mardi 17 novembre 2009

Touche pas à mes fess(é)es



"Je ne suis pas partisan du châtiment corporel, mais m'en interdire l'usage et ainsi diminuer ma légitimité de père est en totale contradiction avec la restauration de l'autorité parentale que tous ces élus bien pensants appellent de leurs voeux."
Extrait d'un article de l'Express, mais j'aurais pu en choisir un autre tant il y a abondance de protestations suite à l'annonce d'un projet de loi présenté par Edwige Antier de pénaliser les parents qui useraient de la fessée pour "corriger" leurs enfants.
Je ne frapperai pas mais je ne veux pas qu'on m'en empêche.
Je ne dépasserai pas la vitesse limite mais m'obliger à lever le pied c'est m'humilier, je sais conduire, je ne suis pas une brèle!
Je ne battrai jamais ma femme mais ces lois contre la violence conjugale c'est insupportable, si elle le mérite, je peux en juger et faire ce qu'il faut pour lui redonner le goût de bien faire.

Ah non ! C'est pas pareil ! Ah ! Bon ? On a une idée du nombre de mômes torgnolés pour "leur bien"?
Il y a tous ces témoignages de parents dépités qu'on leur retire le martinet des mains et qui revendiquent les baffes que leurs propres parents leur filèrent, à juste raison, ils leur sont reconnaissants, ainsi n'ont-ils pas glissé vers les pires turpitudes etc. etc. ad nauséam.

Pour ma part, j'ai reçu très peu de raclées. Une, mémorable, me fut infligée par ma mère, totalement hors d'elle parce que j'étais partie en bicyclette après diner, sans prévenir et qu'elle s'était fait un sang d'encre. Quand je me suis pointée, elle s'est jetée sur moi, m'a flanqué quelques coups désordonnés, propres à lui offrir un éxutoire à son angoisse et elle m'a privée de la sortie cinéma prévue ce soir là. Cette privation a été plus insupportable que les coups qui l'ont en revanche discréditée à mes yeux. Un adulte se doit de garder son sang froid.

La fessée présente cet inconvénient supplémentaire d'être en quelque sorte aggravée de la préméditation . Il faut déshabiller, installer en position et frapper méthodiquement. Elle ajoute à la douleur du coup l'humiliation de la nudité exposée, à un âge où l'enfant tente de maîtriser sa propre pudeur.

Infliger par la violence une règle de comportement revient à fonder la gouverne de l'enfant sur la peur, oxydant extrèmement efficace de la vitalité. On fabrique des enfants obéissants en surface, profondément opposants en réalité.

J'ai élevé deux enfants sans jamais avoir eu recours à la violence physique ni aux cris et vitupérations ce qui ne signifie pas qu'ils n' aient pas su très tôt ce qui était admissible et ce qui ne l'était pas. Il suffit de construire un univers qui évite l'arbitraire et l'absurdité et délivre suffisamment de oui pour que le non soit incontestable parce que clairement motivé.
Et je sais que beaucoup de parents ont réalisé ce petit prodige, faisant par là-même l'économie pour eux-mêmes de la violence qu'ils absorbent par rebours et du misérabilisme qui va de pair avec ce minuscule exploit qui consiste à vaincre par les coups un plus petit que soi.

Illustration La fessée Giorgio Conrad

dimanche 15 novembre 2009

Le vent des blogs 34. Vous avez dit bizarre ?



Cette semaine je vous invite à découvrir des sites qui ne sont pas tous des blogs, mais ont attiré mon attention par l'étrangeté de leur propos, de leur mise en scène ou de leur forme.

Pour rechercher l'âme soeur, il existe bien mieux que Meetic, découvrez une autre manière de se rencontrer à partir du partage de vos livres préférés. Retrouvez ceux qui ont adôôôré ce que vous-même avez placé au plus haut et au plus près de votre coeur de lecteur.

Autres temps, autres moeurs, les vocations de prêtres faiblissent, les curés s'ennuient le dimanche, ils bloguent eux aussi, y' a pas de raison. Celui-ci s'est intéressé à un personnage qui fait partie de mes familiers (attention un indice : placez la pointe de votre compas sur le lieu où se tient ce dont le prêtre parle, tracez un cercle d'un rayon d'environ 15 km et repérez les collines : sur l'une d'elle se tient la Lucider, étrange chimère à sang chaud, à langue bifide et à crinière abondante ).

