vendredi 6 novembre 2009

Les Vases communicants. Sur tes trajets

«(...) pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d'échange généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu'on y découvrirait des nouveaux sites (...)».
François Bon et Scriptopolis ont lancé l'idée des Vases Communicants. Aujourd'hui Anna de Sandre et Zoé lucider s'invitent réciproquement.
A toi Anna!

Tu vois, c’est dans l’air.
Les pluies crépitent sur des hardes entassées aux pieds d’hommes noirs, leurs mains croisées sur la tête, mais ton crédit est accepté.
Tu baisses les yeux sur ton volant et dépasses les condés sur le trottoir, qui tiennent des avions par la queue en imitant le bruit des hélices dans un sale jeu qui se termine « pour de vrai » à Cornebarrieu.
Tu vois, c’est dans l’air.
Le froid mord aux fesses de petites filles, étranglées entre deux poubelles, mais ce n'est pas lui qui les étrenne, des pères d’abord les ont clouées, des socquettes jusqu’au col Claudine. Ils l’ont narré sur du papier, c’est même passé à la télé.
Tu fixes les yeux sur ton laptop au fond du bus qui passe devant. Ta boîte hier te l’a offert, c’est pas le moment de crier Maman.
Tu vois, c’est dans l’air.
Des retraités enlacent le pied de leur lit dans des « palaces » qui puent le vomi. C’est le bruit des gifles qui dessert leur étreinte, il vient de la chambre d’à côté, celle où il n'y a plus de plainte. La douche à la vieille Suzanne, c’est le croque-mort qui la donnera, quand on prendra de sur ses draps son corps sec et ses pieds froids.
Tu suis des yeux la rame de métro que t’as ratée (mais quel idiot), et quand sur ta tête passe le corbillard tu penses à t’acheter une moto.
Tu vois, c’est dans l’air.
Des groupes d’ivrognes avec leurs chiens salissent l’espace et tendent la main. Tu sors d'une boutique avec des made in China dans un sac plastique et les enjambes jusqu’au tramway. Calé en boule dans ta parka, tu fermes les yeux et penses à Bianca, sa chatte serrée et son string Zara. Tu veux t’acheter un écran plat, mais le dimanche, c’est pas ouvert.
N'en parle pas à Nicolas, il joue au roi dans son palais. Il tranche des têtes à son bureau, Carla dessous, ton fils à l'eau. Deux trois vendus font des salauds, mais tu l'as fermée le premier.
(Tu vois, c'est toi qu'on fout en l'air.)

Participent également aux Vases communicants de novembre :
Ligne de vie et Balmolok
Frédérique Martin et Lephauste
Enfantissages et La méduse et le renard
Annie Rioux et Philippe Maurel
Tentatives et Brigitte Célérier
Pierre Ménard et Joachim Séné
A chat perché et Kill me Sarah
Petite racine et Juliette Mézenc

mardi 3 novembre 2009

Corps de Lune

Beethoven - Walisische Lieder WoO 155 - 19. The Vale of Clwyd ***

Dans les ombres charnues d'une trouée de lune fleurissaient des orties en langues de triton.
Quand il est arrivé sur un pied retroussé, il avait dans les dents un air de violoncelle.
Il marchait en griffant les franges de la nuit, il caressait des nèfles dans le creux de ses mains.
Un flot de verre brisé avait sonné l'alarme et les vieux leucocrotes s'étaient haussés du col.
Le froid avait des ongles, le sol des acqueducs , les ducs des yeux de sel et le sel des diamants.
Il respirait en rond et léchant les nuées, il caressait la pierre pour y bercer ses leurres.
En soupir évadé, en murmure, congédia les factions qui lui tendaient les bras,
"j'irais boire le calice derrière les matricules, derrière les ouvertures que l'on ne choisit pas".

