jeudi 29 décembre 2022

D'images et d'eau fraîche

J'ai eu envie de partager quelques unes de mes photos publiées sur le blog défifoto,  qui vit peut-être ses dernières heures faute de combattants. Le premier du mois une photo selon un thème  sélectionné après propositions puis votations.

Thème photo retravaillée.

 Ce désir m'a été inspiré par
le titre du très beau livre de Mona Chollet qui est paru en septembre, magnifiquement illustré des captures qu'elle collectionne sur Pinterest dans une sorte de monomanie dont elle livre le détail. 

Elle débute son ouvrage en citant Rezvani, un auteur qu'elle révère et je ne peux que m'identifier. "Les années lumière" et l'histoire d'amour avec sa Lula m'avait si fortement touchée. Le bel amour  n'a pris fin qu'à la mort de Lula après 50 ans de vie à la Garde Freinet, dans le Massif des Maures où le couple s'était installé, fuyant la Capitale. Rezvani vient de faire paraître à presque quatre vingt quatorze ans "Beauté, j'écris ton nom".

Venise, hiver 2015

Mona Chollet analyse son "addiction" à l'image,  collection compulsive, une évasion quotidienne qui lui permet d'échapper à l'actualité anxiogène. D'une certaine façon, c'est essentiellement cela le rôle du web, fournir à chacun une échappatoire.

Denis Grozdanovitch   dans son livre "La gloire des petites choses " note que " le soir venu, le moindre hameau perdu parmi les bois et les prés (...) littéralement partout, jusqu'aux fenêtres des fermes les plus délabrées, palpitent les lueurs des écrans censés nous relier au monde de nos contemporains et qui n'aboutissent pourtant qu'à créer cet étrange phénomène oxymorique de plonger le monde entier dans une gigantesque solitude collective. L'ultramoderne solitude que chante Souchon.

 

Effilochés (Nuages)

Dans un monde de l'utilité mesurable en espèces trébuchantes, Mona Chollet interroge la relation équivoque que nous entretenons avec la rèverie, le plaisir de la contemplation. Elle cite Susan Sontag "une société capitaliste exige une culture assise sur des images. Elle doit fournir de la distraction en grande quantité afin de stimuler la consommation et "d'analgésier les blessures de classe, de race et de sexe". Le philosophe Michel Foessel s'oppose à cette vision  "Jouïr dans un monde injuste trahirait toujours une compromission" en affirmant : "le plaisir fait avec ce qui est là (...), mais dans ce "faire" l'avenir cesse d'être seulement espéré, il commence ici et maintenant"

Mona Chollet nous offre en partage toute une série de vignettes et commente les appariements qu'elle a fait avec des images de son enfance, des lectures, des rencontres. Elle créé des albums selon des thématiques  qu'elle affectionne et note que la profusion qu'Internet et le numérique ont introduite permet de ne plus choisir entre l'appropriation et le partage".

C'est le propre de la connaissance, de la culture : donner ne signifie pas perdre mais au contraire s'enrichir du plaisir partagé. Son livre est un recueil réjouissant de réflexions et d'illustrations à offrir ou s'offrir. 

Mona tenait une sorte de blog  Périphéries dont je vous conseille les archives.

Silhouettes d'amies, La Rochelle


 Denis Grozdanovitch  se demande comment nous en sommes venus à négliger la poésie (au passage il n'est pas tendre pour René Char, ce qui m'a un peu troublée). Il rend hommage à un photographe que j'ai découvert, Bernard Plossu qui "nous aide à percevoir le charme inégalable de l'anodin et du familier". J'ai pensé à Henri Zerdoun dont je suis le travail depuis de nombreuses années. Il publie sur Facebook des photos magnifiques selon des thèmes. En ce moment il s'agit de la pluie. DG termine son livre (un bijou d'intelligence, d'humour, de culture) par une série de citations de poètes et notamment d'haïkus. Je souscris pleinement à son propos : la désaffection pour la poésie véritable, si criante aujourd'hui,nous la devons principalement au pragmatisme économique qui a envahi le monde avec l'avènement du productivisme industriel, indifférent, voire hostile à la marche discrète des mouvements infimes.  