Poursuivons avec une petite expo sans bouger vos fesses, et après l'expo descendez vers le billet précédent, pas triste dans le genre étrange et délirant. Sur ce site on rencontre une drôle de personne et en fouillant, on tombe sur des trucs rigolos.

Encore épastouillants sont les photomontages d' Erik Johansson.Très jeune ce garçon mais la valeur n'attend pas le nombre des années comme dirait le vieux Corneille.

Je ne sais pourquoi j'ai pensé à Cactus en allant voir ce que tramait la brigade des clowns qui fait de l'agit prop sur le vaccin. Au passage signalons que Cactus joue du sursite. Ca s'appelle Ciné chiner et c'est bourré d'extraits de beaux films bien allumés dans le genre Le dernier Tango à Paris.

Découvert chez Tania, dont je recommande la fréquentation à tous ceux qui aiment les livres,
une série de petits films (2mn) intitulée "L'objet de". Dix écrivains dans leur univers de travail (soit des empilements de bouquins qui font baver tout amoureux de littérature) nous montrent un objet fétiche et expliquent pourquoi cet objet tient ce rôle. Alberto Manguel présente sa chienne. Ce n'est pas un objet, nous sommes d'accord, d'autant qu'elle parle plusieurs langues y compris le Latin. Incroyable, n'est-il pas ?

Et pour conclure deux belles personnes en plein envol, du bonheur pur.


Photo Crépuscule sur Cendron (Ph. JEA / DR). Extraite des Minimaximes
Encore un maître du fantasmagorique notre JEA de Mo(t)saïques, bien connu des habitués. Gens de passage, étonnez-vous!

vendredi 13 novembre 2009

Trois femmes (im)puissantes


J'ai cherché les synonymes au terme puissance pour y trouver ce qui avait pu autoriser Marie Ndiaye à qualifier les trois personnages (le terme d'héroïnes serait impropre) de son opus, élevé lui, à la puissance du Goncourt. "Domination", "empire", "force","efficacité", énergie", "pouvoir" voire "potentialité". Or, après avoir refermé le livre, ces "Trois femmes puissantes" me donnent le sentiment d'avoir été, moi, grugée. "Trois femmes qui disent non". Ah ? Vraiment ?
La première, Norah, finit par se soumettre au désir du père et renonce à sa situation d'avocate vivant dans un pays libre, pour obéir à l'impérium du père, vieil homme ruiné sur la terre natale, en Afrique, qui après avoir assassiné la dernière de ses nombreuses femmes, en a fait porter la responsabilité à son fils adoré et a convoqué sa fille pour qu'elle s'occupe de la défense de son frère. "Pourquoi serait -elle venue se nicher dans le flamboyant si ce n'était pour établir une concorde définitive. Son souffle était alangui, indolent. Il entendait le souffle de sa fille et n'en éprouvait pas d'irritation. " Ainsi se conclut la première histoire de femme puissante.
De la seconde, on ne sait pas grand chose si ce n'est qu'elle a suivi un grand flandrin blond dont elle avait un enfant pour s'établir en France dans une petite vie mesquine où elle ne peut rien faire, sinon être la femme de cet homme qu'elle ne désire plus. Il a eu maille à partir avec le lycée qui les employaient l'un et l'autre, en Afrique et tous deux sont venus en France après qu'il l'a abusée sur les perspectives qui les y attendaient. Nous sommes surtout embarqués dans la rumination du mari en question, dont les détails sont filandreux et quelques fois très ennuyeux. Il a le crime de son père sur la conscience et il est lui-même habité d'un désir de meurtre, auquel il finit pas résister, de même qu'il se débarasse de sa relation malade avec sa mère. Quand donc va-t-elle enfin se manifester la puissance de Fanta, en dehors de cette obstination à se refuser à cet homme? Il faut ajouter foi aux quelques lignes qui clôturent le châpitre. Elle a gagné une bataille sans la livrer et retrouvé le sourire et le lecteur sa liberté de passer au chapitre suivant.
La troisième, Khady Demba, puise dans l'incantation de son nom des ressources de vitalité dont elle a bien besoin pour affronter l'iniquité absolue dans laquelle elle tente de survivre, essentiellement en s'absorbant dans une sorte de jouissance de la solitude et de la rêverie. Après n'avoir songé et organisé sa libido que dans le désir d'enfanter, et en vain, quand son mari meurt brutalement, elle se retrouve reléguée par sa belle-famille qui l'expédie vers la France, du moins vers ces filières qui drainent les malheureux candidats à l'immigration. Un instinct de survie lui fera sauter de l'embarcation pourrie sans doute vouée au naufrage mais ce sera pour tomber de Charybde en Scylla ou plutôt des dangers de la noyade à ceux du dépérissement dans le désert, sans oublier la case prositution.
Dans les trois situations," ces femmes qui disent non " développent surtout une capacité à accepter le sort qui leur est fait. Elles ont sans doute une force qui les maintient en vie quand d'autres deviendraient folles ou se laisseraient mourir, mais à aucun moment elles n'ont réellement une emprise sur leur vie. leur seule puissance est celle de ne pas tout à fait se dissoudre et de garder un soupçon de dignité, y compris dans les situations les plus atroces (la prostitution pour Khady Demba).
L'écriture de Marie Ndiaye ? Encensée au delà du ridicule. Oui belle écriture, mais une forme de maniérisme dans les métaphores, les répétitions, le recours au symbolisme de l'arbre, de la buse, des corbeaux, (pour se rapprocher de la cosmogonie africaine ?) une systématique de la souffrance que n'allège jamais un temps de respiration.
Il me vient le soupçon que si le jury du Goncourt a élu ce livre, c'est qu'il donne une image de l'Afrique qui correspond somme toute à ses propres clichés.
Femmes puissantes ? Femmes flouées plutôt. Sûrement pas des figures solaires de l'énergie des femmes africaines.
Plutôt lire Fatou Diome, Le ventre de l'Atlantique pour rencontrer la belle et joyeuse puissance d'une femme africaine.
Et admirer la grâce, l'énergie et le talent d'Angélique Kidjo