***merci Renato

Photo La lune vendredi 30 octobre 2009. ZL

dimanche 1 novembre 2009

Le vent des blogs 32. La colère non dite


Cette semaine, je serai un peu concentrée sur quelques points sensibles, très sensibles. Afin de vous aider à traverser l'épreuve un petit lien musical, y'a pas de mal à se faire du bien
Musique
Kamizole, après avoir, comme elle sait le faire, vilipender le sieur Besson et son identité frankaoui (il n'est même pas né dans l'hexagone ce reptile) nous offre un lien utile vers la Conférence d'Ernest Renan effectuée le 11 mars 1882 à la Sorbonne, intitulée Qu'est-ce qu'une nation ?
Je vous en livre ici un extrait en soulignant la dernière phrase que je trouve particulièrement savoureuse en ces temps d'In and Out
L'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de coeur, crée une conscience morale qui s'appelle une nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu'exige l'abdication de l'individu au profit d'une communauté, elle est légitime, elle a le droit d'exister. Si des doutes s'élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d'avoir un avis dans la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui, du haut de leurs principes supérieurs, prennent en pitié notre terre à terre. «Consulter les populations, fi donc ! quelle naïveté ! Voilà bien ces chétives idées françaises qui prétendent remplacer la diplomatie et la guerre par des moyens d'une simplicité enfantine». - Attendons, Messieurs ; laissons passer le règne des transcendants ; sachons subir le dédain des forts. Peut-être, après bien des tâtonnements infructueux, reviendra-t-on à nos modestes solutions empiriques. Le moyen d'avoir raison dans l'avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé." C'est fou le nombre d'idées qu'on croyait démodées qui reviennent à la mode. J'ai même lu dans un journal (sais plus lequel) que les trentenaires louchaient vers le mouvement hippie et adoptaient la peace and love attitude.

En attendant la machine à trier le bon grain de l'ivraie mouline à grande vitesse et en enfournant tout ce qui lui tombe sous la roue dentée. Soulef relaie l'info incroyable mais hélas vraie de l'expulsion de deux anciens combattants marocains (91ans et 79ans) de leur logement, dont ils paient le loyer rubis sur l'ongle, mais qui serait voué à démolition. Lisez, ça en dit long sur les nouvelles moeurs et coutumes qui se banalisent partout, pas seulement dans les Préfectures.

D'une autre nature mais aussi révoltant, chez Eric Poindron les poursuites infligées à Bob Garcia, tintinophile dévoué, par Moulinsart, gestionnaire de l'héritage d'Hergé. Prenez connaissance du montant des dommages et intérêts réclamés pour l'utilisation de quelques vignettes et encore dont une partie se trouve être d'allégation mensongère. Reviens Tintin, ils sont devenus fous !

Encore une pub pourrie, découverte en cherchant autre chose à l'INA parce que -sans surprise- elle apparait au nombre des vidéos les plus regardées sur le site.
Dans la même veine, (à bas la pub sexiste) un blog collectif féministe rigolo. Encore ?!! J'ai une excuse, c'est mon ami Phildo qui m'a transmis le lien et en général c'est du bon donc j'ouvre et voilà, je découvre le syndrome de la bouche ouverte. Ca vous en bouche un coin, si je puis dire.

Je termine ce jour avec une petite chanson, spéciale dédicace à tous ceux qui préfèrent aux assertions radicales et sans nuances, l'hésitation bienvenue pour peser ses mots.

