en forçant un peu la main. Comme elle propose de décrocher les rideaux, Simone lui suggère de les prendre ainsi que quelques objets dont elle se débarrasse. Violette quitte la place offusquée, humiliée. La bourgeoise et la fille de peu : un fossé infranchissable. Cependant, Simone soutiendra de toutes les façons cette femme dont la qualité d'écriture et la hardiesse du propos l'a immédiatement convaincue qu'il était de son devoir de lui permettre de rencontrer des lecteurs, et surtout des lectrices. "Aucune femme n'a parlé de la sexualité comme vous, Violette". A l'époque c'était sans doute vrai. Depuis les termes et les images sont devenus banals.
La Vénus à la fourrure de Roman Polanski. nous permet l'entrée par infraction dans un lieu d'où le spectateur est en général banni : la répétition de la pièce et le temps de l'accord entre metteur en scène et comédiens, comédienne en l'occurrence. Or, Mathilde Seigner, non seulement n'a pas l'intention de se plier aux directives du metteur en scène (Mathieu Amalric) mais elle va en permanence contester ses partis pris, dénigrer le machisme sous-jacent et renverser les rôles.
Le jeu de séduction sera l'occasion de propos bien sentis sur le désir de pouvoir sous-jacent à toute création artistique, sur l'identification entre auteur et personnage et en clôture la revanche de la marionnette sur le marionnettiste. Comme les pôles d''empathie permutent sans cesse, on en sort un peu chamboulé, retrouvant dehors les préparatifs du Noël chrétien. Mais Jésus n'est-il pas une icône du masochisme ?
Parvis de Notre-Dame , 10/12/13, 18h43
La suite se passe à Toulouse. Mon fils ayant souhaité squatté la maison avec une bande de cinéphiles pour projections privées sans discontinuer de films sélectionnés par leurs soins, nous avons échangé nos clés de pénates. J'ai ainsi eu tout loisir de me promener dans cette ville qui a beaucoup de points communs avec les villes de la renaissance italienne (couleurs, architecture, richesse du patrimoine) et notamment Florence.
Toulouse 15/12/13, 11h38
Il a fait très beau ces derniers jours. J'ai pu marcher le nez au soleil. Au jardin des Plantes, entre autres où j'ai croisé quelques poussettes, barbe à papa (et papas à proximité), et même des paonnes (ça se dit ?) perchées un peu partout.
Jardin des Plantes 15/12/13, 16h52
Voir des ours, très innofensifs ceux-là, qui se trouvent en vedette sous la conjugaison d'une expo consacrée à l'Ours (Ours, mythes et réalites) et de la période de Noël ( le nounours a toujours la cote chez les mouflets.
Jardin des Plantes, 15/12/13, 17h15
Cinéma encore.
Henri de Yolande Moreau dont j'avais aimé Quand la mer monte . C'est le cinéma populaire des Carné et des Jean Vigo, intensément proche des petites gens dont il enregistre la subtilité des états d'âme qui s'expriment à peu de frais, d'un clignement de paupière, ou d'une moue à peine ébauchée. Yolande Moreau est une artiste de l'image et son univers poétique est fondé sur l'art de dénicher la beauté dans l'ordinaire du monde. La rencontre entre Henri (Pippo Delbono) et Rosetta (Candy Ming) est l'alliance de deux fragilités animées d'un même désir d'être aimé. Seulement, les gens là, ils veulent pas...
Casse-tête chinois, de Cédric Klapisch pour le plaisir de retrouver les acteurs avec quelques années de plus, embringués dans des histoires de familles éclatées, recomposées, d'homoparentalité, de carte de travail, de diversité culturelle. A peu près tous les sujets de nos sociétés en évolution lente et fulgurante à la fois. mais surtout le plaisir de retrouver New York comme si j'y étais (à nouveau). Léger sans être mièvre. Sympatoche et rigolo, un moment agréable à se faire du bien.
Un dernier et je ferme, c'est promis.
Les Garçons et Guillaume à table de et avec Guillaume Gallienne. Hyper nombriliste, un humour parfois de plomb, quelques scènes un peu drôles, mais bon, je pouvais m'en passer.
Toulouse, au coucher en longeant la Garonne, alors que les oiseaux paillent au ras de l'eau, c'est beau.
Berges de la Garonne 15/12/13, 17h42
Depuis, je suis de retour sur ma petite colline. Eh bien vous savez quoi ? J'irais bien faire un petit tour à New York. Sacré Klapisch!
Photos ZL, Décembre 2013, sauf la 3 bien-sûr.
20 commentaires:
Vous venez à Paris pour aller au cinéma ?
Bonne idée, je partage ce gout tout en regrettant le manque d'exercice physique qu'il procure; raison pour laquelle j'en suis resté à Buster Keaton (beaucoup de retard, donc, que je compense en lisant vos compte-rendus, ainsi que ceux de quelques autres triés sur l'obturateur :))
D.A. Oui je profite souvent de mes venues à Paris pour aller au cinéma. Buster Keaton, c'est un bon point d'arrêt (j'aime presque tout avec une petite préférence pour Steamboat Bill Junior et Les trois âges.
