vendredi 12 octobre 2012

Propos éclectiques

Je vais, je viens sur cette planète et j'y amasse une profusion d'étonnements, d'ébahissements, de perplexités.



Ainsi, en visite dans le marais poitevin, l'étrange odeur fétide de l'eau dormante du petit lac autour duquel se dispersaient les chalets qui nous servaient de chambre. Nous étions une poignée d'escaladeurs de falaises sociales, venus de plusieurs pays européens et on nous présentait un système astucieux (le groupement d'employeurs) qui permet de créer des emplois pérennes dans ces endroits de ruralité profonde. Un jeune homme fougueux nous avait expliqué comment, de cette façon, on pouvait installer des éducateurs sportifs ou des animateurs culturels dans de toutes petites communes qui ne le pourraient pas seules.  Hélas, pour illustrer l'extrême intérêt de ces emplois mutualisés qui combinent des postes chez différents employeurs pour offrir un  plein temps sécurisé  aux personnes, on nous a emmené visiter une usine d'embouteillage, de vin mais aussi d'eau.



Nos amis italiens, eux-mêmes très engagés dans la lutte pour l'accès universel à l'eau, ce qui suppose que les multinationales de l'eau disparaissent au profit d'une mise à disposition régulière et régulée par la puissance publique, ont commenté, les mains sur la tête : "c'est comme emmener un végétarien dans un abattoir".


J'ai eu la chance de n'avoir jamais travaillé en usine et chaque fois que j'ai pu approcher cet univers, non seulement la visite m'a lessivée (on mesure ainsi l'usure subie par ceux qui s'y collent quotidiennement), mais je n'ai pu m'empêcher de buter sur cette énigme anthropologique (même si je connais bien la réponse) : comment a-t-on pu en arriver là ! Le principe même de cette mise sous plastique d'un élément qui nous est absolument essentiel pour vivre. Les concepteurs de ces chaines hallucinantes (les Italiens sont les meilleurs selon notre guide), en partant de plastiques préformés création des bouteilles, remplissage, pack moulé de plastique, puis constitution de palettes elles-mêmes emmaillotées de plastique.  Tout cela sans l'intervention d'un seul bras humain. Le seul boulot d'un  clampin planté devant la chaine : repérer l'incident potentiel et arrêter la chaine. Des millions d'emplois de cette nature dans le monde, pour fabriquer du non sens. Ainsi en l'occurrence : 6000 bouteilles de vin et 20000 d'eau à l'heure  pour les  linéaires du Carouf local, et pour l'export, des milliers de mètres carrés immobilisés pour le stockage, des camions dans tous les sens pour charrier les citernes dans un sens, les palettes et les caisses dans l'autre. On pense, en regardant circuler ces objets si familiers, mais qui, réunis de la sorte, deviennent parfaitement étranges, on songe au jour où cette usine, comme beaucoup d'autres s'arrêtera (plus de marché, pas rentable, dépassée par la concurrence, bref), on songe à l'amas de ferrailles et de saloperies imputrescibles qui resteront à faire repartir vers leur origine, la terre, d'où les archéologues des années 20??   les extirperont afin de nettoyer les sous sols avant remise en exploitation agricole. On connait d'ores et déjà le phénomène à ailleurs. Et à Détroit en particulier.

Passons à autre chose. Je ne regrette jamais d'avoir décidé un jour que je ne serai plus parisienne, sauf de temps à autre, lorsque j'apprends par exemple que  la fête à Boby se tiendra mercredi  17 au café de la danse. Mais ils viendront bien par ici.


Cover 1 BEE055 

Quant à l'exposition consacrée à Edward Hopper, elle s'installe au Grand Palais jusqu'en janvier. Je suis censée pointer mon nez dans la capitale d'ici là mais j'imagine que la longueur de la file d'attente me découragera. 



Pour conclure ce billet bien mélangé, un double coup de sang : le verdict à l'égard des organisateurs des tournantes. Message envoyé aux filles qui subissent et aux jeunes brutes qui "s'amusent" : "pô grave! " Enfoirés!!!
Petit ajout suite au commentaire bienvenu de JEA, un lien vers le Festival des Libertés de Bruxelles. Magnifique programme de films, de concerts, de débats. Aller sur Mosaïques pour des extraits commentés


19 commentaires:

Vinosse a dit…

Pas inspirant ton billet pour les habituels propagandistes...
La mise en bouteille, ça a un temps...

la bacchante a dit…

Tu ne vas tout de même pas te laisser impressionner par l'embouteillage devant le Grand Palais!

patrick.verroust a dit…

Joli style, électrique autant qu'éclectique..
Buvons, futé, pour éviter les embouteillages :)

Hypathie a dit…

J'ai bien l'impression (je parle d'expérience) que les fameux et astucieux groupements d'employeurs ne marchent pas des masses, alors même que les initiateurs et pilotes de ces projets sont les groupements patronaux départementaux et locaux. Leurs propres troupes n'adhèrent pas au concept ; il faut dire qu'ils s'y prennent comme des manches pour le promouvoir : ceci explique cela. Mais super la visite de l'usine d'embouteillage plastique et bien vues les remarques sur la nocivité de la chose.

Zoë Lucider a dit…

@Vinosse, allons bon, je n'inspire pas. tant pis, je respire, ça c'est important.
@la bacchante, :-)
@PV, bien compris le message.
@Hypathie, les bonnes idées sont souvent gâchées par ceux qui cherchent à les détourner et ainsi les vident de leurs qualités.