vendredi 30 octobre 2009

Prolégomènes


Manu Causse m'a taguée dans la série "Premières fois". Oh non ! j'ai dit. Encore un tag ! Euh finalement c'est le deuxième, le premier j'avais 500 euros en poche et 500 secondes à vivre.
Aujourd'hui pour la première fois j'ai fait du vélo le long du Canal du Midi et j'en avais envie depuis longtemps., Toulouse Matabiau Ecluse de Castanet pour ceux qui connaissent,un petit thé assis au soleil devant l'écluse où justement un bateau se faisait écluser puis retour, 25 kilomètres en tout Il faisait un temps sublime, l'automne était à son apogée de délicieuse déliquescence, le Canal du Midi est un des plus beaux arboretum d'Europe.
Mais ce n'est pas cette première fois que je vous livrerai ce soir (trop fatiguée). Non ce sera une première fois publiée pour la seconde fois puisque je l'avais postée le vendredi 10 avril 2009, 20:34 chez Rodolphe dont le blog s'intitule Ca m'rappelle. Ca vous fera l'occasion éventuellement d'aller y faire un tour.
J'ai hésité parce que j'avais rédigé ce petit texte en commentaire, en remembrance selon la jolie expression de l'ami Rodolphe. Un peu plat peut-être. Enfin bref, ainsi soit-il.
Donc!
Alors que j'en étais aux balbutiements de ma vie amoureuse, nous avions organisé une sortie nocturne très excitante. Il s'agissait d'aller diner à Bonne Anse, lieu très particulier, qui se découvrait à marée basse mais était submergé à marée haute de façon pernicieuse : lorsque l'eau parvenait sur la langue de terre, elle était déjà haute et il fallait patauger et se replier rapidement si on voulait éviter la trempett eet surtout le courant très fort qui rendait la nage difficile.
Nous étions partis munis de kilos de moules que nous allions cuire en terrée ou éclade (chez moi on disait terrée) : disposer les moules en étoile sur une planche, recouvrir d'aiguilles de pin, mettre le feu, quand les moules cuites dans leur eau s'ouvrent sans effort déguster avec pain, beurre et Gros- Plant . J'étais la plus jeune de la bande, fort naïve. Les autres allaient par deux à part quelques garçons et moi. Après la dégustation, l'un deux s' approche de moi et m' entreprend avec rudesse, sans détour.
Qu'est-ce qu'il y a dans ce joli décolleté ? Il prend une poignée de sable et la verse dans le creux de mes seins. Excuses moi, je vais l'enlever et il met illico sa main sous mon pull. Je suis déconcertée et flattée à la fois. A ma façon de me reculer il comprend que je ne suis pas (encore) familière de ces jeux.
La montée des eaux me sauve de mon embarras. Nous devons nous replier. Nous nous séparons pour monter dans les voitures, l'aventure s'arrête là.
Quelques semaines plus tard, une amie plus âgée de deux ans, un écart énorme à cette époque de la vie, m'invite à une fête. Il y a là toute la jeunesse un peu huppée (première difficulté) et tout le monde danse. Je ne suis pas la dernière, j'adore. Tout va bien jusqu'au moment où on sonne. Mon amie me demande d'aller ouvrir. Mon compagnon de terrée se tient devant moi flanqué d'un autre que je connais un peu. Salut, tu connais Frédéric ? Je suis foudroyée de timidité. Le Frédéric passe devant moi sans m'accorder grande attention et grimpe les escaliers à longues enjambées, la fête se déroule au deuxième étage de la villa cossue, espace dévolu aux enfants de la maisonnée. Je m'arrête à mi chemin, je n'ai plus envie de danser, je suis malade de désir et de peur. Je reste au salon en attendant de prendre un parti et allongée sur un canapé, regardant les lumières du petit port scintiller, ne pouvant me résoudre à réapparaître, triturant mon petit roman provisoire,je finis par m'endormir. Quand le frère de mon amie me réveille, tout le monde est parti. Je suis furieuse et humiliée d'avoir gâché ma "première surprise partie".
Par la suite je me suis affermie et j'ai mieux su accueillir ou refuser les demandes de partenaires en recherche de ce qui pouvait bien se cacher sous mon pull.

Photo Lilizen
J'oubliais, il faut plomber à son tour un petit camarade, krat, krat euh Sophie K ? Clopine ? Cactus ? JEA, parce que je crois qu'Anna de Sandre s'est déjà fait épingler, et puis elle vient de déménager, je ne voudrais pas abuser. A vos premières fois mais c'est pas obligé, hein chacun fait comme il veut.

mercredi 28 octobre 2009

Citations hétéroclites pour un jour d'automne ensoleillé


Certains pensent qu'ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait. Nicolas Bouvier L'usage du monde

« Peu d’hommes aiment longtemps le voyage, ce bris de toutes les habitudes, cette secousse sans cesse donnée à tous les préjugés. » (...) Mes premières patries ont été des livres. » Marguerite Yourcenar Mémoires d’Hadrien.