Belle fringale d'images ! Je n'oserais vous dire à quand remonte ma dernière séance, mais il y a beaucoup de cinéma dans ma dernière lecture (demain) - des années soixante.
Le Polanski est très fort...
Il est vrai qu'il connaît particulièrement bien ce qu'est un huis-clos.
Illuminations parisiennes ? L'Hôtel de ville scintille pendant que des gens dorment à même le sol au coin de la place de la République...
BrassaÏ : pas (encore) vu, pas pris.
"Guillaume à table" ? J'attends l'heure.
@ Dominique Autrou : si tu joues au mécano de la générale chez toi, c'est peut-être normal que tu restes sur ces rails-là...
@Tania, j'irai vous rendre visite. je n'ai pas seulement négligé mon blog au profit du grand écran mais tous mes amis blogueurs, pour la même raison.
@DH, as-tu remarqué que le lien de la Vénus renvoie à ton excellent article ?
Rebonds: La Vénus à la fourrure et ses rouages et engrenages, superbe.
Je viens de revoir L'auberge espagnole et Les poupées russes. Ferme intention d'aller me casser la tête avec le dernier.
Quand la mer monte, vu, revu et plus encore. Comment ai-je pu louper Henri?
Question: des oiseaux qui paillent au ras de l'eau, quel nid se construisent-ils?
Klapichiant tout ça...
Zoë,
Vous voyagez de mille et une façons!
Les garçons....à table, je l'ai trouvé indigeste, j'ai ri, parfois , mais devant une bouffonnerie lourdingue qui traite d'une façon simpliste un sujet grave..
La Venus de Polanski est captivant. Les imperfections, les outrances, sont, vite, escamotées . On rentre dans le huis clos, proposé ou plutôt , il nous rentre dedans.Il "chamboule" comme vus dîtes. A la sortie, nombre de spectateurs ressentaient un malaise, l'un trouvait le film porno, l'autre estime le réalisateur malade....C'est peut être la société qui l'est ou plutôt nous avons été formaté à occulter la réalité pour mieux accepter une domination et une castration collective.
Différentes lectures peuvent être faites du rapport humain qui se déroule sous nos yeux. Elles peuvent s'emboiter comme des poupées gigognes. Pour ma part, je me suis focalisé sur les rapports du sexe et du pouvoir dans un processus de création. Une sublimation du désir sexuel semble nécessaire à la création. Les "tu me dragues" bornent les dérapages entre une histoire privée et une aventure de création. Emmanuelle Seigner tient un grand rôle.
Savez vous qu'il faut trois jours pour que l'être le plus civilisé se transforme en barbare jouissant dans sa barbarie?
Je viens de voir une artiste qui fait dans la sculpture animalière à partir de laine cardée. La cardeuse est si douée que sont tigre vous ferait passer un mauvais quart d'heure.
J'hésite à aller voir le klapisch des Dieux mais comme je n'irai pas à New York, tant pis pour ma pomme!
Merci pour le petit théâtre de la colline et bon voyage!
Violette Leduc aurait inévitablement tenu un blog, ce me semble. Elle m'a durablement fascinée, surtout dans son indéracinable entêtement à être, bien que laide. Je vous trouve un peu injuste avec elle, Zoé. Certes, les amours compliquées et homosexuelles sont peut-être devenues "bateau", mais ce sentiment de laideur, qui, à part Violette, l'a ainsi exploré ?
@la bacchante, les oiseaux tiennent leurs quartiers apéros et s'échangent des bons tuyaux pour passer la nuit dans quelques nids de l'ile du ramier.
@potiron, vous me faites penser à ... non, je dois me tromper.
@PV,n'hésitez pas, ne serait-ce que pour la promenade.
@Clopine, je ne sous-estime pas ce que Violette Leduc a accompli, elle aurait plutôt ouvert la voie. Sur la laideur, il est vrai que ce sont plutôt les autres qui en parlent, rarement ceux qui en souffrent. Mais la métamorphose de Kafka n'est-il pas un roman qui de façon métaphorique, va au bout de cette question?
Merci pour le clin d'oeil, chère Zoé. Bon, j'ai encore rien vu de tout ça, trop énorme flemme de Nowell. C'est bien, ces notes de voyage, en tout cas. :)
(En plus, quand tu m'en as parlé, j'ai confondu Violette Leduc avec Viollet le Duc, suis-je nouille.)
Je crois pour ma part, Zoé, qu'il s'agissait, chez Kafka, d'une laideur MORALE qui le transformait en une sorte de cafard, et que c'est cela le sujet de la métamorphose, plus que la laideur physique. Et plus précisément encore, l'horreur morale de ne pas aimer son père, qui l'a torturé toute sa vie.
Les métaphores kafkaïennes sont fort bien rendues au musée qui lui est consacré, à Prague. Le premier étage n'est qu'un bric-à-brac des quelques objets, traces, lieux qui lui ont appartenu. il est mort si jeune que c'est forcément réduit ! Mais vous descendez au sous-sol, et là, vous plongez dans un terrible labyrinthe qui, livre après livre, (et non sans humour) vous fait parvenir au plus insconscient du jeune Franz.