Photo Angélique Kidjo Saharian Vibe

NB. En revanche, je trouve Marie Ndiaye courageuse (courage fuyons) de faire part de ses opinions politiques et Eric Raoult égal à lui-même dans sa muflerie cocardière.

mardi 10 novembre 2009

Peuple Kichwa de Sarayaku Amazonie équatorienne, puissance de la vie

Ce blog débutait et j'écrivais (24 nov 2008)
Anniversaire de Claude Levi Strauss. Cent ans ! Et quelle lucidité ! Avoir compris en découvrant les "sauvages" que les vrais barbares étaient ceux qui partirent à la conquête du monde, forts de l'illusion qu'ils pouvaient en devenir les maîtres quand ils auront été les pires fossoyeurs de sa richesse et de sa beauté.

Je ne sais plus où, en commentaire, j'ai écrit qu'on ne savait pas ce que les peuples colonisés seraient devenus si les envahisseurs avaient plié bagage, voire n'avaient pas conçu ce projet fou d'aller coloniser la terre entière au prétexte (odieusement mensonger) de faire accéder à la civilisation des peuples prétendument arriérés.

J'ai trouvé ce jour cette information, sur un site intitulé délit de poésie. (merci Cathy Garcia)

Inspiré par les Yachaks (Chamanes), le projet « Frontière de Vie » est la création sur le pourtour du territoire de Sarayaku, 300 kms de long et 135 000 hectares de forêt primaire d’une immense frontière d’arbres à fleurs de couleurs. Un symbole à valeur universelle émergera ainsi lentement de la forêt amazonienne, vivante incarnation du désir universel de paix et de protection de la Terre. Ce sera le message de tout un peuple, élan vital, expression de sa volonté farouche de préserver son mode de vie, mais aussi, de créer avec nous une vaste solidarité planétaire.
Deux de ces représentants, dont José Gualinga sous protection d’Amnesty International, après avoir été plusieurs fois mis en danger de mort lors des luttes contre les compagnies pétrolières, seront en France du 12 au 24 novembre 2009. Plusieurs rencontres "conférence-projection" auront lieu.

Je reproduis ici la première, voir les autres sur le site délit de poésie.

Jeudi 12 Novembre : 9h30-12h00 - UNESCO - Paris 7e - Métro Ségur ou Cambronne - Entrée libre - Conférence en présence de Vandana Shiva, Danielle Mitterrand, José Gualinga sur la préservation des savoirs traditionnels "Manifeste sur l’avenir des systémes de connaissance ".