"Pourquoi cette phrase: apprendre à mourir? Je vois qu'on y réussit très bien la première fois".Une petite fille de douze ans citée par Chamfort

Un souvenir personnel posté aujourd'hui en commentaire chez Petite Racine,

"Maman tu es riche toi? Non mon chéri T'es pauvre alors. Ben non. J'ai compris, t'es tiède."
Un échange entre mon fils (trois ans) et moi (j'étais à des milliers de kilomètres, au téléphone). Cette question essentielle pour lui. Et sa conclusion. Tiède. Sans doute, oui. Ni désireuse de posséder des millions, mais peu tentée par la pauvreté. La classe quoi ! Moyenne...

Photo Henri Zerdoun


dimanche 25 octobre 2009

Le vent des blogs 31.Petite collation sur le gaillard d'avant


Au menu du jour
Pour commencer en apéritif Avishai Cohen pure merveille.

En amuse gueules, un petit pâté rentrée littéraire, facile à stocker dans l'armoire à condiments.

En trou normand, Le peuple de l'herbe

En plats principaux le choix entre plusieurs mets collectifs et quelques individuels.
Les "femmes dégagées", ainsi se nomment-elles, mesclun de bonnes feuilles pleines de sève et fortes en bouche.
La fricassée de fourmis au sein d'une Tempête dans un encrier recettes à plusieurs mains dont celles de Manu Causse très occupé à ne pas perdre sa vie en la gagnant .
La purée à la québécoise qui est un peu spéciale mais vaut pour sa présentation illustrée et dont j'ai eu le fumet par l'intermédiaire du cyclopédiste (celui là je vous le recommande, roule ma poule roule)
La tête de lard à la Rimbus, très persillée

Au fromage un excellent Flipo, crémeux à souhait, après un prix qui encourage la production.

En dessert ce sera des madeleines de chez Dexter, à la crème avec pépites de chocolat. Attention prendre le temps, ça peut être étouffe chrétien, cependant ne pas négliger la petite dernière.

Pour la boisson consulter la carte des vins Henri Lhéritier, recommandé par Michel Onfray soi-même.

Au café vous prendrez bien un Mollat, genre de digestif sans verveine.

Si ça vous tente la TV pourquoi pas mais alors pas n'importe laquelle.

Après ça vous pouvez vous allonger dans une bergère et écouter Water Music (merki Sophie K)

Je vous sens un peu ballonné, ça va aller ? Il vous reste à tester une aimable bizarrerie, un piano qui réenchante le métro ou comment inciter les gens à monter les escaliers plutôt que de se tenir comme bestiaux à l'abattoir sur les escaliers roulants (pourquoi ne pas supprimer les escaliers roulants?). Ca devrait accélérer la digestion
Ils sont fous ces Suédois!

Illustration Hiroshige.

vendredi 23 octobre 2009

Dans quel état j'erre


Tout être en introspection, au lieu d'atteindre à cette simplicité qu'on dit la clé de la félicité, s'empêtre au contraire dans la complexité. Se plaçant en observateur de lui-même, il ne tarde pas à en être le juge, dissociant en lui l'acteur et le voyeur. L'un obéit à ses déterminismes plus ou moins acclimatés, l'autre pèse les opportunités et les erreurs à l'aune d'une éthique, collage hétéroclite d'influences oubliées, de mythes amputés, de superstitions éventées, de théories incertaines, de normes approximatives, de remords parcheminés, de peurs maquillées en audaces. C'est ce qu'il nomme pompeusement sa conscience.

Photo : Caïn, sculpté par Giovanni Dupre (Musée de St. Pétersbourg) Wikipédia