mercredi 6 mai 2009

Carte postale rétroactive. La Suède, ses nuits courtes, ses chevaux légers


Lorsque je suis allée à Stockholm, le mois de juin offrait ses nuits si courtes qu'on ne les voit pas. On s'endort il fait jour, on se réveille il fait jour. J'ai pris un bateau pour me promener entre les petites îles qui constituent un archipel que les Suédois envahissent dès que leurs loisirs leur permettent. J'ai beaucoup aimé marcher dans cette ville, aérée, joyeuse. De même à Göteborg, je me suis amusée à devoir m'aplatir pour passer sous les ponts des canaux et bras de mers qui irriguent la ville.
A Saträbruk , un bled perdu situé entre les deux villes, j'ai passé dix jours dans un orphelinat transformé en Centre de séminaires, en compagnie "d'homologues" des cinq continents.

Mon souvenir le plus ému se situe dans un lieu dont j'ai oublié le nom à quelques kilomètres de l'embarcadère du ferry qui relie le Danemark à la Suède et qui fut ma première rencontre avec la Suède.
Une ferme où j'ai passé une semaine irréelle de février (neige et glace à perte de vue), chez des amis de Mette, ma copine danoise qui m’hébergeait à l'époque. J'y avais éprouvé une émotion inoubliable. La Danoise gaillarde et belle comme une aurore qui gouvernait le lieu avec son compagnon, entraînait à la monte des chevaux. Elle m'avait demandé de tenir la bride d'un cheval qu'elle habituait à la selle. Si je me sentais de courir auprès de lui sur la piste où elle l’entraînait, ça lui serait utile, mais je n'étais pas obligée.
J'avais une certaine trouille de ces colosses dont les muscles frissonnaient à hauteur de mon front et qui agitaient leurs têtes dans des dénégations que je considérais comme m'étant personnellement adressées. Mais peut-on jouer les poules mouillées devant une amazone qui vous toise avec un rire léger, pétri d’indulgence ?
J'ai couru. Dans la chaleur irradiante de cette encolure que je frôlais de l'oreille, m'efforçant de trouver au fond de moi une musique qui s'associerait à la paisible cadence. Il trottait, je courais et comptais mes pas sur les siens. Accorder mon souffle a desserré l'étau de la peur dans ma cage thoracique. Elle, elle rebondissait sur sa selle, calme, le front haut, le regard tantôt posé sur les petites avalanches croulant des sapins bordant le lac où patinaient des canards, tantôt sur moi
- Ca va ?
- Ca va !

Je suis devenue légère. Il me semblait qu'accrochée à la bride de mon poulain, j'étais montée sur quelque invisible coussin d'air, sur lequel je glissais, aérienne.

En réalité, j'ahanais, alors qu'elle continuait seule son tour de piste en le faisant galoper, pour lui faire plaisir. Pendant que je la contemplais en essayant de calmer la brûlure de mes poumons, j'éprouvais de façon violente le désir de ce plaisir-là. Etre portée par ce bel animal, partout où j'irais. Ce fut culminant et fugace.

Je suis revenue par la suite à ma vieille terreur des bêtes puissantes dont la brusque émotivité peut m'anéantir par le déchainement des forces incontrôlables (par moi) qui les animent. C'est une superstition, une limite ou une vraie sagesse. Je n'ai encore jamais pu en décider.

Photo Stockholm 2001. ZL

11 commentaires:

Blog_trotter a dit…

http://www.youtube.com/watch?v=-RTKOLiC7tItr

JEA a dit…

Plus généreuse encore : la Finlande avec ses 50.000 îles. Un mini-hydravion s'y révèle plus utile qu'un chemin de fer...
Enfin, le soleil de minuit. Etrange sensation. Se réveiller la première fois vers 3-4 heures du matin avec mal aux paupières. Et l'impression qu'il est au moins 10 heures mais que l'on manque incroyablement de sommeil.

D. Hasselmann a dit…

Ce récit plein de souvenirs frais me fait penser à "La chute de cheval", beau livre de Jérôme Garcin. On comprend qu'il ait écrit ensuite sur Zingaro.

Cactus , ciné-chineur a dit…

goo goo Barabajagal , t' aurait dit Donovan Philip Leitch , j'en suis certain Zoë ! ( Jacques Demy alors très joueur , de me répondre " flûte alors " :-)

Chr. Borhen a dit…

On devrait créer un Nobel de la monte.

Tania a dit…

Belle page chevauchée par l'émotion revécue - les sensations perdurent.

Cactus , ciné-chineur a dit…

j'aime ta radioactivité , moi , en tes cartes postales : sissi !!!!
( et bon voyages à toi au fait )

Cactus , ciné-chineur a dit…

oops , ta rétroactivité , je signifiais !
j'ai besoin de repos moi , là , non ? peut-être même de repos éternel !

Myriam L a dit…

charmant
[charme : sort lancé sur une personne ; sortilège, enchantement] ... j'ai couru aussi...

Hue, amazone et prends-nous en selle !

Zoë a dit…

@Blog trotter. Merci pour le lien mais je n'ai pas compris, était-ce pour les courses de chevaux ? En revanche j'ai trouvé votre texte sur l'enterrement de votre voisine, morte sous les roues d'un chauffard très émouvant.
@JEA, de la Finlande je n'ai rencontré qu'Helsinki. Il y faisait un vent glacial qui me sectionnait les oreilles et c'était l'hiver, mais je me suis promis d'y aller en été but when?
@DH, Ah Zingaro ! et le vin chaud à la cannelle servi pendant le spectacle.
@Cactus Qui est DPL qui parle ainsi
@Chr. de la monte hein !
@ Tania, Merci, votre promenade en bord de mer vaut aussi le détour
@Cactus. Pas de repos éternel, c'est interdit
@ Myriam L. Je le dis comme je le pense: les yeux du tambour sont un grand moment (message crypté, nécessite un tour chez mamzelle L pour saisir la finesse du propos

BT a dit…

Non Zoë, rien à voir avec le sujet sinon le décor. C'était juste pour vous faire sourire un peu...