Pour mieux connaître l'aventure de ce peuple en résistance aller ici


Comme on est peu nombreux à s'intéresser à la survie des peuples premiers, je ne vois pas de meilleure utilité à ce blog, au lendemain de la commémoration que l'on sait, de participer de modeste façon à élever ce mur d'arbres et de fleurs. C'est aussi mon hommage personnel à Claude Lévi Strauss

« Nous, nous demandons si un peuple petit comme le notre peut changer le monde.
Peut-être pas !
Mais nous sommes sûr que dans chaque cœur, il y a un peuple qui lutte avec la même force
et si petit soit-il, nous sommes le symbole de la puissance de la vie. »
José Gualinga, Peuple Kichwa de Sarayaku Amazonie équatorienne.

Photos du site Frontière de vie déjà cité.

dimanche 8 novembre 2009

Le vent des blogs 33. Contre

pared palestinia

J'avais l'intention de revenir sur la disparition de Claude Levi Strauss, mais je vais plutôt vous inviter à visiter Lettres libres. Dans son hommage à CLS, Christophe Borhen a choisi une de mes citations préférées dont j'ai usé abondamment ailleurs que sur ce blog :
" La tolérance n'est pas une position contemplative, dispensant les indulgences à ce qui fut ou à ce qui est. C'est une attitude dynamique , qui consiste à prévoir, à comprendre et à promouvoir ce qui veut être. La diversité des cultures humaines est derrière nous, autour de nous et devant nous. La seule exigence que nous puissions faire valoir à son endroit (créatrice pour chaque individu des devoirs correspondants) est qu'elle se réalise sous des formes dont chacune soit une contribution à la plus grande générosité des autres. "
Pendant que vous y êtes, lisez ce qu'il écrit à propos de la commémoration de la chute du mur de Berlin. (lisez aussi avant après, tout est bon dans le Borhen)
Pour ces deux évènements majeurs, voilà, c'est fait, merci Christophe.

Je vais être plus frivole. Grâce à Mon Chien Aussi, je suis en mesure de vous faire découvrir si vous ne connaissiez La linea série télévisée italienne reposant sur un procédé graphique rigolo créée par le dessinateur Osvaldo Cavandoli. Découvrez dans le même temps la Linea interactive de Patrick Boivin. Merci Mon Chien Aussi. (intervenaute prolixe et sagace mais non pourvu d'un lieu personnel sur le ouèbe)

Essayons nous à l'optimisme avec deux sites.
Le premier n'a semble-t-il servi qu'une fois pour déployer une collection de "preuves" au yeux de l'auteur que 2009, est une année d'optimisme

Le second, Bonne nouvelle est un blog qui répertorie les annonces prometteuses de félicité, au nombre desquelles (parmi les dernières) il se mettrait en place un dépannage à destiné aux "usagers légaux" du cannabis dont les vertus thérapeutiques ne sont plus à démontrer mais comme tout médicament, n'est-ce pas, il ne s'agit pas d'en abuser et surtout comme il n'est pas en vente libre (surtout pas!!!) certains "usagers autorisés" mais non fournis tombent en rade. Pour plus d'info donc, le lien utile ci-dessus. Ceci dit, nous vous souhaitons de ne point émarger sur la liste des "usagers en manque".

Petite interruption uniquement dédiée à la musique (les conseilleurs se reconnaîtront, merci les conseilleurs)
The black light Calexico
Patrick Watson
Edward Sharpe and The Magnetic Zeros (celui-là, c'est Yannick qui s'abrite (oui, je sais, encore de l'odieux copinage )

J'ai découvert Histoire d'une passion. Photo, la passion. Du coup vous accèderez à une série de blogs à haute intensité photographique. Il y en a tant que vous devrez vagabonder pour trouver la votre, de passion.

Pour l'intensité cette semaine il y eut cela : le petit chat est mort en deux temps un et deux. J'ai d'autant plus compati que j'aime beaucoup le délire photographique de Dom A, que j'ai eu hélas des chats et chiens exécutés de même manière et que de façon générale le genre de génocide animal pratiqué couramment m'énerve . J'avais déjà éructé à ce propos.

Maintenant d'autres s'interrogent sur l'utilité du chien (ou du chat), pourquoi ne pas les manger tant qu'à les nourrir, d'autant qu'eux aussi pètent et en rajoutent sur le mauvais état de notre atmosphère (il y a un créneau sur l'invention de nourriture non flatulente, car nous-mêmes...)

Enfin bref, comme dit Chr. B, tout cela n'est rien, comparé à ce qui fut et peut encore advenir.
Claude Levi-Strauss se sentait étranger à ce monde qui avait détruit à peu près tout ce qu'il avait aimé.

