samedi 3 décembre 2011

Commune présence


Commune présence

Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
René Char

Photo ZL

16 commentaires:

JEA a dit…

Une publication aussi marginale qu'enthousiasmante :
- "René Char, le poète et le maquis",
préface de Georges-Louis Roux,
texte de Dominique Bellec,
photographies (notamment d'arbres) de Jean-Baptiste Duchenne, éd. le passager clandestin, 2007.

la bacchante a dit…

C'est bien de commencer sa journée avec cet entrechoquement de mots...

Tania a dit…

"Tu as été créé pour des moments peu communs." René Char, poète de l'intensité. Merci, Zoë.

Don Roploplo a dit…

Arrête ton char ...

Ancienne expression née au milieu des années soixante et fortement liée au cinéma grandiloquent américain.

Zoë Lucider a dit…

@JEA, merci, je note.
@la bacchante, c'est bien de vous lire ici.
@Tania, j'aime aussi ce passage.
@Vieux grigou, et réciproquement :-)

patrick.verroust a dit…

Magne toi,
Vis pleinement
rebelle
La peste
La désespérance
Te rattraperont,
Inexorables.

"quartier après quartier, la liquidation du monde se poursuit" malgré "les pauvres fous qui veillent"..(Jules Laforgue)

henri Zerdoun a dit…

"..On ne peut pas commencer un poème sans une parcelle d’erreur sur soi et sur le monde,sans une paille d'innocence aux premiers mots.Dans le poème, chaque mot ou presque doit être employé dans son sens originel. Certains, se détachant, deviennent plurivalents.Il en est d'amnésiques.La constellation du Solitaire est tendue. La poésie me volera ma mort." René Char.

B A V,
H.Z

Zoë Lucider a dit…

@Patrick, serions-nous ces pauvres fous?
@HZ, merci Henri de cet ajout à ce billet. Amitiés

patrick.verroust a dit…

Comme les chiens, j'éprouve le besoin de l'infini...on me dit fils de l'homme et de la femme...cela m'étonne,je m'attendais à mieux....
Chant de Maldoror Lautréamont.

Vogue la nef des fous, ce n'est pas les hommes qui sont fous mais la nef qui rend fou

Dominique Hasselmann a dit…

"Le raisin a pour patrie
Les doigts de la vendangeuse."

(René Char, Les Matinaux).

... photo douce.

Depluloin a dit…

J'ai cru que c'était de vous! (Mais si pourquoi pas, hu! hu!:)

Zoë Lucider a dit…

@Patrick, la folie est consubstantielle à l'existence, juste savoir la côtoyer sans s'y noyer.
@DH, jolie cette citation!
@Depluloin, la poèsie de Char est trop virile pour me ressembler, merci quand même.

Vinosse a dit…

Je serais fou, ça me fâcherait qu'on compare mon existence à un con substanciel !

La raison me dit de ne pas me pousser dans ce ravinage.

Lavande a dit…

Ce poème ressemble à un calligramme de sapin de Noël

Zoë Lucider a dit…

@Vinosse, ta raison a raison.
@Lavande, tiens je n'y avais pas pensé. Ca faisait longtemps que vous n'étiez pas venue sous l'arbre. Tout va bien ?

Cactus , ciné-chineur a dit…

et Francis Ponge ?