Sophie K. a dit…

Essaye de la voir, l'expo Hopper, si tu peux. Ça fait si longtemps qu'on l'attend !

Pour les affreux des tournantes, j'espère que l'appel va les foutre en taule pour quelques années. Sinon, oui, c'est à désespérer...

Dominique Autrou a dit…

Oui, mais que seraient l’Atlantique Nord, les chemins vicinaux et les voies rapides périphériques sans les bouteilles vides ? Surtout à l'approche de Noël ! (La vente des jouets en plastique a commencé à la rentrée des classes. Joie !)

Dominique Hasselmann a dit…

Oui, Hopper, il y a un tel battage médiatique que la file d'attente va déborder sur les Champs-Elysées... cela ferait un beau tableau !

Ce jour, Arte s'y colle (on peut rester assis).

Concernant le verdict auquel tu fais allusion, le Parquet a fait appel de ce jugement inique.

Et puis, pour l'eau : celle du robinet parisien est excellente !



Depluloin a dit…


Nom d'un chien, tout va mal !

Les Brésiliens nous donnent des leçons, bravo.

(L'expo Hopper est extrêmement polluante : toutes les œuvres voyagent par avion puis sous bonne escorte. Alors que de simples reproductions suffiraient.)

Et merci à Sophie K. pour cette bonne nouvelle.

Vinosse a dit…

J'parlais pas pour moi...

Sergeant Pepper a dit…

Pour moi, Detroit (que vous mentionnez dans votre texte), c'est ça :
http://www.sergeantpepper.net/article-grandeur-et-decadence-d-une-cite-80328544.html

Cactus , ciné-chineur a dit…

j'y suis allé une journée , j'ai vu , je n'en suis toujours par revenu ! mieux que Tobbe cet Hopper là ! ( je n'ai vu ni gens bouteillés ni gensbouteillages ! )

Zoë Lucider a dit…

@Sofka, je suppose que tu as été une des premières à "embouteiller". Pour le jugement inique ça va défiler un peu partout, mais comme disait l'autre, une manif ça va ça vient.
@ Dominique Autrou, , déjà les jeux de noyel, nan, ne me dites pas!
@DH, mouais, je trouvais l'eau du robinet parisienne pas très fameuse, ni pour le gosier, ni pour la peau, mais elle a pu s'améliorer.
@Depluloin, c'est vrrrrai ça! Quel besoin de faire voyager ces choses quand on peut les trouver d'un clic sur le net :-)De même, pas besoin d'avoir un amant en présence, sa photo suffit bien.
@Vinosse Ah bon ?
@Sergeant Pepper, oui je connaissais ce désastre. Justement, les usines désaffectées sont de plus en plus remplacées par des fermes urbaines. Je rajoute un lien centré sur ces expériences

JEA a dit…

les cordées refusant de dévisser lors de leur progression vers le haut des "falaises" sociales, ne perdraient peut-être pas leur temps en jetant un coup d'oeil sur l'actuel festival des libertés à Bruxelles...

Zoë Lucider a dit…

@JEA, vous avez raison! Je rajoute le lien, porteur d'espoir parce que la résistance s'organise grâce aussi et surtout aux artistes

Cactus , ciné-chineur a dit…

Zoë , si tu vas à la pêche au bord de l'eau comme ici avec tous ces arbres , fais bien attention aux fils éclectiques !

madame de Keravel a dit…

moi je veux bien supprimer toutes les usines d'embouteillage d'eau que tu veux, mais pas celles qui produisent des bouteilles de vin ! ;-)
(ayé, ma réputation va encore en prendre un coup...)

'Tsuki a dit…

Un billet passionnant, que j'ai dévoré de bout en bout avec beaucoup de plaisir. Oui, l'industrie de l'eau est quelque chose qui me fait mal, comme tout un tas d'autres non-écologismes. Moi non plus je n'ai jamais regretté d'avoir quitté la région Parisienne pour le Cantal, je suis désespérée de devoir vivre en Loire-Atlantique pour le moment.

Le verdict dont tu parles ne me surprend pas plus que ça, même si il me révolte ; la place de la femme dans notre société est décidément précaire, mais personne ne veut s'en rendre compte, parce que tout le monde accepte qu'une femme ne soit guère plus qu'un bien de consommation courante. Depuis plusieurs années, j'analyse comment la pornographie a dégradé le statut de la femme en occident sur mon blog I don't belong here, mais beaucoup de gens on l'impression que j'exagère, alors qu'en fait je suis encore en deça de la réalité. Je suis aussi partie de région parisienne parce que j'en avais marre d'être un bout de viande à l'étalage prête à être consommée.

Sinon, plus léger :

Je fais le tour des blogs des auteurs participants au defifoto, parce que le thème de ce mois-ci c'est "porte-ouverte" ; j'ai pris pas mal de portes différentes, et à présent, j'ai un mal fou à choisir l'heureuse élue qui participera...

Veux-tu me donner un petit coup de main en agrémentant tes préférées d'un commentaire ?

http://lunedemaledaumon.blogspot.fr/search/label/Porte%20ouverte

D'avance merci,

Bon week-end !

Zoë Lucider a dit…

@Cactus, il vente si fort que je reste à l'abri.
@Mâme K ta réputation n'est plus à faire, hu hu!
@Tsuki, bienvenue. Rude tâche, elles sont nombreuses ces portes, ouvertes et fermées. Beau travail