En point d'orgue, une découverte, (merci Saravati)
Mari Boine Persen chanteuse norvégienne d'origine saami (peuple en voie de disparition, comme les "Natives" d'Amérique du Nord, du Sud, d'Australie, (ajouter à la liste selon votre connaissance). La vidéo suivante illustre quelques unes des monstruosités commises et qui sont bien pires que tout ce que j'ai évoqué.
Pardon, légèreté feinte donc.

Pour conclure, et parce qu'il faut puiser quelque ressource auprès des visionnaires, je vous adresse vers ce superbe poème de Michaux Contre.

Photo : EFE : En Palestine, au Mexique, ou au Maroc, d'autres ''murs de la honte'' restent debout.

vendredi 6 novembre 2009

Les Vases communicants. Sur tes trajets

«(...) pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d'échange généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu'on y découvrirait des nouveaux sites (...)».
François Bon et Scriptopolis ont lancé l'idée des Vases Communicants. Aujourd'hui Anna de Sandre et Zoé lucider s'invitent réciproquement.
A toi Anna!

Tu vois, c’est dans l’air.
Les pluies crépitent sur des hardes entassées aux pieds d’hommes noirs, leurs mains croisées sur la tête, mais ton crédit est accepté.
Tu baisses les yeux sur ton volant et dépasses les condés sur le trottoir, qui tiennent des avions par la queue en imitant le bruit des hélices dans un sale jeu qui se termine « pour de vrai » à Cornebarrieu.
Tu vois, c’est dans l’air.
Le froid mord aux fesses de petites filles, étranglées entre deux poubelles, mais ce n'est pas lui qui les étrenne, des pères d’abord les ont clouées, des socquettes jusqu’au col Claudine. Ils l’ont narré sur du papier, c’est même passé à la télé.
Tu fixes les yeux sur ton laptop au fond du bus qui passe devant. Ta boîte hier te l’a offert, c’est pas le moment de crier Maman.
Tu vois, c’est dans l’air.
Des retraités enlacent le pied de leur lit dans des « palaces » qui puent le vomi. C’est le bruit des gifles qui dessert leur étreinte, il vient de la chambre d’à côté, celle où il n'y a plus de plainte. La douche à la vieille Suzanne, c’est le croque-mort qui la donnera, quand on prendra de sur ses draps son corps sec et ses pieds froids.
Tu suis des yeux la rame de métro que t’as ratée (mais quel idiot), et quand sur ta tête passe le corbillard tu penses à t’acheter une moto.
Tu vois, c’est dans l’air.
Des groupes d’ivrognes avec leurs chiens salissent l’espace et tendent la main. Tu sors d'une boutique avec des made in China dans un sac plastique et les enjambes jusqu’au tramway. Calé en boule dans ta parka, tu fermes les yeux et penses à Bianca, sa chatte serrée et son string Zara. Tu veux t’acheter un écran plat, mais le dimanche, c’est pas ouvert.
N'en parle pas à Nicolas, il joue au roi dans son palais. Il tranche des têtes à son bureau, Carla dessous, ton fils à l'eau. Deux trois vendus font des salauds, mais tu l'as fermée le premier.
(Tu vois, c'est toi qu'on fout en l'air.)

Participent également aux Vases communicants de novembre :
Ligne de vie et Balmolok
Frédérique Martin et Lephauste
Enfantissages et La méduse et le renard
Annie Rioux et Philippe Maurel
Tentatives et Brigitte Célérier
Pierre Ménard et Joachim Séné
A chat perché et Kill me Sarah
Petite racine et Juliette Mézenc

mardi 3 novembre 2009

Corps de Lune

Beethoven - Walisische Lieder WoO 155 - 19. The Vale of Clwyd ***

Dans les ombres charnues d'une trouée de lune fleurissaient des orties en langues de triton.
Quand il est arrivé sur un pied retroussé, il avait dans les dents un air de violoncelle.
Il marchait en griffant les franges de la nuit, il caressait des nèfles dans le creux de ses mains.
Un flot de verre brisé avait sonné l'alarme et les vieux leucocrotes s'étaient haussés du col.
Le froid avait des ongles, le sol des acqueducs , les ducs des yeux de sel et le sel des diamants.
Il respirait en rond et léchant les nuées, il caressait la pierre pour y bercer ses leurres.
En soupir évadé, en murmure, congédia les factions qui lui tendaient les bras,
"j'irais boire le calice derrière les matricules, derrière les ouvertures que l'on ne choisit pas".

***merci Renato

Photo La lune vendredi 30 octobre 2009. ZL