Alcôves maritimes

Dans les alcôves maritimes

Nos fiancées se languissent

Serons nous bientôt des hommes  

Aimants à leurs côtés ?

Ou des mutants à genoux

Implorant sans espoir la manne matérialiste

Qui jamais n'étanchera nos soifs d'absolu

Guillaume Lashi Manifeste poétique de la terre en feu. Editions Pelandra


Vers où aller ?  


Y'a une route (Manset)


Photos ZL


dimanche 4 décembre 2022

Un si grand désir de silence

 

Au milieu du brouhaha, des bruits du monde et de nos propres pensées, comment retrouver le sens du silence ? Dans notre société saturée de paroles et d'images, a-t-on oublié qu'il était parfois bon de se taire, un peu ? Gratuit, improductif et en définitive profondément subversif : si on faisait dans nos vies une place au silence pour écouter ce qu'il nous dit de l'accueil et de la disponibilité, de l'ascèse et de l'ouverture ?
C'est ce à quoi nous invite Anne Le Maître dans une réflexion nourrie de références littéraires et d'anecdotes empruntées à son itinéraire personnel.
Une promenade enchanteresse en terre de silence.
(4ème de couverture)
.

Les livres ne nous parviennent pas par hasard. Une amie vous le conseille, un titre vous accroche, un extrait vous séduit. Dans le cas de celui-ci les trois raisons se sont additionnées. S'y est ajoutée une dernière, j'avais vraiment besoin de silence après des journées chargées d'échanges, de bruit, de remue ménage. J'ai la chance d'habiter loin du tumulte d'une ville, au milieu des champs. Et même si la route en contrebas est plus utilisée désormais qu'auparavant, le traffic est limité aux heures de départ vers leur travail et de retour de, des habitants alentour.

J'ai donc pris le temps de déguster ce livre, écrit pendant le confinement, époque étrange qui a permis de découvrir les bruits d'ordinaire masqués par les pétarades des moteurs et des machines, le brouhaha des conversations, les sirènes et autres hurlements de la vie courante, dans tous les sens du terme . 

A Paris on s'est esbaudi d'entendre le chant des oiseaux. Ici sur ma petite colline, je l'entend  en permanence, mais est-ce que je prend le temps de l'écouter ? Est-ce que je sais reconnaître l'un ou l'autre de ces chanteurs ? Pas vraiment. Anne Le maître se fait cette réflexion." A l'écoute de ce qui sifle et de ce qui pépie, de ce qui trotte et de ce qui bourdonne, de ce qui pousse et de ce qui fane , dans le silence je m'ouvre au non verbal qui est tout sauf absence de parole"

Je vis de plus en plus dans le silence. Le bruit du monde avec ses litanies anxiogènes me déprend de cette sorte de tranquillité toujours menacée que j'essaie d'atteindre hors des temps que je consacre à mes occupations d'activiste utopique. 

Même la musique peut me sembler intrusive. C'est que "écrire n'est pas simplement mettre en forme des idées ou coucher sur le papier un flux de pensée. Ecrire c'est aller avec les mots, là où on n'imaginait pas aller. C'est laisser à sa pensée la liberté de prendre forme sous la plume. C'est prendre la mer sans bien savoir où conduit le voyage ni ce qu'on rapportera dans ses filets (...) C'est se mettre en état de réceptivité, laisser venir à soi ce qui peut-être doit venir et qu'on ne savait pas . Blotti conter le ventre du monde, c'est se laisser traverser par ses vibrations, le stylo en guise de sismographe" .

Je reviens à cette écriture là. Qu'en adviendra -t-il ?

Ce livre rapelle fort à propos que pour écouter, il faut savoir se taire, leçon utile dans notre époque bavarde.