L'autre côté sympathique, c'est le fait qu'il ait été un bon agent de compagnie d'assurances. Un "monsieur tout le monde", qui aurait transporté, au fond de ses poches, les cris grinçants de la conscience humaine tétanisée.
Ce qui est rigolo,Zoé, c'est que pour mon anniversaire Clopin m'a emmenée à Paris. Nous ne nous sommes pas goinfrés de cinéma, comme vous, mais les images étaient omniprésentes. Une après-midi entière au Carnavalet, ce musée à l'iconographie historiciste qui vous persuade que Paris est bien le coeur de la France... L'exposition Frida Khalo, on y étouffait mais c'était adapté au sujet; Là encore, tenez, il y avait de quoi réfléchir et divaguer sur la laideur. Car Frida n'était jamais plus belle que quand elle se drapait dans des étoffes mexicaines, portait des bijoux faits main, et ne s'épilait pas : elle était alors d'un érotisme torride !
Nous avons vu aussi les belles photos noir et blanc de Salgado, d'avant Althus Bertrand pour dire vite.
Et je suis tombée bouche bée devant un peintre contemporain, qui commence à être côté (hélas, il est déjà hors de portée de ma bourse), arrière petit-fils des impressionnistes mais cependant immédiatement, complètement contemporain. Une toile comme "velux" vous ferait comprendre ce que je veux dire. C'est un vrai peintre, quand on le regarde à peine on croit que c'est niaiseux, fait pour plaire au bonnes consciences, juste habilement fait. Et puis, vous vous approchez, vous voyez la pensée et le coeur derrière le pinceau. Ce sont de toutes petites pièces intimes, des moments de clarté, ce n'est jamais tonitruant mais au contraire chantonné, comme on chantonne en accomplissant quelque menue tâche. Et il y a un nu qui m'a frappé, parce qu'il n'est pas érotisé mais, comment dire ? Simplement tendre. Un regard bienveillant dans ce monde de brutes, un peintre qui sait peindre les enfants (c'est excessivement rare, depuis Renoir me semble-t-il c'est le premier que je vois comme ça). Il s'appelle James Mac Keown, et si vous avez l'occasion de voir une toile "en vrai" (car sur internet on ne voit rien, et surtout pas la matière dont sont composées les toiles), vous me diriez ce que vous en pensez...
Bon sang, je bavarde, je bavarde. Mille excuses pour l'incruste, et bonnes fêtes, Zoé.
Zut, j'ai fait des fautes... artiste "coté", of course (5 000 euros une toile); et puis j'ai oublié de dire que si Mac Keown m'a instantanément frappée, c'est qu'il a rendu la lumière précisément telle que je la vis, entre Dieppe et Fécamp. Une lumière d'enfance, la Manche toute fraîche, les galets ou le sable lourd sous les vaguelettes transparentes. Je m'y sens instantanément chez moi !
Clo la Normande.
voici un lien, pour vous donner une idée :
http://www.galerie-veronese.fr/james-mackeown/c8/pr2.html
@Sofka, Viollet (1814 - 1879) et Violette (1916 - 1972), une rencontre improbable mais ils ont vécu, à un siècle près, à peu près le même nombre d'années.
@Clopine, merci pour cette abondante intervention sur ce blog, il y avait bien longtemps que je n'en avais pas eu le plaisir. Je pense que la question du sentiment de laideur n'a rien à voir avec l'objectivité. Il est sans doute plus facile de s'en tirer avec une morphologie "canonique", mais Marylin était merveilleusement belle et pourtant!
Merci pour la découverte du peintre irlandais, normand d'adoption. Ses peintures sont en effet pleines de fraîcheur.
et ben ! c'est à se demander comment, en faisant tout ça, tu trouves encore le temps de le raconter ;-)
elle était belle Simone ! il y a quelques temps, te rappelles-tu d'une photo d'elle nue de dos ?
http://referentiel.nouvelobs.com/file/436230.jpg
et tu crois qu'elle était laide Violette ? regarde ça :
http://www.ina.fr/video/CPF10005791/litterature-breve-rencontre-avec-violette-leduc-video.html
Que c'est beau les berges de la Garonne !
An son abondante chevelure , il est facile de constater que le Castor est poilux, une étoile, désastre des ennemis.
@Mâme K. Merci pour le lien. Ce n'est pas moi qui la trouve laide, c'est elle-même. Emmanuelle Devos qui l'interprète n'est évidemment pas laide mais elle parvient à nous transmettre ce sentiment qui hantait Violette.
@Obni, oui n'est-ce pas?
@PV, elle est curieuse votre chute (de cheveux)
Que de belles choses !
Meilleurs vœux pour 2014. On parlera sûrement beaucoup de la grande guerre. On oubliera peut-être que c'est le bicentenaire de la naissance de Bakounine. Autant le rappeler tout de suite !
Que l'arbre continue à croître en diamètre. Son ombre est reposante et nous aurons encore plaisir à y faire halte, je pense, même si ce n'est qu'une fois par semaine !
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